ARRET
N° 800
CPAM 13
C/
S.A.S. [4]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 17 OCTOBRE 2022
************************************************************
N° RG 20/00380 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HT3G
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 18 décembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
La CPAM des Bouches du Rhône, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
782 Service Contentieux et recouvrement
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Mme [K] [C] dûment mandatée
ET :
INTIMEE
La société [4] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salariée : Mme [R] [P])
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me TAN substituant Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 28 Avril 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles
786 et
945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 17 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article
450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
*
* *
DECISION
Le 18 septembre 2017, Mme [R] [P], salariée de la SAS [4] en qualité d'hôtesse de caisse, a déclaré une maladie professionnelle au titre d'une « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite », documentée par certificat médical initial de la même date. La pathologie déclarée a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (ci-après la CPAM) au titre du tableau 57 des maladies professionnelles. L'état de santé de Mme [P] a été considéré comme consolidé au 7 octobre 2018.
Par décision notifiée le 12 novembre 2018, la CPAM des Bouches du Rhône a attribué, à l'assurée, un taux d'incapacité permanente partielle de 12 % pour des séquelles indemnisables d'une rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, traitée médicalement, chez un assuré droitier, consistant en une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule du côté dominant.
Contestant ce taux, la SAS [4] a saisi le tribunal de grande instance de Lille lequel, par jugement du 18 décembre 2019 a :
déclaré recevable la demande de la société,
fixé le taux d'incapacité à 8 %,
condamné la CPAM des Bouches du Rhône aux dépens.
Le 20 janvier 2020, la CPAM des Bouches du Rhône a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 23 décembre 2019.
Le docteur [M] a été désignée en qualité de médecin consultant par ordonnance du 4 mai 2021 du magistrat chargé d'instruire.
Dans un avis du 20 novembre 2021, le Docteur [M] a fixé le taux d'incapacité à 8 %.
Les parties ont été appelées à l'audience du 28 avril 2022.
Par observations, visées par le greffe le 9 février 2022 et présentées oralement lors de l'audience, la CPAM des Bouches du Rhône prie la cour de :
infirmer le jugement entrepris,
ne pas entériner l'avis du médecin consultant,
fixer le taux opposable à 10 %, fourchette basse du barème,
débouter la société de son recours et de toutes ses demandes.
Elle reprend les dispositions du chapitre 1.1.2 du barème, précise qu'il est constaté une limitation légère de tous les mouvements et qu'ainsi le taux de 12 % est justifié.
Elle fait également valoir que l'avis du médecin consultant n'est que consultatif.
Elle produit l'argumentaire médical du docteur [G], en date du 13 janvier 2020, dans lequel il est retenu un taux de 10 % en prenant en compte :
l'état antérieur, qualifié de léger et n'interférant donc pas de façon prépondérante dans les séquelles,
le fait que cinq mouvements sur six sont limités pour l'épaule droite,
l'existence d'une atteinte contro-latérale autorisant une majoration du taux.
La SAS [4] n'a pas formulé d'observations écrites, mais a sollicité, lors de l'audience par l'intermédiaire de son conseil, la confirmation du jugement entrepris, la fixation du taux d'incapacité à 8 % et l'homologation de l'avis du médecin consultant.
Conformément à l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs
En application de l'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminée d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
La cour rappelle que l'estimation médicale doit faire la part entre ce qui revient à l'état antérieur et ce qui revient au sinistre professionnel.
En l'espèce, le docteur [G], médecin-conseil de la CPAM des Bouches du Rhône mentionne l'existence d'un état antérieur léger objectivé par une échographie du 20 mars 2015 et une IRM du 21 avril 2016 mais n'interférant pas dans les séquelles. Le docteur [E], médecin consultant désigné par la tribunal indique quant à lui la présence d'une lésion dégénérative caractérisée par une arthrose acromio-claviculaire, sans déterminer la part de celle-ci pouvant influer sur le calcul du taux d'incapacité.
Ainsi, la cour constate que cet état antérieur, caractérisé par une arthrose acromio-claviculaire était connu dès 2015 mais n'engendrait aucun traitement ni aucune séquelle notable avant l'accident, qu'il peut, dès lors, être considéré comme asymptomatique, d'autant plus que le docteur [M] n'en fait pas état pour le calcul du taux d'incapacité.
En outre, le médecin conseil de la CPAM a fixé un taux de 12 % en retenant l'état séquellaire suivant : « rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, traitée médicalement, chez un assuré droitier : limitation légère de tous les mouvements de l'épaule du côté dominant ».
Le docteur [E], médecin désigné par les premiers juges, a formulé l'avis suivant : « Madame [P], 53 ans, hôtesse de caisse, a déclaré une maladie professionnelle 57 A côté droit chez une droitière par certificat médical initial du 18 septembre 2017 mentionnant une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite. Cette maladie professionnelle sera consolidée le 7 octobre 2018 à treize mois post déclaration par le médecin conseil. Le bilan lésionnel est repris dans L'IRM de l'épaule droite du 21 avril 2016 qui mentionne une tendinopathie des fibres distales et antérieures du tendon supra épineux et des fibres superficielles du tendon sub-scapulaire occasionnant un conflit antéro supérieur de Neer, le tout sur lésion dégénérative car arthrose acromio-claviculaire qui occasionnait l'inflammation de la bourse acromiale qui est sous jacente. Doute sur une lésion transfixiante non rétractée du tendon. Madame [P] par la suite a consulté deux chirurgiens qui ont conclu à une indication chirurgicale jamais réalisée.
L'examen du médecin conseil a lieu le 26 septembre 2018 et fait état de douleurs aux mouvements et aussi au repos des deux épaules, l'examen clinique montre que la palpation est indolore à l'épaule droite, les mouvements sont effectués en actif et en passif, montre une limitation de l'amplitude de l'élévation antérieure et de l'abduction à 120°, les mouvements d'adduction, de rotation interne sont symétriques et limités, les rotations externes sont symétriques et les mouvements complexes sont normaux. Il n'y a pas de testing de l'épaule et pas d'amyotrophie.
Pour une épaule, siège d'une périarthrite scapulo-humérale non calcifiante de l'épaule droite dominante qui entraîne une limitation légère de l'amplitude de certains mouvements, le barème prévoit 5 à 10 %, vu l'examen clinique je propose 8 % ».
Dans son rapport produit en première instance, le docteur [L], médecin conseil de l'employeur, fait état d'une élévation antérieure de 120° à droite comme à gauche, une élévation de 120° à droite (contre 160° à gauche), une rétropulsion de 30° de chaque côté, une adduction de 50° à droite comme à gauche, une rotation interne L4 des deux côtés et une rotation externe de 60° de chaque côté.
Le docteur [M], médecin mandaté par la présente cour, indique ce qui suit : « Le guide barème d'invalidité prévoit (1.1.2) un taux d'IPP de 10 à 15 % pour une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante et un taux de 5 % pour une périarthrite scapulo-humérale.
Dans le cas présent l'élévation antérieure est limitée de façon légère de même que l'abduction qui est toutefois quasiment normale passivement. La rétropulsion est diminuée de 10° et la rotation interne est également légèrement diminuée. La rotation externe est normale. La totalité des mouvements n'est donc pas limitée et cette limitation est très légère pour certains. Dans ces conditions un taux plancher de 10 % prévu par le guide barème ne peut être atteint et le taux de 8 % est justifié ».
Le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d'invalidité, relatif à l'atteinte des fonctions articulaires, indique que la mobilité de l'épaule est considérée comme normale lorsque l'élévation latérale est de 170°, l'adduction de 20°, l'antépulsion de 180°, la rétropulsion de 40°, la rotation interne de 80° et la rotation externe de 60°.
Ce même chapitre préconise un taux compris entre 10 et 15 % en cas de limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante.
La cour constate que l'assuré présentait une limitation légère de certains mouvements de l'épaule dominante en ce que l'élévation antérieure était de 120° (pour une normale à 180°), l'élévation latérale de 120° également (pour une normale à 170°), la rétropulsion de 30° (pour une normale à 40°) et une rotation interne en L4.
Cependant, les mouvements de rotation externe sont normaux, les mouvements d'adduction et de rotation interne sont qualifiés de symétriques et de légèrement diminués, les mouvements d'élévation antérieure et d'élévation latérale sont considérés comme peu limités et quasiment normaux passivement selon les conclusions du docteur [M], la rétropulsion est très légèrement limitée, les mouvements complexes sont normaux et il n'y a pas d'amyotrophie.
La CPAM des Bouches du Rhône fait valoir, pour majorer le taux, qu'il existe une atteinte contro-latérale (gauche), objectivée par IRM du 24 février 2017, or cet argument ne saurait prospérer en ce que le barème indicatif d'invalidité ne prévoit pas de majoration du taux en de tel cas, qu'en outre, cet argumentation n'est pas reprise par les autres médecins et qu'en cas d'atteinte de la mobilité de l'épaule gauche, il convient à l'assurée qui entend faire valoir ses droits, de saisir la caisse primaire sur ce point.
Ainsi, étant rappelé que le barème est indicatif, le taux fixé à 8 % de façon concordante par le médecin désigné par les premiers juges et le médecin désigné par la présente cour, pour une limitation légère de certains mouvements de l'épaule dominante, apparaît justifié au regard du barème et de l'état séquellaire de l'assurée.
Enfin, en application de l'article
696 du code de procédure civile, la CPAM des Bouches du Rhône, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique et mis à disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la CPAM des Bouches du Rhône aux entiers dépens de l'instance.
Le Greffier,Le Président,