TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 24 juin 2016
3ème chambre 2ème section N° RG : 15/03764
Assignation du 27 février 2015
DEMANDERESSE Société LABORATOIRES M&L. ayant pour nom commercial "L'OCCITANE" Zone industrielle Saint Maurice 04100 MANOSQUE représentée par Maître André BERTRAND de la SELARL ANDRE BERTRAND & ASSOCIES - SOCIETE D AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0207
DÉFENDEUR Monsieur Mohammed E représenté par Me Matthieu CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0473
COMPOSITION DU TRIBUNAL François ANCEL I e ' Vice-Président Adjoint Françoise B. Vice-Président Julien S. Vice-Président assistes de Jeanine R, faisant fonction de Greffier
DEBATS À l'audience du 12 mai 2016 tenue en audience publique
JUGEMENT Prononce publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS. PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société LABORATOIRE M&L a notamment pour activité le développement, la recherche, la fabrication, le négoce, l'achat et la vente en gros de tous produits à base d'huiles essentielles naturelles, tous produits de beauté, parfums, cosmétiques ainsi que la fabrication et l'installation de mobilier de magasin, de présentoirs et d'agencements de boutiques à l'enseigne «L'OCCITANE».
En 2014, la société LABORATOIRE M&L a lancé la commercialisation d'un produit dénommé en français «Huile de Jeunesse Divine» et en anglais «Divine Youth Oil».
Monsieur Mohammed E est titulaire de la marque verbale française «Huile Divine - Divine Oil» n° 09 3 621 734 déposée le 9 janvier 2009 et désignant dans les classes 3. 5. 29. 32. 35 et 38 notamment lesproduits et services suivants : savon* : parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, produits pharmaceutiques et vétérinaires : produits hygiéniques pour la médecine, bains médicinaux, viande, poisson, fruits et légumes conservés ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles bières ; eaux minérales et gazeuses : boissons de fruits et Jus de fruits : publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale : diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; télécommunications informations en matière de télécommunications (...).
Estimant que la commercialisation par la société LABORATOIRE M&L du produit « Huile de Jeunesse Divine » contrefaisait la marque dont il est titulaire. Mohammed K H a, par courriel en date du 13 février 2015, mis en demeure la société LABORATOIRE M&L de cesser ces agissements.
C'est dans ces conditions, que la société LABORATOIRE M&L a. par acte d'huissier en date du 27 février 2015, assigné Monsieur E. H devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité et en déchéance de marque.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2015, la société LABORATOIRE M&L, au visa des articles
L. 711-2. L. 714-3.
L. 714-5 et
L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, et de l'article
1382 du code civil, demande en ces termes au tribunal de : - Recevoir la société Laboratoires M&L ayant pour nom commercial L'OCCITANE dans l'ensemble de ses arguments, fins et moyens et déclarer ceux-ci bien fondés
- Dire et juger que la société Laboratoires M&L a qualité et intérêt à agir en déchéance de la marque verbale française n°3621734 de M. E pour désigner les cosmétiques et huiles essentielles dans la classe 3. ainsi que les bains médicinaux dans la classe 5.
- Dire et juger que la marque verbale française "Huile Divine / Divine OIL" n°3621734 de M. E est dépourvue de caractère distinctif pour désigner « les savons : parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux : dépilatoires : produits de démaquillage : rouge à lèvres ; masques de beauté : produits de rasage » dans la classe 3 ainsi que « les bains médicinaux » de la classe 5 car ils sont tous susceptibles d'être fabriqués à partir d'huiles de différentes origines.
- En conséquence annuler pour absence de caractère distinctif la marque verbale française n°3621734 de M. E pour désigner ces produits dans la classe 3 et la classe 5.
- Ordonner l'inscription de cette nullité sur les registres de l'INPI sur simple présentation du jugement à intervenir.- En l'absence d'éléments démontrant l'exploitation réelle, sérieuse et à titre de marque de la marque verbale française n°3621734 "Huile Divine / Divine OIL" de M. E pour « les huiles essentielles » prononcer sa déchéance pour désigner cette catégorie de produits.
