CJUE, Arrêt de la Cour (cinquième chambre), 7 décembre 1993, 1594/83

Mots clés Régime d'aide pour les graines oléagineuses · Perte de caution pour inobservation d'un délai · Principe de proportionnalité · Articles 5 du règlement (CEE) n. 1594/83 du Conseil, du 14 juin 1983, et 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n. 2681/83 de la Commission, du 21 septembre 1983 · Validité.

Synthèse

Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 1594/83
Date de dépôt : 13 août 1992
Titre : Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne.
Rapporteur : Moitinho de Almeida
Avocat général : Tesauro
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1993:917

Texte

Avis juridique important

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61992J0339

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 7 décembre 1993. - ADM Ölmühlen GmbH et Ölwerke Spyck contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne. - Régime d'aide pour les graines oléagineuses - Perte de caution pour inobservation d'un délai - Principe de proportionnalité - Articles 5 du règlement (CEE) n. 1594/83 du Conseil, du 14 juin 1983, et 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n. 2681/83 de la Commission, du 21 septembre 1983 - Validité. - Affaire C-339/92.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-06473

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Agriculture - Organisation commune des marchés - Matières grasses - Aide pour les graines oléagineuses - Fixation à l' avance - Régime de cautionnement - Inobservation du délai d' identification des graines ayant fait l' objet de la demande d' aide - Perte de la caution - Principe de proportionnalité - Violation - Absence

(Règlement du Conseil n 1594/83, art. 5; règlement de la Commission n 2681/83, art. 23, § 2)

Sommaire

L' objectif poursuivi par l' article 5 du règlement n 1594/83 et l' article 23, paragraphe 2, du règlement n 2681/83, qui prévoient, en cas de fixation à l' avance du montant de l' aide à la transformation des graines oléagineuses, la perte de la caution constituée, lorsque l' identification des graines dans une huilerie ou dans une entreprise de fabrication d' aliments pour animaux n' est pas demandée dans le délai imparti par le certificat d' aide communautaire, est de lutter contre les opérations spéculatives des entreprises de transformation. Lesdites dispositions sont aptes à atteindre cet objectif, étant donné qu' en cas de baisse des prix sur le marché mondial, l' aide est plus élevée que lors de la fixation à l' avance, ce qui, en l' absence de toute sanction, pourrait inciter les opérateurs concernés à laisser expirer le délai et à renoncer ainsi à la fixation à l' avance, de manière à obtenir une aide plus élevée.

Ces mêmes dispositions ne vont pas non plus au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l' objectif visé, car un opérateur économique qui, en vue de spéculer, n' a pas procédé dans le délai réglementaire à l' identification des graines, ne saurait légitimement s' attendre à ce que la sanction soit limitée à celle de la réduction de l' aide effectivement accordée lorsque, contrairement à ses prévisions, le prix sur le marché mondial a augmenté au moment de l' identification. Dans le cas où la non-identification des graines dans le délai ne serait pas le résultat d' une opération spéculative, lesdites dispositions évitent les difficultés administratives et d' appréciation des éléments de preuve qu' implique un système fondé sur l' analyse du comportement des intéressés et présentent ainsi le double avantage de la simplicité et de l' efficacité. En outre, la perte de la caution, qui n' intervient qu' en l' absence de cas de force majeure, est suffisamment modulée, car proportionnelle à la quantité des graines oléagineuses non identifiées. Il s' ensuit que les dispositions précitées ne violent pas le principe de proportionnalité.

Parties

Dans l' affaire C-339/92,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (République fédérale d' Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

ADM OElmuehlen GmbH, OElwerke Spyck

et

Bundesanstalt fuer landwirtschaftliche Marktordnung (BALM),

une décision à titre préjudiciel sur la validité des articles 5 du règlement (CEE) n 1594/83 du Conseil, du 14 juin 1983, relatif à l' aide pour les graines oléagineuses (JO L 163, p. 44), et 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 2681/83 de la Commission, du 21 septembre 1983, portant modalités d' application du régime de l' aide pour les graines oléagineuses (JO L 266, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, R. Joliet et G. C. Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général: M. G. Tesauro

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur

considérant les observations écrites présentées:

- pour la partie requérante au principal, par Me Gerhard Limberger, avocat au barreau de Frankfurt am Main,

- pour le Conseil des Communautés européennes, par M. Bernhard Schloh, conseiller juridique, en qualité d' agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Ulrich Woelker, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Walter Grupp, avocat au Barreau de Bruxelles,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de la partie requérante au principal, représentée par Me Thomas Tschentscher, avocat au barreau de Frankfurt am Main, du Conseil et de la Commission, à l' audience du 1er juillet 1993,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 15 juillet 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 4 août 1992, parvenue à la Cour le 13 août suivant, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur la validité des articles 5 du règlement (CEE) n 1594/83 du Conseil, du 14 juin 1983, relatif à l' aide pour les graines oléagineuses (JO L 163, p. 44), et 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 2681/83 de la Commission, du 21 septembre 1983, portant modalités d' application du régime de l' aide pour les graines oléagineuses (JO L 266, p. 1).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' un litige opposant la société ADM OElmuehlen GmbH, OElwerke Spyck, (ci-après "ADM") au Bundesanstalt fuer landwirtschaftliche Marktordnung (ci après "BALM"), en ce qui concerne la perte, par ADM, d' une caution versée dans le cadre du régime d' aide à la transformation des graines oléagineuses de colza, de navette et de tournesol.

3 Dans le cadre de ce régime, le montant de l' aide est égal à la différence entre le prix indicatif en vigueur et le prix du marché mondial.

4 L' article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n 1594/83, tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n 2180/88 du Conseil, du 18 juillet 1988 (JO L 191, p. 11), précise que ce montant est celui valable le jour où l' État membre concerné identifie les graines, soit à l' huilerie où elles sont transformées, soit à l' entreprise de fabrication d' aliments où elles sont incorporées dans les aliments.

5 En vertu du troisième alinéa de cette disposition, telle que modifiée par le règlement (CEE) n 935/86 du Conseil, du 25 mars 1986 (JO L 87, p. 5), le montant de l' aide peut toutefois être fixé à l' avance sur demande de l' intéressé, sur la base du montant valable le jour du dépôt de la demande, ajusté conformément à l' article 7, paragraphe 1, du même règlement, tel que modifié également par le règlement n 935/86, en fonction "de la différence qui existe entre le prix indicatif valable ce même jour et celui valable le jour de l' identification des graines" et, "le cas échéant, d' un montant correcteur."

L' article 5, troisième alinéa, modifié, du règlement n 1594/83 dispose: "... la délivrance de la partie 'préfixation' du certificat est subordonnée à la constitution d' une caution qui garantit l' engagement de demander l' identification des graines dans une huilerie ou dans une entreprise de fabrication d' aliments pour animaux située dans la Communauté, pendant la durée de validité de cette partie du certificat. La caution reste acquise en tout ou en partie si, dans ce délai, la demande d' identification n' est pas effectuée ou n' est effectuée que pour une part des quantités concernées."

6 Le certificat en cause a été institué par l' article 4 de ce règlement, modifié par le règlement n 935/86, et dont les modalités d' application sont précisées notamment par l' article 5 du règlement n 2681/83, du 21 septembre 1983, précité. Il comporte deux parties, l' une, dénommée I. D., destinée à fournir la preuve que les graines récoltées dans la Communauté ont été identifiées dans une huilerie ou dans une entreprise de fabrication d' aliments pour animaux, et l' autre, dénommée A. P., destinée à attester, le cas échéant, que le montant de l' aide a été fixé à l' avance.

