Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème Chambre, 17 janvier 2012, 10VE04145

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
  • Numéro d'affaire :
    10VE04145
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Montreuil, 14 octobre 2010
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000025385415
  • Rapporteur : M. Franck LOCATELLI
  • Rapporteur public :
    M. BRUNELLI
  • Président : M. BRESSE
  • Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Versailles
2012-01-17
Tribunal administratif de Montreuil
2010-10-14

Texte intégral

Vu la requête

, enregistrée le 29 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CREDIT LYONNAIS dont le siège est 18, boulevard de la République à Lyon (69002) par Me Rivière-Durieux, avocat à la Cour ; la société CREDIT LYONNAIS demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 0902989 en date du 14 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au versement des intérêts moratoires ayant couru sur le dégrèvement prononcé par l'administration par décision en date du 24 octobre 2006, eux-mêmes productifs d'intérêts au taux légal, ainsi qu'à la restitution de la fraction non éteinte de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelle et temporaire assises sur cet impôt dus au principal dont elle s'est acquittée au titre de l'année 1999, assortie des intérêts moratoires, formant eux-mêmes intérêts au taux légal ; 2°) de prononcer le versement des intérêts moratoires et la restitution de la somme demandés ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient qu'elle peut à bon droit se prévaloir des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales pour contester l'imposition primitive sur laquelle a porté le redressement dès lors, d'une part, qu'elle s'est vue notifier des rehaussements d'imposition au titre de l'année 1999 pour plus de 94 millions d'euros et qu'elle a présenté, d'autre part, une réclamation le 23 décembre 2005 dans le délai spécial de réclamation prévu à cet article ; qu'elle peut également se prévaloir du délai général de réclamation prévu à l'article R. 196-1 pour contester les impositions complémentaires mises en recouvrement en 2004, au motif de l'existence d'un trop payé d'imposition primitive ; qu'elle est en droit d'obtenir la compensation de ce trop payé en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de la décision du Conseil d'Etat, Société Hallminster, en date du 16 avril 2008, que le Trésor public a, à tort, remboursé, sans son accord, prioritairement le principal de l'impôt plutôt que les intérêts moratoires et que, dès lors, le principal de l'impôt doit être regardé comme n'ayant pas été intégralement remboursé en temps utile ; qu'ainsi, l'Etat reste redevable d'une fraction non éteinte du principal de l'impôt, du versement d'intérêts moratoires ainsi que des intérêts ayant courus sur ces intérêts ; qu'en effet, le premier versement du Trésor effectué, le 18 août 2008, pour la somme de 16 714 euros, est réputé avoir porté sur les intérêts moratoires et que le second, effectué le 17 novembre 2008, pour la somme de 83 566 euros, a porté sur les intérêts moratoires courus entre le 18 août et le 17 novembre 2008 calculés sur la fraction non remboursée du principal ; .......................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code

général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2011 : - le rapport de M. Locatelli, premier conseiller, - et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Considérant que

