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Tribunal administratif de Nantes, 8ème Chambre, 16 décembre 2022, 2201649

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
  • Numéro d'affaire :
    2201649
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : Mme Roncière
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Autorité consulaire française à Istanbul, 16 août 2021
  • Avocat(s) : SELARL LUDOVIC RIVIERE
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Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Nantes
16 décembre 2022
Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France
14 décembre 2021
Autorité consulaire française à Istanbul
16 août 2021

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 février 2022 et le 28 juin 2022, M. A B et la SARL Meso, représentés par Me Rivière, demandent au tribunal : 1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision en date du 16 août 2021 de l'autorité consulaire française à Istanbul (Turquie) rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour M. B en qualité de travailleur salarié ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SARL Meso au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la décision de la commission de recours a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de preuve de la régularité de la composition de cette commission et du respect du quorum ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que M. B a obtenu une autorisation de travail, que son profil est en adéquation par rapport à l'emploi proposé, que la société Meso remplit toutes ses obligations administratives, que le salaire proposé est conforme au code du travail, que les documents produits ne sont pas frauduleux et que le recrutement ne présente pas un caractère de complaisance. Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B et la société Meso ne sont pas fondés. Par un courrier du 10 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt à agir de la société Meso, pour demander l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant la délivrance d'un visa en qualité de salarié à M. B. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 novembre 2022 : - le rapport de Mme Roncière, rapporteure, - et les observations de Me Rivière, représentant M. B et la société Meso.

Considérant ce qui suit

: 1. M. A B, ressortissant turc, né le 6 avril 1994, a présenté une demande de visa long séjour en qualité de travailleur salarié au sein de la société Meso auprès de l'autorité consulaire française à Istambul (Turquie). Par une décision en date du 16 août 2021, ces autorités ont refusé de lui délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite née le 14 décembre 2021, dont M. B et la société Meso demandent l'annulation, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Sur la recevabilité des conclusions présentées pour la SARL Meso : 2. La seule qualité d'employeur ne confère pas à la société Meso un intérêt pour agir contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 14 décembre 2021 refusant à M. B la délivrance d'un visa de long séjour sollicité en qualité de travailleur salarié. Dans ces conditions, la société Meso ne justifie pas d'un intérêt direct et personnel lui donnant qualité pour agir à l'encontre du refus de visa opposé à M. B. Par suite, les conclusions, présentées par la société, à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont irrecevables et doivent être rejetées. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. / Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d'étudiant, de stagiaire ou au titre d'une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24. ". 4. La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou d'une autorisation de travail, ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue un tel motif l'inadéquation entre l'expérience professionnelle et l'emploi sollicité et, par suite, le détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. 5. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur en défense que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France doit être regardée comme se fondant sur les motif tirés d'une part, de l'inadéquation entre l'expérience professionnelle de M. B et l'emploi proposé, qui caractérise un recrutement de complaisance et un risque de détournement de l'objet du visa et d'autre part, sur les déclarations frauduleuses du demandeur de visa quant à son expérience professionnelle. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. B a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour afin de travailler en qualité d'employé polyvalent de restauration au sein de la société Meso dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, visé par la DIRECCTE. Pour établir l'adéquation entre, d'une part, sa qualification et son expérience professionnelle, et d'autre part, l'emploi sollicité, le requérant produit un certificat de maitrise dans le domaine professionnel de la cuisine, délivré en 28 octobre 2019, par le centre de la formation d'éducation professionnelle, situé à Siverek (Turquie). De plus, il verse aux débats " un certificat de registre d'exploitation " établi le 6 décembre 2018 mentionnant qu'il exploite un restaurant de Kebab à Siverek. En outre, il produit des relevés de cotisations justifiant de période d'expérience professionnelle en matière de cuisine orientale qui justifie de son recrutement et des justificatifs de l'activité de son restaurant, déclaré à l'administration turque en 2018, qui sont de nature à justifier de l'exercice effectif de son expérience en matière de restaurant. En défense, le ministre de l'intérieur fait valoir que lors de sa précédente demande de visa déposée le 29 juillet 2020, pour travailler au sein de la même société, M. B avait produit des relevés de cotisations différents et présentant de longues périodes d'inactivité et des activités dans le domaine professionnel du bâtiment. Toutefois, M. B indique qu'il s'agit de relevés de nature différente, les uns relevant des cotisations en matière de maladie et les autres en matière de retraite et que si ces relevés font mention d'une expérience dans le bâtiment, cette activité a été exercé pendant ses études de cuisine. Par suite, M. B apporte des éléments justifiant de l'adéquation entre le poste proposé et son profil. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer, pour les motifs exposés au point 5, un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours de M. B en contestation du refus de visa opposé par l'autorité consulaire française à Istanbul. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Le présent jugement implique nécessairement qu'il soit procédé à la délivrance du visa de M. B sollicité, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

D É C I D E :

Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France, née le 14 décembre 2021, est annulée. Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, à la SARL Meso et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 18 novembre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Douet, présidente, Mme Roncière, première conseillère, Mme Chatal, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. La rapporteure, M.-A. RONCIERE La présidente, H. DOUET Le greffier, A.-L. LE GOUALLEC La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier,