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Cour d'appel de Rouen, 19 septembre 2024, 23/00471

Mots clés
Relations du travail et protection sociale • Relations individuelles de travail • Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Synthèse

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Résumé

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Texte intégral

N° RG 23/00471 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJDZ COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE

ARRET

DU 19 SEPTEMBRE 2024 DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 09 Janvier 2023 APPELANTE : S.N.C. DARTY GRAND OUEST [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Mélanie FONTAINE-HALLE, avocat au barreau de NANTES INTIMÉ : Monsieur [J] [U] [Adresse 3] [Localité 4] représenté par M. [I] [S], défenseur syndical COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Juillet 2024 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIDEAULT, Présidente Madame ALVARADE, Présidente Madame POUGET, Conseillère GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme WERNER, Greffière DEBATS : A l'audience publique du 04 juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 septembre 2024 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé le 19 Septembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière. Exposé du litige : M. [J] [U] (le salarié) a été engagé par la société Darty (la société) en qualité de magasinier par contrat de travail à durée déterminée à compter du 16 mai 1994. Le 20 février 1995, la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée dans les mêmes conditions. Courant 1997, M. [U] a été victime d'un accident de travail. A compter du 1er juin 1998, après avoir été déclaré inapte à son poste, il a été reclassé sur un poste d'installateur antennes. Le 10 avril 2001, le médecin du travail l'a déclaré inapte à ce poste et indiqué qu'une « reconversion » était « urgente ». Le 16 juillet suivant, la société a adressé au salarié un avenant à son contrat de travail pour occuper un poste de magasinier. Elle a réitéré cette démarche le 4 décembre 2001. Entre temps, le médecin du travail a notamment émis des réserves sur le poste de magasinier pièces détachées, préconisé l'absence de manutention et de port de charges lourdes et, à la suite d'une rechute d'accident du travail, il a, par avis des 29 octobre et 8 novembre 2001, maintenu l'inaptitude au poste d'antenniste. Le 20 décembre 2001, le salarié a fait part de son refus d'occuper ce poste en raison du coefficient appliqué (170) qu'il considérait comme insuffisant, demandant à son employeur de le revaloriser en prenant en compte son « évolution de carrière sans discrimination ». Le coefficient a été porté par l'employeur à 180. Le 20 février 2002, l'Inspection du travail a écrit à la société pour lui demander de régulariser la situation du salarié à compter du 8 novembre 2001 correspondant au jour de la seconde visite médicale. En 2002, M. [U] a été élu conseiller prud'hommal au conseil de prud'hommes de Rouen. Le 1er août 2013, le contrat de travail a été transféré à la SNC Darty Ouest qui, par courrier du 5 février 2014, a mis en demeure le salarié de justifier de son absence. Par ordonnance du 14 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Louviers, statuant en matière de référé, a : Ordonné le paiement d'une provision de 3 500 euros net de CSG et CRDS pour non-respect de l'obligation de sécurité, Ordonné le paiement d'une provision de 4 000 euros net de CSG et CRDS pour Ordonné le paiement d'une provision de 3 500 euros net de CSG et CRDS pour non-respect de l'obligation de sécurité, Ordonné le paiement d'une provision de 4 000 euros net de CSG et CRDS pour l'ensemble des demandes de M. [U], Condamné la société au paiement d'une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, S'est déclaré incompétent sur la demande de rappel de salaire, Dit que sa décision serait transmise au Procureur de la République de Rouen, Débouté les parties et le syndicat CGT de ses autres demandes, Condamné la société aux dépens. Le 6 juin 2014, le médecin du travail a déclaré M. [U], inapte temporairement au poste de magasinier pièces détachées. A la suite de l'avis du médecin du travail du 24 novembre 2014 portant aptitude avec réserves, la société a proposé au salarié d'occuper les fonctions d'employé administratif services. Ce dernier a contesté ledit avis auprès de l'Inspecteur du travail qui a confirmé l'aptitude avec réserves dans sa décision du 20 mars 2015. Le salarié a contesté cette décision dans le cadre d'un recours hiérarchique devant le Ministre du travail. Le 27 juillet 2015, le Ministre du travail a annulé la décision du 20 mars 2015 de l'Inspecteur du travail en raison d'une illégalité l'entachant. Le 9 février 2015, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel entretien a été reporté au 18 février suivant. Compte tenu de la décision ministérielle, le 30 mars 2015, la société a indiqué au salarié qu'il était attendu à son poste de travail selon des horaires indiqués. Les 6 et 20 mai 2015, la société