Cour d'appel de Pau, 2ème CH - Section 2, 30 mai 2023, 20/01577

Mots clés Demande relative à la liquidation du régime matrimonial · récompense · vente · communauté · propres · calcul · prix · rapport · construction · localité · mari · propriété · revente · maison · hangar

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro affaire : 20/01577
Dispositif : Réouverture des débats
Président : Monsieur GADRAT

Texte

PS/BE

Numéro 23/

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 30 mai 2023

Dossier : N° RG 20/01577 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HS3F

Nature affaire :

Demande relative à la liquidation du régime matrimonial

Affaire :

[Z] [K]

C/

[V] [P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Avril 2023, devant :

Monsieur SERNY, Magistrat honoraire chargé du rapport,

assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur [F], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Madame DELCOURT, Conseiller,

Monsieur SERNY, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Z] [K]

née le 02 Juin 1955 à BEGADAN (33340)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Colette CAPDEVIELLE de la SCP CAPDEVIELLE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIME :

Monsieur [V] [P]

né le 13 Février 1957 à PAUILLAC (33250)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Christophe MARTIN CHEVALLIER de la SARL TAFALL MARTIN CHEVALLIER, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 16 JUIN 2020

rendue par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE BAYONNE

RG numéro : 19/00191

Vu l'acte d'appel initial du 21 juillet 2020 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement dont appel rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de BAYONNE qui a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux divorcés [P] [K], anciennement mariés sous le régime légal,

- déclaré [V] [P] créancier de l'indivision post-communautaire pour une somme de 5.559 euros,

- l'a déclaré débiteur d'une indemnité d'occupation mensuelle de 800 euros pour la période écoulée entre le 05 mars 2009 au 07 octobre 2015,

- rejeté toutes les autres demandes réciproques, notamment de récompenses,

- désigné le notaire dévolutaire en la personne de Me [N], notaire à [Localité 13] ;

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2020 par [Z] [K], appelante, qui conteste toutes les dispositions du jugement à la seule exception de celle ouvrant le partage judiciaire et qui :

- sollicite le paiement par [V] [P] d'une indemnité d'occupation de 89.270 euros,

- réclame une récompense de 7.650,08 euros pour avoir financé partiellement un hangar avec des fonds lui ayant été propres,

- réclame une récompense de 13.803,60 euros pour avoir fait profiter le patrimoine commun d'une somme de ce montant par elle reçue à titre d'indemnité réparant un préjudice corporel,

- réclame une récompense de 15.470,98 euros pour avoir fait profiter la communauté de fonds propres ayant servi à rénover leur immeuble de ST ESTEPHE,

- réclame pour la communauté une récompense de 118.806,56 euros pour avoir financé l'exploitation de vignes appartenant en propre à [V] [P],

- la fixation à 2.779,50 euros de la créance d'[V] [P] à raison du paiement des impôts fonciers,

- une somme de 3.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 janvier 2021 par [V] [P], intimé, qui demande

- la confirmation du jugement,

- une récompense sur la communauté d'un montant de 145.142,84 euros pour avoir fait profité la communauté du prix de vente de vignes lui ayant appartenu en propre,

- une récompense sur la communauté d'un montant de 8.735,33 euros donné par ses parents,

- une récompense sur la communauté d'un montant de 13.599,21 euros provenant d'une indemnité de licenciement lui appartenant en propre ;

- une somme de 3.000 euros en compensation de frais irrépétibles ;

Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 20 mars 2013,

Le rapport ayant été fait à l'audience.


MOTIFS

HISTORIQUE

[V] [P], né à PAUILLAC le 13 février 1957 et [Z] [H] [K] née à ANGLET le 02 juin 1955 se sont mariés le 10 mars 1979 à PAUILLAC sous le régime légal, jamais modifié.

La procédure de divorce a été engagée en 2009 et l'Ordonnance de Non Conciliation a été prise le 05 mars 2009 ; elle a attribué la jouissance du domicile conjugal au mari qui y est demeuré jusqu'à sa vente.

