Vu la procédure suivante
:
Par un jugement du 15 décembre 2021, le tribunal a, sur requête de M. C B, enregistrée le 31 octobre 2019 sous le n° 1923679 et tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité présentée le 31 août 2017, ordonné avant plus amplement dire droit une expertise ayant pour objet de donner tous les éléments utiles à l'appréciation, d'une part, de l'aggravation des cervicalgies par cervicarthroses C5 C6 et C6 C7 dont souffre M. B et, d'autre part, du lien de causalité entre ses névralgies cervico-brachiales et les infirmités existantes et pensionnées, et d'évaluer, le cas échéant, le supplément du taux de son infirmité en lien avec cette aggravation en se plaçant à la date de sa demande de révision de sa pension d'invalidité.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, le vice-président du tribunal a désigné Mme A D en qualité d'expert.
Mme D a déposé son rapport le 9 juillet 2022.
Par une ordonnance du 29 août 2022, le président du tribunal a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme totale de 1 500 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés, en l'absence d'aggravation des infirmités pensionnées et de lien direct et certain entre les névralgies cervico-brachiales et les infirmités pensionnées.
M. B a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julinet, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Degand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C B, né le 9 juin 1943, engagé le 1er avril 1963 et radié des contrôles le 31 mars 1981, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée en dernier lieu le 26 avril 2004 au taux global de 35 %, d'une part, pour une dorsolombalgie avec irradiation fessière à bascule droite à gauche au taux de 20 % et, d'autre part, pour des cervicalgies par cervicarthrose en C5 C6 et C6 C7 au taux de 10 % + 5. Le 31 août 2017, il a présenté une demande de révision de sa pension pour aggravation de ses pathologies. Par la décision du 25 juin 2018 dont il demande l'annulation, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif, concernant la première infirmité, qu'aucune aggravation n'a été constatée et, concernant la seconde, que l'aggravation constatée ne lui est pas exclusivement imputable mais relève d'une cause étrangère évoluant pour son propre compte.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Par le jugement susvisé du 15 décembre 2021, le tribunal a ordonné, avant de se prononcer sur la requête de M. B tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2018, qu'il soit procédé, par un expert désigné par le président du tribunal, à une expertise en vue de donner tous les éléments utiles à l'appréciation, d'une part, de l'aggravation des cervicalgies par cervicarthroses C5 C6 et C6 C7 dont il souffre et, d'autre part, du lien de causalité entre ses névralgies cervico-brachiales et les infirmités existantes et pensionnées, et d'évaluer, le cas échéant, le supplément du taux de son infirmité en lien avec cette aggravation en se plaçant à la date de sa demande de révision de sa pension d'invalidité. L'expert a déposé son rapport le 9 juillet 2022.
3. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. /La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Aux termes de l'article
L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. / () ". Il résulte de ces dispositions qu'une pension militaire d'invalidité est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité à la date de la demande de révision est reconnu supérieur de dix points par rapport au pourcentage reconnu lors de l'attribution de la pension.
4. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général ". Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 125-3 du même code : " L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité ". Aux termes de l'article L. 125-5 dudit code : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. / Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs ". Aux termes de l'article D. 125-4 de ce code : " Le taux d'invalidité mentionné à l'article L. 125-1 est déterminé par le guide-barème des invalidités annexé au présent code ".
5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / () / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / () ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : / () avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; / () / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée () avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. / () / La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. / () / Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. Lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une simple hypothèse médicale.
En ce qui concerne les dorsolombalgies :
6. Il résulte de l'instruction, notamment du dossier médical de M. B, des examens médicaux dont il a bénéficié et du rapport de l'expertise médicale du 17 janvier 2018, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par le requérant, qui se borne à produire deux certificats très peu circonstanciés rédigés le 5 septembre 2017 et le 20 mars 2019 par son médecin traitant faisant seulement état de périodes de plus en plus invalidantes sans distinguer les cervicalgies et les dorsolombalgies, que l'infirmité résultant de ces dernières ne s'est pas aggravée depuis la révision de sa pension sur ce point le 27 avril 1998 à compter de sa demande du 17 décembre 1992, comme l'ont d'ailleurs estimé le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du ministère, la commission consultative médicale et la commission de réforme dans leurs avis respectifs du 2 mars, du 26 mars et du 21 juin 2018. Dès lors, le pourcentage d'invalidité correspondant doit rester fixé à 20 %.
En ce qui concerne les cervicalgies et les névralgies cervico-brachiales :
7. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du dossier médical de M. B, des examens médicaux dont il a bénéficié, du rapport de l'expertise médicale du 17 janvier 2018 et du rapport de l'expertise, ordonnée par le tribunal, du 11 mai 2022, que les troubles dysesthésiques du membre supérieur gauche dont il souffre, apparus postérieurement au 12 mai 1995, date à partir de laquelle sa pension a été révisée à titre provisoire pour prendre en compte l'infirmité résultant de ses cervicalgies, seraient causés par la cervicarthrose à l'origine de celles-ci, qui n'a pas évoluée depuis cette date. Il en résulte également qu'il n'y a aucune certitude diagnostique sur l'existence de névralgies cervico-brachiales et que ces troubles résultent plus sûrement d'une compression du nerf médian au niveau du canal carpien, elle-même sans rapport avec la cervicarthrose dont il souffre. Dès lors, la preuve de l'imputabilité de ces troubles, qui ne bénéficient pas de la présomption légale d'imputabilité au service, ne peut être regardée comme rapportée.
8. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du dossier médical de M. B, des examens médicaux dont il a bénéficié, du rapport de l'expertise médicale du 17 janvier 2018 et du rapport de l'expertise, ordonnée par le tribunal, du 11 mai 2022, que l'infirmité résultant des seules cervicalgies ne s'est pas aggravée depuis le 12 mai 1998, date à compter de laquelle sa pension a été révisée à titre définitif pour la prendre en compte par une décision 26 avril 2004. Dès lors, le pourcentage d'invalidité correspondant doit rester fixé à 10 % + 5.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre des armées du 25 juin 2018.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article
R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat () ".
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal le 19 janvier 2022, liquidés et taxés à la somme totale de 1 500 euros le 29 août 2022, à la charge définitive de l'Etat.
12. En revanche, les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'avocat de M. B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C B, à Me Gozlan et au ministre des armées.
Une copie en sera adressée pour information à Mme A D, expert désigné par le tribunal.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Aubert, présidente,
M. Julinet, premier conseiller,
M. Blusseau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
Le rapporteur,
S. JULINET
La présidente,
S. AUBERT
La greffière,
A. LOUART
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.