AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par la société Les
Editions Martinsart, société anonyme, dont le siège est ... (La Réunion),
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mai 1999 par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion (Chambre sociale), au profit de M. Bruno X..., demeurant résidence Fontaine des roses, appartement B 01, ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 décembre 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Maunand, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, conseiller, MM. Liffran, Besson, Mme Nicolétis, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la société Les
Editions Martinsart, de la SCP Tiffreau, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... a été engagé par la société
Editions Martinsart, en qualité de VRP à titre exclusif et à temps partiel, selon contrat à durée indéterminée en date du 25 mars 1994 ; qu'il s'est trouvé en arrêt maladie à compter du 21 mars 1995 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de demandes en paiement de la rémunération minimale forfaitaire et d'indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, considérant que son état de santé était le fait de l'employeur qui l'aurait abusivement licencié ;
Sur le premier moyen
, pris en sa première branche :
Attendu que la société
Editions Martinsart fait grief à l'arrêt attaqué de la condamner au paiement d'indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la rémunération minimale forfaitaire, alors, selon le moyen, que lorsque le contrat écrit signé par le VRP mentionne à temps partiel, il appartient à ce dernier d'établir qu'il travaillait en réalité à temps complet ; qu'ainsi, en déduisant de la seule circonstance que le représentant était soumis à des rapports d'activité, la charge pour l'employeur d'établir la durée du travail nonobstant l'indication d'un temps partiel sur le contrat, la cour d'appel a violé les articles
1315 du Code civil et 5-1 de l'accord interprofessionnel des VRP ;
Mais attendu
que la clause, par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur, porte atteinte à la liberté du travail ; qu'elle n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; qu'il en résulte que la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle ; qu'un VRP, s'il est engagé à titre exclusif, ne peut se voir imposer de travailler à temps partiel et a droit à la rémunération minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Et attendu que, dès lors que le salarié était lié à son employeur par un contrat de travail à titre exclusif et à temps partiel, il pouvait prétendre à la rémunération minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ; que, par ce motif substitué aux motifs justement critiqués de la cour d'appel, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen, en sa première branche, ne saurait être accueilli ;
Mais sur premier moyen
, pris en sa seconde branche :
Vu
l'article 5-1 de l'accord interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, ensemble l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes de cet accord, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes au sens de la loi du 22 décembre 1972 est engagé à titre exclusif, par un seul employeur, il a droit, pour chaque trimestre d'emploi à plein temps, à compter du second trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire qui, déduction faite des frais professionnels, ne peut être inférieure à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance ;
Qu'il en ressort que le salaire minimum ainsi calculé doit être comparé aux sommes effectivement perçues par le représentant et qu'il doit être déduit les frais professionnels qui y sont inclus ;
Que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que le salarié avait droit à la ressource minimale forfaitaire sans procéder à la comparaison de celle-ci avec les salaires perçus, déduction faite des frais professionnels, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la ressource minimale forfaitaire, l'arrêt rendu le 25 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, prononcé et signé par M. Brissier, conseiller le plus ancien, conformément aux dispositions des articles
452 et
456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-neuf janvier deux mille deux.