a mis en demeure le salarié de justifier de son absence à son poste. Le 3 juin 2015, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le 24 juin suivant, la société a sollicité de l'Inspection du travail l'autorisation de licencier M. [U], laquelle lui a été accordée par décision du 28 juillet 2015, si bien qu'il a été licencié par la société. Toutefois, l'autorisation considérée a été annulée par décision du Ministre du travail du 25 mars 2016 et le salarié a été réintégré. Au mois de septembre, il a été attribué au salarié le bénéfice d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie. A la suite d'une visite médicale du 8 décembre 2016, le salarié a été déclaré inapte pour danger immédiat. La société Darty Grand-Ouest a alors demandé une autorisation de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, laquelle lui a été refusée par l'Inspection du travail le 7 juillet 2017. Cette dernière décision a été annulée par le Ministre du travail qui, le 6 mars 2018, a autorisé le licenciement de M. [U]. Aucun recours n'a été formé à l'encontre de cette décision. Le salarié a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 19 mars 2018. Par requête du 15 mars 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen, lequel a par décision du 11 janvier 2021, ordonné le dépaysement de l'affaire devant celui de Louviers. Le 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a considéré que le syndrome dépressif déclaré par le salarié le 27 mai 2016 était une maladie professionnelle qui devait être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Cette décision a été confirmée par la présente cour dans son arrêt du 24 mai 2024. Par jugement du 9 janvier 2023, le conseil de prud'hommes a : - « dit que le licenciement de M. [U] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et était nul et de nul effet et relevait de harcèlement moral et de discrimination syndicale », - ordonné sa réintégration au sein de la société, - condamné la société à lui verser les sommes suivantes : - dommages et intérêts en application de l'article L. 2422-4 du code du travail : 27 000 euros net, - dommages et intérêts pour sanctions pécuniaires injustifiées : 5 000 euros net, - dommages et intérêts pour absence de formation : 5 000 euros net, - dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 80 000 euros net, - dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros net, - indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros, - ordonné le paiement des salaires entre le licenciement et la reprise effective au sein de la société Darty Grand-Ouest, - ordonné la délivrance de bulletins de paie entre le licenciement et la reprise effective au sein de la société Darty Grand-Ouest, - débouté M. [U] de sa demande au titre des compléments de salaire prévoyance et conventionnels, - dit qu'il n'y avait pas lieu à astreinte pour la réintégration, - ordonné l'exécution provisoire en application de l'article R1454-28 du code du travail, - débouté la société Darty Grand-Ouest de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la société Darty Grand-Ouest aux entiers dépens et frais d'exécution de la présente décision ainsi qu'aux éventuels honoraires d'huissier. Le 7 février 2023, la société Darty Grand-Ouest a interjeté appel de ce jugement. Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Darty Grand-Ouest demande à la cour de : - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la régularité de l'avis d'inaptitude et de la procédure de licenciement ainsi qu'en ce qu'il a rejeté les exceptions de procédure et fin de non-recevoir soulevées par la société Darty Grand-Ouest et déclaré recevable M. [U] en ses demandes, - infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement nul, qu'il relevait de harcèlement moral et de discrimination syndicale, a ordonné la réintégration du salarié, l'a condamnée à différentes sommes et aux dépens, a ordonné le paiement des salaires entre le licenciement et la reprise effective au sein de la société Darty Grand-Ouest, ainsi que la délivrance de bulletins de paie sur cette même période, - le confirmer en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande au titre des compléments de salaire prévoyance et conventionnels, Statuant à nouveau, - en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, déclarer irrecevables les demandes nouvelles de M. [U] formées dans ses conclusions du 13 juin 2024, à savoir celles portant paiement d'une somme de 78 000 euros pour nullité de la rupture pour réparation de la perte d'emploi, doublement de l'indemnité légale de licenciement et paiement de trois mois d'indemnité compensatrice de préavis. - déclarer le juge judiciaire incompétent pour statuer sur les demandes de M. [U] visant à critiquer la légalité de la décision administrative du 6 mars 2018 autorisant son licenciement, - en conséquence, « déclarer irrecevables les demandes d'absence de cause réelle et sérieuse, de nullité du licenciement ainsi que la demande de réintégration formées par M. [U], ainsi que les demandes subséquentes », - en l'absence de justificatif, débouter M. [U] de sa demande d'indemnisation au titre de l'article L. 2422-4 du contrat de travail ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts pour sanctions pécuniaires injustifiées, absence de formation, discrimination syndicale et harcèlement moral, - à titre subsidiaire, ramener les indemnisations à de plus justes proportions et rejeter celle formée au titre du harcèlement moral, Si les demandes subsidiaires formées par M. [U] devaient être déclarées recevables, - débouter M. [U] de ses demandes d'indemnisation au titre de « la nullité de rupture pour réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi », Subsidiairement, les ramener à de plus justes proportions, - débouter M. [U] de ses demandes liées à la reconnaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude, A titre subsidiaire, ramener l'indemnité équivalente au préavis à la somme de 3 753, 28 euros bruts, - condamner M. [U] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Par dernières écritures enregistrées au greffe le 13 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, M. [U] demande à la cour de : - juger que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il était nul et de nul effet, - condamner la société Darty Grand-Ouest au paiement des sommes suivantes : - dommages et intérêts en application de l'article L. 2422-4 du code du travail : 27 000 euros net, - dommages et intérêts pour sanctions pécuniaires injustifiées : 5 000 euros net, - dommages et intérêts pour absence de formation : 5 000 euros net, - dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 80 000 euros net, - dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros net, - indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros, - le paiement des salaires entre le licenciement et la reprise effective au sein de la société Darty Grand-Ouest, - les compléments de salaire prévoyance et conventionnels que la société devra recalculer après une déclaration de sinistre auprès du régime de prévoyance, - la délivrance de bulletins de paie entre le licenciement et la reprise effective au sein de la société Darty Grand-Ouest, - « la délivrance de la preuve des versements de cotisations sociales sur la période de rappel de salaire (CPAM, Carsat, complémentaire retraite) et préjudice futur », - ordonné sous astreinte de 500 euros par jour de retard sa réintégration, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte, - débouté la société Darty Grand-Ouest de ses demandes et la condamner aux dépens, A titre subsidiaire, si la cour devait ne pas réintégrer M. [U], - condamner la société Darty Grand-Ouest à lui verser les sommes suivantes : - nullité de la rupture pour la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi : 78 000 euros, - indemnité légale de licenciement : 13 345 euros, - indemnité compensatrice de préavis : 5 629,92 euros brut. L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2024.

Motifs de la décision

: Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Il n'est pas discuté par l'intimé qui se limite à opposer les dispositions inopérantes de l'article L. 4624-7 du code du travail, qu'il n'a formé ses demandes portant paiement d'une somme de 78 000 euros au titre de la nullité de la rupture pour réparation de la perte d'emploi, doublement de l'indemnité légale de licenciement et paiement de trois mois d'indemnité compensatrice de préavis que dans ses conclusions du 13 juin 2024, celles-ci n'apparaissant pas dans ses premières écritures du 8 août 2023. Or, selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, de sorte que lesdites demandes doivent être déclarées irrecevables. Sur la compétence du juge prud'homal Il est constant, comme le fait valoir l'appelante, qu'en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier la régularité de la procédure d'inaptitude, le respect par l'employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement et ce, quand bien même l'intimé persiste à contester ces éléments. Par conséquent, c'est à tort que les premiers juges ont retenu leur compétence et considéré le licenciement de l'intimé comme étant sans cause réelle et sérieuse, la décision déférée est infirmée sur ce chef. En revanche, l'autorisation administrative considérée ne fait pas obstacle à ce que le salarié protégé fasse valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à l'existence d'une discrimination syndicale ou d'un harcèlement moral. Aussi, l'intimé est recevable à solliciter la nullité de son licenciement sur ce fondement ainsi que la réintégration qui en découlerait. La décision déférée est, par conséquent, confirmée sur ce dernier point. Sur la nullité du licenciement en application de l'article L. 1226-2 du code du travail Evoquant tout à la fois l'inaptitude constatée par le médecin du travail au poste d'antenniste en avril 2001, que les restrictions médicales ultérieures et l'avis du 8 décembre 2016 l'ayant déclaré inapte au poste d'employé administratif sédentaire sans viser l'origine professionnelle de son inaptitude, le salarié soutient, à plusieurs reprises, que son employeur n'aurait pas respecté la procédure de