COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 06 FEVRIER 2015
Pôle 5 - Chambre 2 (n°20, 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10112
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 avril 2014 - Tribunal de grande instance de PARIS -3ème chambre 1ère section - RG n°12/13372
APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES Mme Vanessa B
S.A.S. S BRUNO, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé [...] 75011 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 409 180 296
S.A.R.L. TSUKI, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé [...] 75006 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 419 501 085 Représentées par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0079 Assistées de Me Pascal N, avocat au barreau de PARIS, toque E 700
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES S.A.S. FISO, exerçant sous le nom commercial paul & joe paris, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...]
S.A.R.L. MANEKI, exerçant sous le nom commercial paul & joe sister, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 75003 PARIS Représentées par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 804
COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, PrésidenteMme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole T
ARRET: Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Madame Vanessa B exerce la profession de styliste. Elle crée des vêtements féminins de prêt à porter et des accessoires de mode commercialisés sous les marques VANESSA BRUNO et ATHE VANESSA B.
La société SOLUNE -VANESSA B, ci-après la société SOLUNE, créée et dirigée par Madame Vanessa B, exploite les créations de cette dernière.
La société TSUKI, également créée et dirigée par Madame Vanessa B, possède trois magasins mono-marque à l'enseigne VANESSA BRUNO situés à Paris qui commercialisent les produits de la marque.
Les sociétés MANEKI et FISO sont toutes deux dirigées par Madame Sophie A.
La société MANEKI, exerçant sous le nom commercial 'PAUL & JOE SISTER', a notamment pour activité la vente de prêt-à-porter féminin.
La société FISO, exerçant sous le nom commercial 'PAUL & JOE PARIS ', a notamment pour activité l'importation, l'exportation, l'achat, la vente et la fabrication tant au détail qu'en gros d'articles de prêt-à- porter ; elle exploite le site de vente en ligne 'www.paulandjoe.com.
Madame Vanessa B indique être l'auteur d'une blouse créée en mars 2010 sous la référence A09003 pour sa collection ATHE VANESSA BRUNO P/E 2011, et présentée au mois d'octobre 2010 à l'occasion du défilé de présentation de cette collection.
La fabrication de cette blouse aurait été confié à la société japonaise TAMURAKOMA.Au mois de juin 2012, Madame Vanessa B a découvert que la société PAUL & JOE proposait à la vente tant dans ses boutiques que sur le site internet www.paulandjoe.com, trois vêtements de sa ligne 'sister ', soit une blouse référencée 'Missouri et deux robes portant la même référence 'Romysh, qui présenteraient les caractéristiques essentielles de la blouse référencée A09003.
C'est dans ces conditions, que Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI, dûment autorisées, ont fait pratiquer le 3 juillet 2012 une saisie contrefaçon au sein du magasin PAUL & JOE S situé [...] et sur le stand PAUL & JOE S situé au PRINTEMPS Hausmann à Paris.
Le 4 juillet 2012, la société SOLUNE et Madame Vanessa B ont fait effectuer un constat par Maître R, huissier de justice à Paris, sur le site intemet 'www. paulandjoe.com'.
Le 24 juillet 2012, la société SOLUNE et M BRUNO ont fait pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon au siège social de la société MANEKI 'PAUL & JOE S ' situé [...].
Par acte d'huissier du 1er août 2012, Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI ont fait assigner la société MANEKI devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire afin d'obtenir réparation de leurs préjudices ainsi que des mesures d'interdiction.
Par acte d'huissier du 7 octobre 2013, Madame Vanessa B, les sociétés SOLUNE et TSUKI ont fait assigner la société FISO aux mêmes fins et les procédures ont été jointes.
Par jugement en date du 3 avril 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a :
- déclaré Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI irrecevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur (sur) la blouse référencée A09003,
- débouté Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale envers la société MANEKI et la société FISO,
- rejeté les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive et en publication du jugement,
- condamné in solidum Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI à verser à la société MANEKI et la société FISO la somme de 3.000 euros à chacune des défenderesses, en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI aux dépens, dont distraction au profit de leur conseil.