Le 29 mai 2012, le divorce a été prononcé par le tribunal de BAYONNE, sans énonciations de torts, en ordonnant le partage et liquidation des intérêts patrimoniaux des époux et en allouant à l'épouse une prestation compensatoire de 110.000 euros.

Par arrêt du 23 avril 2013, la cour a porté la prestation compensatoire à 60.000 euros.

Pourvoi en cassation a été formé par l'épouse qui s'en est désistée ; l'ordonnance de dessaisissement a été rendue le 06 février 2014.

b) le début de la procédure de partage

La maison indivise d'[Localité 9] a été vendue le 07 octobre 2015 au prix de 250.000 euros. Le mari y est demeuré jusqu'à cette date.

L'instance en partage a été introduite par assignation du 02 janvier 2019.

SUR LA DESIGNATION DU NOTAIRE DEVOLUTAIRE

Comme l'a relevé à juste titre l'intimé dans ses conclusions, l'appelante n'a nullement contesté cette demande formulée ar M. [P] en première instance.

Dans ces conditions, et alors qu'elle ne justifie aucunement du manque d'impartialité du notaire désigné - ce qui ne saurait résulter du simple fait qu'il ait fait office de notaire 'de famille' - Madame [K] sera déboutée de sa demande de ce chef.

SUR LA DATE D'EFFET DU DIVORCE

Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

- lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;

- lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.

A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge.

En l'espèce, il n'y a eu aucun débat sur le report de la date de dissolution de la communauté ; le régime matrimonial a donc été dissous le 05 mars 2009, date de l'Ordonnance de Non Conciliation.

SUR LA DATE DE JOUISSANCE DIVISE

Selon l'article 829 du code civil, en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant.

Cette date est la plus proche possible du partage.

Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.

Les dispositions de ce texte issu de la loi 20060728 consacrent la jurisprudence selon laquelle le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.

En l'espèce, malgré la vente du bien conjugal, la cour n'est pas en mesure de vérifier si l'indivision post-communautaire est ou non propriétaire d'autres biens indivis que l'immeuble conjugal. On ne peut pas vérifier que la règle de l'unité du partage est respectée. Il n'est pas davantage demandé à la cour de fixer la date de jouissance divise qui peut néanmoins avoir une importance pour l'application de l'article 1473 du code civil.

EVALUATION DES RECOMPENSES ET DES DETTES ENTRE EPOUX

Selon l'article 1469 du code civil rendu applicable par l'article 59 de la loi du 23/12/85, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes représentant la dépense faite et le profit subsistant.

Elle ne peut toutefois être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Elle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

Selon l'article 1473 du code civil, les récompenses dues à la communauté ou par la communauté portent intérêt de plein droit du jour de la dissolution ; toutefois, lorsque la récompense est égale au profit subsistant, les intérêts courent de la liquidation.

Il résulte de la combinaison des articles 1469 dernier alinéa et 1473 que, lorsque récompense est due pour l'acquisition, la conservation ou l'amélioration d'un bien ultérieurement aliéné, le profit subsistant est calculé et évalué à la date de l'aliénation et qu'en l'absence de remploi, la récompense est égale au profit subsistant ainsi fixé, augmenté des intérêts au taux légal depuis la date de l'aliénation jusqu'à la date de jouissance divise.

Les droits à récompenses réciproques sont nés en l'espèce à l'occasion de deux opérations immobilières réalisés en 1995-1996 qui ont consisté

- pour le mari à vendre des vignes lui appartenant en propre pour un montant de l'ordre de 1.500.000 francs soit environ 229.000 euros étant précisé que partie de l'emprunt a été remboursé en cours de mariage

- pour la communauté à vendre un immeuble commun situé à [Localité 12] au prix de 800.000 francs soit environ 122.000 euros,

- puis à acquérir un immeuble à [Localité 9] pour 106.000 euros avant de le réaménager et le revendre à la découpe au prix de 508.000 euros.

A) compte de récompense d'[V] [P] ' Appréciation des transferts de valeur entre son patrimoine propre et le patrimoine commun

1- Récompense due par la communauté à [V] [P] en raison de la contribution au financement des immeubles acquis à [Localité 10] avec le prix de vente des vignes lui appartenant en propre puis améliorés et revendus (à inscrire au crédit de son compte de récompense)

Les immeubles de [Localité 10] ont été acquis en 1995 avec les fonds provenant de la vente des vignes qui a rapporté 240.970 euros sans mention de remploi.

La communauté les a améliorés pour porter la valeur du bien de 106.714 euros à 508.000 euros, en 11 années.

Le mari propose le calcul suivant :

- (valeur vignes 1978) / (valeur rachat maison) * (valeur de vente)

- soit 30.489,80 / 106 714,31 * 508.000 euros

Ce calcul ne peut pas être validé parce qu'il ne ramène pas toutes valeurs à une date unique. Pour respecter la règle de l'égalité du partage, il faut comparer les valeurs avant et après amélioration en les ramenant à une date unique, qui est celle de la revente des lots dans les années 2006 à 2009, sans quoi le calcul proportionnel serait faussé.

Il est acquis que le bien a été acquis pour 106.714,31 euros avec des fonds issus de la vente des vignes propres.

Après aménagement, il a été revendu au prix de 508.000 euros.

En réclamant une récompense de 145.142,84 euros pour l'amélioration de ce bien acquis par la communauté exclusivement au moyen de deniers issus de la vente de ses vignes propres, [V] [P] évalue nécessairement cet immeuble à ce montant dans l'état qui était celui de l'immeuble lors de l'acquisition de 1995 ; à état constant, le bien aurait ainsi, selon lui, augmenté de valeur à hauteur de 145.142,84 - 106.714,31 = 38 428,53 euros en 11 ans.

Si l'on admet le montant de la récompense réclamé par le mari, il faut en tirer des conséquences sur la récompense réclamée par l'épouse. L'emprunt a été remboursé par la communauté ce qui pose une question de dette de valeur à l'occasion de cette opération. Il faut rouvrir les débats pour obtenir l'avis de l'épouse sur la valeur du bien d'[Localité 9] lors de la revente après découpe mais en son état lors de l'acquisition, sauf à ce qu'elle acquiesce à la valeur de la récompense réclamée par son mari

2 ' Récompense due par [V] [P] à la communauté pour remboursement d'un emprunt ayant servi à acquérir des vignes avant son mariage (à inscrire au débit de son compte de récompense)

La communauté ayant légalement la jouissance des biens propres, les revenus nets d'une exploitation agricole (après paiement des charges) entrent en communauté sans ouvrir droit à récompense au bénéfice de l'époux propriétaire ; inversement, la communauté n'a pas droit à récompense à raison du remboursement par elle des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de biens propres ; elle n'a droit à récompense qu'en considération de la réduction du capital restant dû.

Selon acte du 13 septembre 1978, [V] [P] a fait l'acquisition de parcelles de vigne sur la commune de [Localité 12] au prix de 200.000 francs en souscrivant auprès de la CRCAM un prêt de 196.000 francs remboursables sur 25 ans par échéances annuelles à compter du 01 septembre 1979. Cependant [V] [P] a revendu les terres prématurément, réalisant certes une plus-value immobilière mais en subissant une pénalité d'autre part.

Les taxes foncières payées par la communauté sont considérées comme des charges de l'exploitation, et, comme les charges, elles sont payées avec les produits de cette exploitation sans pouvoir nécessairement être considérées comme un financement de bien propre par la communauté ; il faut rouvrir les débats sur ce point.

L'épouse soutient que la communauté aurait aussi payé une pénalité contractuelle de 158.308 francs soit 24.133,90 euros pour avoir vendu l'exploitation prématurément au regard de la réglementation régissant l'aide aux jeunes agriculteurs. Cette somme aurait vocation à entrer en nominal au débit du compte de récompense d'[V] [P] sauf si on la considère comme une charge de la communauté, décidée par elle en connaissance de cause. La réouverture des débats doit être mise à profit pour tenter de justifier du bien-fondé de la réclamation en précisant le statut commun ou propre de l'exploitation

Les échéances du prêt ont été remboursées par la communauté jusqu'à la vente des vignes intervenue le 19 octobre 1994 au prix de 1.580.660 francs soit 240.970 euros. A la date de la vente, le capital restant dû était de 118.453 francs ce dont on déduit que durant la vie commune, la communauté l'a amorti à hauteur de 196.000 ' 118.453 = 77.547 francs soit 11.822 euros.

La communauté a donc financé 77.547 / 200.000 = 38,77 % de la valeur des vignes revendues ce qui fait apparaître un principe de récompense à calculer selon cette proportion.

La difficulté tient à déterminer la valeur de l'assiette ; elle se révèle en l'espèce, être double selon les éléments soumis à la cour ; une distinction est à opérer selon l'emploi qui a été fait de ces fonds qui sont des fonds propres au mari puisque les vignes vendues l'étaient :

1- Pour la partie du prix de vente des vignes dont il n'est pas indiqué qu'il aurait été remployé dans les travaux d'amélioration, soit 240.970 - 106.714 = 134.256 euros, l'application de la proportion ci-dessus conduirait à reconnaître à la communauté un droit à récompense calculé en nominal s'élevant à 134.256 * 38,77% = 52.051 euros à inscrire au passif du compte de récompense d'[V] [P] ; les observations des parties doivent être recueillies car se pose la question de l'emploi de ces sommes.

2- Pour l'autre partie du prix de revente des vignes, soit 106.714 euros, il est admis par le mari que les fonds ont servi à payer la totalité d'un immeuble à LOUHOUSSA, ensuite amélioré par la communauté avant d'être revendu à la découpe, [V] [P] réclame pour lui-même, une récompense de 145.142,84 euros qui correspond nécessairement à la valeur réactualisée en 2006-2008 de la valeur de l'immeuble en son état lors de l'acquisition.

Comme les biens propres aliénés pour cet achat de communauté, avaient eux-mêmes été financés par la communauté à proportion de 38,77 % (réduction du capital restant dû selon les motifs qui précède), le mari n'ayant contribué à l'enrichissement de son patrimoine qu'à hauteur de 61,23 %, la récompense due à la communauté pour le financement de part de la valeur des vignes réemployée dans l'amélioration des biens d'[Localité 9] pourrait alors se calculer comme suit ;

145.142,84 * 38,77% = 56 272 euros selon le régime de la dette de valeur auquel l'épouse n'a pas explicitement renoncé.

On obtiendrait par conséquent une récompense due par le mari à la communauté qui atteint un total de 58.140 + 56.272 = 114 412 euros en prenant pour base la valeur même de la récompense réclamée par le mari ; l'épouse ne discute pas directement le montant de la récompense réclamée par le mari, mais elle réclame davantage sans que son calcul puisse être validé et sans renoncer explicitement à un calcul de la récompense selon le principe de la dette de valeur ; il faut rouvrir les débats.

3- Récompense due par la communauté à [V] [P] pour avoir bénéficié d'une indemnité de licenciement payée le 04 août 1995 après son licenciement (à inscrire au crédit de son compte de récompense).

[V] [P] a signé le 04 août 1995 un reçu pour solde de tous comptes après versement d'une indemnité de licenciement de 89.205 euros soit 13.599,21 euros. Cette somme est présumée avoir bénéficié à la communauté qui lui en doit récompense.

4- Récompense due par la communauté à [V] [P] pour avoir bénéficié de deniers propres

[V] [P] justifie avoir reçu de ses parents, par donation-partage du 25 juillet 1990 une somme de 8.753,33 euros dont la communauté est présumée avoir profité : elle lui en doit récompense.

B) compte de récompenses de [Z] [K] ' Appréciation des transferts de valeur entre son patrimoine propre et le patrimoine commun

En synthèse l'épouse expose avoir vendu des biens propres et vidé un PEL ouvert avant le mariage pour financer à hauteur de 48.000 + 21.149,07 + 42.826,83 + 44 339,81 = 156.315,71 francs la construction d'une maison avec hangar sur un bien commun situé sur la commune de ST ESTEPHE. Les travaux ont coûté 374.334 euros financés par l'emprunt à hauteur de 153.000 euros ; les travaux se sont étalés entre 1983 et 1986. Il y a bien cohérence entre l'origine des fonds et le montant de l'investissement. L'emploi de ces fonds propres dans cet investissement est prouvé.