reclassement prévue par le texte susvisé puisqu'il n'a jamais signé de contrat de travail pour les postes sur lesquels il a, par suite des avis, exercés. Il considère que la visite de reprise, vraisemblablement celle de décembre 2016, n'est pas « licite » et, partant, que son contrat de travail est toujours suspendu et par conséquent, que son licenciement intervenu le 19 mars 2018 est nul. La cour entend rappeler que le licenciement de l'intimé a été autorisé par l'administration du travail qui a vérifié que l'inaptitude était réelle et justifiait la rupture de son contrat de travail, que cette décision est aujourd'hui définitive comme l'avis d'inaptitude critiqué qui n'a pas été contesté par le salarié et enfin, que l'absence de signature d'avenants à son contrat de travail concernant les postes de reclassement n'a pas pour conséquence, en toute hypothèse, la nullité du licenciement. Pour l'ensemble de ces raisons, ce moyen ne peut qu'être écarté. Sur la demande formée au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail L'article L. 2422-4 dispose que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. En l'espèce, il convient de constater que cette prétention concerne le premier licenciement intervenu le 10 août 2015 pour lequel l'autorisation administrative a été ultérieurement annulée par décision ministérielle du 25 mars 2016, le salarié ayant été réintégré le 29 avril 2016. Il n'est pas utilement discuté par la société qu'elle n'a pas réglé d'autre somme que l'indemnité de licenciement et n'a pas procédé à une quelconque régularisation ultérieure. Si elle fait valoir que l'indemnité versée n'a pas été remboursée par le salarié lors de sa réintégration, elle indique également que lors du second licenciement, elle n'a versé qu'une indemnité complémentaire à ce titre, de sorte qu'il n'y a lieu ni de tenir compte de ladite somme versée en 2015, ni de prétendus revenus de remplacement allégués par l'employeur au soutien de sa demande de rejet voire de diminution de la prétention formée à ce titre par le salarié. En outre, à la lecture du texte ci-dessus rappelé, cette demande a un caractère indemnitaire visant à réparer tant le préjudice matériel que moral subi par le salarié et non salarial, comme le soutient à tort l'appelante. Par conséquent, eu égard aux pièces produites par le salarié et notamment aux salaires perçus précédemment à cette période, il convient de lui allouer la somme de 18 000 euros, la décision déférée est infirmée sur ce chef. Sur la demande de dommages et intérêts pour sanctions pécuniaires injustifiées Il résulte des pièces produites que si le salarié allègue de « sanctions pécuniaires injustifiées », il n'en rapporte pas la preuve se limitant à produire des bulletins de salaire de novembre 2013, de janvier 2014 et d'octobre à février 2017, faisant état de « retenues » au titre d'absences non payées dont le caractère injustifié n'est, au surplus, pas démontré. En effet, l'intimé ne peut se retrancher derrière ses fonctions de conseiller prud'homal pour soutenir, sans autre élément, que les retenues appliquées l'étaient nécessairement à ce titre. De plus, c'est à raison que la société fait valoir que sous couvert d'une demande de dommages et intérêts, le salarié tente de contourner la prescription triennale de l'article L.3245-1 applicable en matière de rappel de salaire. Enfin et surtout, M. [U] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice financier dont il serait fondé à obtenir réparation, étant observé qu'il ne forme pas de demande de rappels de salaire. La décision déférée est infirmée sur ce chef. Sur l'obligation d'adaptation L'article L. 6321-1 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 employant au moins cinquante salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme. Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1 ; Se référant à ce texte, le salarié fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation d'adaptation et « de maintien à occuper un emploi sur sa personne durant 17 ans », sans autre développement, notamment, en ce qui concerne les répercussions professionnelles du manquement allégué. Dans ces conditions, la cour constate que si l'employeur conclut au rejet des demandes, il ne justifie pas avoir rempli l'obligation légale mise à sa charge mais que pour autant, le salarié n'évoque, ni ne justifie d'un quelconque préjudice à ce titre. Par conséquent, la décision déférée est infirmée sur ce chef et la demande indemnitaire formée est rejetée. Sur la discrimination syndicale En application des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'état de santé ou l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline, et de rupture du contrat de travail. L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige survenant en raison d'une méconnaissance des règles de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens du droit communautaire. C'est au vu de ces éléments, qu'il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination. Aux termes de ses écritures relatives à ce moyen (pages 29-30), le salarié soutient qu'il a été victime de discrimination syndicale en raison de son mandat de conseiller prud'homal et de son appartenance à la CGT. Il fait valoir que la société a « suspendu sa rémunération bien après la période d'un mois », sans autre précision temporelle alors que la relation contractuelle litigieuse porte sur la période de 2001 à 2016 avec de nombreux arrêts de travail et qu'il n'appartient pas à la cour de déterminer et de rechercher l'éventuel manquement évoqué. Il indique également qu'il a fait l'objet de sanctions disciplinaires que les précédents développements n'ont pas établies, qu'il a occupé un poste sans contrat de travail, qu'il a fait l'objet de trois procédures de licenciement dont deux disciplinaires, que la société a fait l'objet de quatre condamnations pour discrimination syndicale, qu'il n'a jamais bénéficié de formation, qu'il n'a pas été informé des méthodes et techniques d'évaluation professionnelle mises en 'uvre à son égard, qu'il a été privé de son droit d'expression et que la société ne produit pas un registre unique du personnel « licite ». Concernant ce dernier point, la société justifie de la communication dudit registre au salarié, lequel n'explicite pas le lien de causalité entre ce document et une éventuelle discrimination. Par ailleurs, il résulte des pièces produites que le salarié a été reclassé en 2001 selon la procédure applicable en cas d'inaptitude d'origine professionnelle avec la consultation des délégués du personnel. S'il est exact qu'il n'a pas signé l'avenant concernant le poste de magasinier pièces détachées, il s'infère toutefois des courriers échangés qu'il a accepté le reclassement sur ce poste qu'il a intégré le 26 décembre 2001, la discussion portant sur le coefficient applicable que l'employeur a accepté de revoir après la période de formation de 4 mois. Le salarié n'a d'ailleurs avancé l'argument relatif à l'absence de reclassement qu'en février 2014, alors même que son reclassement sur ledit poste était effectif depuis 13 ans et qu'il apparaissait en tant que tel sur tous les avis du médecin du travail. Au surplus, à la date du reclassement, la société fait justement valoir que le salarié n'était pas encore conseiller prud'homal. Il ne justifie effectivement pas de l'existence d'un mandat antérieur à cette date alors qu'il évoque une suppléance en tant que délégué du personnel et que la société ne fait référence qu'au seul mandat prud'hommal. Concernant les procédures de licenciement, la cour constate que la société en a réellement mise en 'uvre deux. L'une en 2015 pour laquelle l'administration du travail a donné son autorisation de sorte qu'elle n'a relevé aucun lien entre la procédure de licenciement et le mandat syndical. Si cette autorisation a été, par la suite, annulée c'est uniquement pour des raisons procédurales puisque l'avis d'inaptitude a été annulé. Quant à l'autre procédure diligentée en 2017/2018, elle a également fait l'objet d'une autorisation administrative de licenciement qui n'a pas été contestée. Aussi, pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus, il en résulte que l'administration n'a pas retenu l'existence de faits de discrimination syndicale entourant la seconde demande d'autorisation de licenciement, de sorte qu'il n'appartient pas à la cour, en raison du principe de la séparation des pouvoirs, de se prononcer sur ce point. Par ailleurs, si le salarié allègue également qu'il n'a pas été informé des méthodes et techniques d'évaluation professionnelle mises en 'uvre à son égard sans expliciter cet argument dans ses écritures relatives au moyen tiré de la discrimination, il convient de rappeler que l'obligation légale de tenue d'un entretien d'évaluation tous les deux ans n'existe que depuis la loi du 5 mars 2014. Dès lors, le premier entretien du salarié devait intervenir, au plus tard, en 2016, période à laquelle il a été réintégré mais n'a pas repris son poste de travail puis il a été déclaré inapte le 9 décembre 2016. Concernant la privation de son droit d'expression, l'intimé ne développe pas ce point et il n'appartient pas à la cour de rechercher dans ses écritures les éléments factuels qui établiraient éventuellement sa matérialité. Quant au manquement à l'obligation de formation de l'employeur évoquée par l'intimé, s'il a été précédemment jugé que l'employeur a manqué à son obligation d'adaptation du salarié à l'emploi, cet élément ne permet pas, à lui seul, d'établir un fait discriminatoire. En effet, il n'est ni allégué, ni justifié de ce que le salarié aurait sollicité une formation durant la relation contractuelle et l'exercice de son mandat syndical, laquelle lui aurait été refusée et, ce sans raison, par la société. Enfin, la condamnation de la société par la cour d'appel de Caen pour des faits de discrimination syndicale concernant d'autres salariés ne démontre pas l'existence d'un « système organisé pour porter atteinte à l'ensemble des représentants syndiqués de la CGT », comme le soutient M. [U], pas plus qu'elle ne constitue un élément laissant présumer qu'il ait été personnellement victime d'une discrimination directe ou indirecte en relation