Cour de cassation, Chambre sociale, 4 avril 2007, 05-42.847

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2007-04-04
Cour d'appel de Chambéry (chambre sociale)
2005-04-05

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 05-42.847 et n° Z 05-43.926 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Chambéry, 5 avril 2005), que M. X... a été embauché le 2 janvier 1991 par la société Socofix, comme chargé de mission auprès de la direction industrielle ; qu'à partir de 1993, il a été chargé de la mission de représenter le président du conseil d'administration de la société Cartier industrie dans une filiale en Allemagne, la Wehrle GMBH, dont il a été nommé cogérant et directeur général ; que la société Socofix est devenue Cartier industrie, et actuellement Pressac France ; que, par avenant du 1er avril 1998, M. X... a été nommé directeur du développement international de la société Cartier industrie ; que le 1er mars 2000, l'employeur lui a adressé une lettre supprimant sa fonction de directeur général de la société Wehrle et lui proposant un nouveau poste de directeur des ventes et marketing de la division électronique, ce qu'il a refusé par lettre du 25 mars ; qu'il lui a été alors demandé, par lettre du 10 mai 2000, d'exercer ses fonctions de directeur du développement international à Cluses ; qu'il s'y est rendu le 29 mai après une période de congés payés, et a cessé de travailler à partir du 5 juin 2000 ; que, le 30 mai 2000, il a écrit, par l'intermédiaire de son avocat, qu'il considérait les mesures prises par l'employeur comme un licenciement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 16 juin 2000 d'une demande de résiliation du contrat de travail et que l'employeur, après convocation du 7 juin, l'a licencié pour faute grave par lettre du 26 juin 2000 ; Sur le pourvoi n° B 05-42.847 formé par la société Pressac France :

Sur le premier moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt d'avoir dit que la rupture du contrat de travail résultait de la prise d'acte du licenciement par le salarié et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen : 1 / que la "prise d'acte" de la rupture du contrat de travail est le procédé par lequel le salarié prend l'initiative de rompre son contrat de travail tout en imputant la responsabilité à son employeur, et que n'atteint pas cet objectif, la lettre du 30 mai 2000 adressée à la société Cartier industrie, non par M. X..., mais par son avocat ;

qu'en décidant

néanmoins que cette lettre constituait une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. X... et pouvait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 121-1, L. 122-4 et L. 122-14-3 du code du travail ; 2 / que, de toute façon, en qualifiant la lettre du 30 mai 2000 de "prise d'acte de la rupture" avec effet au 5 juin 2000, sans rechercher, comme le soutenait le salarié lui-même, si cette lettre n'avait pas, au contraire, été adressée à l'employeur pour lui faire "mise en demeure de respecter les modalités du contrat de travail", ce qui expliquait que M. X... ait seulement saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à la "résiliation judiciaire" de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 121-1, L. 122-4 et L. 122-14-3 du code du travail ; Mais attendu, d'abord, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme et peut valablement être présentée par le conseil d'un salarié au nom de celui-ci ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, alors même que l'employeur reconnaissait dans ses conclusions que le salarié avait pris acte de la rupture par l'intermédiaire de son conseil ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt

d'avoir dit que la rupture du contrat de travail résultait de la prise d'acte par le salarié et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen : 1 / que l'existence d'une modification du lieu de travail doit s'apprécier en considération de la nature et de l'importance des fonctions du salarié ; qu'en l'espèce, en décidant que le déplacement du lieu de travail de M. X... de Neuilly-Plaisance à Cluses, entraînerait une "modification importante" de son contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce déplacement, eu égard aux fonctions de cadre international de très haut niveau exercées par M. X..., qui était astreint selon l'article 5 de l'avenant du 1er avril 1998 à son contrat de travail, à "se déplacer sur l'ensemble du territoire métropolitain et à l'étranger et notamment en Allemagne, au Maroc, en Tunisie, en Argentine, en Turquie et en Asie" ne correspondait pas à un simple changement de ses conditions de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'avenant susvisé et des articles 1134 du code civil et L. 121-1 du code du travail ; 2 / que les mandataires sociaux sont révocables à tout moment et sans que cette révocation ait une incidence sur le contrat de travail dont ils ont conservé le bénéfice ; qu'en l'espèce, la révocation de M. X... en sa qualité de "directeur général" de la filiale allemande Wehrle GMBH avait laissé intactes ses fonctions salariées de "directeur du développement international" de la société Cartier industrie telles que définies par l'article 4 de l'avenant du 1er avril 1998 à son contrat de travail ;

qu'en décidant

le contraire sans caractériser la modification des fonctions techniques exercées par M. X... pour le compte de la société Cartier industrie en France, et pour le compte de la société Wehrle GMBH en Allemagne , la cour d'appel a violé les articles 1984 du code civil et L. 121-1 du code du travail ; 3 / qu'en se fondant sur la description du bureau attribué à M. X... sur le site de Cluses, ainsi que sur la considération qu'il n'y avait pas été accueilli, pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, sans répondre aux conclusions de la société qui faisaient valoir d'une part qu'eu égard à la nature de ses fonctions et à son niveau de responsabilité, il entrait précisément dans les attributions de ce cadre de très haut niveau, de prendre les initiatives qui s'imposaient pour donner corps à sa fonction et, d'autre part, que M. X... n'avait besoin pour travailler que de son téléphone et de son ordinateur portable, ce dont il disposait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 121-1 du code du travail ; 4 / qu'en affirmant, pour approuver M. X... d'avoir refusé de poursuivre l'exécution de son contrat de travail à Cluses et en imputer la responsabilité à la société Pressac, que cette affectation "apparaît dépourvue d'utilité pour la société", la cour d'appel s'est immiscée dans le fonctionnement même de l'entreprise en contrôlant un choix de pure gestion effectué par l'employeur, en violation de l'article L. 321-1 du code du travail ; Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé, d'une part, que l'article 5 de l'avenant au contrat de travail, lequel ne comportait pas de clause de mobilité, précisait que M. X... exercerait ses fonctions à Neuilly-Plaisance ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs de la première branche du moyen, que la fixation de son lieu de travail à Cluses constituait une modification du contrat de travail qu'il était en droit de refuser ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel a estimé à bon droit que la révocation du salarié de son poste de directeur général de la filiale allemande Wehrle GMBH constituait une autre modification du contrat de travail ; qu'ainsi, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

:

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt

de l'avoir condamné à payer à M. X... une somme à titre de bonus sur objectif, alors, selon le moyen : 1 / que la cassation du chef de l'arrêt qui a jugé que M. X... était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail entraînera, sur le fondement de l'article 624 du nouveau code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui a alloué à ce dernier une prime de bonus sur objectif ; 2 / que se contredit en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile l'arrêt qui écarte l'avenant du 16 février 2000 comme n'ayant pas été signé par M. X... et qui, par ailleurs, conditionne l'octroi du bonus pour l'exercice 1999-2000 à la condition de présence dans l'entreprise au 31 juillet 2000, prévue aux termes de ce même avenant ; 3 / que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour solliciter la condamnation de son ancien employeur à lui payer des "bonus sur objectif", M. X... se bornait à invoquer un avenant du 16 février 2000 qu'il avait refusé de signer, sans qu'à aucun moment il ne revendique l'application de modalités de calcul obsolètes utilisées en 1999 ;

qu'en décidant

pourtant d'office de faire application de ces modalités et en allouant une somme de 46 000 euros de ce chef, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, portant, a violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ; 4 / que les juges du fond doivent, en toutes circonstances, faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'application d'un mode de calcul obsolète (celui de l'année précédente), sans avoir au préalable invité la société Pressac à faire valoir ses observations sur ce point qui n'était pas invoqué par le demandeur, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ; Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche du troisième ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, ne s'est pas fondée sur l'avenant du 16 février 2000 et n'a pas relevé de moyen d'office, a exactement décidé que l'employeur ne pouvait se dégager de l'obligation de payer le bonus, élément de salaire calculé en fonction des objectifs réalisés, en licenciant le salarié avant le terme fixé pour l'obtention de ce droit ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le pourvoi n° Z 05-43.926 formé par M. X... :

Sur le premier moyen

:

Attendu que le salarié fait grief à

l'arrêt d'avoir limité à 46 000 euros la somme à lui allouée à titre de prime de bonus sur objectifs, alors, selon le moyen, que le calcul effectué par le salarié se fondait sur les engagements contractuels tels qu'ils résultaient des propres constatations de la cour d'appel et, d'autre part, sur les revenus du salarié pour l'année 2000 ; qu'en rejetant les demandes du salarié au seul motif qu'il ne précisait pas les modalités de son calcul, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que M. X... ne précisait pas les modalités de son calcul pour l'année 2000 mais qu'il avait droit à un bonus, la cour d'appel a pu se fonder sur le calcul de l'année précédente pour fixer le montant de la prime ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

:

Attendu que le salarié reproche à l'arrêt

de lui avoir alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans tenir compte du non-respect de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen, que les salariés licenciés par un employeur employant moins de onze salariés sont en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ainsi que le paiement d'une indemnité en fonction du préjudice subi ; que la cour d'appel, qui n'a pas alloué au salarié d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement alors qu'il résulte de ses constatations que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée, a violé l'article L. 122-14-4 du code du travail ;

Mais attendu

que le contrat de travail a été rompu par une prise d'acte du salarié, et non par un licenciement ; que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille sept.