7 L' article 23, paragraphe 2, du règlement n 2681/83 dispose:

"... lorsque les obligations visées à l' article 10 paragraphe 2 n' ont pas été remplies, la caution reste acquise pour une quantité égale à la différence entre:

a) 93 % de la quantité nette indiquée dans le certificat

et

b) la quantité identifiée à l' entreprise, déterminée conformément à la méthode définie à l' annexe I.

Toutefois, si la quantité identifiée s' élève à moins de 7 % de la quantité nette indiquée dans le certificat, la caution reste acquise en totalité ..."

8 Aux termes de l' article 10, paragraphe 2, du même texte:

"La partie A. P. du certificat oblige à mettre sous le contrôle visé à l' article 2 du règlement (CEE) n 1594/83 pendant la durée de sa validité les graines y indiquées ...".

9 Le 21 janvier 1991, ADM, sur sa demande de fixation à l' avance du montant d' une aide pour les graines oléagineuses, et après constitution d' une caution de 565 200 DM, s' est vu délivrer par le BALM le certificat A. P. correspondant, pour 4 000 000 kg de graines de tournesol provenant de la récolte de 1990. Ce certificat indiquait que la mise sous contrôle des graines concernées devait avoir lieu au plus tard le 31 mai 1991.

10 A la suite d' une vérification, le BALM a constaté que la marchandise n' avait pas été mise sous contrôle pendant la durée de validité dudit certificat, de sorte qu' il a déclaré la caution acquise.

11 ADM a introduit une réclamation contre cette décision, faisant valoir que le défaut de mise sous contrôle pendant le délai imparti résultait d' une grave erreur d' inattention, le responsable chargé de cette tâche ayant oublié de déposer le certificat.

12 Sa réclamation a été rejetée par décision du 12 novembre 1991. Elle a dans ces conditions introduit un recours devant le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main, lequel a décidé de surseoir à statuer et posé à la Cour la question préjudicielle suivante:

"L' article 5 du règlement (CEE) n 1594/83 du Conseil, du 14 juin 1983, relatif à l' aide pour les graines oléagineuses (JO L 163 du 22 juin 1983) et l' article 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 2681/83 de la Commission, du 21 septembre 1983, portant modalités d' application du régime de l' aide pour les graines oléagineuses (JO L 266 du 28 septembre 1983) sont-ils valides?"

13 Les doutes de la juridiction de renvoi concernent la validité des dispositions en cause au regard du principe de proportionnalité. Elle s' interroge sur le point de savoir s' il est nécessaire de recourir à la perte de la caution pour imposer le respect de l' obligation de procéder à l' identification des graines dans le délai, ou si le but d' éviter des opérations spéculatives peut être atteint par d' autres mesures moins restrictives, notamment la réduction du montant de l' aide. En outre, elle observe que la caution n' est pas destinée à garantir un paiement, et que l' opérateur subit un préjudice patrimonial sans bénéficier, dans des cas comme celui de l' espèce, d' un profit injustifié.

14 Pour un plus ample exposé des faits et du cadre juridique du litige au principal, du déroulement de la procédure, ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

15 Afin d' établir si la disposition faisant l' objet de la question préjudicielle est conforme au principe de proportionnalité, il convient de vérifier si les moyens qu' elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l' objectif visé et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre (arrêt du 18 novembre 1987, Maizena, 137/85, Rec. p. 4587, point 15).

16 Selon le sixième considérant du règlement n 1594/83, le but poursuivi par l' exigence de la constitution d' une caution et par la sanction de sa perte lorsque la demande d' identification n' est pas effectuée dans le délai imparti par le certificat, est d' éviter des opérations spéculatives.

17 Ainsi que la Commission l' a observé à juste titre, les prix du marché mondial subissent des fluctuations considérables. Or, en cas de baisse des prix sur le marché, l' aide est plus élevée que lors de la fixation à l' avance, ce qui, en l' absence de toute sanction, pourrait inciter l' intéressé à laisser expirer le délai et à renoncer ainsi à la fixation à l' avance, de manière à obtenir une aide plus élevée résultant de l' évolution du prix effectif sur le marché mondial.

18 Il s' ensuit que la mesure litigieuse est apte à atteindre l' objectif de lutte contre les opérations spéculatives des entreprises de transformation. La première condition du respect du principe de proportionnalité se trouve dès lors remplie.

19 Il convient ensuite de vérifier si la mesure litigieuse ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce but, c' est-à-dire si l' objectif lié à la sanction de la perte de la caution ne pourrait pas être atteint par des mesures moins onéreuses pour les opérateurs économiques.

20 Le montant de la caution visée à l' article 5 du règlement n 1594/83 est fixé à 6 écus par 100 kg par l' article 21, paragraphe 1, du règlement n 2681/83. Suivant la Commission, ce montant correspond, par expérience, à l' écart possible entre l' aide fixée à l' avance et l' aide qui aurait été due à la date d' identification des graines, s' il n' y avait pas eu une préfixation.

21 Le principe de proportionnalité n' impose pas une sanction consistant, comme le suggère le juge national, en une réduction de l' aide.

22 Un tel système serait certes de nature à réduire la sanction subie par les opérateurs économiques qui n' ont pas respecté le délai prévu à l' article 11, paragraphe 1, du règlement n 2681/83 et qui, dans le système actuel, non seulement perçoivent, le cas échéant, une aide inférieure à celle préfixée, en raison de l' évolution des prix sur le marché mondial, mais encore perdent tout ou partie de la caution.

23 Or, aucune raison n' impose que ce préjudice soit pris en considération. Un opérateur économique qui, en vue de spéculer, n' a pas procédé dans le délai réglementaire à l' identification des graines, ne saurait légitimement s' attendre à une réduction de la sanction lorsque, contrairement à ses prévisions, le prix sur le marché mondial a augmenté au moment de l' identification de ces graines.

24 La prise en considération de l' aide effectivement accordée pourrait être envisagée dans le cas où la non-identification des graines dans le délai réglementaire ne serait pas le résultat d' une opération spéculative.

25 Toutefois, un système fondé sur l' analyse du comportement des intéressés impliquerait des difficultés administratives et d' appréciation des éléments de preuve, liées aux contrôles nécessaires à l' individualisation de la sanction. Le système litigieux évite de telles difficultés et comporte le double avantage de la simplicité et de l' efficacité.

26 Le choix par le législateur communautaire du moyen du cautionnement est, d' ailleurs, adapté au caractère volontaire du régime de préfixation (voir arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, Rec. p. 1125, point 9), régime qui permet aux intéressés de prendre des décisions sans courir le risque d' une aide éventuellement plus faible en cas de hausse sur le marché mondial.

27 En outre, la perte de la caution est suffisamment modulée par l' article 23, paragraphe 2, du règlement n 2681/83, la caution étant acquise proportionnellement à la quantité des graines oléagineuses non identifiées. Enfin, l' article 24 du même règlement admet que la caution soit libérée, ou la validité du certificat prorogée, lorsque le non-respect du délai d' identification résulte d' un cas de force majeure.

28 Dans ces conditions, le système en cause ne méconnaît pas le principe de proportionnalité.

29 Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que l' examen de la question n' a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 5 du règlement n 1594/83, et 23, paragraphe 2, du règlement n 2681/83.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

30 Les frais exposés par le Conseil des Communautés européennes et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs

,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (République fédérale d' Allemagne), par ordonnance du 4 août 1992, dit pour droit:

L' examen de la question n' a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 5 du règlement (CEE) n 1594/83 du Conseil, du 14 juin 1983, relatif à l' aide pour les graines oléagineuses, et 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 2681/83 de la Commission, du 21 septembre 1983, portant modalités d' application du régime de l' aide pour les graines oléagineuses.