Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile) 08 mars 2004
Cour de cassation 23 mai 2006

Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 mai 2006, 04-19856

Mots clés société · rente · société anonyme · liquidateur · condamnation · rente viagère · frères · fils · responsabilité civile · procédure civile · provision · créancier · qualité · amiable · mandat

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 04-19856
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), 08 mars 2004
Président : Président : M. TRICOT

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile) 08 mars 2004
Cour de cassation 23 mai 2006

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 mars 2004), qu'en 1965, M. X... et son épouse Mme Y... ont vendu un immeuble à la société Louis Eschenauer, le prix étant converti en rente viagère ; qu'après le décès de M. X..., la société Holt frères et fils (la société Holt) a donné son accord pour se substituer à l'acquéreur dans le paiement de la rente ; que la société Holt ayant cessé de s'acquitter des échéances de la rente, Mme Y... a obtenu en référé sa condamnation à lui payer une provision au titre des sommes dues de mai à novembre 1997 ; que le 30 mars 1998, les actionnaires de la société Holt ont décidé de la dissolution anticipée de cette société et désigné M. Z... en qualité de liquidateur ; que par acte du 22 avril 2002, Mme A..., agissant en qualité de curatrice de Mme Y..., a demandé que la société Holt soit condamnée à payer les arrérages de la rente et sollicité la condamnation solidaire de M. et Mme Z... ; que Mme Y... est intervenue à l'instance devant la cour d'appel ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, solidairement avec la société Holt et Mme Z..., au paiement des arrérages de la rente due à Mme Y..., alors, selon le moyen :

1 ) que Mme Georgette X... et sa curatrice, Mme Marie-José A..., avaient demandé la condamnation de M. B...
Z... à leur payer la somme de 205 115, 68 euros, au titre des arrérages échus de la rente du 1er février 1997 au 2 décembre 2003, mais n'avaient nullement demandé la condamnation de M. B...
Z... à leur payer les arrérages de la rente échus et à échoir postérieurement à cette date ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc modifié les termes du litige et, partant, violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que si le liquidateur amiable d'une société peut voir sa responsabilité civile délictuelle engagée envers un créancier social à raison de la faute personnelle qu'il a commise à son égard, l'existence d'une telle faute n'a pas pour effet de rendre le liquidateur amiable personnellement débiteur de l'obligation souscrite par la société anonyme envers le créancier social, sauf, le cas échéant, dans le cas prévu à l'article L. 624-3 du Code de commerce ; que, dès lors, en condamnant, en l'absence de prononcé d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de la société anonyme Holt frères et fils, M. B...
Z... à payer les arrérages de la rente échus et à échoir postérieurement au 2 décembre 2003, à raison de la faute qu'il aurait commise en sa qualité de liquidateur amiable de la société anonyme Holt frères et fils à l'égard de Mme Georgette X..., la cour d'appel a violé les articles 1382, 1832 et 1842 du Code civil et L. 237-12 du Code de commerce ;

3 ) que si l'associé d'une société anonyme peut voir sa responsabilité civile délictuelle engagée envers un créancier social à raison de la faute personnelle qu'il a commise à son égard, l'existence d'une telle faute n'a pas pour effet de rendre l'associé personnellement débiteur de l'obligation souscrite par la société anonyme envers le créancier social ; que, dès lors, en condamnant M. B...
Z... à payer les arrérages de la rente échus et à échoir postérieurement au 2 décembre 2003, à raison de la faute qu'il aurait commise en sa qualité d'associé de la société anonyme Holt frères et fils à l'égard de Mme Georgette X..., la cour d'appel a violé les articles 1382, 1832 et 1842 du Code civil et L. 225-1 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que le fait d'avoir statué au-delà des prétentions des parties ne donne pas ouverture à cassation ;

qu'il appartient à M. Z..., dès lors qu'il reproche à la cour d'appel d'avoir statué sur des choses non demandées, de présenter requête à cette juridiction dans les conditions et délais prévus aux articles 463 et 464 du nouveau Code de procédure civile ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, examinant la responsabilité de M. Z..., retient que celui-ci a organisé en toute connaissance de cause la liquidation de la société en réglant tous les autres créanciers au mépris des droits de la seule Mme Y... ; qu'il en résulte que c'est au titre de la réparation du préjudice causé par cette fraude que l'arrêt a condamné M. Z... à payer le montant des arrérages de la rente viagère et non au titre de l'obligation souscrite par la société ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et

sur le second moyen

:

Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné, solidairement avec la société Holt et Mme Z..., au paiement des arrérages de la rente viagère et de l'avoir condamné, solidairement avec la société Holt et Mme Z..., à payer 205 115, 68 euros à Mme Y... alors, selon le moyen :

1 ) que la mise en jeu de la responsabilité civile délictuelle suppose l'existence d'un lien de causalité directe et certain entre la faute et le dommage ; que si la liquidation amiable d'une société impose le paiement intégral du passif, les créances litigieuses devant jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision et qu'à défaut de possibilité d'apurement du passif, le liquidateur doit procéder à la déclaration de cessation des paiements, la méconnaissance par le liquidateur amiable de son obligation de procéder au paiement d'une créance sociale ou de la garantir, lorsqu'elle est litigieuse, par une provision ne cause au créancier social un préjudice égal au montant de la créance que s'il est établi que les actifs de la société étaient suffisants pour permettre le paiement intégral de la créance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que les actifs de la société Holt frères et fils étaient suffisants pour permettre le paiement intégral des arrérages de la rente viagère due à Mme Georgette X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 ) qu'en retenant que M. B...
Z... avait, en sa qualité de liquidateur amiable de la société Holt frères et fils, le 7 mars 2003, organisé en toute connaissance de cause la liquidation de la société en réglant tous les autres créanciers sociaux au mépris des droits de la seule Mme X..., quand elle avait constaté qu'à cette date le mandat de liquidateur amiable de la société Holt frères et fils de M. B...
Z... était expiré, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé, en conséquence, les articles L. 237-12 et L. 237-13 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

3 ) qu'en considérant qu'il ressortait du rapport de M. B...
Z... à l'assemblée générale ordinaire de la société Holt frères et fils du 7 mars 2003 que M. B...
Z... avait organisé en toute connaissance de cause, lors de l'assemblée générale ordinaire de cette société du 7 mars 2003, la liquidation de la société Holt frères et fils en réglant tous les autres créanciers sociaux au mépris des droits de la seule Mme Georgette X..., quand ce document énonçait que la clôture de la liquidation ne pouvait être constatée en raison de procédures en cours tendant au paiement de la créance invoquée par Mme Georgette X... et que la créance de Mme Georgette X... avait fait l'objet de provisions, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et, par suite, violé l'article 1134 du Code civil ;

4 ) qu'en retenant, pour justifier les condamnations qu'elle a prononcées à son encontre, que M. B...
Z... s'était, en qualité d'associé de la société Holt frères et fils, rendu complice avec Mme Jean Z... de la fraude aux droits de Mme Georgette X..., sans relever l'existence d'aucun fait fautif qu'aurait commis M. B...
Z... en sa qualité d'associé de la société Holt frères et fils à l'égard de Mme Georgette X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les opérations indiquées dans le document établi par M. Z... et intitulé "Rapport du liquidateur à l'assemblée générale ordinaire de clôture de liquidation du 7 mars 2003" aboutissent à un solde négatif au titre de la seule créance de Mme Y... et retient, sans dénaturation, qu'il résulte de la conclusion de ce même document que M. Z..., agissant alors en qualité de liquidateur de la société Holt, ainsi que les associés de ladite société, ont en toute connaissance de cause organisé la liquidation de la société en réglant tous les créanciers au mépris des droits de la seule Mme Y... ;

qu'ayant ainsi caractérisé la fraude commise par M. Z... et peu important à cet égard que M. Z... ait, en fait, continué à agir en qualité de liquidateur amiable après l'expiration de son mandat, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y..., veuve X..., et Mme A..., ès qualités, la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille six.