Chronologie de l'affaire
Tribunal judiciaire de Quimper 11 mai 2020
Cour d'appel de Rennes 22 juin 2022

Cour d'appel de Rennes, 9ème Ch Sécurité Sociale, 22 juin 2022, 20/02543

Mots clés A.T.M.P. : Demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse · société · maladie · médicale · constatation · professionnelle · caisse · prise · sécurité sociale · tableau · recours · risque · médecin · tribunal judiciaire · colloque

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro affaire : 20/02543
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Quimper, 11 mai 2020
Président : Madame Aurélie GUEROULT

Chronologie de l'affaire

Tribunal judiciaire de Quimper 11 mai 2020
Cour d'appel de Rennes 22 juin 2022

Texte

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/02543 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QVCA

CPAM DU TARN

C/

[5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Avril 2022

devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 11 Mai 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de QUIMPER - Pôle Social

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Madame [T] [K] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

LA SOCIÉTÉ [5], SA à directoire et conseil de surveillance, inscrite au RCS de Quimper sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3],

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 octobre 2018, Mme [G] [Z], salariée en tant qu'ouvrière agro-alimentaire au sein de la société [5] (la société), a déclaré une maladie professionnelle en raison d'une épicondylite médicale active avec retentissement et oedème osseux de la région épitrochléenne - coude droit.

Le certificat médical initial, établi le 26 octobre 2018, fait état d'une épicondylite médicale active avec retentissement et oedème osseux de la région épitrochléenne (IRM coude droit du 24 octobre 2018) avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 26 novembre 2018.

Par décision du 8 avril 2019, après instruction, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn (la caisse) a pris en charge la maladie tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

Par lettre du 29 mai 2019, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme (CRA).

Par lettre du 30 septembre 2019, la société a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Quimper, à l'encontre de la décision implicite de rejet rendue par la CRA.

Par décision du 20 novembre 2019, la CRA a confirmé l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 31 octobre 2018 par Mme [Z].

Par jugement du 11 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Quimper, a :

- déclaré recevable et bien fondé le recours de la société ;

- déclaré inopposable à la société la décision de la caisse du 8 avril 2019 de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée le 31 octobre 2018 par Mme [Z] ;

- condamné la caisse aux dépens.

Par déclaration adressée le 4 juin 2020, la caisse a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 14 mai 2020.

Par ses écritures parvenues au greffe le 24 février 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 11 mai 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Quimper, en ce qu'il a déclaré inopposable à la société la décision de la caisse de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [Z] en date du 25 juin 2018 (sic) (la prise en charge étant du 8 avril 2019) ;

- constater que la date de première constatation médicale de la pathologie est le 25 juin 2018 ;

- constater en conséquence le respect de la condition tenant au délai de prise en charge édictée par le tableau n°57 B des maladies professionnelles ;

- constater que la caisse a respecté le principe du contradictoire en informant l'employeur de la nature de l'examen ayant permis au médecin conseil de retenir la date de première constatation médicale de la pathologie de Mme [Z] ;

En conséquence,

- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [Z] ;

- la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

- rejeter toutes autres demandes comme injustes et mal fondées.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er juin 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 11 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper ;

En conséquence,

- déclarer que la décision prise par la caisse le 8 avril 2019 de reconnaître le caractère professionnel de l'affection du coude droit invoquée par Mme [Z] le 26 octobre 2018 (la caisse ayant retenu une date au 25 juin 2018) est inopposable à la société, les conditions du tableau n°57 B à laquelle cette pathologie a été rattachée, n'étant pas remplies et l'information de l'employeur sur les éléments ayant permis de fixer selon la caisse la date de première constatation médicale à une date antérieure à celle du certificat médical initial n'ayant pas été réalisée correctement ;

- condamner la caisse aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.


MOTIFS DE LA DÉCISION


I- Sur les conditions de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée.

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pose une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Fixés par décret, les tableaux précisent la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumèrent les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus (2e Civ., 17 mai 2004, n°03-11.968).

Il est de jurisprudence constante que la désignation des maladies figurant dans les tableaux présente un caractère limitatif, en sorte que ne peuvent relever de ce cadre de reconnaissance de maladie professionnelle les affections n'y figurant pas (Soc., 5 mars 1998, n° 96-15.326).

Toutefois, il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial (2e Civ., 9 mars 2017, n°16-10.017) ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial (2e Civ., 14 mars 2019, n° 18-11.975).

Le caractère habituel des travaux visés dans un tableau n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante de l'activité (2e Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-17.005) et le bénéfice de la présomption légale n'exige pas une exposition continue et permanente du salarié au risque pendant son activité professionnelle (2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-12.060).

Lorsque la demande de la victime réunit ces conditions, la maladie est présumée d'origine professionnelle, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail.

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de la victime, de rapporter la preuve que la maladie qu'elle a prise en charge est celle désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (2e Civ., 30 juin 2011, n° 10-20.144).

Une fois la présomption d'imputabilité établie, il appartient à l'employeur de démontrer que l'affection litigieuse a une cause totalement étrangère au travail ( 2e Civ, 13 mars 2014, pourvoi n° 13-13.663).

Le tableau 57 B exige notamment :

- au titre de la maladie, une tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens,

- au titre des travaux effectués, ceux comportant habituellement des mouvements répétés d'adduction ou de flexion et pronation de la main et du poignet et des mouvements de prosupination,

- au titre du délai de prise en charge, 14 jours.

La caisse soutient que si la date de cessation d'exposition au risque correspond au 24 août 2018, la date de première constatation médicale de la pathologie n'est pas le 10 septembre 2018 mais le 25 juin 2018 ; que cette date repose non pas sur une hypothèse du médecin conseil mais sur un élément objectif à savoir une échographie passée ce jour là ; que cette information figure au colloque et la mention de cet élément suffit à conférer à la date de première constatation médicale retenue une valeur probante ; que le tribunal a retenu à tort qu'il n'existait pas de documents médicaux antérieurs au CMI.

La société réplique que le CMI retient comme date de première constatation médicale le 10 septembre 2018 et aucun élément au dossier ne fait rétroagir la date de première constatation au 25 juin 2018 telle qu'indiquée dans le colloque médico-administratif. Le colloque précise qu'il s'agirait d'une échographie alors que le CMI mentionne une objectivation par IRM réalisée le 24 octobre 2018 et le tribunal a justement retenu que le colloque ne faisait pas mention de la date de réalisation de cette échographie, ni même du médecin qui l'aurait réalisée ; qu'ainsi elle n'a pas reçu une information loyale des éléments extrinsèques ayant permis de fixer une date de première constatation médicale antérieure à celle du CMI. Elle ajoute qu'il est surprenant que le colloque conclut à un accord de prise en charge en retenant le 25 juin 2018 alors que le médecin a répondu non à la question du respect du délai de prise en charge.

L'article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale issu du décret du 17 juin 2016 précise désormais que « pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil ».

Par ailleurs, si la pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur en application de l'article R. 441-14, alinéa 3 du code de la sécurité sociale, il convient cependant de vérifier en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l'employeur d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue (2e Civ., 9 mars 2017, n° 15-29.070).

En l'espèce, le médecin conseil a retenu au colloque médico-administratif du 14 mars 2019 la date du 25 juin 2018 comme date de première constatation médicale de la maladie et répondu à la question : Document ayant permis de fixer la date de première constatation médicale de la maladie déclarée : échographie de sorte que contrairement à ce que la société soutient et à ce que les premiers juges ont retenu cette échographie est datée du 25 juin 2018 et il existait donc bien une constatation médicale antérieure à celle figurant au CMI. Il est indifférent que le CMI du 26 octobre 2018 et la déclaration de maladie professionnelle du 31 octobre 2010 mentionnent la date du 10 septembre 2018 et la réalisation d'une IRM postérieure du coude droit le 24 octobre 2018, dès lors que la fixation de la première constatation médicale est de la compétence du médecin conseil et qu'il l'a établie après examen de l'échographie du 25 juin 2018 qu'il mentionne.

Au demeurant il y a lieu de noter que la date du 10 septembre 2018 figurant au CMI n'est nullement étayée contrairement à celle du médecin conseil qui repose sur l'échographie, rappel fait que ce dernier possède et analyse l'ensemble des éléments médicaux pour déterminer la date de première constatation de la maladie lesquels ne sont pas nécessairement à disposition du médecin traitant.

Il importe également peu que le colloque fasse mention du non respect du délai de prise en charge, cette indication étant remplie par le service administratif et au demeurant la position commune aboutit à une orientation du dossier vers un accord de prise en charge au titre de l'alinéa 2 du code de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs il n'est pas soutenu que ce colloque fixant la date de première constatation médicale ne figurait pas au nombre des pièces mises à la disposition de l'employeur à la fin de la procédure d'instruction.

La société a été suffisamment informée par le colloque médico-administratif, qu'elle a pu consulter, des conditions dans lesquelles a été fixée la date de première constatation médicale par le médecin conseil de la caisse, rappel fait que cette échographie est couverte par le secret médical et ne fait pas partie du dossier soumis à consultation.

Les parties s'accordent à reconnaître que la date de fin d'exposition au risque de Mme [Z] est le 24 août 2018. Le délai de prise en charge de 14 jours n'était donc pas dépassé dès lors que Mme [Z] était toujours exposée au risque.

La société ne conteste pas les autres conditions prévues par le tableau, lesquelles apparaissent réunies au vu des pièces du dossier. La maladie de Mme [Z] est donc présumée d'origine professionnelle et la société n'allègue d'aucun motif de nature à renverser cette présomption.

Compte tenu de ces éléments, il convient de d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société et de déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [Z].

II- Sur les dépens

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS

:

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société [5] ;

Statuant à nouveau :

Dit opposable à la société [5] la décision de la caisse du 8 avril 2019 de prise en charge de la pathologie déclarée le 31 octobre 2018 par Mme [Z] au titre de la législation professionnelle ;

Condamne la société [5] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT