Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 24 juin 2014, 11-17.755

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-06-24
Cour d'appel de Paris
2011-02-22

Texte intégral

Sur le moyen

unique, pris en sa troisième branche :

Vu

la règle générale 2, sous a), pour l'interprétation de la nomenclature combinée constituant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun ; Attendu que par arrêt du 6 février 2014 (Humeau Beaupreau, C-2/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la règle générale 2, sous a), pour l'interprétation de la nomenclature combinée, dans sa version en vigueur au moment des faits, doit être interprétée en ce sens qu'un dessus, une semelle extérieure et une semelle intérieure relèvent, en tant qu'article présenté à l'état non monté ayant les caractéristiques essentielles de chaussures, de la position 6404 de ladite nomenclature combinée lorsque, postérieurement à l'importation de ces éléments, un contrefort doit être inséré dans le dessus et que la semelle extérieure ainsi que le dessus doivent faire l'objet d'une opération de cardage aux fins de leur assemblage ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que la société Humeau Beaupreau, qui a pour activité la fabrication de chaussures, a importé de Chine, entre mai 1998 et novembre 2000, des éléments nécessaires à la fabrication de chaussures de sport ; qu'à la suite d'un contrôle, l'administration des douanes, estimant que ces éléments de chaussures ne nécessitaient, après leur importation, aucune ouvraison, mais uniquement un montage, et que le droit de douane applicable était donc celui auquel était soumis le produit fini, soit 17,6 % en 1998 et 17 % à partir de 1999, taux plus élevé que celui, entre 3 % et 6 %, qui avait été acquitté, a établi un procès-verbal de constat d'infraction le 5 juin 2001, puis a émis, le 8 juillet 2004, un avis de mise en recouvrement ; que la société Humeau Beaupreau a fait assigner l'administration des douanes aux fins d'annulation de celui-ci ; Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que l'administration des douanes a constaté une infraction de fausse déclaration d'espèce, par déclaration de parties de chaussures au lieu de chaussures, au motif que « techniquement, un collage suffit pour reconstituer les chaussures » ; qu'il retient que cette description des opérations nécessaires pour passer d'un ensemble de pièces au produit fini ne correspond pas à la réalité de la totalité des opérations nécessaires, certaines des pièces devant subir des transformations, comme le cardage de la semelle et de la partie inférieure de la tige, ainsi que des opérations de finition sur la tranche des semelles ; qu'il retient encore que certaines opérations ne relèvent pas d'un simple assemblage, même complexe, comme la mise en place et la tension sur une forme et la mise en forme du contrefort ; qu'il en déduit que l'infraction douanière imputée à la société Humeau Beaupreau repose sur une prise en compte inexacte des opérations nécessaires pour aboutir au produit fini ;

Attendu qu'en statuant ainsi

, la cour d'appel a violé la règle susvisée ; Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Humeau Beaupreau aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros ; rejette sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects et le chef de l'agence des poursuites de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant annulé l'avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la SAS HUMEAU BEAUPREAU le 8 juillet 2004, sauf en ce qu'il avait déclaré la procédure irrégulière et débouté le directeur général des douanes et droits indirects de ses demandes ; AUX MOTIFS PROPRES QUE le procès-verbal de constat du 5 juin 2001 notifiant à la société HUMEAU l'infraction qualifiée de fausses déclarations d'espèce, ayant pour but ou pour effet d'obtenir un droit de douane réduit et d'éluder une licence communautaire, au sens des articles 426-2/4/6 et 414 du Code des douanes, relate, en ce qui concerne les éléments constatés et reprochés, que les importations de Chine de composants de chaussures, ont été réalisées par la société HUMEAU, en quantité identique, pour permettre d'assembler, en France, des chaussures complètes et que le fait d'importer des chaussures non montées et de les assembler permet de dépasser les quotas autorisés, en éludant la production des licences communautaires exigées et d'acquitter un droit peu élevé, alors que les produits complets sont lourdement taxés, le couple Chine/chapitre 64 étant exclu du SPG depuis le 1er janvier 1998 ; que le procès-verbal relate également que, « techniquement, un collage suffit pour reconstituer des chaussures qui, complètes, relèvent de la NC 64 04 11 09 000 Y et sont soumises à un droit de douane de 17,6 % ou 17 % depuis 1999, ainsi qu'à une licence communautaire » ; que le procès-verbal relate par ailleurs, en ce qui concerne la notification d'infraction proprement dite que, par application de la règle 2 a) pour l'interprétation du système harmonisé, les parties de chaussures déclarées sous les N D P 64 06 10 90 90 000 P, dessus de chaussures, 64 06 06 20 10 90 00 P/90 90 00 D, semelles extérieures, en caoutchouc ou matières plastiques, 64 06 99 80 90 00 H, autres semelles et 63 07 90 99 99 01 E, lacets, ont été reconnues à la NDP 64 04 11 09 00 00 Y, chaussures à semelle extérieure en caoutchouc ou en matière plastique, dessus textile, chaussures de sport, chaussures dites de tennis, de basket-ball, de gymnastique, d'entraînement et chaussures similaires ; que la règle 2 a) pour l'interprétation du système harmonisé stipule : « toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article, même incomplet ou non fini, à la condition qu'il présente en l'état les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini. Elle couvre également l'article complet ou fini ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu'il est présenté à l'état démonté ou non monté » ; que le paragraphe VII des notes explicatives du système harmonisé (N E S H) indique, par ailleurs, que : « lorsque la règle générale 2 a) est mise en oeuvre, les opérations pouvant être entreprises postérieurement à l'importation, ne sont uniquement que des opérations de montage tout en ajoutant que les différents éléments ne peuvent subir aucune opération d'ouvraison de nature à parachever leur fabrication » ; qu'il est constant que la société HUMEAU, qui a refusé les appréciations de l'administration des douanes, a saisi le 24 juillet 2001 la Commission de conciliation et d'expertise douanière (CCED) en vue d'expertise en application de l'article 450-1 du Code des douanes et que l'administration a dressé, de son côté, le 17 septembre 2001 un acte afin d'expertise, qui a été transmis à la CCED, accompagnés d'échantillons représentatifs de la marchandise ; que c'est dans ces conditions que, le 2 juillet 2002, la CCED a émis l'avis suivant : « conclut que les marchandises qui ont fait l'objet de la présente consultation relèvent des positions 64 06 10 90 90, 64 06 20 10 90 et 64 06 20 90 90, 64 06 99 80 90 et 63 07 90 99 99 » ; que la CCED dont, en application des dispositions de l'article 447 du Code des douanes, les constatations matérielles et techniques relatives à l'espèce ou l'origine des marchandises litigieuses ou servant à déterminer la valeur d'une marchandise sont les seules qui peuvent être retenues par la Cour, justifie ainsi sa position : « après examen des échantillons et présentation du processus de fabrication, la Commission estime que deux des quatre éléments importés, la tige et la semelle extérieure, ont subi des opérations d'ouvraison, en l'occurrence le galbage du contrefort avec humidification en ce qui concerne la tige et le cardage tant de la tige que de la semelle, « de nature à parachever leur fabrication », ce qui, par application de la Note explicative du système harmonisé prise pour l'interprétation de la règle générale 2 a), empêche de considérer l'article litigieux « dont les différents éléments sont ¿ comme en l'espèce ¿ destinés à être assemblés » comme présenté à l'état démonté ou non monté au sens de cette règle. Il en résulte que les marchandises qui font l'objet de la présente consultation doivent être placées aux positions revendiquées par les entreprises » ; qu'il est vrai que, dans sa décision des 6 et 7 mars 2008, le Comité des douanes, saisi par l'administration des douanes, a décidé : « étant donné que l'assemblage des trois parties importées (c'est-à-dire l'empeigne et les deux parties de la semelle) s'effectue uniquement par des opérations d'assemblage (voir le premier paragraphe et la première phrase du deuxième paragraphe de (VII) de HSEN à GIR 2 (a) et que selon la deuxième partie de GIR 2 (a), la complexité de la méthode ne doit pas être prise en considération (voir la première phrase du deuxième paragraphe de (VII) de HSEN à GIR 2 (a), cette chaussure non finie, non assemblée peut être classée sous l'en-tête qui renvoie à l'article fini en question, au sens de GIR 2 (a) (voir la déclaration en annexe III) » ; que c'est à tort que la société HUMEAU impute à l'administration des douanes d'avoir, en saisissant le Comité du Code des douanes, commis un détournement de procédure lui ayant porté préjudice et devant conduire à la déchéance de la créance douanière et par suite à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement ; qu'en effet, l'administration française des douanes était en droit de saisir ce Comité, instance communautaire chargée, en application des articles 247 et 249 du règlement CE 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992, d'assister la Commission européenne, afin d'harmoniser les pratiques réglementaires au sein de l'Union européenne, qui peut, en application de l'article 249 de ce Règlement, examiner toute question concernant la réglementation douanière qui est évoquée par son président, notamment à la demande du représentant d'un Etat membre ; que, cependant, ce Comité n'ayant pas vocation à connaître des litiges survenus entre les entreprises et les administrations douanières nationales dans le cadre d'une procédure comparable à celle qui est mise en oeuvre devant la CCED nationale, la société HUMEAU est fondée à soutenir qu'elle n'a pas été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les faits précis qui ont déclenché l'enquête douanière, et notamment sur la distinction, en effet essentielle en l'espèce, entre, d'une part, les opérations de « montage » qui lui sont imputées par la douane et qu'elle conteste et, d'autre part, les opérations « d'ouvraison », qu'elle revendique ; que la société HUMEAU est ainsi en droit de faire valoir qu'elle n'a pas pu communiquer au Comité du Code des douanes des données distinctes de celles de l'administration douanière, puis, le cas échéant, de prendre position sur les documents ou informations retenues par ce Comité et que, faute d'accès à celui-ci, elle est à tout le moins fondée à contester l'opposabilité de son avis concernant le litige particulier survenu avec l'administration des douanes ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que, entérinant en tout état de cause, comme il y était tenu, les conclusions de la CCED, le premier juge a relevé que la constatation de l'infraction douanière imputée à la société HUMEAU reposait sur une prise en compte inexacte des opérations nécessaires pour aboutir au produit fini et a, en conséquence, procédé à l'annulation de l'avis de recouvrement émis à l'encontre de la société HUMEAU le 8 juillet 2004 ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le procès-verbal de notification estimait que l'infraction de fausse déclaration d'espèce, par la déclaration de parties de chaussures au lieu de chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matières plastiques et dessus textile, au motif que « techniquement, un collage suffit pour reconstituer les chaussures » ; qu'or, cette description des opérations nécessaires pour passer d'un ensemble de pièces au produit fini ne correspond pas à la réalité de la totalité des opérations nécessaires : certaines des pièces importées doivent subir des transformations, le cardage de la semelle et de la partie inférieure de la tige, ainsi que les opérations de finition sur la tranche des semelles, et certaines opérations ne relèvent pas d'un simple assemblage, même complexe, comme la mise en place et la tension sur une forme et la mise en forme du contrefort ; qu'il apparaît donc que la constatation de l'infraction reposait sur une prise en compte erronée des opérations nécessaires pour aboutir au produit fini ; que l'avis de mise en recouvrement contesté, établi sur le fondement d'une prise en compte inexacte des opérations nécessaires pour passer de l'état de pièces détachées au produit fini doit être annulé ; 1°) ALORS QU'un avis technique constitue un élément de preuve, alors même qu'il n'a pas été rendu de manière contradictoire, dès lors qu'il a été soumis à la libre discussion des parties à l'instance ; qu'en écartant des débats l'avis rendu par le Comité du Code des douanes en ce qu'il n'aurait pas été opposable à la société HUMEAU BEAUPREAU qui n'aurait pas été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les faits précis qui ont déclenché l'enquête douanière, quand les conclusions de cet avis avaient été versées aux débats et soumises à la libre discussion des parties devant elle et devaient, dès lors, être prises en considération comme élément de preuve, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'avis rendu par la Commission de conciliation et d'expertise douanière ne lie pas les juges du fond, sous la seule réserve des constatations matérielles et techniques effectuées par cette Commission ; qu'en affirmant que les premiers juges auraient été tenus d'entériner les conclusions rendues, en l'espèce, par la Commission de conciliation et d'expertise douanière qui a estimé que les opérations dont faisaient l'objet la tige et la semelle extérieure importées constitueraient des « opérations d'ouvraison de nature à parachever leur fabrication » au sens du point VII des notes explicatives relatives à la règle générale 2 a) pour l'interprétation du système harmonisé, quand de telles conclusions ne constituaient pas des constatations matérielles ou techniques, mais une qualification juridique ne liant pas le juge, la Cour d'appel a violé l'article 447 du Code des douanes ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, constituent des opérations de montage d'éléments distincts et non d'ouvraison de nature à parachever leur fabrication des opérations, fussent-elles complexes, qui tendent à associer des éléments préfabriqués ; qu'en considérant, en s'appropriant les conclusions de la Commission de conciliation et d'expertise douanière, que le galbage du contrefort inséré dans la tige importée et le cardage de cette tige et de la semelle extérieure importée constitueraient des opérations d'ouvraison de nature à parachever la fabrication des tiges et des semelles extérieures importées, quand il ne s'agissait que d'opérations d'assemblage d'éléments préfabriqués en vue de constituer une chaussure, la Cour d'appel a violé la règle générale 2 a) pour l'interprétation du système harmonisé et le point VII des notes explicatives relatives à cette règle.