AFFAIRE : N° RG 23/01061 -
N° Portalis DBVC-V-B7H-HGMV
ARRÊT
N°
JB.
ORIGINE : Décision du Président du TJ
de COUTANCES du 20 Avril 2023 - RG n° 23/00011
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
17 SEPTEMBRE 2024
APPELANT :
Monsieur [O] [B]
né le 27 Novembre 1970 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 2]
représenté par Me France LEVASSEUR, avocat au barreau
de CAEN,
assisté
de Me Aurélie ROCHEREUIL, avocat au barreau
de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [W] [C]
né le 01 Août 1963 à [Localité 5]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représenté et assisté
de Me Albane SADOT, avocat au barreau
de COUTANCES
DÉBATS : A l'audience publique du 16 mai
2024, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la
cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION
DE LA
COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président
de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
ARRÊT :
rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa
de l'article
450 du code
de procédure civile le
17 Septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [O] [B] a donné en pension à Monsieur [W] [C], vingt chevaux pour la période du 10
septembre 2022 au 10 janvier 2023, avec foin, herbe, eau à volonté et clôture à la charge du dépositaire, moyennant le règlement
de la somme
de 1.000,00 €.
Par lettre du 15 décembre 2022, le conseil
de Monsieur [B] intervenait auprès
de Monsieur [C] afin
de lui rappeler les termes
de la convention passée entre eux, notamment s'agissant du mauvais état des clôtures et
de l'absence
de foin.
Le 21 décembre 2022, le Docteur [T], vétérinaire, se rendait à la demande
de l'association Pegasus sur le propriété
de Monsieur [C], constatait l'état inquiétant du cheval, Japi des Islots, qui présentait maigreur et diarrhée, et lui prescrivait un traitement.
Le 23 du même mois, le cheval était amené par son propriétaire, Monsieur [B] à la clinique vétérinaire
de la Sienne en l'absence d'amélioration
de son état. Il était hospitalisé le jour même et mis sous perfusion. Il ressortait le 28 décembre suivant avec poursuite d'un traitement.
Par acte
de commissaire
de justice du 13 janvier 2023, Monsieur [B] estimant que les conditions prévues au contrat
de pension (nourriture et clôture), n'étaient pas remplies, a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire
de Coutances d'une demande d'expertise, afin notamment
de vérifier l'état
de chacun
de ses chevaux.
Par ordonnance du 20 avril 2023, le juge des référés a :
- renvoyé au principal les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,
- débouté en l'état Monsieur [B]
de sa demande d'expertise judiciaire,
- ordonné à Monsieur [B]
de retirer ses chevaux des terres
de Monsieur [C] dans le délai
de 15 jours suivant la signification
de la présente ordonnance,
- dit n'y avoir lieu à assortir ce retrait d'une astreinte,
- condamné Monsieur [B] à rembourser à Monsieur [C] la somme
de 152,27 € correspondant à une facture vétérinaire réglée pour les besoins d'un cheval lui appartenant,
- condamné Monsieur [B] à verser à Monsieur [C] la somme
de 1.000,00 € au titre
de la pension
de fait
de 20 chevaux qui lui a été imposée entre le 11 janvier et le 11 avril 2023, ainsi que la somme
de 500,00 € pour la période allant du 12 avril 2023 au retrait effectif des chevaux, sous condition que ce retrait se fasse dans les conditions énumérées dans le présent dispositif,
- débouté Monsieur [C]
de sa demande d'indemnisation fondée sur une procédure abusive,
- rejeté les demandes formées en application
de l'article
700 du code
de procédure civile,
- débouté les parties du surplus
de leurs demandes,
- condamné Monsieur [B] aux dépens
de l'instance,
- rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Par déclaration du 4 mai 2023, Monsieur [B] a formé
appel de la décision en ce qu'elle l'a débouté
de sa demande d'expertise.