En tout état de cause, prononcer la déchéance partielle pour absence d'usage sérieux de la marque verbale française n°3621734 de M. E dans la classe 3 pour désigner « les savons : parfums, lotions pour les cheveux ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté et produits de rasage », dans la classe 5 pour désigner « les bains médicaux » et dans la classe 35 pour désigner la « Publicité, la publicité en ligne sur un réseau informatique, la diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) et la publication de textes publicitaires ».
- Ordonner l'inscription de cette déchéance sur les registres de l'INPI sur simple présentation du jugement à intervenir.
- Constater qu'au mois de novembre 2015, M. E proposait sur son site www.huiledivine.com une "Crème Divine / Divine Cream" au prix de 350 euros.
- Constater que M. E ne peut ignorer que depuis septembre 2009, L'OCCITANE commercialise en France, et dans le monde entier une "Crème Divine / Divine Cream".
- Dire et juger qu'en ce faisant M. E tente de parasiter les investissements publicitaires de la société LABORATOIRE M&L et de créer une confusion dans l'esprit du public.
- En conséquence, condamner M. E à payer 20.000 euros de dommages et intérêts à la société Laboratoires M&L pour cet acte de concurrence déloyale.
- Interdire à M. E, 30 jours après la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée, ou de 1.000 euros par jour passé ce délai pour son site www.huiledivine.com, de faire de la publicité et de commercialiser une crème sous la dénomination "Crème Divine / Divine Cream" susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du public avec la crème commercialisée sous la même dénomination par L'OCCITANE.
- Débouter M. E de sa demande reconventionnelle de contrefaçon de la marque "Huile Divine / Divine Oil".
- Condamner M. E à payer 15.000 € au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile à la société Laboratoires M&L en remboursement de ses frais exposés pour la présente procédure.- Condamner M. E aux entiers frais et dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me André B par application des dispositions de l'article 69 l ) Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2016. Monsieur Mohammed E, au visa des articles
L. 711-2. L. 714-3. L. 714-4. L. 713-2. L. 713-2. L. 716-1. L. 716-5.
L. 716-14 et
L. 716-15 du code de la propriété intellectuelle, et de l'article
1382 du code civil, demande en ces termes au tribunal de:
- Dire la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE irrecevable à agir sur le fondement des articles
L.711-2 et
L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle :
- Débouter la société LABORATOIRLS M&L L'OCCITANE de l'ensemble de ses demandes ;
- Recevoir et déclarer bien fondées les demandes reconventionnelles de Monsieur E:
- Condamner la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE à payer à Monsieur E la somme de 150.000.00 à titre de dommages- intérêts pour les actes de contrefaçon commis à l'encontre de la marque « Huile Divine Divine Oil » :
- A défaut, ordonner à la société LABORATOIRES M&L L'OCCITANE à communiquer a Monsieur E tous documents ou informations détenus par le défendeur concernant la production, la fabrication ou la distribution de ses produits « Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil », afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits de Monsieur E, sur le fondement de l'article
L.716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle et notamment :
• La date de commercialisation en commerce traditionnel et sur internet des produits « Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil » par la LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE ;
• Les données sur les volumes de connexion (nombres de visiteurs uniques) dudit site internet depuis la date de sa mise en ligne jusqu'à la date du jugement à intervenir ;
• La liste intégrale des factures émises par la société défenderesse correspondant à la vente en gros ou en détail, comprenant des sous- totaux par mois et des totaux par an, des produits « Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil ».. en France, pour la période allant de la date commercialisation jusqu'à la date du jugement à intervenir, certifiée conforme par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes.- Autoriser Monsieur E à procéder à la publication d'un extrait du jugement à intervenir, au frais de la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE, dans la limite de trois (3) sites internet, pour une durée ne pouvant excéder trois (3) mois et dans la limite de 15.000.00 EURO de frais d'insertion et de publication :