Madame Vanessa B, la société SOLUNE et la société TSUKI ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 7 mai 2014.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 10 décembre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, Madame Vanessa B, la société SOLUNE VANESSA BRUNO et la société TSUKI demandent à la cour, au visa de la Directive (CE) 2004/48 et de son préambule, de l'article 5 § 3 du règlement (CE) n 44/2001 du 22 décembre 2000, des articles L 121.1, L 122.4, L331-1-3, L 335.2 et L 335.3 du Code de la Propriété Intellectuelle, ainsi que des articles
1154,
1382 et
1383 du code civil, et aux termes de différentes demandes de constats qui ne constituent pas des demandes en justice au sens du code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance du 3 avril 2014 en ce qu'il les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes et, statuant à nouveau :
A titre principal :
- dire et juger Madame Vanessa B recevable à agir en sa qualité d'auteur du modèle revendiqué,
- dire et juger la société SOLUNE recevable en son action,
- dire et juger la société TSUKI recevable en son action uniquement fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme,
- les déclarer bien fondées,
- dire et juger le modèle revendiqué original et protégeable par le droit d'auteur quel que soit son degré d'originalité,
- constater que les modèles de blouses référencés Missouri et de robes référencées Romysh constituent une reproduction servile pour le premier et par imitation quasi servile pour le second (sic), du modèle de blouse référencé A09003 crée par Madame Vanessa B et commercialisé par la société SOLUNE,
avant dire droit :
- faire injonction aux intimées de communiquer, sous astreinte de 1.500 euros par jour, l'ensemble des documents suivants :- l'ensemble des bons de commandes passés par MANEKI et/ou FISO à leurs fournisseurs, au titre des modèles de blouse ''Missouri et des modèles de robe 'Romysh dans l'ensemble de leurs versions et/ou en quelque coloris et/ou taille que ce soit,
- l'ensemble des documents d'importation et /ou de transit en France ou à l'étranger, à l'initiative de MANEKI et/ou FISO, et des factures d'achat des modèles de blouse et de robe litigieux en quelque version, coloris et taille que ce soit de ces produits litigieux,
- l'ensemble des contrats ou accords passés avec les fournisseurs, sous-traitants/ou fabricants /importateurs au titre des modèles de blouse 'Missouri'et de robes 'Romysh',
- l'ensemble des bons de livraison et factures correspondant aux ventes des modèles litigieux par MANEKI et/ou FISO, dans le monde entier, avec le détail des ventes en gros et au détail, par modèle, par coloris et par pays, avec pour les ventes en gros, la précision des ventes directes ou indirectes à des structures directement ou indirectement contrôlées par les intimées ou leurs actionnaires,
- le relevé des transactions réalisées depuis le site internet www.paulandjoe.com' sur les modèles litigieux,
- d'une manière générale, l'ensemble des documents comptables permettant d'établir le chiffre d'affaires ou les transactions réalisées sur les modèles de blouse 'Missouri et de robes 'Romysh dans et/ou en quelque version, coloris et taille que ce soit, dans le monde,
- dire et juger que ces documents devront être certifiés conformes et exhaustifs de l'ensemble des produits litigieux commandés, importés et/ou vendus par les
défenderesses, dans le monde entier, par leur commissaire aux comptes et à défaut
de commissaire aux comptes, par leur expert-comptable,
à titre principal, au fond :
- condamner in solidum les sociétés MANEKI et FISO au paiement de la somme de 200.000 euros à la société SOLUNE à titre de provision sur dommages et intérêts pour contrefaçon,
- condamner in solidum les sociétés MANEKI et FISO à payer à Mme Vanessa B la somme de 50.000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts pour violation de son droit moral,- condamner in solidum les sociétés MANEKI et FISO au paiement de 100. 000 euros à titre de dommages et intérêts à TSUKI pour concurrence déloyale et parasitaire, avec intérêts légaux et anatocisme à compter de l'assignation,
- débouter MANEKI de ses demandes reconventionnelles,
à titre subsidiaire :
- dire et juger que l'action en concurrence déloyale de SOLUNE, même fondée sur des faits identiques aux faits de contrefaçon devient recevable dans la mesure où l'action en contrefaçon a été rejetée,
- condamner in solidum les intimées au paiement de la somme de 150.000 euros à la société SOLUNE, à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitisme, avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter de la date de l'assignation,
en tout état de cause :
- condamner in solidum les intimées au paiement à chacune des appelantes une somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq magazines ou journaux au choix des appelantes, aux frais des intimées dans la limite de 5.000 euros par insertion,
- ordonner la publication in extenso de la décision à intervenir sur la page d'accueil du site internet ' www.paulandjoe.com' pendant une durée de douze mois,
- condamner les sociétés MANEKI et FISO en tous les dépens.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 11 décembre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, la société MANEKI et la société FISO entendent voir :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré Madame Vanessa B et les sociétés SOLUNE et TSUKI irrecevables à agir sur le fondement du droit d'auteur, les a déboutées de leur demande sur le fondement de la concurrence déloyale et les a condamnées in solidum à verser aux sociétés MANEKI et FISO une somme de 3.000 euros à chacune et aux entiers dépens de première instance,
pour le surplus,
- débouter les appelantes de l'intégralité de leurs demandes,- condamner les appelantes in solidum à une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisies-contrefaçon répétées et particulièrement abusives au bénéfice de MANEKI et une somme supplémentaire de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile au bénéfice de MANEKI et de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile au bénéfice de FISO,
- ordonner la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux au frais des appelantes condamnées in solidum et au choix de la société MANEKI, dans la limite de 5.000 euros par insertion et pendant un mois sur le site www.vanessabruno.com,
- condamner les appelantes in solidum aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de leur conseil.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2014.
