Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 4 mars 2022, Mme A B, née C, représentée par Maître Florence Agostini-Beyer, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 28 septembre 2021 par laquelle le directeur de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris a prononcé sa radiation au 16 avril 2019 pour abandon de poste ;
2°) d'enjoindre à la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris de la réintégrer au service ;
3°) de condamner la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
4°) de mettre à la charge de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée de vices de procédure dès lors que, en premier lieu, elle a été notifiée plus de deux ans après la mise en demeure et, en deuxième lieu, la mise en demeure lui a été adressée à la date 30 mai 2019 ne lui permettant pas de reprendre son poste dans le délai imparti de huit jours à compter du 16 avril 2019 ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'abandon de poste n'était pas caractérisé et qu'elle était placée en position de congés de maladie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2022, le directeur de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Halard,
- et les conclusions de M. Mazeau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B, agente contractuelle d'entretien et de restauration scolaire depuis le 15 mai 2000, a été victime, le 20 juin 2002, dans l'exercice de ses fonctions, d'un accident à l'origine d'une pathologie à l'épaule droite, d'une épicondylite au coude droit et d'affections périarticulaires, consolidés le 9 février 2004. Son accident a été reconnu imputable au service par des décisions du 29 juillet 2002 et du 19 mars 2012. Ayant déclaré être en rechute de maladie professionnelle le 30 novembre 2018, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail jusqu'au 7 janvier 2019 pour des lésions constatées à l'épaule gauche et une épicondylite aux coudes droit et gauche. Par des décisions du 31 décembre 2018 et du 3 janvier 2019, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a refusé de prendre en charge le congé de rechute de maladie professionnelle de Mme B en l'absence, d'une part, de lien de causalité entre les faits invoqués et les lésions constatées, d'autre part, de modification de la maladie professionnelle. Par un courrier daté du 16 avril 2019, reçu le 31 mai 2019, le directeur de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris a mis en demeure Mme B de reprendre son poste dans un délai de huit jours. Elle n'y a pas déféré et a adressé à son employeur un courrier daté du 6 juin 2019 par lequel elle a indiqué avoir contesté le refus de prise en charge par la CPAM de sa maladie professionnelle et attendre une expertise médicale. Par un arrêté du 28 septembre 2021, le directeur de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris a prononcé sa radiation des effectifs, avec effet rétroactif au 16 avril 2019, pour abandon de poste. Mme B demande au tribunal d'annuler cette décision et de condamner la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi par sa faute.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Une mesure de radiation des effectifs pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des effectifs sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
3. Par ailleurs, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point précédent, sa radiation des effectifs pour abandon de poste.
4. Il est constant que Mme B se trouvait placée en congé de maladie ordinaire au moins jusqu'au 30 juin 2019 lorsque lui a été notifiée, le 31 mai 2019, la mise en demeure de reprendre son poste du 16 avril 2019, ce dont elle avait au demeurant informé son employeur par téléphone le 3 juin et par courrier le 6 juin 2019. La circonstance invoquée par la Caisse des écoles selon laquelle la CPAM n'a pas reconnu la rechute de la maladie professionnelle pour les arrêts de travail en cause est sans incidence sur la validité de ces arrêts de travail au titre de la maladie ordinaire. La requérante ne pouvait donc être regardée comme ayant rompu le lien qui l'unissait au service, si bien qu'elle est fondée à soutenir que l'arrêté de radiation du 28 septembre 2021 est entaché d'illégalité. Il y a par suite lieu de l'annuler, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent jugement implique nécessairement que Mme B soit réintégrée dans ses fonctions à la date de son éviction et que sa carrière soit reconstituée. Il y a par suite lieu d'enjoindre à la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Si Mme B demande la condamnation de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de l'arrêté attaqué du 28 septembre 2021, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence et l'intensité du préjudice qu'elle invoque. Ses conclusions aux fins de condamnation doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris une somme de 1 500 euros à verser à Mme B au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté de radiation du 28 septembre 2021 de la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris de réintégrer Mme B à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : La Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris versera une somme de 1 500 euros à Mme A B au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et à la Caisse des écoles du 12ème arrondissement de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Evgenas, président,
Mme Laforêt, première conseillère,
M. Halard, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.
Le rapporteur,
G. HALARD
La présidente,
J. EVGENASLa greffière,
M-C. POCHOT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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