ARRET No 11/ 7258
COUR D'APPELDE LYON
8ème chambre
ARRET DU 21 FEVRIER 2012
jugement du tribunal de grande instance de Saint-Etienne
2011/ 02579
21 septembre 2011
SCCV VERGERS DU SOLEIL
C/
X...
J...
SCPN BERNARD VULIN DA SILVA COTTIER
B...
SCPN DANIELLE ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMY MICHEL ET MACE
SUR CONTREDIT
DEMANDERESSE :
SCCV VERGERS DU SOLEIL
représentée par ses dirigeants légaux
67 rue Sainte Marie
97400 SAINT-DENIS (ILE DE LA REUNION)
assistée de Me Fabrice PILLONEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE,
et de Me Jean-Claude ABDOULOUSSEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS DE LA REUNION
DEFENDEURS :
Monsieur Grégoire X...
né le 11 décembre 1973 à SAINT ETIENNE (42)
...
42480 LA FOUILLOUSE
assisté de Me Hélène FOURNEL-PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Madame Célia J... épouse X...
née le 26 février 1976 à SAINT ETIENNE (42)
...
42480 LA FOUILLOUSE
assistée de Me Hélène FOURNEL-PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER
1 place de la République-BP 615
42174 SAINT-JUST-SAINT-RAMBERT CEDEX
assistée de Maître Joël TACHET, avocat au barreau de LYON
Monsieur Xavier B..., architecte
né le 7 juin 1956 à PARIS (75014)
...
...
97490 SAINTE-CLOTILDE (ILE DE LA REUNION)
assisté de Me Laurent PRUDON, avocat au barreau de LYON
substitué par Me BARRAGAN, avocat au barreau de LYON
SCPN ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMY MICHEL MACE RAMBAUD
13 rue de Paris
97464 SAINT-PAUL (ILE DE LA REUNION)
assistée de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
******
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 décembre 2011
Date de mise à disposition : 14 février 2012, prorogé au 21 février 2012
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
- Pascal VENCENT, Président,
- Dominique DEFRASNE, Conseiller,
- Catherine ZAGALA, Conseiller,
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffière.
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport conformément à l'article
785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa
2 du code de procédure civile.
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 30 décembre 2010, monsieur Grégoire X... et madame Célia J..., son épouse, avocats inscrits au barreau de Saint Etienne ont acquis auprès de la SCCV VERGERS DU SOLEIL en l'état futur d'achèvement un appartement de type 2 dans un ensemble immobilier situé à La Possession (Réunion).
Cet acte a été reçu par maître MICHEL, membre de la SCP notariale ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMI MICHEL MACE RAMBAUD à Saint Denis de la Réunion.
Monsieur Xavier B..., architecte domicilié à Saint Clotilde de la Réunion est intervenu en qualité de maître d'oeuvre de la construction.
Cependant le programme immobilier n'a pas été achevé en raison de difficultés administratives concernant notamment l'implantation de la construction.
En suite d'une ordonnance d'autorisation du 15 juin 2011, les époux X... ont, par actes des 24 et 29 juin 2011, assigné à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Saint Etienne la SCCV VERGERS DU SOLEIL, la SCP ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMI MICHEL MACE, monsieur B... et la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER, leur propre notaire domicilié à Saint Just Saint Rambert (Loire), pour obtenir l'annulation de la vente avec restitution du prix, subsidiairement la réduction du prix et en tout cas la réparation de leur préjudice.
La SCCV VERGERS DU SOLEIL a soulevé alors l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Saint Etienne au profit du tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion et accessoirement le renvoi de l'affaire devant la juridiction limitrophe en raison de la qualité d'avocat des demandeurs.
Les époux X... de leur côté ont indiqué qu'ils ne s'opposaient pas au renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance du Puy en Velay.
Par jugement du 21 septembre 2011 le tribunal de grande instance de Saint Etienne, sur le fondement de l'article
47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance du Puy en Velay.
Le 6 octobre 2011, la SCCV VERGERS DU SOLEIL a formé contredit de cette décision.
La SCCV VERGERS DU SOLEIL demande à la cour :
- de réformer la décision querellée,
- de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion,
- de condamner les époux X... aux dépens.
Elle fait valoir qu'aux termes de l'article
44 du code de procédure civile, en matière réelle la juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble, soit en l'espèce le tribunal de Saint Denis de la Réunion et que le fait que le notaire des acquéreurs soit domicilié dans la Loire est une circonstance inopérante car ce notaire qui n'est pas intervenu à l'acte a été mis en cause dans le seul but de faire échec aux règles de compétence territoriale.