SUR CE,
Sur la recevabilité à agir des appelantes
Considérant que se prévalant des dispositions de l'article
L 113-1 du code de la propriété intellectuelle, Madame Vanessa B indique être l'auteur d'une blouse sans manches créée en mars 2010 sous la référence A09003 pour la collection ATHE Vanessa BRUNO printemps/été 2011, présentée au public sous son nom au mois d'octobre 2010, et caractérisée comme suit :
- une blouse en fin coton et dentelle,
- une couleur unie,
- une encolure arrondie,
- sans manches,
- des emmanchures rondes,
- l'encolure et les emmanchures sont finies par un galon jour échelle, un biais dans la matière du modèle et une fine bande de dentelle de coton, qui évoquent discrètement le romantisme des ornements des vêtements féminins anciens et contraste avec l'effet de dépouillement du reste du vêtement,
- le bas de la blouse est orné d'une bande horizontale de broderie à motif végétal, bordée de deux jours échelle, d'une largeur de 2,5 cm, placée à 4, 5 cm du bas de la blouse qui évoque elle aussi, sans ostentation ni excès, le romantisme des ornements des vêtementsféminins anciens et contraste avec l'effet de dépouillement du reste du vêtement,
- la broderie est composée d'une alternance de fleurs à 7 pétales, d'une tige à 3 feuilles et d'une olive ; elle est bordée de deux jours échelle ; cette composition évoque les broderies anciennes,
- l'élément principal de la face avant consiste en un large plastron à plis nervurés obliques inspiré des chemises de smoking pour homme des années 50 et constitué de deux parties symétriques séparées par une bande de la broderie à jours échelle, qui féminise l'ensemble aux lieu et place de la patte de boutonnage de ces chemises ; il part de la ligne d'épaule et de l'encolure et descend en forme de V, moins classique que les formes en U ou en rectangle et couvre sur toute la poitrine,
- chaque partie du plastron est composée de 30 plis nervurés obliques de 5 mm,
-la face arrière est ornée de deux séries de 8 plis nervurés verticaux de 5 mm répartis symétriquement de chaque côté de l'ouverture, d'une largeur de 4 cm, chacune et qui évoquent eux aussi le romantisme et le raffinement des vêtements de nuit anciens pour femme,
- les plis nervurés du dos partent de l'encolure et descendent jusqu'à mi dos sur une longueur croissante de 20 cm pour les plis externes à 26 cm pour les plis internes pour former un petit V rappelant celui du plastron, puis se transforment en fronces,
- les fronces du dos s'évasent en forme de V inversé et prolongent les plis nervurés ;
Que la société SOLUNE indique quant à elle exploiter les droits patrimoniaux d'auteur sur ladite blouse depuis 2010, soit antérieurement à la mise en vente des vêtements incriminés, et agir ainsi à ce titre en contrefaçon de ses droits patrimoniaux ;
Que pour contester la recevabilité à agir des appelantes, sans distinction, sur le fondement de la contrefaçon de droits d'auteur, les sociétés MANEKI et FISO font valoir que Madame Vanessa B ne justifie pas être l'auteur du modèle revendiqué dès lors que celui-ci a été fourni à la société MANEKI par une société chinoise KUNOC qui en serait l'auteur, ce qu'attesterait le dirigeant actuel de cette dernière, Monsieur C dans la seule attestation versée aux débats qu'elles estiment fondée ;
Considérant qu'il y a lieu au préalable de relever que l'action de la société TSUKI est uniquement fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme ;Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré celle-ci irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur au même titre que Madame Vanessa B et la société SOLUNE, et de la déclarer recevable à agir en concurrence déloyale et en parasitisme dès lors que sa qualité de distributeur en France des produits VANESSA BRUNO n'est pas contestée ;
Qu'il est constant que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l''uvre est divulguée et que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;
Considérant en l'espèce, que les termes de la pièce n° 2 versée aux débats et de sa traduction produite en pièce n° 11, dont se prévalent les intimées, qui est constituée de cinq lignes manuscrites portées au verso d'une copie d'une photographie du dos d'un vêtement, et selon lesquels :
Ceci est notre échantillon initial que nous avons envoyé à Vanessa (illisible) pour (illisible) A09003 (pour référence). Nous avons également envoyé le même échantillon à Paul et à Joe S en 2010.
Ceci est notre fabrication.
[ tampon Kunoc (UK) Co Limited] une signature 14.11.2012'
ne sont pas de nature à établir les allégations des sociétés intimées selon lesquels la société KUNOC serait titulaire de droits d'auteur sur la blouse revendiquée par les appelantes ;
Qu'en effet le même Monsieur C a indiqué dans une autre attestation, dont une version est bien manuscrite et accompagné d'une pièce d'identité, d'une part, que la société KUNOC a débuté son activité le 1er octobre 2010, et d'autre part que 'le modèle A09003, dont deux photographies sont jointes (aux présentes) a été élaboré à partir du dessin et des indications techniques fournies à TAMURAKOMA CO LTD par VANESSA BRUNO S' ;
Que ces deux copies de photographies montrent bien le modèle revendiqué alors que la copie de la photographie annexée à la pièce n° 2 produite par les intimées montrent le dos, et uniquement ce dernier, d'un vêtement présentant manifestement des caractéristiques différentes ;
Qu'enfin l'attestation de l'expert-comptable de la société MANEKI ne fait état que d'ordre de fabrication du 27 septembre 2011des modèles Romysh et Missouri ;Qu'au contraire Madame VANESSA B et la société SOLUNE versent aux débats :
- un catalogue de la collection ATHE VANESSA BRUNO printemps/été 2011 montrant en page 12 le haut de la blouse revendiquée,
- une fiche technique de la blouse référence A09003 signée,
- des croquis du même modèle, datés du 25/03/2010,
- des échanges de courriels d'avril 2010 révélant que la société SOLUNE a passé commande à la société TAMURAKOMA de la réalisation du prototype du modèle revendiqué A09003 sur la base des fiches techniques, ainsi qu'un fichier Excel contenant le croquis du modèle revendiqué,
- des courriels adressés les 6 et 9 avril 2010 par la société TAMURAKOMA à la société SOLUNE lui demandant des mesures manquantes,
- des courriels de la société SOLUNE à la société TAMURAKOMA des 21 et 22 juin 2010 demandant des corrections au prototype,
- la réponse de la société TAMURAKOMA, en la personne de Monsieur C, du 22 juin 2010,
- des photographies des assemblages ainsi qu'un cahier de commentaires,
- des factures de la société TAMURAKOMA du 24 novembre 2010 au titre de la fabrication du modèle revendiqué, réglées par la société SOLUNE, le 21 décembre 2010, - l'attestation de Monsieur C selon lequel 'la société KUNOC a débuté ses activités le1er octobre 2010, il était auparavant employé par la société japonaise TAMURAKOMA et était en charge de la supervision de la fabrication des articles de prêt- à-porter confiée à la société par ses clients, notamment la société VANESSA BRUNO SOLUNE, il a supervisé la mise en 'œuvre d'un contrat n° 17240 entre TAMURAKOMA CO LTD (et non KUNOC) et la société VANESSA BRUNO, relatif à différents modèles de tops (...) provenant de la collection ATHE VANESSA BRUNO, à laquelle le modèle A09003 appartenait ('), le modèle A09003, (dont deux photographies sont jointes aux présentes), a été élaboré à partir du dessin et des indications techniques fournies à TAMURAKOMA CO LTD par VANESSA BRUNO S, en date du 5 avril 2010, ainsi que d'un tableau de mesures (...), TAMURAKOMA CO LTD a livré les articles le 26 novembre 2010 ; la facture date du 24 novembre 2010, et a été payée en décembre 2010, Le 26 avril 2010, nous avons fabriqué puis envoyé le premier échantillon réalisé à partir de la création deVANESSA B, VANESSA B nous a renvoyé ses corrections le 7 mai 2010, notamment concernant la forme et la taille des plis de l'avant de la chemise (shirt), nous avons procédé auxdites corrections puis envoyé un nouvel échantillon modifié conformément aux directions créatives de VANESSA BRUNO S le 10 juin 2010' ;
Considérant que l'ensemble de ces éléments précis et concordants, au demeurant corroborés par la pièce n° 3 produite par les intimées, intitulée contrat n° 17240 et sa traduction, qui ne sont contredits par aucun autre probant, suffisent à établir la recevabilité à agir en contrefaçon de droits d'auteur de la blouse revendiquée dans le cadre du présent litige de Madame VANESSA B et de la société SOLUNE, la première en qualité d'auteur de la blouse référencée A09003 et la seconde en qualité de titulaire des droits patrimoniaux ;