avec son engagement syndical. Par conséquent, ces éléments, pris et appréciés dans leur ensemble, ne laissent pas présumer l'existence d'une discrimination syndicale, la décision déférée est infirmée sur ce chef et la demande formée à ce titre doit être rejetée. Sur le harcèlement moral Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel. L'article L. 1154-1 du même code, dans sa version postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au cas d'espèce prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, M. [U] soutient que la situation de harcèlement moral qu'il entend dénoncer résulte des agissements suivants : Absence de reclassement et privation des règles protectrices des accidents du travail durant 17 ans, Positionnement sur un poste fantôme, Reconnaissance du caractère professionnel du syndrome dépressif par le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen, Licenciement sans cause réelle et sérieuse et absence d'inaptitude puisque le poste n'a pas été « contractuellement occupé », « Pressions économiques » et multiplication des procédures disciplinaires. La cour ne peut que constater que ces éléments, à l'exception de ceux relatifs à un poste fantôme et à la décision du pôle social concernant la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, ont été examinés précédemment. Il a été considéré que soit leur matérialité n'était pas établie, soit qu'ils ne pouvaient pas être appréciés en raison du principe de la séparation des pouvoirs. Force est de constater qu'il en est de même du fait que la société se serait prévalue auprès de la médecine du travail, l'inspection du travail et le Ministère du travail, d'un « poste fantôme » dont l'intitulé n'est pas précisé. Aucun élément ne permet d'établir cette allégation. Quant à la décision de reconnaissance du syndrome dépressif déclaré par le salarié comme ayant un caractère professionnel, la cour rappelle que d'une part, celle-ci a seulement opposé la caisse primaire d'assurance maladie à l'intimé, l'employeur n'ayant pas été appelé à la cause puisque l'organisme de sécurité sociale avait rendu une décision de refus de prise en charge suite aux avis défavorables des deux comités régionaux de reconnaissance de maladie professionnelle, et d'autre part, qu'elle est sans incidence sur la juridiction prud'homale. En effet, l'appréciation portée par la juridiction de sécurité sociale dans sa décision sur certains des faits précédemment examinés, ne s'impose pas à la cour. Enfin, le salarié produit des ordonnances portant prescription médicamenteuse et des bulletins de situation. Ainsi, ces éléments n'établissent pas des faits répétés qui, pris et appréciés dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. La décision déférée est infirmée sur ce chef et la demande de dommages et intérêts formée à ce titre, rejetée. Sur les autres demandes Compte tenu de la solution du litige, il n'y a pas lieu d'ordonner la réintégration du salarié, le versement des salaires entre celle-ci et son licenciement et la délivrance des bulletins de salaire sur cette même période. Par ailleurs, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté le salarié de sa demande formée au titre des compléments de salaire de prévoyance et conventionnels, laquelle n'est ni explicitée, ni fondée, ni déterminée dans son montant. Pour les mêmes raisons, il y a lieu de débouter M. [U] de sa prétention relative à « la délivrance de la preuve des versements de cotisation sociale sur la période de rappel de salaire et de préjudice futur ». Sur les frais du procès L'appelante succombant, très partiellement à l'instance, il convient de la condamner aux dépens d'appel et la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles. Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter la demande formée par l'intimé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

: La cour, Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort, Déclare irrecevables les demandes subsidiaires portant paiement d'une somme de 78 000 euros au titre de la nullité de la rupture pour réparation de la perte d'emploi, doublement de l'indemnité légale de licenciement et paiement de trois mois d'indemnité compensatrice de préavis, Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Louviers du 9 janvier 2023, sauf en ce qu'il s'est considéré comme compétent pour statuer sur la nullité du licenciement et la demande de réintégration, en ce qu'il a débouté le salarié de sa prétention au titre des compléments de salaire (prévoyance et conventionnel) et en ses dispositions relatives aux dépens, Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant, Déclare irrecevable la demande visant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, Condamne la société à payer à M. [U] la somme de 18 000 euros au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail, Déboute M. [U] de toutes ses autres demandes, Déboute la société de sa prétention formée au titre de ses frais irrépétibles, La condamne aux dépens d'appel. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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