Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 juin 2021 et 1er septembre 2022, Mme A B, représentée par Me Paolantonacci, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 11 mai 2021 par laquelle le président de la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité, pour aggravation, premièrement des séquelles d'entorses opérées de la cheville droite, deuxièmement, des séquelles de traumatisme du genou gauche et, dernièrement, des séquelles d'entorse du genou droit et, en conséquence, de réviser ses droits à pension en fixant le taux d'invalidité résultant de ces infirmités, respectivement à 30 %, 35 % et 25 % et ce, à compter du 3 juin 2019, date d'enregistrement de sa demande de révision ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de décrire, en se plaçant à la date de la demande de révision du 3 juin 2019, les séquelles d'entorses opérées de la cheville droite et des séquelles de traumatisme du genou gauche, de déterminer s'il existe une aggravation de son état de santé et d'évaluer le taux d'invalidité en résultant ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que son état de santé s'est aggravé manifestement depuis sa demande de révision le 3 juin 2019 dès lors que :
- s'agissant des séquelles d'entorses opérées de la cheville droite : elles se sont aggravées à partir de juin 2019 avec le développement soudain d'une arthrose invalidante de stade 4, ceci justifiant un taux d'invalidité de 30 % ;
- s'agissant des séquelles de traumatisme du genou gauche avec rupture du ligament croisé antérieur : elles se sont aggravées avec l'apparition d'une gonarthrose entraînant la mise en place d'une prothèse tri-compartimentale en juin 2020 et une invalidité à hauteur de 30 %, sachant que la surcharge pondérale ne constitue pas une cause certaine et déterminante de l'aggravation de cette infirmité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il n'y a pas eu d'aggravation des infirmités pensionnées depuis la dernière expertise.
Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2023.
Un mémoire présenté le 31 août 2023 par le ministre des armées n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 octobre 2023 :
- le rapport de Mme Le Gars ;
- et les conclusions de M. Riffard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté en date du 25 février 2019, le ministre des armées a concédé à Mme B, à titre définitif, une pension d'invalidité à compter du 20 avril 2018, pour ses infirmités à la cheville droite et aux deux genoux, évaluée globalement à 50 %. Par une demande enregistrée le 3 juin 2019, l'intéressée a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités au genou gauche et à sa cheville droite. A la suite du rejet de sa demande par une décision du ministre des armées en date du 12 octobre 2020, l'intéressée a exercé un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours de l'invalidité (CRI), laquelle a rejeté sa demande par une décision en date du 11 mai 2021. Mme B demande au tribunal de réformer cette décision en date du 11 mai 2021.
Sur les droits de l'intéressée à révision de sa pension :
2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. () / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (). ". L'article L. 125-1 du même code dispose que : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé.
En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité de la cheville droite :
3. L'arrêté du 25 février 2019 a concédé à Mme B une pension d'invalidité militaire à un taux de 20 % pour des séquelles d'entorse opérée de la cheville droite, lequel couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. Pour solliciter la reconnaissance d'un taux d'invalidité de 30 %, la requérante produit notamment un arthroscanner réalisé le 11 juin 2019 qui conclut à une chondropathie variante entre les grades 2 et 4 selon les différentes articulations de la cheville. A cet égard, elle produit également un certificat de son médecin traitant généraliste, en date du 29 avril 2021, qui atteste que la chondropathie dont elle souffre depuis juillet 2016, s'est anormalement accentuée depuis juin 2019, pour évoluer vers une arthrose invalidante de stade 4. Cependant, il résulte de l'imagerie médicale réalisée dans le cadre de l'expertise médicale en date du 14 septembre 2020 que l'amplitude articulaire de la cheville droite demeure sensiblement identique, sans altération franche ni aggravation clinique nette. Dès lors, malgré la persistance des douleurs et blocages, lesquels étaient constatés dès l'expertise de novembre 2018, il ne résulte pas de l'instruction que l'infirmité dont souffre la requérante s'est aggravée depuis l'expertise antérieure. Dès lors, Mme B n'est pas fondée à demander la révision du taux d'invalidité définitif qui lui a été concédé par l'arrêté du ministre des armées en date du 25 février 2019.
En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité du genou gauche :
4. A la suite d'une rupture des ligaments croisés antérieurs intervenue en 1999, le ministre des armées a, par un arrêté du 25 février 2019, concédé à titre définitif à Mme B une pension militaire à raison de l'infimité affectant son genou gauche évaluée à un taux de 10 %.
5. Il résulte de l'instruction que la requérante souffre d'une gonarthrose tri-compartimentale avec méniscopathie dégénérative dont l'aggravation n'est pas contestée par le ministre des armées et qui a conduit à la mise en place d'une prothèse tri-compartimentale en juin 2020. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale réalisée le 14 septembre 2020, que l'intéressée souffre d'une dégradation articulaire douloureuse, antérieure à la chirurgie, et persistante. A cet égard, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a estimé, dans son avis du 7 octobre 2020, que la surcharge pondérale dont est affectée Mme B a eu " un rôle prépondérant " dans l'aggravation de son infirmité. Cependant, il résulte de l'instruction que, malgré une situation de surpoids préexistante, cette surcharge pondérale, dont l'évolution coïncide avec les différentes blessures de services subies par l'intéressée, est elle-même due à la réduction de son activité à raison des infirmités pensionnées et ne constitue, dès lors, pas une cause étrangère à l'aggravation de l'infirmité de son genou gauche. Dans ces conditions, il y a lieu de reconnaître à Mme B un taux d'invalidité de 20 % à compter du 3 juin 2019.
En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité du genou droit :
6. Il n'est ni établi ni même allégué par l'intéressée que l'infirmité du genou droit dont elle souffre s'est aggravée depuis l'enregistrement de sa demande de révision. Il n'y a, dès lors, pas lieu de réformer le taux d'invalidité fixé par l'arrêté du 25 février 2019.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B est fondée à demander, d'une part, la réformation de la décision du 11 mai 2021 de la commission de recours de l'invalidité en tant que cette décision est contraire aux motifs du présent jugement et, d'autre part, l'octroi, à compter du 3 juin 2019, d'une pension militaire d'invalidité prenant en compte un taux de 20 % pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche ".
Sur les conclusions subsidiaires à fin d'expertise :
8. Aux termes de l'article
R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. () ". Il incombe, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.
9. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires à fin d'expertise s'agissant de l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche ". Par ailleurs, il résulte également des motifs du présent jugement, que l'expertise relative à l'infirmité " séquelles d'entorses opérées de la cheville droite " ne présente pas le caractère d'utilité requis. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées en ce sens par Mme B.
Sur les frais d'instance :
10. En application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de Mme B.
DECIDE
Article 1er : La décision du président de la commission de recours de l'invalidité en date du 11 mai 2021 est réformée en tant qu'elle refuse l'octroi à Mme B d'un taux de 20 % pour l'infirmité pensionnée " séquelles de traumatisme du genou gauche ".
Article 2 : Mme B a droit, à compter du 3 juin 2019, à une pension militaire d'invalidité prenant en compte un taux de 20 % pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche ".
Article 3 : L'Etat (ministère des armées) versera à Mme B une somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au ministre des armées.
Copie en sera adressée au service des pensions du ministère des armées.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
M. Bailleux, premier conseiller,
Mme Le Gars, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
Signé :
H. LE GARS
La présidente,
Signé :
M. DOUMERGUE La greffière,
Signé :
G. RICCI
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Et par délégation,
La greffière.