Sur le caractère protégeable de la blouse revendiquée au titre du droit d'auteur
Considérant que les sociétés intimées dénient, aux termes de leurs dernières écritures, toute originalité au modèle de blouse revendiqué pour solliciter la confirmation du jugement qui a déclaré irrecevable l'action en contrefaçon pour ce motif, et en tout état de cause le rejet des demandes ;
Qu'il convient sur ce point de rappeler que l'originalité requise est une condition de protection par le droit d'auteur et non pas une condition de recevabilité de l'action ;
Considérant que les dispositions de l'article
L.112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;
Que selon l'article
L.112-2, 14° du même Code, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure ;
Considérant que Madame Vanessa B et la société SOLUNE revendiquent des droits d'auteur sur une blouse référencée A09003 et dont les caractéristiques ont été exposées ci-dessus ;
Que pour en contester la protection au titre du droit d'auteur, les sociétés MANEKI et FISO soutiennent que les appelantes ne prennent pas la peine d'identifier le modèle de vêtement revendiqué en se contentant de le décrire (sic) ; qu'elles font en substance valoir que ladite blouse n'est pas le résultat d'une activité créatrice dès lors qu'elle ne fait que reprendre des éléments banals et anciens, déjà présents dans le modèle transmis par la société KUNOC, et appartenant au fonds commun de la mode féminine tels notammentles plis religieuses, les fronces sous les plis nervurés ou les broderies florales existant depuis 1900, et produisent à l'appui de leur argumentation divers extraits de sites internet montrant des chemises de nuit anciennes présentant selon elles les caractéristiques revendiquées ;
Considérant cependant qu'eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de l'absence de titularité des droits, doit être considéré comme inopérant ;
Qu'il résulte par ailleurs de l'examen des pièces versées aux débats que les chemises de nuit anciennes étaient en coton uni, avec ou sans manches, et comportaient des encolures arrondies, des dentelles et des plis plats nervurés et/ou des frises florales, ainsi que des ajours, des pattes centrales et des emmanchures garnies de galon ;
Que toutefois le prétendu caractère banal d'une blouse telle que ci- dessus décrite et créée par Madame Vanessa B comme il a été dit, n'est nullement démontré ;
Qu'au contraire, et étant précisé que les appelantes ne peuvent effectivement revendiquer des droits d'auteur sur une blouse en fin coton et dentelle, de couleur unie, brodée et à plis, ne comportant pas de manches mais une encolure arrondie et des emmanchures rondes, qui sont effectivement des éléments connus et usuels dans le domaine considéré, l'originalité de la blouse A09003 réside dans la combinaison des éléments qui la caractérisent selon un agencement particulier, et seulement selon celui-ci, et qui confèrent à l'ensemble sa physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Considérant dès lors que le modèle de blouse référencé A09003 doit donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle et il sera ajouté au jugement en ce sens ;
Sur la contrefaçon
Considérant qu'aux termes de l'article
L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, 'toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque';
Qu'en l'espèce et malgré leur production de pièces qui concernent trois vêtements, les sociétés appelantes incriminent, aux termes de leurs dernières écritures, deux vêtements PAUL & JOE, soit une blouse référencée Missouri et une robe référence Romysh, la deuxième robe ayant fait l'objet du constat sur internet n'ayantfinalement pas été commercialisée sous cette version selon les dires des intimées qui ne sont pas contredites sur ce point ;
Qu'il résulte tant des procès-verbaux de constat et de saisie- contrefaçon des 3, 4 et 24 juillet 2012 que de l'examen des vêtements en litige dans le cadre du présent débat, que si la blouse et la robe incriminées sont deux vêtements en coton et dentelle de couleur unie et comportant une encolure arrondie et des plis nervurés, le modèle Missouri et la robe Romysh qui en constitue la version longue, commercialisés par les sociétés intimées, comportent une encolure échancrée, une boutonnière de trois petits boutons sur l'épaule gauche permettant d'ouvrir l'avant des vêtements, une bande centrale figurant sur toute la hauteur du vêtement, brodée et bordée de deux bandes longitudinales ajourées et de couleur contrastée pour la blouse ainsi qu'une bande horizontale identique en bas, sur tout le pourtour, des points apparents sur les plis nervurés qui donnent une apparence de relief, et aucune ouverture au dos ;