la société CREDIT LYONNAIS, société mère, et, à ce titre, seule redevable de l'impôt, d'un groupe fiscal intégré au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts, dont la société Franclim est également membre, s'est acquittée, au titre de l'année 2000, de cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelle et temporaire assises sur cet impôt, à concurrence du rehaussement d'impositions dont la société société Franclim avait été l'objet à la suite d'une vérification de comptabilité et qui portait sur la réintégration, dans ses résultats, de la fraction d'une perte réalisée en 1999 par la SNC Delizy, dont elle possédait 21 % du capital, au motif que cette perte aurait dû être imputée au titre de l'exercice de réalisation, et non au titre de l'exercice clos en 2000 ; que la réclamation présentée par la société CREDIT LYONNAIS, le 23 décembre 2005, par laquelle elle demandait l'imputation de la perte sur le bénéfice imposable de la société Franclim au titre de l'exercice clos en 1999, a été rejetée le 11 janvier 2006 en tant qu'elle était irrecevable ; qu'alors que, le 14 mars 2006, la société CREDIT LYONNAIS avait introduit une requête devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'administration a, toutefois, prononcé, d'office, en cours d'instance, le dégrèvement d'une somme de 100 280 euros correspondant à la prise en compte de ladite perte dans le bénéfice de la société Franclim, sans assortir cette somme du versement d'intérêts moratoires ; qu'estimant que la requête était devenue sans objet, le président délégué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, le 16 juillet 2008, pris une ordonnance de non-lieu à statuer ; que, par une nouvelle réclamation en date du 3 décembre 2008, la société CREDIT LYONNAIS a demandé le bénéfice du versement d'intérêts moratoires en se prévalant des paragraphes 2 et 3 de la documentation administrative de base référencée 13 0-1511 du 30 avril 1996 ; que sa réclamation ayant été rejetée le 12 janvier 2009, la société CREDIT LYONNAIS a introduit, le 16 janvier 2009, une demande devant le Tribunal administratif de Montreuil pour obtenir non seulement le versement desdits intérêts moratoires et des intérêts sur le montant ainsi dégrevé, mais également la restitution de la fraction des droits au principal, qu'elle estimait non éteinte au motif que les deux paiements successifs du Trésor intervenus, le 18 août 2008, pour la somme de 16 714 euros et, le 17 novembre 2008, pour la somme de 83 566 euros, avaient d'abord porté sur le principal de l'impôt alors qu'ils doivent prioritairement s'imputer sur les intérêts moratoires lorsque le contribuable n'a pas accepté leur imputation sur le principal ; que, par un jugement du 14 octobre 2010, dont la société CREDIT LYONNAIS relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; Sur l'application de la loi fiscale : Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à défaut de réclamation régulière présentée par le contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsqu'ils sont accordés à la demande de celui-ci ; Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement et qu'aux termes de l'article R 196-3 du même livre : Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ; Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales que le contribuable ayant fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations et que la société mère d'un groupe fiscalement intégré a, en tant que redevable unique des impositions du groupe, qualité pour contester, dans ce délai, les impositions primitives et supplémentaires découlant de l'activité d'une filiale, membre du groupe, qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ; qu'en revanche, la circonstance que la société mère fasse elle-même l'objet d'une procédure de reprise, à raison de ses propres impositions, au titre d'une année, ne lui confère pas le droit de contester les impositions primitives assises sur les bénéfices de sa filiale lorsque cette dernière n'a pas fait elle-même l'objet d'une procédure de reprise, à raison de ses propres bénéfices, au titre de la même année ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Franclim, filiale de la société requérante, n'a fait l'objet d'aucune procédure de reprise ou de rectification au titre de l'année 1999 et que, dans ces conditions, la société CREDIT LYONNAIS n'était pas recevable à réclamer, sur le fondement de l'article R. 196-3 précité, une réduction des cotisations primitives à l'impôt sur les sociétés et aux contributions temporaire et additionnelle assises sur cet impôt auxquelles sa filiale avait été assujettie au titre de l'année 1999 ; qu'est sans influence à cet égard la circonstance que la société CREDIT LYONNAIS, société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 233 A du code général des impôts, ait elle-même fait l'objet de rehaussements d'imposition la concernant en propre au titre de l'année 1999 sans lien avec les impositions dues par sa filiale ; Considérant, d'autre part, que si, en vertu des dispositions du a) et du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la société CREDIT LYONNAIS était recevable à contester jusqu'au 31 décembre 2006 les suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été notifiés le 29 novembre 2002 et avaient été mis en recouvrement le 29 février 2004, un tel délai ne saurait, en tout état de cause, se confondre, ni, par voie de conséquence, rouvrir le délai de réclamation dans lequel la société pouvait contester les impositions primitives à l'impôt sur les sociétés et aux contributions temporaire et additionnelle assises sur cet impôt dont elle s'est spontanément acquittées au titre de l'année 1999, en tant que société mère, seule redevable de l'impôt du groupe fiscal intégré et qui, en vertu du b) de l'article R. 196-1, expirait le 31 décembre 2002 ; que, dès lors, la réclamation en date du 23 décembre 2005 de la société CREDIT LYONNAIS était tardive et, par suite, irrecevable tant au regard des dispositions de l'article R. 196-1 qu'au regard des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ; Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ; qu'aux termes de l'article L. 205 du même livre : Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ; Considérant que si un contribuable peut à tout moment de la procédure, y compris devant les juges du fond, demander à bénéficier, en application des dispositions précitées des articles L. 203 et L. 205 du livre des procédures fiscales, d'une compensation, et ce alors même que le délai de réclamation serait expiré, ce n'est que dans la limite de l'imposition qu'il a régulièrement contestée ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est tardivement et, par voie de conséquence, irrégulièrement que la société CREDIT LYONNAIS a demandé la réduction des impositions primitives de sa filiale au titre de l'année 1999, la société Franclim ; qu'ainsi, la société CREDIT LYONNAIS ne peut utilement soutenir que sa réclamation aurait néanmoins été régulière pour l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales du seul fait de l'exercice de son droit à compensation ; Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale : Considérant qu'aux termes de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; que si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations ; Considérant que, pour demander le versement d'intérêts moratoires, la société CREDIT LYONNAIS se prévaut des paragraphes n° 2 et 3 de la documentation administrative de base référencée 13 O-1511 du 30 avril 1996, selon lesquels : Si le dégrèvement consécutif à une condamnation de l'Etat devant la juridiction compétente entraîne un remboursement, il ouvre droit au paiement des intérêts à raison de l'impôt remboursé ayant fait l'objet de la requête. / Il en est de même lorsque, à défaut de condamnation explicite de l'Etat, le dégrèvement est prononcé d'office par l'administration pendant l'instruction des demandes soumises auxdites juridictions ; que, toutefois, il ne résulte d'aucune prévision de cette doctrine que l'administration serait tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle prononce, dans le cas où le contribuable n'a pas été en mesure de présenter une réclamation régulière ; que, par suite, la société CREDIT LYONNAIS ne peut, en tout état de cause, se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base référencée 13 O-1511, qui ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale sur le point en litige ; Considérant, dès lors, qu'en l'absence de réclamation régulière, l'administration pouvait, comme elle l'a fait, refuser à la société CREDIT LYONNAIS le versement des intérêts moratoires et des intérêts sur ces intérêts qu'elle sollicitait au titre du dégrèvement prononcé d'office par l'administration pour une somme de 100 280 euros ; qu'en l'absence d'intérêts dus par l'administration, doit également être rejetée, par voie de conséquence, la demande de restitution d'une fraction du principal de l'impôt qu'elle estimait, à tort, non entièrement éteinte par le remboursement de la somme dégrevée de 100 280 euros ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CREDIT LYONNAIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société CREDIT LYONNAIS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société CREDIT LYONNAIS est rejetée. '' '' '' '' N° 10VE04145 2