- Interdire à la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE de faire usage de la marque « Huile Divine Divine Oil » et en particulier de la dénomination « Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil » dans un délai ne pouvant excéder 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir :
- Prononcer une astreinte de 300.00 EURO par jour pour tout retard d'exécution à l'une ou des trois condamnations ci-avant prononcée laquelle sera liquidée par le Juge de l'exécution :
- Condamner la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE à payer à Monsieur E la somme de 150.000.00 à titre de dommages- intérêts pour les actes de concurrence déloyale à ['encontre de Monsieur E en réparation de ses préjudices moraux et financiers ;
- Condamner la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE à payer à Monsieur E la somme de 7.500 euros à titre d'indemnités au titre de l'article
700 du code de procédure civile :
- Condamner la société LABORATOIRES M&L - L'OCCITANE aux entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Matthieu Cordelier. Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
- Prononcer l'exécution provisoire sur le tout.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2016.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la marque pour absence de caractère distinctif
La société LABORATOIRL M&L fait valoir que les dénominations «huile Divine» et «Divine Oil» pour désigner des produits cosmétiques sont dépourvues de caractère distinctif ? L’adjectif «divin» étant synonyme de ce qui est excellent, qui a les plus grandes qualités ou qui est exquis de telle sorte qu'associée au mot «huile» l'expression «huile divine» est ainsi totalement descriptive. Elle précise que ce qualificatif de «divine» appliqué à des huiles corporelles est en outre un laudatif, donc par nature un terme commun, usuel ou générique pour vanter les mérites ou les qualités d'un produit et qu'un laudatif manque de distinctivité. La société LABORATOIRL M&L sollicite en conséquence l'annulation pour absence de caractère distinctif de la marque verbale française n° 093621734 pour désigner « les .savons :parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux : dépilatoires : produits de démaquillage : rouge à lèvres ; masques de beauté et produits de rasage » ainsi que « les bains médicinaux » de la classe 5 car ils sont tous susceptibles d'être fabriqués à partir d'huiles de différentes origines.
en réponse, Monsieur Mohammed E soulève l'irrecevabilité de l'action de la société LABORATOIRE M&L aux motifs qu'elle n'explique pas sur quel droit antérieur elle s'appuie pour agir en nullité de la marque contrairement aux exigences de l'article
L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'elle ne précise pas non plus si elle agit sur le fondement du a), b) ou c) de l'article L. 711 -2 de ce code. Il ajoute que cette demande n'est pas fondée dès lors que l'appréciation de la distinctivité se fait au regard de l'impression d'ensemble produite par la marque, et non au regard de l'étude de chacun des composants pris isolément comme l'a fait la société LABORATOIRL M&L. à savoir d'une part «huile» et d'autre part «divine». Il précise que le terme «divin» évoque la chose divine, la chose qui appartient à Dieu, avant d'évoquer l'excellence et que ce terme n'est aucunement une qualité descriptive usuelle utilisée au sens courant pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité ou la destination du produit cosmétique à laquelle elle s'applique dès lors que ce produit n'est pas destiné aux seuls dieux. Il estime que ce terme est dès lors évocateur et non pas descriptif.
Monsieur Mohammed E ajoute que si les produits cosmétiques sont tous issus d'extraits de plantes diverses et variées dont notamment des huiles, la marque «Huile Divine - Divine Oil» ne désigne en aucun cas ni le type, ni l'origine, ni les qualités cosmétiques des produits qui composent le produit désigné sous celte marque.
Monsieur E fait en outre valoir que le refus de l'OHMI d'enregistrer la marque de la société LABORATOIRE M&L «Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil» n'a aucune influence sur le sort de sa marque car la juridiction de céans n'est pas tenue par une décision de l'OHMI et la marque «Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil» vante une qualité du produit et enfin que la société LABORATOIRE M&L a déjà été déboutée d'une demande de nullité de la marque «Crème divine».