II y a concomitance dans le temps entre l'encaissement des fonds et travaux sur la propriété ; cela suffit à prouver que les fonds ont bien été investis dans des opérations de construction d'un ensemble immobilier composé d'une maison et d'un hangar ; l'identité des titulaires des comptes débités pour payer ces factures est sans importance ; [Z] [K] évalue l'investissement total effectué en 2003 à 36.623 + 337.711 = 374.334 euros ; la réalité de ces opérations de construction n'est pas contestée par le mari et le coût reste cohérent avec le prix de revente 23 ans plus tard.

On peut donc tenir pour valables les évaluations de l'épouse relatives au montant des travaux, tout comme la distinction qu'elle opère entre la valeur de construction de la maison et celle du hangar, qui se révèle avoir son importance comme les motifs qui suivent vont le démontrer sur deux points.

1- Profit retiré par la communauté pour avoir financé un hangar agricole commun de [Localité 12] avec des fonds propres de l'épouse (à inscrire au crédit de son compte de récompenses)

Par acte sous-seing privé du 03 août 1996 dressé en un seul exemplaire, ils ont vendu à [W] [T] au prix de 800.000 francs (hors commission d'agence) soit 121 959,21 euros ; l'acte authentique n'est pas versé au débat permettant de vérifier les origines de propriété ; il n'est pas contesté que ce bien était commun. La vente porte sur une maison et un hangar et leur terrain d'assise.

[Z] [K] démontre avoir recueilli une somme de 21.149,07 francs soit 3.224,15 euros lors de la vente intervenue le 27 septembre 1983 devant Me [M], notaire à [Localité 11], d'un bien indivis ayant fait partie de la succession de ses parents. Le versement résulte d'un document comptable notarial partageant le produit de la vente à parts égales entre 6 personnes, dont [Z] [K], après versement préalable d'une somme de 11.419,58 euros à [S]. [V] [P] ne peut soutenir que cette pièce n'est pas probante de l'entrée de deniers dans le patrimoine propre de son épouse.

Cette somme a été utilisée pour la construction du hangar ayant fait partie de la propriété vendue en 1996 ; selon [Z] [K], le hangar représenterait 10,85% de la valeur du bien vendu et d'autre part que les fonds recueillis ont contribué à couvrir une dépense globale de 36.623,05 francs, en conséquence de quoi elle demande une récompense calculée comme suit (800.996,05 * 10,85%) * 21.149,07 / 36.623,05 /6,55957 = 7.650,08 euros.

Elle calcule donc la récompense comme à la somme de 800.996 * 10,85 * 21.149,07 / 36.623,05) / 6.55957 = 7.650 euros en principal.

Ce calcul ne peut cependant pas être validé et doit être rectifié (et devra l'être pour les autres postes de récompense ci-dessous examinés qui se rattachent tous à la construction des immeubles revendus) :

- les frais de 996 francs, soit 151,84 euros sont à exclure dans la base d'un calcul de dette de valeur ; pour l'évaluation de la récompense à proportion de la variation de valeur du bien, on prendra donc le prix de 800.000 francs ;

- la deuxième erreur affecte le rapport de valeur du hangar par rapport à l'ensemble de la construction ; si l'on évalue à 36.623 euros la valeur de la construction du hangar et à 337.411,54 euros, la valeur du coût de la construction de la maison, la proportion de la dépense exposée pour le hangar se calcule selon la formule 36.623 / (36.623 + 337.411) = 9,79 % de la valeur totale et non selon la formule 36. 623 / 337.441.

- la troisième erreur, de loin la plus lourde de conséquence, consiste à établir un rapport de proportions entre valeurs hétérogènes, qui ne sont pas comparables entre elles ; un des termes du calcul de la proportion est le coût d'une construction, qui n'inclut pas la valeur du sol, alors que l'autre terme du calcul de la proportion est le prix de revente, qui inclut la valeur du sol et la valeur de la construction. Il faut donc rectifier.

Un calcul économiquement et juridiquement correct impose donc que l'on retire la valeur du sol pour apprécier la valeur des seules constructions du hangar lors de la revente de 1996 ; cette valeur peut être estimée à la moitié de la valeur du hangar lors de la revente.

En admettant la proportion retenue (800.000 * 9,79 %) / 2 = 39.160 francs fixant la valeur relative du hangar dans celle de la propriété, la récompense s'évalue à 39.160 * 21.149,07 / 36.623,05 = 22.614,11 francs soit 3.447 euros.

On retombe dans ce cas sur une valeur proche, quoique supérieure à la fixation de la récompense sur la base du nominal encaissé.

Il n'est pas fait état d'un remploi de ces fonds ; sauf élément ignoré de la cour, la récompense est fixée en nominal en valeur 1996.

La récompense sera liquidée et inscrite au crédit du compte de récompense de [Z] [K] dont le solde sera payé par prélèvement sur l'actif net s'il est créditeur pour elle ou en moins prenant sur sa part s'il est débiteur pour elle.

2 ' Profit retiré par la communauté de deniers ayant appartenu en propre à l'épouse pour provenir de l'indemnisation d'un préjudice corporel, ensuite investis dans la construction de la maison de [Localité 12] (à inscrire au crédit de son compte de récompense)

[Z] [K] a été victime en 1971 d'un accident de la circulation, subissant un préjudice corporel en réparation duquel elle a perçu une indemnité de 44.339,81 francs soit 6.759,56 euros encaissée le 30 juillet 1974. Ces fonds ont bien la qualité de fonds propres ; elle est fondée à réclamer une récompense pour les avoir investis dans les travaux de construction réalisés au milieu des années 1980-1990 sur le bien revendu en 1996.

Le calcul doit être rectifié pour les mêmes raisons que celui de la précédente récompense.

La valeur de la construction de la maison représente 100 ' 9,79 = 90,21 % de l'investissement réalisé.

Il faut ensuite, comme pour le hangar, retirer du prix de revente la valeur du sol par rapport à l'ensemble ; s'agissant d'une maison, la valeur du sol sera estimée au 1/3 du prix de revente ; la construction seule en représente les 2/3.

Par voie de conséquence, la dette de valeur se calcule à posant deux opérations

- la valeur de la construction sans le sol représente 800.000 * 90,21 % * 2/3 = 481.120 francs du prix de revente,

- la récompense s'élève donc à 481.120 * 44.339,81 / 337.411 = 63.224,88 francs soit 9.638 euros.

Le PEL 01335715320 a été souscrit par [Z] [K] souscrit le 29 août 1974 a été ouvert avant le mariage ; il a été utilisé le 11 février 1986, l'organisme versant le solde créditeur ainsi que la prime attachée à ce PEL ont le caractère de bien propre du titulaire de ce compte.

[Z] [K] expose avoir acquis une automobile avec une partie de l'épargne. Ce PEL a été clôturé et elle a retiré 42.826,83 francs représentant le solde du compte, le montant de la prime et des intérêts ; lorsqu'elle a clôturé le compte, elle a retiré le solde d'environ 33.000 francs mais avec la prime versée, elle a bien réinvesti un montant de 42.826,83 francs soit 6.528,91euros dans les travaux de construction de la maison. Le calcul doit être rectifié pour les mêmes raisons que celui de la précédente récompense.

La valeur de la construction de la maison représente 100 ' 9,79 = 90,21 % de l'investissement réalisé.

Il faut ensuite retirer du prix de revente la valeur du sol par rapport à l'ensemble ; s'agissant d'une maison, la valeur du sol sera estimée au 1/3 du prix de revente ; la construction seule en représente les 2/3. Par voie de conséquence, la dette de valeur se calcule à posant deux opérations

- la valeur de la construction sans le sol représente 800.000 * 90,21 % * 2/3 = 481.120 francs du prix de revente,

- la récompense s'élève donc à 481.120 * 42.826/337.411 = 61.067,74 francs soit 9.310 euros.

