AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Henri Y..., demeurant à Veynes (Hautes-Alpes), route de Gap,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 décembre 1989 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re Chambre civile, Section A), au profit :
1°) de M. Christian A...,
2°) de Mme Edwige, Christine B..., épouse A...,
demeurant ensemble et domiciliés à La Robine-sur-Galabre (Alpes de Haute-Provence),
3°) de M. Z..., demeurant à Digne (Alpes de Haute-Provence), ...,
4°) de M. Pierre X..., demeurant à Digne (Alpes de Haute-Provence), ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 novembre 1991, où étaient présents : M. Senselme, président, M. Cathala, conseiller rapporteur, MM. Vaissette, Chevreau, Douvreleur, Capoulade, Peyre, Deville, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, conseillers, M. Chollet, Mme Cobert, M. Pronier, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Cathala, les observations de la SCP Msse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 1989), que les époux A... ont vendu, suivant acte sous seing privé du 30 janvier 1982, une maison à M. Y... et l'ont, après l'expiration du délai de réalisation des conditions suspensives prévues au contrat, revendue à un tiers ; que M. Y..., qui avait lui-même vendu le même bien au même tiers, a assigné les époux A... pour obtenir, à titre de réparation, la différence entre le prix de la vente que lui avaient consentie les époux A... et le prix de revente au tiers ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, "1°) que la partie en faveur de laquelle la condition suspensive a été stipulée peut toujours y renoncer ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée, si les deux conditions suspensives insérées dans l'acte sous seing privé du 30 janvier 1982 n'avaient pas été stipulées dans le seul intérêt de l'acquéreur qui pouvait, dès lors, y renoncer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles
1181 et
1584 du Code civil ; 2°) que M. Y... avait fait valoir que les conditions suspensives ayant été convenues dans son seul intérêt, il avait pu valablement y renoncer ; qu'en délaissant ces conclusions déterminantes, la cour
d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que la vente de la chose sur laquelle
le vendeur ne possède qu'un droit conditionnel ne constitue pas la vente de la chose d'autrui mais est seulement soumise à la même condition que le droit du vendeur ; qu'en relevant qu'en contractant avec un tiers le 30 mars 1982, avant l'expiration du délai fixé pour la
réalisation des conditions suspensives, M. Y... n'avait pu transmettre à ce dernier la propriété d'un bien dont il n'était pas investi, qu'il avait donc vendu la chose d'autrui et ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude, la cour d'appel a violé l'article
1599 du Code civil ; 4°) que, selon les stipulations du compromis de vente, le transfert de propriété devait s'opérer, soit lors de la rédaction de l'acte authentique, soit lors du dépôt de l'acte sous seing privé au rang des minutes d'un notaire ; qu'en décidant que M. Y... avait vendu la chose d'autrui dès lors que le transfert de propriété ne pouvait s'effectuer que par le fait de l'acte authentique, bien qu'il pût aussi s'opérer par le dépôt de l'acte sous seing privé au rang des minutes d'un notaire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la convention des parties, en violation de l'article
1134 du Code civil" ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'aucune mention des deux conditions suspensives n'était faite par M. Y... dans la sommation délivrée aux époux A... de venir signer l'acte authentique après l'expiration du délai de réalisation de ces conditions et que si, dans le procès-verbal de carence, l'acquéreur disait renoncer à la condition suspensive d'obtention d'un prêt, la libre disposition de la somme nécessaire au paiement du prix n'y était pas indiquée, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à des recherches ou de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;
Attendu, d'autre part, que pour écarter la prétention de M. Y... d'avoir été privé d'un droit résultant de l'acte sous seing privé du 30 janvier 1982 lorsqu'il a cru devoir contracter avec un tiers le 30 mars suivant, l'arrêt retient, sans dénaturation, que les conditions suspensives affectant la vente consentie à M. Y... ne s'étaient pas réalisées, et que celui-ci était dans l'impossibilité d'établir qu'elles aient été remplies à un moment quelconque ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix huit décembre mil neuf cent quatre vingt onze.