Elle soutient que le tribunal de grande instance de Lyon aurait du faire application de cette règle avant la règle de délocalisation de l'article
47 du code de procédure civile qui n'était que subsidiaire pour ensuite constater que le renvoi devant du tribunal de grande instance de la Réunion satisfaisait également aux dispositions de cette dernière.
Les époux X... demandent de leur côté à la cour :
à titre principal :
- de déclarer irrecevable le contredit de compétence dans la mesure où seul la voie de l'appel était ouverte à l'encontre de la décision de première instance ayant statué au visa de l'article
47 du code de procédure civile,
- de déclarer également irrecevable le contredit dans la mesure où conformément aux dispositions de l'article
47 du code de procédure civile elle n'avait pas pouvoir pour se prononcer sur une exception d'incompétence soulevée par certaines parties à la procédure,
- en conséquence, de confirmer la décision querellée en toutes ses dispositions et de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de grande instance du Puy en Velay,
à titre subsidiaire :
- de dire que leur action doit recevoir la qualification d'action mixte et qu'ils disposent d'une option de compétence entre le lieu de situation de l'immeuble et le lieu où demeure l'un des défendeurs au litige,
- de dire qu'ils disposaient également de l'option de compétence visée par l'article
46 alinéa
2 du code de procédure civile applicable en matière contractuelle,
- de constater que la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER est personnellement intéressée au procès dans lequel elle apparaît comme un défendeur sérieux,
- de rejeter en conséquence le contredit de compétence et de confirmer la décision déférée,
en tout état de cause :
- de condamner in solidum la SCCV VERGERS DU SOLEIL, maître Pascal MICHEL notaire membre de la SCP ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMI MICHEL MACE, la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER notaires associés et monsieur B... aux dépens ainsi qu'au paiement de 5. 000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
A l'appui du moyen tiré de l'irrecevabilité du contredit, ils font valoir que l'article
47 du code de procédure civile n'est pas une exception de procédure et que la demande de délocalisation en vertu de cet article s'impose au juge qui n'a pas le pouvoir de se prononcer parallèlement sur une question de procédure.
Ils font valoir à titre subsidiaire les dispositions des articles 46 code de procedure civile">46 alinéa 4 et
46 alinéa
2 du code de procédure civile en expliquant qu'ils ont mis en cause leur notaire domicilié dans la Loire afin de rechercher sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil.
La SCP ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMI MICHEL MACE RAMBAUD conclut à l'infirmation du jugement et au renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion pour les mêmes motifs que ceux exposés par la SCCV VERGERS DU SOLEIL.
Elle demande que les époux X... soient condamnés à lui payer la somme de 1. 500 € en application de l'article
700 du code de procédure civile.
La SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER demande à la cour de rejeter le contredit de compétence et de confirmer le jugement querellé.
Elle demande également la condamnation de la SCCV VERGERS DU SOLEIL à lui payer la somme de 1. 000 € en application de
700 du code de procédure civile.
Elle indique que le recours ouvert contre la décision du tribunal de grande instance de Saint Etienne est bien le contredit, en application de l'article
80 du code de procédure civile car ce tribunal en renvoyant l'examen du litige au tribunal de grande instance du Puy en Velay limitrophe s'est estimé compétent sans statuer sur le fond et a implicitement rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCCV VERGERS DU SOLEIL.
Elle ajoute qu'à défaut il y aurait lieu de faire application à l'article
91 du même code.
Elle indique, en second lieu, que le tribunal de grande instance de Saint Etienne avait obligation de faire droit à la demande de renvoi dès lors qu'il constatait que les demandeurs étaient avocats au barreau de Saint Etienne et qu'il s'estimait compétent.
Elle fait valoir que la procédure a été régulièrement portée devant le tribunal de grande instance de Saint Etienne dans le ressort duquel est établie la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER et contre qui il est demandé la même condamnation que les autres défendeurs, que le choix ouvert par l'article 46 en matière mixte comme alternative à la règle de l'article 42 est réservé aux seuls demandeurs, que les dispositions de l'article 44 relatives à la matière réelle immobilière ne sont pas d'avantage applicables puisque la contestation ne porte pas sur l'assiette ou l'existence du droit de propriété mais sur des fautes dont résulteraient à titre de sanction l'annulation de la vente ou la réduction du prix et l'indemnisation des préjudices constatés.
Monsieur B... demande à la cour de lui donner acte qu'il s'en rapporte à justice sur la compétence du tribunal de grande instance du Puy en Velay ou du tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion pour juger le présent litige.
Il réclame le paiement de 800 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la recevabilité du contredit
Attendu qu'aux termes de l'article
47 du code de procédure civile, lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe ;
Attendu que si le juge ne peut rejeter la demande de renvoi dès lors qu'un magistrat ou un auxiliaire de justice fait partie du litige, il n'est pas pour autant privé du pouvoir de statuer sur l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'une ou l'autre des parties au procès ;
Que l'article 47 réserve effectivement ce pouvoir puisque son application est subordonnée à l'existence d'un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle les intéressés exercent leur fonction ;
Attendu qu'il est acquis en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation que la demande fondée sur l'article
47 du code de procédure civile n'est pas une exception de procédure ;
Attendu toutefois qu'en l'espèce la SCCV VERGERS DU SOLEIL avait soulevé principalement l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Saint Etienne en demandant à titre accessoire l'application de l'article 47 et que cette juridiction en renvoyant l'examen du litige au tribunal de grande instance du Puy en Velay limitrophe sans statuer sur le fond a implicitement rejeté l'exception d'incompétence qui lui était soumise ;
Attendu en conséquence que les moyens tirés de l'irrecevabilité du contredit doivent être rejetés ;
2/ Sur la compétence territoriale
Attendu qu'en application de l'article
42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente sauf disposition contraire est celle du lieu où demeure le défendeur et s'il y a plusieurs défendeurs, au choix du demandeur, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ;
Que l'article
44 du même code, en matière réelle immobilière désigne exclusivement la juridiction du lieu où est situé l'immeuble et l'article 46 en matière mixte, au choix du demandeur, la juridiction du lieu où demeure le défendeur ou celle du lieu où est situé l'immeuble ;
Attendu en l'espèce que les époux X... sollicitent à titre principal l'annulation de la vente de l'appartement qu'ils ont conclue avec la SCCV VERGERS DU SOLEIL ainsi que la condamnation in solidum de cette société avec la SCP ADOLFINI SMADJA RAGOT SAMI MICHEL MACE RAMBAUD, la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER et monsieur B..., architecte, au paiement du prix de vente, de pénalités de retard ainsi qu'au remboursement de divers frais liés à la vente ;
Que dans leurs écritures ils expliquent que l'action dirigée à l'encontre de leur propre notaire, la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER domiciliée à Saint Just Saint Rambert (Loire) par le manquement de ce notaire à son devoir de conseil, en regard notamment des irrégularités affectant la déclaration d'achèvement des travaux et la procuration qu'ils ont donnée ;
Attendu que l'action formée les époux X... contrairement aux affirmations de la SCCV VERGERS DU SOLEIL n'est pas une action réelle immobilière mais une action mixte qui permet aux époux X... l'option prévue par l'article
46 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en présence de plusieurs défendeurs, les époux X... pouvaient en application de l'article 42 choisir la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le domicile de la SCP VULIN DA SILVA COTTIER BERTRAND TEYSSIER et par conséquent le tribunal de grande instance de Saint Etienne ;
Que rien ne permet d'affirmer que la mise en cause par les époux X... de cette office notarial résulterait d'une fraude destinée à faire échec aux règles de compétence territoriale ;
Attendu en conséquence que les époux X... ont valablement saisi le tribunal de grande instance de Saint Etienne territorialement compétent ;
3/ Sur la délocalisation du litige
Attendu que le tribunal de grande instance de Saint Etienne, compte tenu de la qualité des époux X..., tous deux avocats inscrits au barreau Saint Etienne et de la demande formée devant lui sur le fondement de l'article
47 du code de procédure civile a justement renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance du Puy en Velay, juridiction limitrophe ;
Attendu que les dépens d'appel seront mis à la charge de la SCCV VERGERS DU SOLEIL ;
Qu'il convient également de condamner cette société à payer au époux X... la somme de 2. 500 € en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions au profit des autres parties ;
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable le contredit formé par la SCCV VERGERS DU SOLEIL mais le dit mal fondé,
Dit le tribunal de grande instance de Saint Etienne territorialement compétent,
Statuant sur l'article
47 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance du Puy en Velay,
Y ajoutant :
Condamne la SCCV VERGERS DU SOLEIL à payer à monsieur Grégoire X... et madame Célia J..., son épouse conjointement la somme de 2. 500 € en application de l'article
700 du code de procédure civile,
Déboute les autres parties de leur demande sur le même fondement,
Condamne la SCCV VERGERS DU SOLEIL aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en font la demande.
Le greffierLe président