Sur ce.
Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la société LABORATOIRE M&L à agir en nullité de la marque ;
En l'espèce, la société LABORATOIRE M&L n'agit pas en nullité de la marque déposée par Monsieur Mohammed E sur le fondement de l'article
L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle mais sur le fondement de l'article
L. 711-2 pour défaut de caractère distinctif de ladite marque de telle sorte que les dispositions de l'article
L. 714-3 alinéa 2 invoquées par ce dernier et selon lesquelles, seul le titulaired'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article
L. 711-4, n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Il convient dès lors de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur Mohammed E.
Sur le moyen tiré du défaut de caractère distinctif de la marque ;
La marque française verbale «Huile Divine - Divine Oil» n° 09 3 621 734 ayant été déposée le 9 janvier 2009 et le caractère distinctif d'une marque s'appréciant au regard de la loi en vigueur à la date de son dépôt, il y a lieu d'apprécier la validité de cette marque au regard de l'article
L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle à la lumière de la directive (CE) n° 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques.
À cet égard, l'article
L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est «déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4 ».
L'article
L. 711-2 du même code pose comme condition de validité de la marque qu'elle ait un caractère distinctif à l'égard des produits ou des services désignes et précise que «sont dépourvus de caractère distinctif: a) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service : b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ".
En l'espèce, la société LABORATOIRE M&L se prévaut du défaut de caractère distinctif de la marque en ce qu'elle désigne les produits ou services suivants : « les savons ; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres : masques de beauté ; produits de rasage » dans la classe 3 ainsi que « les bains médicinaux » de la classe 5.
S'agissant de produits ou services destinés au grand public, il y a lieu de considérer que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif.
En l'espèce la marque est composée de l'adjectif «DIVINE », identique en français et en anglais et du mot « Huile » et « oil », mots extrêmement usuels qu'ils soient rédigés en français ou même en anglais, de sorte qu'elle désigne le produit ou un des composants desproduits visés dans l'enregistrement et pour lesquels la distinctivité est contestée, ainsi que leur qualité, à savoir leur caractère parfait.
En effet, si l'adjectif « divin » ou « divine » renvoie au sens propre à ce qui appartient à Dieu, lorsqu'il est associé à un produit de consommation courante, comme en l'espèce à de l'huile, le sens propre laisse place au sens figuré pour désigner non pas un produit qui est destiné uniquement aux Dieux mais plus précisément une qualité du produit auquel il est associé afin de mettre en valeur son caractère parfait, excellent, exquis ou encore merveilleux.
Un tel signe désignant ainsi le produit ou le service par sa seule qualité ne peut être considéré comme distinctif au regard des dispositions de l'article
L. 711-2 précité pour les produits ou services qui s'agissant de la marque verbale « huile divine - divine oil » soit sont fabriqués à base d'huile, soit font appel à des produits à base d'huile, le public pertinent étant alors conduit à percevoir le signe comme étant descriptif d'une qualité du produit. Tel est le cas pour les produits et services suivants : «.les savons; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage » dans la classe 3 ainsi que « les bains médicinaux » de la classe 5.
Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de la marque litigieuse pour ces produits et services.
Sur la déchéance de la marque pour absence d'exploitation sérieuse
La société LABORATOIRE M&L indique que Monsieur E doit être déchu des droits sur sa marque « Huile Divine - Divine Oil» n° 093621734 pour les «huiles essentielles » car il ne démontre pas en faire une exploitation réelle, sérieuse, et à titre de marque s'agissant de ces produits. Elle précise que ce dernier semble tout au plus exploiter ladite marque pour désigner une huile à base d'un «mélange d'huile d'argan et d'huile de figues de barbarie 100% nature» proposée sur le site internet accessible à l'adresse www.divinehuile.com mais qu'en l'absence d'éléments démontrant cette exploitation et à défaut de réponse de la part de Monsieur E à la suite de la sommation de communication de pièces présentée par la société LABORATOIRE M&L destinée à justifier de l'exploitation de la marque, elle sollicite le prononcé de la déchéance de la marque litigieuse pour les «huiles essentielles». En tout état de cause, la société LABORATOIRE M&L ajoute que Monsieur E n'exploite pas d'une manière réelle et sérieuse sa marque verbale française «Huile Divine - Divine Oil» n° 093621734 dans la classe 3, pour «les savons ; parfums, lotions pour les cheveux ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté et produits de rasage», dans la classe 5 pour «les bains médicaux» et dans la classe 35 pour la «publicité, la publicité en ligne sur un réseau informatique,la diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) et la publication de textes publicitaires». Elle ajoute que ces dépôts étant de nature à gêner la société demanderesse dans l'exploitation des dénominations «Huile de Jeunesse Divine / Divine Youth Oil», cette dernière sollicite le prononcé de la déchéance partielle de la marque litigieuse pour ces produits et services des classes 3, 5 et 35.
Monsieur Mohammed E en réponse fait valoir qu'il produit des éléments démontrant que sa marque est parfaitement exploitée depuis au moins le mois de lévrier 2013, car il fabrique et commercialise son produit cosmétique par le biais de son site internet, il en fait la publicité, il en assure la défense contre ses concurrents et qu'enfin il démontre qu'il est constamment à la recherche de nouvelles formules et à la recherche de nouveaux fournisseurs pour l'amélioration de son produit. Il soutient fournir ainsi des preuves de l'exploitation sérieuse de sa marque datant de moins de cinq ans après la publication au BOPJ de son certificat d'enregistrement, pour les produits et services des classes n° 3, 5 et 38. Monsieur E précise que l'exploitation s'apprécie au regard du maintien des fondions essentielles de la marque, ce qui est le cas en l'espèce : la fabrication de son produit n'est pas réalisée à échelle industrielle en raison de l'utilisation de produits d'origine biologique à plus de 90%, ce qui justifie également le prix élevé. En tout état de cause. Monsieur E considère que la demanderesse ne peut pas arguer du manque de sérieux de l'exploitation qu'il fait de sa marque alors même que la visibilité des produits et services de ce dernier est totalement obérée par l'omniprésence des produits concurrents parmi lesquels se trouve le produit de la société LABORATOIRE M&L.
Sur ce.
Il convient préalablement d'observer que la marque dont est titulaire Monsieur E ayant été annulée pour les « savons ; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage » dans la classe 3 ainsi que pour « les bains médicinaux » de la classe 5, la demande en déchéance formée par la société LABORATOIRE M&L qui vise « les huiles essentielles » ou encore dans la classe 3 «les savons ; parfums, lotions pour les cheveux ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté et produits de rasage», et dans la classe 5 «les bains médicaux», n'a plus d'objet.
En revanche, la demande en déchéance formée par la société LABORATOIRE M&L conserve un intérêt pour les produits et services visés dans la classe 35 que sont la « publicité, la publicité en ligne sur un réseau informatique, la diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) et la publication de textes publicitaires », la marque n'ayant pas été annulée pour ces produits et services.À cet égard, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 714- 5 du code de la propriété intellectuelle "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes, motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans./ (...) La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée (...) ".
Cette disposition doit être interprétée à la lumière de l'article 10 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques qui fixe pour point de départ du délai de 5 ans la date à laquelle la procédure d'enregistrement est terminée, soit à la date de la publication de l'enregistrement de la marque conformément à l'article
R 712-23 du code de propriété intellectuelle. À défaut, en cas d'interruption de l'usage sérieux, la reprise ou le commencement de cet usage visé par l'article
L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle est privé d'effet utile s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.
La preuve de l'usage sérieux qui incombe à Monsieur E doit donc prioritairement porter sur la période du 13 janvier 2009, date de la publication, au 13 janvier 2014.
Par ailleurs, pour être considéré comme sérieux, l'usage du signe doit être fait, conformément à sa fonction essentielle, à titre de marque pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés aux défenderesses : il doit être tourné vers l'extérieur et public et non à interne à l'entreprise ou au groupe auquel elle appartient. Le caractère sérieux de l'usage, qui à la différence du défaut d'exploitation n'a pas à être ininterrompu, implique qu'il permette de créer ou de maintenir des parts de marché du titulaire de la marque pour les produits et services concernés au regard du secteur économique en cause et qu'il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque.
Pour en justifier Monsieur E produit au débat :
- Une facture du 4 février 2013. pour la vente du produit « Huile Divine » :
- Plusieurs captures d'écran laissant suggérer qu'il exploite et fait la promotion du signe « huile divine - divine oil » sur internet :
Au regard de ces éléments, la vente justifiée d'un seul produit sur la marque en 2013, soit près de 4 ans après son dépôt ne peut être qualifiée d'usage sérieux pour les produits et services de « publicité, la publicité en ligne sur un réseau informatique, la diffusion de matérielpublicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) et la publication de textes publicitaires ».
En outre, aucune des photocopies de captures d'écran n'est datée de manière certaine de telle sorte qu'il n'est pas justifié d'une exploitation dans les 5 ans de la publication de la marque, qui est intervenue le 13 janvier 2009, soit avant le 13 janvier 2014.
Il convient dans ces conditions de prononcer la déchéance de ladite marque pour la «publicité, la publicité en ligne sur un réseau informatique, la diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) et lu publication de textes publicitaires» à compter du 13 janvier 2014.
Sur la concurrence déloyale
La société LABORATOIRE M&L reproche à Monsieur E d'avoir commencé à vendre une «Crème Divine / Divine Cream» sur son site internet www.huiledivine .com à compter du mois de novembre 2015, soit après le début de la présente procédure. La société demanderesse considère que Monsieur E ne pouvait ignorer l'existence du produit «Crème Divine / Divine Cream» de la société LABORATOIRE M&L et qu'ainsi, en offrant à la vente une «Crème Divine / Divine Cream», celui-ci parasite les importants investissements qu'elle a réalisés pour promouvoir son produit, mais aussi dans le but de créer un risque de confusion dans l'esprit du public. Par conséquent, la société LABORATOIRE M&L sollicite, d'une part la condamnation de Monsieur E au paiement de la somme de 20.000 euros de dommages-intérêts et, d'autre part, l'interdiction sous astreinte de faire de la publicité et de commercialiser sur son site internet une crème sous la dénomination «Crème Divine / Divine Cream» susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du public.
Monsieur E n'a pas expressément conclu sur ce point ayant formulé de son côté une demande reconventionnelle en concurrence déloyale à l'encontre de la société LABORATOIRE M&L.
Sur ce.
Si en l'espèce, Monsieur E ne conteste pas avoir à compter du mois de novembre 2015 commercialisé sur son site internet une « crème Divine/ Divine Cream » au prix de 350 euros, à supposer que cet acte puisse caractériser une faute au regard de l'existence du produit «Crème Divine / Divine Cream» de la société LABORATOIRE M&L. cette dernière ne justifie à ce jour d'aucun préjudice, le caractère confidentiel des produits commercialisés par le défendeur, au demeurant mis en avant par la société LABORATOIRE M&L comme fondement de sa demande en déchéance, faisant obstacle à la caractérisation d'un quelconque préjudice.Cette demande sera en conséquence rejetée.
Sur la demande reconventionnelle en contrefaçon de marque
Dès lors que la marque arguée de contrefaçon a été annulée pour les produits cosmétiques et huiles essentielles, et que cette nullité rétroagit au jour du dépôt de la marque, l'action en contrefaçon engagée par Monsieur Mohammed E, fondée sur la commercialisation par la société LABORATOIRE M&L à compter de septembre 2014 d'un produit cosmétique sous la dénomination «Huile de Jeunesse Divine -Divine Youth Oil», ne peut plus prospérer.
