Cour d'appel de Versailles, 8 novembre 2002, 2001-4102

Synthèse

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Résumé

Le bailleur tenu, à l'appui d'une demande de réevaluation du loyer d'un bail renouvelé et selon les dispositions de l'article 19 de la loi di 6 juillet 1989, de fournir une liste de loyers de référence représentatifs de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables situés dans un même groupe d'immeubles ou dans un autre groupe d'immeubles comportant des caractéristiques similaires et situés dans la même zone géographique, peut se limiter à ne fournir des références ne concernant que ses propres immeubles dés lors que ceuxc-i répondent aux conditions énoncées par la loi.

Texte intégral

Suivant acte d'huissier en date du 29 décembre 1999, la CAISSE DES DÉPÈTS ET CONSIGNATIONS, propriétaire d'un appartement de 123 mètres carrés sis à NEUILLY (92), 5 bis boulevard Richard Wallace, a fait assigner Monsieur Geoffroy LAMBERT X... son locataire devant le Tribunal d'Instance de NEUILLY, aux fins d'obtenir notamment : - la réévaluation du loyer, manifestement sous-évalué selon elle sur une base mensuelle, hors indexation, de 1 747,42 , après application des dispositions du décret du 26 Août 1999 ; - le renouvellement du bail pour une durée de six ans, à compter du premier janvier 2000, la hausse étant applicable par sixième au cours des six années. Par jugement contradictoire en date du 20 juin 2001, le Tribunal d'Instance de NEUILLY a rendu la décision suivante : - rejette l'exception de nullité invoquée par le défendeur, - déclare la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS recevable et fondée en son action en réévaluation du loyer en vertu de l'article 17 c) de la loi du 6 Juillet 1989, - fixe à 1694,09 par mois, après application du décret du 26 Août 1999, le nouveau montant du loyer hors charges dû par Monsieur Geoffroy LAMBERT X... pour le bail d'habitation dont il est titulaire dans l'immeuble sis 5 bis, boulevard Richard Wallace (92200) NEUILLY SUR SEINE, renouvelé pour une durée de six années à compter du 1er janvier 2000, - dit que l'augmentation s'appliquera par sixième au cours des six années du bail renouvelé, (soit 47,93 par mois et par an) soit un loyer mensuel principal s'élevant à 1454,43 au 1er janvier 2000 pour atteindre 1694,09 au 1er janvier 2005, sans préjudice de la révision annuelle indiciaire applicable à compter du 1er janvier 2001, - dit que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS devra établir un nouveau contrat de bail au profit de Monsieur Geoffroy LAMBERT X..., conforme aux dispositions de la loi du 6 Juillet 1989 et au présent jugement, - déboute les parties du surplus de leurs prétentions, - rappelle que le présent jugement est de droit exécutoire par provision, - condamne le défendeur aux dépens. Par déclaration en date du 20 juin 2001, Monsieur Y... a interjeté appel de cette décision. Monsieur LAMBERT X... expose d'abord que le montant du loyer révisé, ainsi que la liste de références ayant servi à le déterminer doivent, à peine de nullité, figurer dans le corps même de la notification de proposition de renouvellement du bail. Il soutient que leur présence, en annexe à cette notification, rend nulle la proposition. Il prétend ensuite, quant au fond, que les références proposées par la Société AGIFRANCE, représentant la CAISSE DES DÉPÈTS ET CONSIGNATIONS, sont nettement supérieures à celles proposées par l'O.L.A.P. pour des immeubles comparables. Monsieur Geoffroy LAMBERT X... demande donc en dernier à la Cour de : - condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à lui verser la somme de 762,25 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles de première instance, - condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à lui verser la somme de 1524,49 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles d'appel, - la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel. La Société AGIFRANCE, représentant la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, répond que la liste de références litigieuse figurait, en page nä 4, dans le corps même de la proposition. Elle ajoute qu'en tout état de cause, seule importe la certitude que le preneur ait bien reçu l'information, ce qui est le cas en l'espèce. Elle affirme ensuite que le bailleur est fondé à fournir dans la liste des références issues d'autres immeubles lui appartenant, dès lors qu'ils s'agit de loyers librement acceptés et non sujets à contestations. La Société AGIFRANCE prie donc en dernier la Cour de : vu les articles 17 et 19 de la loi du 6 Juillet 1989, vu le décret du 31 Août 1990, vu l'article 2.1 du décret du 26 Août 1999, vu les pièces versées aux débats, - confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal d'Instance de NEUILLY SUR SEINE du 8 novembre 2000, - condamner Monsieur Y... à payer à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la somme de 2000,00 , - le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel. La clôture a été prononcée le 13 juin 2002 et l'affaire plaidée à l'audience du 24 septembre 2002.

SUR CE,

LA COUR : I ) - Sur la proposition de renouvellement du bail : * Considérant, en Droit, qu'il est certes exact qu'aux termes de l'article 17 - c) de la loi du 6 Juillet 1989, la proposition de réévaluation du loyer doit comporter en son libellé même la liste des références que le bailleur doit mentionner à l'appui de sa demande, et que cette liste ne doit donc pas être simplement annexée à ce document de notification mais qu'elle doit être incorporée dans le texte même de cette proposition ; Considérant qu'il demeure cependant que, s'agissant ici d'une éventuelle nullité pour vice de forme (articles 112 à 116 du Nouveau Code de Procédure Civile), il appartient au locataire appelant de faire la preuve du grief qu'il allègue (article 114 alinéa 2 dudit Code) et d'en préciser la nature ; que l'appelant se borne à réclamer la nullité de la proposition litigieuse qui ne comportait pas dans son texte même la liste des références, sans invoquer expressément, ni même évoquer, l'existence d'un quelconque grief, certain et direct, qui lui aurait été ainsi causé, alors surtout qu'il ne prétend pas ne pas avoir eu connaissance de cette liste ; qu'en l'absence de ce grief, la nullité de cette proposition ne peut être prononcée et que l'appelant est par conséquent débouté de sa demande de ce chef ; * * Considérant, par ailleurs, que les références à fournir par le bailleur sont définies par l'article 19 de la loi du 6 Juillet 1989 qui édicte que : "... les loyers servant de références doivent être représentatifs de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, situés dans le même groupe d'immeubles, soit dans tout autre groupe d'immeubles comportant des caractéristiques similaires et situés dans la même zone géographique" ; Considérant que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS était donc en droit de ne fournir que des références concernant ses propres immeubles, du même groupe d'immeubles, ou situés dans la même zone géographique, comme elle l'a fait, ce qui ne lui est pas interdit par cet article 19 de la loi ni par le décret Nä 90-780 du 31 Août 1990 ; que de plus ces références à fournir par le bailleur, telles que définies par ces textes, n'ont pas besoin d'avoir été fournies par l'O.L.A.P., et qu'elles seront donc retenues comme étant représentatives de l'ensemble des loyers du voisinage ; que l'appelant est donc débouté de ses moyens et demandes sur ce second point ; II) - AU FOND : * Sur la fixation du nouveau loyer : Considérant que l'article 17 - c) de la loi du 6 Juillet 1989 ne permet une réévaluation du loyer que si celui-ci est manifestement sous-évalué, et qu'en l'espèce, le premier Juge qui a fait une exacte analyse de ces références a pu, à bon droit, retenir que le loyer litigieux était manifestement sous-évalué et ce, en formulant une motivation complète et pertinente au sujet de la description précise de l'immeuble (dit du Groupe POTIN), de sa situation privilégiée à proximité immédiate du Bois de BOULOGNE et des caractéristiques de l'appartement dont s'agit ; que les argumentations critiques de l'appelant, en sens contraire, sont insuffisamment justifiées et ne permettent pas de combattre utilement ces justes constatations et appréciations du premier Juge ; Considérant que le Juge qui a le pouvoir d'apprécier la valeur de chacune des références qui lui sont soumises, tant par le bailleur que par le locataire, sans avoir à donner une préférence pour celles fournies par l'O.L.A.P., a pu ici, exactement admettre que la nouvelle valeur locative à retenir en novembre 2000, à compter du 1er janvier 2000, était de 16,01 le mètre carré, ce qui donnait donc un nouveau loyer de 1981,68 (hors charges), et après limitation de la hausse (décret du 26 Août 1999), un nouveau loyer de 1694,09 par mois ; Considérant que l'appelant n'est pas fondé à ne se prévaloir que de ses propres références n'émanant que de l'O.L.A.P. ou d'un précédent jugement du même Tribunal d'Instance de 1998, pour prétendre que ce nouveau loyer devait être fixé à 10,82 le mètre carré, et qu'il est donc débouté de ce chef de demande ; que la Cour confirme le jugement en ce qu'il a, à bon droit, retenu que l'actuel loyer de 11,43 le mètre carré était manifestement sous-évalué ; * * Considérant qu'à bon droit, le premier Juge dont la décision sur ce point n'est pas sérieusement critiquée, a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une astreinte contre le bailleur à l'occasion de l'établissement d'un nouveau contrat de bail conforme aux dispositions de la loi du 6 Juillet 1989, en application de l'article 3 de ladite loi ; que l'appelant est donc débouté de sa demande tendant à faire prononcer une astreinte ; * * * Considérant enfin que le jugement est confirmé en ce qu'il a exactement retenu que ce nouveau loyer réévalué à compter du 1er janvier 2000 ne pourrait faire l'objet d'une nouvelle majoration par indexation que le 1er janvier 2001, puisque la valeur locative nouvelle avait été fixée au 1er janvier 2000 et que ce nouveau loyer ne pouvait donc faire l'objet d'une nouvelle majoration par indexation à cette même date ; III) - Considérant que, compte tenu de l'équité, le jugement est confirmé en ses justes dispositions refusant d'accorder des sommes en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'eu égard à l'équité, les parties sont déboutées de leurs demandes respectives, en appel, fondées sur ce même article.

PAR CES MOTIFS

: La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. Vu les articles 17 - c) et 19 de la loi du 6 Juillet 1989 et le décret Nä 90-780 du 31 Août 1990, ainsi que le décret du 26 Août 1999, - Déboute Monsieur Geoffroy LAMBERT X... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte. - Confirme en son entier le jugement déféré. - Déboute les parties de leurs demandes respectives en appel, fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. - Condamne l'appelant à tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement contre lui par la S.C.P. d'Avoués LISSARRAGUE-DUPUIS et Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Alban CHAIX, Président, Madame Natacha Z..., Greffier, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER, Le PRESIDENT,