Qu'il en résulte que cette blouse et cette robe PAUL & JOE ne reprennent pas les caractéristiques de la blouse VANESSA B référencée A9003 mais créent au contraire une impression d'ensemble différente ;
Que dès lors l'action en contrefaçon de droits d'auteur doit être rejetée ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant qu'aux termes du dispositif de leurs dernières écritures, qui seul lie la cour en application de l'article
954 du code de procédure civile, la société TSUKI poursuit les sociétés MANEKI et FISO en concurrence déloyale et parasitaire à titre principal et la société SOLUNE à titre subsidiaire 'au cas où par impossible la cour considérerait que le modèle revendiqué n 'est pas protégeable par le droit d'auteur ;
Considérant toutefois que l'action de la société TSUKI fondée sur 'l'imitation régulière des modèles VANESSA BRUNO qu'elle distribue et qui crée une confusion dans l'esprit du public', alors qu'il a été dit que les vêtements incriminés ne reprenaient pas les caractéristiques de la blouse opposée dans le cadre du présent litige, ne peut prospérer ;
Que par ailleurs, cette blouse ayant été déclarée éligible à la protection par le droit d'auteur, la demande subsidiaire de la société SOLUNE telle que formulée, est sans objet ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur la concurrence déloyale ;Sur les demandes incidentes
Considérant que la société MANEKI sollicite la condamnation des appelantes à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisies-contrefaçon répétées et particulièrement abusives ;
Que toutefois, faute pour l'intimée de rapporter la preuve d'une faute de la part des appelantes, qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits, et qui ont fait pratiquer des procédures de saisies-contrefaçon à des fins probatoires et dans le cadre strict des autorisations obtenues, sa demande tendant à voir condamner ces dernières au paiement de dommages-intérêts doit être rejetée ;
Qu'il n'y a pas lieu en outre de faire droit à la demande de la société MANEKI tendant à voir ordonner la publication du présent arrêt ;
Sur les autres demandes
Considérant que les appelantes, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
Qu'en outre, elles doivent être condamnées, sous la même solidarité, à verser à la société MANEKI et à la société FISO, qui ont dû exposer des frais irrépétibles en cause d'appel pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 6.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 3 avril 2014 en ce qu'il a déclaré Madame Vanessa B, la société SOLUNE- VANESSA BRUNO et la société TSUKI irrecevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur la blouse référencée A09003.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l'action en contrefaçon de droits d'auteur sur la blouse référencée A09003 de Madame Vanessa B et de la société SOLUNE-VANESSA BRUNO.
Déclare recevable l'action en concurrence déloyale de la société TSUKI.Dit que la blouse référencée A09003, crée par Madame Vanessa B et commercialisée par les sociétés SOLUNE -VANESSA B et TSUKI, bénéficie de la protection instaurée par le livre I du code de la propriété intellectuelle.
Déboute Madame Vanessa B et la société SOLUNE-VANESSA BRUNO de leurs demandes en contrefaçon de droits d'auteur.
Rejette les demandes relatives à la concurrence déloyale et parasitaire.
Déboute la société MANEKI de sa demande de dommages-intérêts pour saisies-contrefaçon abusives.
Condamne in solidum Madame Vanessa B, la société SOLUNE- VANESSA BRUNO et la société TSUKI à payer aux sociétés MANEKI et FISO, ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne in solidum Madame Vanessa B, la société SOLUNE- VANESSA BRUNO et la société TSUKI aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.