AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par M. Maurice Y..., demeurant ... (Gironde), en cassation d'un arrêt rendu le 26 novembre 1992 par la cour d'appel de Bordeaux (2ème chambre), au profit :
1 / de M. X..., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Ateliers et Chantiers Arcachonnais dite ACA, demeurant en cette qualité Résidence Rivière, 34, rue de Macau à Bordeaux (Gironde),
2 / de la compagnie d'assurances UAP, dont le siège est ... (1er),
3 / de la société Iveco France, dont le siège est ...,
4 / de la compagnie d'assurances Navigation et Transports, dont le siège est ... V au Havre (Seine-maritime),
5 / de la société Filhet-Allard et compagnie, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 janvier 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Nicot, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de M. Y..., de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la compagnie d'assurances UAP, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de la société Iveco France, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la compagnie d'assurances Navigation et Transports, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la société Filhet- Allard et compagnie, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 novembre 1992), que M. Y... a commandé un navire à la société Ateliers et Chantiers Arcachonnais (ACA) ;
qu'après la réception du navire, des avaries sont survenues, qui ont nécessité le retour du navire au port pendant diverses périodes ;
qu'après une expertise, M. Y... a notamment assigné en dommages-intérêts M. X..., en sa qualité de liquidateur de la société ACA, ainsi que les compagnies d'assurances UAP et Navigation Transport (N et T) ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt
d'avoir jugé que la compagnie UAP ne garantissait pas les malfaçons imputables à la société ACA et d'avoir en conséquence rejeté sa demande à cet égard, alors, selon le pourvoi que son action directe tendait à la prise en charge par la compagnie UAP des conséquences pécuniaires du sinistre provoqué par les vices de conception et de fabrication affectant son navire ;
qu'en lui opposant la clause d'exclusion susvisée, ne concernant que les défauts auxquels l'assuré aurait pu remédier en l'absence de sinistre, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles
L. 124-1 du Code des assurances et
1134 du Code civil ;
Mais attendu
que c'est dans l'exercice souverain de son pouvoir d'appréciation de la volonté des parties à une convention que la cour d'appel a retenu que l'exclusion de garantie stipulée dans le contrat d'assurance ne faisait pas la différence entre les frais exposés par l'assuré en vue de remédier aux vices de conception et de fabrication, ainsi qu'aux défectuosités de l'installation et ceux exposés aux mêmes fins par celui qui avait commandé le navire ;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... fait encore grief à
l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement par la compagnie N et T, d'une somme destinée à la réfection des dommages causés par la corrosion de certains éléments du navire, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'est réputée non écrite la stipulation de la police selon laquelle le dommage est garanti seulement si la réclamation de la victime a été formulée pendant la validité du contrat ;
qu'en décidant
le contraire, pour le priver de la garantie d'un risque survenu pendant le cours du contrat d'assurance, l'arrêt attaqué a violé les articles
1131 du Code civil et
L. 124-1 du Code des assurances ;
alors d'autre part, qu'en affirmant inexactement qu'il n'apportait aucune précision sur la date à laquelle était apparue la corrosion, dont il demandait la réparation, en la chiffrant, l'arrêt attaqué a dénaturé ses conclusions, plus particulièrement du 25 septembre 1992, se référant à la visite sur place du technicien de la société Pechiney et de son rapport du 23 décembre 1988, situant cette corrosion après 18 mois de service du navire, donc en fin 1988, et à l'estimation faite ensuite par la société Armia ;
qu'en déniant ces précisions, dûment fournies et étayées par les justifications produites, l'arrêt attaqué a violé, au prix d'une dénaturation de ces écritures, l'article
1134 du Code civil ;
Mais attendu que, par un motif adopté du jugement confirmatif de ce chef, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi à la lecture du rapport d'expertise, que les responsabilités de la société ACA, assurée par la compagnie N et T, fût engagée ;
que, par ce seul motif, non critiqué, et abstraction faite de ceux visés au pourvoi, qui sont surabondants, l'arrêt se trouve justifiée ;
que le moyen ne peut être accueillie ;
Et sur le troisième moyen
:
Attendu que M. Y... fait enfin grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société N et T ne serait tenue que d'indemniser les pertes survenues pendant les deux premiers jours de ladite immobilisation du navire, auquel une hélice avait été remplacée, alors, selon le pourvoi, que celui qui n'exécute pas son obligation ne peut dégager sa responsabilité vis-à -vis de son cocontractant qu'en établissant la survenance d'un évènement constituant un cas de force majeure ;
qu'ayant relevé la faute de la société ACA, garantie par son assureur, et le temps réel de l'immobilisation du navire, du 1er au 10 mars 1989, l'arrêt infirmatif attaqué ne pouvait pas limiter aux deux premiers jours d'immobilisation la garantie due par la compagnie N et T, sans constater que la panne de l'élévateur du port d'Arcachon aurait constitué pour le débiteur de l'obligation inexécutée un cas de force majeure, revêtant les caractéristiques de l'extériorité, de l'imprévisibilité et de l'irrésistibilité ;
qu'ainsi l'infirmation prononcée à son préjudice ;
tandis que la panne de l'engin portuaire lui restait inopposable dans ses rapports avec l'auteur de son dommage, l'a été en violation des articles
1147 et
1148 du Code civil, ensemble L. 113-1 du Code des assurances ;
Mais attendu
que l'arrêt constate que l'immobilisation lors de l'échange de l'hélice, échange rendu nécessaire par suite de défauts de conception et de malfaçons dans la construction imputables à la société ACA, devait durer deux jours et qu'elle a duré neuf jours du fait de la panne de l'élévateur du port ;
que, retenant de ces circonstances que l'immobilisation pendant une durée supplémentaire n'était pas la conséquence directe de la faute de la société ACA, la cour d'appel a pu décider que cette immobilisation n'entrait pas dans le champ de sa responsabilité contractuelle ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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