Le 17 juillet 1986, [Z] [H] [K] a vendu avec son mari, par le même acte, des parcelles de terre communes cadastrées [Cadastre 2] et [Cadastre 1] et une parcelle bâtie cadastrée C [Cadastre 3] lui appartenant en propres cadastrées sur la commune de [Localité 8] (33) au prix de 50.000 francs. Le mari reconnait que la parcelle bâtie à usage d'habitation entre pour 48.000 francs dans le prix de la vente, les parcelles communes n'entrant que pour 2.000 francs.

Il s'agit bien d'une vente de bien propre de l'épouse ayant servi à construire l'ensemble immobilier de [Localité 12]

Le calcul doit être rectifié pour les mêmes raisons que celui de la précédente récompense.

La valeur de la construction de la maison représente 100 ' 9,79 = 90,21 % de l'investissement réalisé.

Il faut ensuite retirer du prix de revente la valeur du sol par rapport à l'ensemble ; s'agissant d'une maison, la valeur du sol sera estimée au 1/3 du prix de revente ; la construction seule en représente les 2/3. Par voie de conséquence, la dette de valeur se calcule à posant deux opérations

- la valeur de la construction sans le sol représente 800.000 * 90,21 % * 2/3 = 481.120 francs du prix de revente,

- la récompense s'élève donc à 481.120 * 48.000/337.411 = 68.444 francs soit 10.434 euros.

L'investissement de valeurs propres de [Z] [K] dans l'immeuble de [Localité 12] ouvre donc droit à une récompense calculée selon la dette de valeur d'un montant à peine supérieur à la valeur de 29 274,58 euros qu'elle réclame et qui constitue le plafond de ce qui peut lui être accordé.

COMPTES D'INDIVISION

Dépenses financées par les deniers personnels de l'un des copartageants

Selon l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à la valeur dont ce bien se trouve augmentée au temps du partage ou de son aliénation. En outre, il est tenu compte à chaque indivisaire des impenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des biens indivis encore qu'elles ne les aient pas améliorés.

Sont, en application de ce texte, inscrits au crédit du compte d'indivision les remboursements d'emprunts effectués sur leurs deniers personnels par l'un ou l'autre des époux copartageants de la communauté dissoute ainsi que toutes les charges usuelles exposées pour l'utilisation et la conservation des biens indivis, en particulier les impôts fonciers et les primes d'assurance.

Les parties ne font pas de demande particulière autre que le poste admis par le premier juge qui est justifié.

Le jugement sera confirmé pour le montant des taxes foncières qu'il porte au crédit du compte d'indivision du mari pour 5.559 euros.

Pour le surplus, les parties sont renvoyées devant notaire.

Faits de jouissance privative

Selon l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d'une indemnité soumise à la prescription quinquennale de l'article 815-10 du même code. Cette indemnité s'inscrit au débit du compte d'indivision du coindivisaire concerné.

Le domicile conjugal d'[Localité 9] a été occupé privativement par [V] [P] jusqu'au 07 octobre 2015, date de sa vente. Renonçant à un moyen de prescription initialement invoqué, il admet aujourd'hui être redevable de cette indemnité depuis la date du 05 mars 2009.

Le bien consiste en une maison individuelle bâtie sur deux niveaux acquise en 1990 rénovée en 1996 disposant d'une surface habitable de 200 m².

La revente du 07 octobre 2015 ne porte pas sur les terres entourant la maison mais uniquement sur les parcelles où elle est implantée (850 et 852 section C) et pour une superficie de 5608 m². Les terres alentours (environ 4 ha) sont attribuées aux enfants par voie de donation-partage reçu la veille.

Malgré le handicap de l'éloignement et de l'isolement de la commune d'[Localité 9] (il faut d'abord gagner la vallée de la Nive pour déboucher sur une grande voie de circulation), la valeur locative proposée dans les annonces de 2009 à 1.200 à 1.300 euros correspondait au marché locatif de l'époque ; l'indemnité n'étant pas imposable à la différence d'un loyer, l'indemnité d'occupation correspondante à cette valeur locative annoncée s'évaluait en 2009 à 1.000 euros ; le marché n'a jamais baissé depuis et les difficultés rencontrées dans la recherche d'un logement dans le pays basque proche de la côte n'ont cessé de croitre. Sur la durée écoulée entre l'ordonnance de non conciliation et la vente, [Z] [K] est fondée à réclamer l'inscription au débit du compte d'indivision de son mari l'indemnité d'occupation mensuelle moyenne de 1.130 euros qu'elle réclame pour une durée de 79 mois, soit un total de 89.270 euros.

Le jugement sera confirmé.

IMPOSSIBILITE DE PRONONCER DES CONDAMNATIONS

Le débat ne porte que sur des articules de comptes d'indivision et de partage qui ne constitue pas des créances exécutoires susceptibles d'exécution ; les dettes d'un indivisaire envers l'indivision se payent en moins prenant sur sa part alors que les créances lui ouvrent un droit de prélèvement sur l'actif net (le passif incluant sa créance).

Toute demande de condamnation doit être rejetée. Une avance sur part peut être allouée mais elle doit être demandée au juge compétent.

SUR LES DEMANDES ANNEXES

Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et ce pour les deux degrés de juridiction.

Les dépens entreront en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

STATUANT SUR LE FOND EN DERNIER RESSORT

* Déboute [Z] [K] de sa demande de changement de notaire

* dit que la communauté a été dissoute le 05 mars 2009,

* dit que, pour avoir contribué durant la vie commune au financement d'un hangar sur la propriété commune de [Localité 12] au moyen de fonds propres provenant d'une vente du 27 septembre 1983, la communauté doit à [Z] [H] [K] une récompense d'un montant de 3.447 euros à inscrire au crédit de son compte de récompense,

* dit que, pour avoir contribué durant la vie commune au financement d'une maison sur la propriété commune de [Localité 12] avec des fonds provenant de l'indemnisation d'un préjudice corporel perçus en août 2014, avec des deniers échus par succession et avec ses économies, la communauté doit à [Z] [H] [K] une récompense d'un montant de 29 274,58 euros à inscrire au crédit de son compte de récompense,

* dit que pour avoir bénéficié de deniers propres échus à [V] [P] durant la vie du régime matrimonial, la communauté doit à [V] [P] une récompense de 13.599,21 + 8.753,33 euros =22 352,54 euros à inscrire au crédit de son compte de récompense,

* fixe à 89.270 euros le montant de l'indemnité d'occupation à inscrire au débit du compte d'indivision d'[V] [P] pour l'occupation privative de l'immeuble conjugal du 05 mars 2009 au 07 octobre 2015,

STATUANT AVANT DIRE DROIT SUR LE CALCUL DES RECOMPENSES RECIPROQUES A CALCULER EN FONCTION DES CONDITIONS DE FINANCEMENT DES [Localité 14]

* rouvre les débats

* demande aux parties de conclure sur la valeur du bien D'[Localité 9] revendu en 2008 sur la valeur qu'il aurait eu à cette date en son étant lors de l'acquisition,

* soulevant la règle d'ordre public de l'égalité du partage, invite l'épouse soit à estimer la récompense qui peut lui être due en la calculant selon le régime de la dette de valeur soit à renoncer expressément à l'application de ce régime en optant pour un calcul en nominal dont elle donnera les bases,

* renvoie les parties à préciser dans leurs conclusions

- la structure juridique de l'exploitation agricole ayant exploité les vignes,

- le régime commun ou propre de la pénalité payée pour revente prématurée de la vigne donnerait lieu à récompense,

- le régime commun ou propre des taxes foncières,

* renvoie l'affaire à l'audience du 04 septembre 2023

* réserve les dépens et frais irrépétibles

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Julie BARREAU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

Julie BARREAU Xavier GADRAT