Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 2e section) 28 janvier 1997
Cour de cassation 20 mars 2001

Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 mars 2001, 97-13014

Mots clés société · prétention · contrat · maxime · pourvoi · procédure civile · production · remise · siège · conventions · société à responsabilité limitée · pouvoir · rapport · résolution · torts

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 97-13014
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 2e section), 28 janvier 1997
Président : Président : M. DUMAS
Rapporteur : Mme Tric
Avocat général : M. Viricelle

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 2e section) 28 janvier 1997
Cour de cassation 20 mars 2001

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société Espace concept réalisation Décoraime (ECR), société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

2 / la société Entreprise Maxime, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 28 janvier 1997 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 2e section), au profit de la société Schwarzkopf, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 février 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Tric, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Tric, conseiller, les observations de Me Foussard, avocat de la société Espace concept réalisation Décoraime (ECR) et de la société Entreprise Maxime, de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de la société Schwarzkopf, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. X..., liquidateur judiciaire de la société Espace conseil réalisation Décoraime, de ce qu'il reprend l'instance ;

Attendu, selon l'arrêt déféré (Poitiers, 28 janvier 1997), que suivant protocole d'accord du 3 décembre 1992, la société Schwarzkopf a proposé à la société Maxime, qui s'est substitué la société Espace conseil réalisation (société ECR), créée par elle, de reprendre son département dénommé Décoraime, fabriquant et vendant du mobilier et des équipements destinés aux salons de coiffure ; qu'elle a consenti un bail commercial des locaux dans lesquels s'exerçait l'activité à la société ECR, lui a cédé le fonds de commerce et a signé avec les deux sociétés un contrat de collaboration technique et commerciale ; qu'un litige est survenu entre les parties qui se sont mutuellement assignées, sur le mode de calcul de la redevance et les commissions ;

Sur le premier moyen

, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés ECR et Maxime reprochent à l'arrêt d'avoir écarté des débats des pièces communiquées par elles le 10 décembre 1996, décidé que les conventions devaient être résiliées à leurs torts, rejeté leurs demandes puis de les avoir condamnées à payer à la société Schwarzkopf une somme de 879 776,35 francs, alors, selon le moyen :

1 / que les pièces peuvent être produites à tout moment, même en cause d'appel, dès lors qu'elles le sont avant la clôture de l'instruction ou l'ouverture des débats ; que la partie qui produit des pièces n'a pas à établir que sa production est justifiée par l'évolution du litige, ou encore à faire état des raisons qui justifient que la production ne soit pas intervenue plus tôt ; qu'en écartant les pièces produites le 10 décembre 1996 sur la base de telles circonstances qui étaient inopérantes, les juges du fond ont violé les articles 132, 135, 563, 779 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que, lorsque les pièces sont produites avant l'ordonnance de clôture ou l'ouverture des débats, les juges du fond ne peuvent les exclure, sur le fondement du principe du contradictoire, qu'après avoir énoncé, concrètement, les raisons pour lesquelles l'adversaire n'est pas en mesure de répondre ; que faute d'avoir précisé les circonstances qui ne mettaient pas en mesure la société Schwarzkopf de répondre, à la suite de la production du 10 décembre 1996, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 16, 132, 135, 563, 779 et 483 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que dix-huit pièces ont été communiquées six jours avant l'audience et retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que ce bref délai n'a pas permis à l'adversaire d'en prendre connaissance en temps utile et de les combattre ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que les sociétés ECR et Maxime reprochent encore à l'arrêt d'avoir décidé que les conventions devaient être résiliées à leurs torts, d'avoir rejeté leurs demandes et de les avoir condamnées à payer à la société Schwarzkopf la somme de 879 776,35 francs, alors, selon le moyen, que la remise s'entend d'une réfaction ou d'une réduction accordée à un cocontractant sur le prix d'une marchandise ou d'un service ; qu'en l'espèce, et selon l'article 4 F de la convention du 19 mars 1993, la société ECR s'est engagée à faire à la société Schwarzkopf "une remise de 25 % par rapport aux tarifs communiqués aux clients concernés, quelles que soient les modalités de financement choisies par le client" en précisant que "cette remise peut être révisée annuellement et doit couvrir les frais de financement et les commissions versées aux représentants" ; qu'en décidant, sur la base de cette seule stipulation, que la société Schwarzkopf pouvait prétendre à une commission à l'occasion de ventes réalisées entre la société ECR et des tiers, sans qu'il y ait vente entre la société ECR et la société Schwarzkopf, les juges du fond ont dénaturé l'article 4 F de la convention du 19 mars 1993 ;

Mais attendu que, tenue de rechercher la volonté des parties et d'interpréter la clause sur laquelle elles s'opposaient, la cour d'appel l'a fait souverainement et sans dénaturation des conventions ;

que le moyen est sans fondement ;

Sur le troisième moyen

, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés ECR et Maxime font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que l'émission d'une prétention, quant à l'interprétation d'un contrat, ne peut révéler en soi l'existence d'une faute, quand bien même elle s'avérerait sans fondement ; que l'auteur de la prétention n'est en faute que s'il émet cette prétention avec une intention de nuire ou si la prétention est dépourvue de sérieux ; qu'en imputant à faute aux sociétés ECR et Maxime le fait d'avoir émis une prétention quant à la portée des conventions passées avec la société Schwarzkopf, qui s'est avérée infondée, sans relever que les deux entreprises avaient agi avec intention de nuire ou de façon légère, les juges du fond qui ont par ailleurs écarté la demande de dommages et intérêts formée par la société Schwarzkopf en raison de l'abus du droit d'ester en justice ou de l'abus du droit de résister à une action en justice, ont violé les articles 1134, 1137 et 1147 du Code civil, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel consacre pour tout un chacun le droit d'émettre une prétention et de la soumettre au juge ;

2 / qu'en tout cas, la résolution ne peut être prononcée que si les juges constatent, ce qui relève de leur pouvoir souverain d'appréciation, que le comportement de la partie qui se voit imputer la résolution révèle un manquement grave à ses obligations ; qu'en omettant de constater que l'émission d'une prétention par les sociétés ECR et Maxime, quant à l'interprétation du contrat passé avec la société Schwarzkopf, révélait un manquement grave à leurs obligations, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'en retenant que le refus de verser la commission sur les ventes réalisées par l'intermédiaire de la société Schwarzkopf, approuvée lors de la signature du contrat est un manquement à l'obligation de verser la rémunération convenue et que la société Schwarzkopf a procédé à la mise en demeure prévue à l'article 7 du contrat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et

sur le quatrième moyen

:

Attendu que les sociétés ECR et Maxime font enfin le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que faute d'avoir recherché si le refus opposé par la société Schwarzkopf à la participation de la société ECR à la manifestation qu'elle avait organisée à Vittel, entre les 2 et 5 octobre 1994, dans la mesure où il était exprimé de façon vexatoire, ne caractérisait pas une faute à la charge de la société Schwarzkopf, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que l'absence de la société ECR au forum de Vittel ne peut être imputée à faute à la société Schwarzkopf, dès lors que des changements dans l'organisation ne permettaient plus de donner un stand à la société ECR, n'était pas tenue de faire une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés ECR et Maxime aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Schwarzkopf ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille un.