Cette demande sera en conséquence déclarée irrecevable.
Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale
À titre reconventionnel également. Monsieur E fait valoir que la société LABORATOIRE M&L a commis des actes de concurrence déloyale en ayant fait usage après lui d'une expression très proche delà marque de ce dernier, pour commercialiser des produits similaires. La société LABORATOIRE M&L a ainsi fait des économies sur le développement d'un nom de produit et profité de l'ingéniosité du noM. Par conséquent, cet acte de parasitisme a empêché Monsieur E de promouvoir son produit et de trouver un essor convenable. II existe selon lui un lien de causalité entre l'essor des produits «Huile de Jeunesse Divine - Divine Youth Oil» et le fait que ses produits commercialisés sous la marque «Huile Divine Divine Oil» peinent à connaître un développement commercial. Ces actes de concurrence déloyale causent à Monsieur E un préjudice moral et financier distinct des actes de contrefaçon de marque, lié à la perte de chance de faire connaître et de vendre son produit sous l'appellation «Huile Divine Divine Oil» et donc de réaliser un chiffre d'affaires décent. À ce titre, il sollicite le paiement de la somme de 150.000 euros à titre de dommages intérêts.
La société LABORATOIRE M&L n'a pas expressément répondu sur ce point, ayant formulé elle-même de une demande en concurrence déloyale à l'encontre de Monsieur E.
Sur ce.
Il résulte des articles
1382 et
1383 du code civil que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit souscertaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
En l'espèce. Monsieur E ne rapporte nullement la preuve d'une faute de la part de la demanderesse étant observé que les termes « huile de Jeunesse divine » sont différents de ceux de sa marque « Huile divine - Divine Oil » et qu'il n'est pas non plus en mesure d'apporter la preuve d'un lien de causalité entre ces agissements et le faible développement commercial de son propre produit alors qu'il ne justifie que d'une seule vente de son produit en plusieurs années et donc nullement que ce produit ait pu pâtir du lancement en 2014, soit plusieurs années après le dépôt de la marque alléguée, de la commercialisation du produit « Huile de jeunesse Divine » par la demanderesse.
Cette demande sera en conséquence rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de condamner Monsieur Mohammed E, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
En outre, il doit être condamné à verser à la société LABORATOIRE M&L. qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 3 500 euros.
Il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoirement :
- DECLARE recevable la société LABORATOIRE M&L en sa demande de nullité de la marque verbale française « Huile Divine - Divine Oil » n° 09 3 621 734 déposée le 9 janvier 2009 ;
- PRONONCE la nullité pour défaut de distinctivité de la marque verbale française « Huile Divine - Divine Oil » n° 09 3 621 734 déposée le 9 janvier 2009 dont est titulaire Monsieur Mohammed E pour les produits et ou services suivants : les savons : parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux : dépilatoires :produits de démaquillage : rouge à lèvres : masques de beauté : produits de rasage et les bains médicinaux :
- DECLARE irrecevable la demande en contrefaçon de Monsieur Mohammed E pour les produits et ou services suivants : les savons : parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux : dépilatoires : produits de démaquillage : rouge à lèvres : masques de beauté : produits de rasage et les bains médicinaux :
- PRONONCE à l’encontre de Monsieur Mohammed E la déchéance de ses droits sur la marque verbale française « Huile Divine -Divine Oil » n° 09 3 621 734 à compter du 13 janvier 2014 pour les produits et services suivants : «publicité, la publicité en ligne sur un réseau informatique', la diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) et la publication de textes publicitaires» :
- DIT que la présente décision sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription au registre national des marques ;
- DEBOUTE Monsieur Mohammed E et la société LABORATOIRE M&L du surplus de leurs demandes :
- CONDAMNE Monsieur Mohammed E à payer à la société LABORATOIRE M&L la somme de 3 500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile :
- CONDAMNE Monsieur Mohammed E aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.