Aux termes
de ses dernières écritures en date du 25 juillet 2023, Monsieur [B] soutient qui n'a pu récupérer que 14 chevaux sur les 20 mis en pension chez Monsieur [C], dont 2 présentaient une maigreur anormale en dehors
de Japi des Islots, et il conclut à l'infirmation
de l'ordonnance entreprise du chef dont
appel, et sollicite l'organisation d'une expertise judiciaire.
Il conclut à sa confirmation pour le surplus, au rejet des prétentions adverses et à la condamnation
de l'intimé au paiement d'une somme
de 3.000,00 € sur le fondement
de l'article
700 du code
de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Aux termes
de ses dernières écritures en date du 16 avril 2023, Monsieur [C] conclut à la confirmation
de la décision entreprise sauf en ce qu'elle l'a débouté
de sa demande
de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'à la condamnation
de Monsieur [B] au paiement d'une somme
de 2.000,00 € au titre
de l'article
700 du code
de procédure civile et aux dépens.
Pour l'exposé complet des prétentions et
de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article
455 du code
de procédure civile.
L'ordonnance
de clôture est intervenue le 30 avril 2024.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
Sur la demande d'expertise
L'article
145 du code
de procédure civile dispose :
' S'il existe un motif légitime
de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve
de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande
de tout intéressé, sur requête ou en référé.'
En l'espèce, si dans le cadre
de la première instance, en l'absence
de preuves suffisantes quant au fait que les chevaux n'auraient été nourris que par un herbage pauvre et que la clôture censée les protéger n'aurait pas été édifiée conformément à l'accord convenu entre les parties, Monsieur [B] a été débouté
de sa demande d'expertise, il établit en cause
d'appel, que ce n'est plus un seul cheval, Japi des Islots qui souffrait
de maigreur, mais deux autres chevaux qu'il a récupérés, le
17 mai 2023 en présence
de Maître [S], commissaire
de justice, ainsi que cela résulte clairement des photographies figurant au procès-verbal
de constat établi le même jour.
Ceci est d'ailleurs confirmé par le Docteur Laurent [K], vétérinaire, qui indique dans un certificat établi le 23 mai 2023, que l'état
de maigreur
de ces deux chevaux, Ugoline des Islots et Farn des Islots, ne peut s'expliquer que par un manque
de nourriture.
Monsieur [C] qui conteste le manque
de soins qui lui est reproché, ne démontre pas que les chevaux
de Monsieur [B], dont il avait la garde dans le cadre du contrat
de dépôt, étaient contrairement à ce qu'il ressort des éléments rappelés ci-dessus, correctement entretenus et nourris, le procès-verbal
de constat du 8 février 2023 qu'il produit, ne permettant pas
de déterminer si les chevaux figurant sur les photographies qui y sont annexées, sont effectivement les chevaux
de Monsieur [B].
La
cour estime au regard
de ces éléments, que ce dernier justifie d'un motif légitime à voir ordonner une expertise judiciaire à ses frais avancés, pour faire vérifier
de manière contradictoire notamment ainsi qu'il sera précisé dans le dispositif ci-après, les conditions d'hébergement y compris s'agissant
de la nourriture et
de l'abreuvement
de ses chevaux, ce qui lui permettra le cas échéant, d'agir ensuite au fond, sur le fondement juridique qu'il conviendra.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmé en ce qu'elle a débouté Monsieur [O] [B]
de sa demande d'expertise et cette mesure sera ordonnée dans les termes et conditions du dispositif du présent arrêt.
En application des dispositions
de l'article
964-2 du code
de procédure civile, la mesure d'instruction se déroulera sous le contrôle du juge chargé du contrôle des expertise du tribunal judiciaire
de Coutances.
Sur la demande
de dommages-intérêts
de Monsieur [C] pour procédure abusive
Dès lors qu'il est fait droit à la demande d'expertise judiciaire présentée par Monsieur [B], sans pour autant préjuger du fond, la procédure initiée par lui ne peut être considérée comme étant abusive.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur [C]
de sa demande à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande
de ne pas faire droit aux demandes des parties formées en application
de l'article
700 du code
de procédure civile.
Succombant, en cause
d'appel, Monsieur [C] sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire
de Coutances du 20 avril 2023 en ce qu'elle a débouté Monsieur [O] [B]
de sa demande d'expertise,
LA CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ORDONNE une mesure d'expertise et désigne pour y procéder :
Docteur [V] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]
[Courriel 6]
aux fins
de :
- se faire communiquer les pièces du dossier et recueillir les observations des parties,
- identifier les équidés qui ont été confiés en dépôt à Monsieur [C] par Monsieur [B], et préciser ceux qui ont été récupérés ainsi que la date
de leur restitution,
- dans l'hypothèse où certains équidés n'auraient pas été restitués, inviter les parties à en préciser la cause, et préciser la valeur
de chaque équidé concerné par ce défaut
de restitution,
- examiner les chevaux Japi des Islots, Ugoline des Islots et Farn des Islots, décrire leur état
de santé en distinguant leur état
de santé actuel,
de leur état
de santé au moment où ils ont été récupérés par Monsieur [B] chez Monsieur [C],
- recueillir le cas échéant les déclarations des médecins vétérinaires en charge du suivi vétérinaire
de ces trois chevaux,
- décrire les conditions
de vie
de ces chevaux chez Monsieur [C] (hébergement, nourriture, abreuvement) en se rendant, au besoin sur place pour constater et décrire précisément les installations utilisées par Monsieur [C] et les conditions d'hébergement qu'ils proposaient aux chevaux qui lui ont été confiés en dépôt,
- à défaut
de pouvoir se rendre sur place, décrire ces conditions sur pièces,
- déterminer si ces installations et conditions d'hébergement étaient adaptées à la pension des chevaux,
- déterminer le cas échéant, si les lésions, troubles, maladies, ou état
de maigreur décelé chez ces trois chevaux peuvent être liés à des conditions d'hébergement,
- déterminer en particulier si l'hospitalisation
de Japi des Islots ainsi que les troubles constatés chez cet équidé en décembre 2022 sont liées auxdites conditions d'hébergement,
- pour chacun des chevaux concernés par ces lésions, troubles, maladies ou état
de maigreur :
* décrire précisément les troubles, leurs conséquences, les traitements éventuels, l'indisponibilité en résultant et le coût des éventuels traitements,
* dire si les lésions ou troubles sont susceptibles d'amélioration,
de modifications ou d'aggravations,
* évaluer leur éventuelle dévalorisation tant au titre sportif que reproducteur,
- évaluer l'ensemble des préjudices subis par Monsieur [B],
- apporter plus généralement tous éléments susceptibles
de permettre aux juges
de se prononcer sur les responsabilités éventuelles encourues pour le cas où des fautes
de gardiennage auraient été commises,
DIT que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste
de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et
de joindre l'avis du sapiteur à son rapport,
DIT que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, et qu'en cas
de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu à son remplacement,
DIT que l'expertise est organisée aux frais avancés
de Monsieur [O] [B] qui devra consigner à la régie du tribunal judiciaire
de Coutances, avant le 31 octobre
2024, une provision
de 3.000,00 € à valoir sur la rémunération
de l'expert,
RAPPELLE qu'à défaut
de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation
de l'expert sera caduque,
DIT que l'expert commencera ses opérations dès qu'il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ou le montant
de la première échéance,
DIT que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal judiciaire
de Coutances avant le 31 janvier 2025, après avoir établi un pré-rapport et recueilli au préalable les observations des parties,
RAPPELLE que l'article
173 du code
de procédure civile fait obligation à l'expert d'adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles, à leur avocat,
DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire
de Coutances pour surveiller les opérations d'expertise en application des dispositions
de l'article
964-2 du code
de procédure civile,
DÉBOUTE les parties
de leurs demandes fondées sur l'article
700 du code
de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [W] [C] aux dépens
de première instance et
d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON