Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoires, enregistrés respectivement le 18 avril et le 4 mai 2023, la société
Apolonia Bioservices, représentée par Me Barrault, demande au juge des référés statuant en application de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative de :
1°) donner injonction à la commune d'Arcueil de produire les documents d'analyse des offres avec les notes attribuées et les procès-verbaux de la commission d'appel d'offres ;
2°) constater les manquements de la commune d'Arcueil ayant lésé ses droits ;
3°) annuler la décision de la commune d'Arcueil portant rejet de son offre ;
4°) annuler la décision d'attribution à la société Pulita Vendôme du marché en cause ;
5°) déterminer les mesures permettant de remédier aux irrégularités constatées ;
6°) enjoindre à la commune d'Arcueil de prendre ces mesures au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
7°) mettre à la charge de la commune d'Arcueil la somme de 3 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que la commune d'Arcueil :
- a pris en compte, dans l'analyse des offres, un " sous-sous-critère " non porté à la connaissance des candidats s'agissant :
o du sous-critère hygiène et sécurité ;
o du sous-critère démarche qualité ;
- n'a pas annoncé la pondération des sous-sous critères d'analyse des offres ;
- n'a pas indiqué où étaient pris en compte les éléments sur l'environnement ;
- a dénaturé son offre :
o s'agissant du sous-sous-critère du nombre de m² nettoyés par heure pour lequel elle a obtenu la note de 0/4 ;
o s'agissant des sous-sous critères relatifs aux mesures d'hygiène et de sécurité et à la gestion des personnels pour lesquels elle a obtenu à chaque fois la note de 4/8.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, la commune d'Arcueil, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société
Apolonia Bioservices.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2023, la société Pulita Vendôme, représentée par Me
Matharan, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société
Apolonia Bioservices.
Elle soutient que :
- la société n'a pas d'intérêt lésé dès lors qu'elle s'est classée en troisième position seulement pour le lot en litige ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Gracia, vice-président, pour statuer sur les litiges
relevant de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Starzynski, greffière d'audience, M. A a lu son rapport et entendu les observations
- de Me Barrault, représentant la société
Apolonia Bioservices ;
- de Me Cortes, représentant la commune d'Arcueil ;
- de Me Ségiré, représentant la société Pulita Vendôme.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
L'objet du litige :
1. Par un avis d'appel à concurrence publié le 16 décembre 2022 au B.O.A.M.P. et au J.O.U.E., la commune d'Arcueil a lancé une un appel d'offres ouvert en vue de la passation de marchés de services de nettoyage écologique sous la forme d'un accord-cadre à bon de commande mono-attributaire. Ledit marché est décomposé en deux lots. Le lot n° 1 a pour objet des " prestations de nettoyage écologique des locaux ", tandis que le lot n° 2 a pour objet des " prestations de nettoyage écologique de vitrerie ". La société
Apolonia Bioservices, titulaire sortante des deux lots, s'est portée candidate à la procédure et a soumissionné pour l'attribution des deux nouveaux lots. Toutefois, par lettre du 7 avril 2023, la commune d'Arcueil l'a informée du rejet de son offre pour le lot n° 2 et qu'elle avait été classée troisième sur huit avec une note globale de 64/80 et que le lot en question avait été attribué à la société Pulita Vendôme qui a obtenu la note globale de 68,65/80. Par la présente requête, la société
Apolonia Bioservices doit être regardée comme demandant au juge des référés statuant en application de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative d'annuler la procédure litigieuse pour le lot n° 2.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la procédure litigieuse :
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".
3. En vertu des dispositions précitées de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
En ce qui concerne les moyens tirés de l'existence d'un " sous-sous critère " non annoncé et non pondéré, de l'insuffisante définition de certains sous-critères de la valeur technique et de l'absence du critère environnemental :
4. Aux termes de l'article
L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. () ". Aux termes de l'article
L. 2152-8 de ce code : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article
R. 2152-7 du même code : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : () / 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : / a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles () ; / c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. () ". En vertu des articles R. 2152-11 et R. 2152-12 de ce même code, les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation et font l'objet d'une pondération ou, lorsque la pondération n'est pas possible pour des raisons objectives, sont indiqués par ordre décroissant d'importance.
5. D'une part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères ainsi qu'une information appropriée sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.
6. D'autre part, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation.
7. Il résulte de l'instruction que, pour l'analyse et l'identification de l'offre économiquement la plus avantageuse, la commune d'Arcueil a mis en place les critères repris dans le tableau suivant :
CritèresPondération° Critère prix jugé au regard du Détail Quantitatif Estimatif (DQE)30 points ' Critère valeur technique : 50 points- Produits et matériels proposés et efficacité
' Liste des produits proposés (labels) et efficacité
' Gestion de stock sur site
' Quantité/type matériel
' Fiche technique du matériel
' Mètre carré nettoyé/heure
- Système qualité en place :
' Démarche qualité et procédures en place pour l'évaluation de la qualité
' Mesure d'hygiène et de sécurité
' Gestion du personnel (encadrement, planning, remplacement) 26 points
8 points
4 points
4 points
4 points
6 points
24 points
8 points
8 points
8 points
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, d'une part que le pouvoir adjudicateur a indiqué de façon suffisamment précise les critères (" prix " ; " valeur technique "), les
sous-critères (" Produits et matériels proposés et efficacité " et " Système qualité en place "), ainsi que les " sous-sous-critères " (ou " items ") sur la base desquels les offres allaient être évaluées. D'autre part, étaient indiqués, pour chaque critère, sous-critère et item, la pondération correspondante. Enfin, les conditions de mise en œuvre de chacun des critères étaient spécifiées dans le cahier des clauses techniques particulières, sur plusieurs pages, notamment au point 4.2 s'agissant des procédures des contrôles qualité de propreté, d'hygiène et de sécurité et aux points 6.3 et 6.4 s'agissant des exigences en termes de sécurité. Dans ces conditions, les critères,
sous-critères et items étaient définis de manière suffisamment détaillée pour que les soumissionnaires puissent comprendre les attentes du pouvoir adjudicateur et la manière dont leur offre serait évaluée. Dès lors le moyen doit être écarté.
9. En deuxième lieu, la société requérante n'indique ni dans ses écritures, ni même à l'audience, la nature du sous-critère qui n'aurait pas été annoncé par la commune d'Arcueil et que celle-ci aurait utilisé pour évaluer les offres. L'utilisation d'un tel sous-critère ne résulte pas davantage de l'instruction. Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'un item non annoncé doit être écarté. Par voie de conséquence, il en va de même du moyen tiré de ce qu'un tel item n'aurait pas été pondéré dans les documents de la consultation.
10. En troisième lieu, la commune d'Arcueil n'était pas tenue de retenir un critère environnemental alors même que l'objet de son marché était, ainsi qu'il a été dit au point 1, le nettoyage écologique des locaux, dès lors que l'objet environnemental du marché était pris en compte dans d'autres items du marché, tels le " matériel écologique " (point 6.1.1), les " Produits et consommables écologiques " (point 6.2.1. du CCTP). Dès lors le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la dénaturation de l'offre de la société :
11. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
12. Pour établir que la commune d'Arcueil aurait dénaturé son offre, la société requérante soutient, d'une part, qu'elle a obtenu la note de 0/4 sur l'item " Mètre carré nettoyé/heure ", alors qu'elle soutient avoir apporté des précisions quant à ce sous-critère, et d'autre part, qu'elle a obtenu les notes de 4/8 pour les items " mesures d'hygiène et sécurité ", et " Gestion du personnel ", alors qu'elle avait obtenu de meilleures notes pour le lot n° 1 sur chacun de ces items. Toutefois, d'abord, ainsi qu'il a été dit au point 11, une telle argumentation revient à remettre en cause l'appréciation du pouvoir adjudicateur sur son offre, alors qu'il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur une telle argumentation. Ensuite, la circonstance que les notes obtenues par la société sur les mêmes items aient été supérieures pour le lot n° 1 ne permet pas d'établir la dénaturation alors que certaines exigences étaient spécifiques à chacun des lots. Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être écarté, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production du rapport d'analyse des offres.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas tenu compte de l'option pourtant autorisée :
13. Si le pouvoir adjudicateur a sollicité des candidats qu'ils présentent le cas échéant une option facultative, il est constant qu'il n'a pas pris en compte pour classer les offres les options facultatives. En agissant ainsi, le pouvoir adjudicateur n'a pas mis en œuvre une méthodes d'appréciation des offres n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la procédure de passation du lot n° 2 " nettoyage écologique des locaux " du marché litigieux doivent être rejetées. Il en va de même par voie de conséquence des conclusions accessoires à fin d'injonction et, en tout état de cause, aux fins de communication de documents liés à la procédure.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Arcueil, qui n'est pas la partie perdante, la somme de 3 500 euros que demande, à ce titre, la société requérante. Dès lors, ses conclusions doivent être rejetées.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société
Apolonia Bioservices les sommes que réclament la commune d'Arcueil et la société Pulita Vendôme à ce même titre. Dès lors, leurs conclusions doivent être rejetées.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de société
Apolonia Bioservices est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société
Apolonia Bioservices, à la commune d'Arcueil et à la sociétés Pulita Vendôme.
Le juge des référés,
J-Ch. A
La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,