LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Etoile marine a été mise en redressement judiciaire le 24 avril 2007, Mme X... étant nommée mandataire judiciaire ; que la société Legrand bâtisseurs, qui avait obtenu en référé et après expertise la condamnation de cette dernière au paiement d'une certaine somme au titre d'un marché de travaux, a déclaré sa créance ; qu'une nouvelle expertise a été ordonnée en référé le 25 août 2005 ; que la créance de la société Legrand bâtisseurs a été admise à titre chirographaire par une ordonnance du 23 juillet 2009 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Legrand bâtisseurs fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il appartiendra à la juridiction compétente au fond de fixer sa créance au titre du marché de travaux, alors, selon le moyen, que l'ordonnance de référé a autorité de la chose jugée au provisoire et peut valoir moyen de preuve; qu'en énonçant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'ordonnance de référé du 8 décembre 2005 condamnant la société Etoile marine à payer à la société Legrand la somme de 94 955 euros ne pouvait être utilement retenue pour fixer la créance de la société Legrand au passif de la société Etoile marine, n'ayant pas "autorité de la chose jugée au fond", la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 624-2 du code de commerce, ensemble l'article
488 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'ordonnance de référé du 8 décembre 2005 condamnant la société Etoile marine à payer à la société Legrand la somme de 94 955,40 euros ne pouvait être utilement retenue par le juge-commissaire pour fixer la créance de la société Legrand dès lors que cette décision n'avait pas autorité de chose jugée au fond, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article
L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour décider encore comme il fait, l'arrêt constate qu'il résulte des éléments versés aux débats que les parties sont en désaccord sur le décompte définitif des sommes qui pourraient être dues compte tenu de l'existence de malfaçons, de pénalités de retard ainsi que du refus manifesté par l'entreprise de poursuivre l'exécution des travaux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans la procédure de vérification et d'admission des créances, la contestation relative à l'exécution prétendument fautive d'un contrat ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, de sorte qu'elle devait surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article
627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Invite les parties à saisir le juge compétent ;
Dit qu'il sera sursis à statuer sur la contestation de la créance
déclarée par la société Legrand bâtisseurs jusqu'à la décision de la juridiction compétente ;
Condamne la société Etoile marine et Mme X... ès qualités aux dépens ;
Met en outre à leur charge les dépens afférents à l'instance devant la cour d'appel ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Legrand bâtisseurs.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'il appartiendra à la juridiction compétente au fond de fixer la créance de la société Legrand au titre du marché de travaux ;
AUX MOTIFS QUE aux termes des dispositions de l'article 624-2 du code de commerce le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence; qu'il résulte des éléments versés aux débats que les parties sont en désaccord sur le décompte définitif des sommes qui pourraient être dues au titre du marché de travaux intervenu entre elles compte tenu de l'existence de malfaçons, de pénalités de retard ainsi que du refus manifesté par l'entreprise de poursuivre l'exécution des travaux ; que dans le cadre de cette contestation, une expertise judiciaire a été ordonnée par ordonnance de référé rendue le 30 juin 2005 par monsieur le président du tribunal de commerce de La Rochelle qui a désigné à cet effet M. Y... lequel a déposé un rapport de ses opérations le 15 février 2007 ; qu'en conséquence, le juge-commissaire, eu égard à ce contexte et aux contestations soulevées par les parties, ne pouvait fixer la créance et devait se déclarer incompétent au profit de la juridiction du fond ; que l'ordonnance de référé en date du 8 décembre 2005 condamnant la société Etoile Marine à payer à la société Legrand la somme de 94.955,40 euros ne pouvait être utilement retenue par le juge-commissaire pour fixer la créance de la société Legrand alors que cette décision n'a pas autorité de chose jugée au fond ; qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée ;
1°) ALORS QUE l'ordonnance de référé a autorité de la chose jugée au provisoire et peut valoir moyen de preuve; qu'en énonçant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'ordonnance de référé du 8 décembre 2005 condamnant la société Etoile Marine à payer à la société Legrand la somme de 94.955 euros ne pouvait être utilement retenue pour fixer la créance de la société Legrand au passif de la société Etoile Marine, n'ayant pas « autorité de la chose jugée au fond », la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L.624-2 du code de commerce, ensemble l'article
488 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE , subsidiairement, se prononçant à l'occasion de la procédure de vérification des créances, le juge-commissaire qui constate que la contestation élevée par le débiteur relative à l'exécution prétendument défectueuse d'un contrat ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, doit surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ; qu'en disant qu'il appartiendra à la juridiction compétente au fond de fixer la créance de la société Legrand au titre du marché de travaux, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article
L.624-2 du code de commerce.