AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière MGF Immobilier, dont le siège social est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 août 1996 par la cour d'appel de Versailles (chambres civiles réunies), au profit de la société Saint-Jacques et cie, dont le siège social est ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 octobre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de Me Capron, avocat de la société civile MGF Immobilier, de Me Choucroy, avocat de la société Saint-Jacques et cie, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 août 1996), statuant sur renvoi après cassation, qu'en 1992 la société civile immobilière MGF Immobilier (société MGF) a acquis de la société Saint-Jacques et compagnie (société Saint-Jacques) un groupe d'immeubles en l'état futur d'achèvement, a réglé une partie du prix, puis a refusé de payer diverses fractions de celui-ci en invoquant l'exception d'inexécution en raison de la non-conformité de certains ouvrages aux stipulations du contrat ; que la société Saint-Jacques a demandé au juge de la mise en état le versement d'une provision sur le coût des travaux exécutés pour l'édification des immeubles ;
Attendu que la société MGF fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, "1 ) que, dans la vente en l'état futur d'achèvement, le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux ; qu'en énonçant que la société MGF Immobilier a pris, de fait et pendant toute la durée du chantier, la qualité de maître de l'ouvrage, quant il résulte de ses constatations que cette société a acquis de la société Saint-Jacques et compagnie un immeuble en l'état futur d'achèvement, la cour d'appel a violé l'article
1601-3, alinéa 2, du Code civil ; 2 ) que la cour d'appel qui relève, d'une part, que l'exception d'inexécution que la société MGF Immobilier invoque pour justifier que la créance de la société Saint-Jacques et compagnie est sérieusement contestable, est "dénuée de sérieux" et, d'autre part, que la provision demandée par la société Saint-Jacques et compagnie n'excède pas la part qui, dans la créance de cette société, n'est pas sérieusement contestable, s'est contredite dans ses motifs ; qu'elle en a privé sa décision ; 3 ) qu'il ressort, tant des conclusions d'appel de la société MGF Immobilier, que des conclusions d'appel de la société Saint-Jacques et compagnie, que le prix de la vente en l'état futur d'achèvement est de 529 460 669 francs ; qu'en énonçant, pour justifier que, pour la part correspondant à la provision demandée par la société Saint-Jacques et compagnie, la créance de celle-ci n'est pas sérieusement contestable, que le prix de la vente en l'état futur d'achèvement est de 930 000 000 francs, la cour d'appel a violé l'article
1134 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que l'acquéreur avait, à partir de 1987, présidé à la conception de l'ouvrage, et, à partir de 1992, contrôlé son édification, qu'il avait entretenu avec les maîtres d'oeuvre des relations directes complétées par une présence technique constante sur le chantier, qu'il avait ainsi pris, de fait, la qualité de maître de l'ouvrage, et qu'il ne pouvait ignorer l'existence de différences entre l'ouvrage édifié et les prévisions du contrat de vente, ces différences ayant d'ailleurs un aspect marginal et n'étant pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, et constaté que, sur le prix de vente du bien paraissant être, d'après les écritures prises, de 930 000 000 francs, des sommes avoisinant 300 000 000 francs avaient précédemment été versées, la cour d'appel a pu retenir, sans se contredire, que l'obligation de la société MGF n'était pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 104 603 235 francs réclamée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière MGF Immobilier aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière MGF Immobilier ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.