Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème Chambre, 5 décembre 2013, 12VE00439

Mots clés police · police administrative et judiciaire · société · bagages · sanction · aeroports · aérien · soute · contrôles · préfet · amende · douanes · commission · sûreté · concernée · transport · equipement

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro affaire : 12VE00439
Type de recours : Excès de pouvoir
Président : M. BOULEAU
Rapporteur : Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public : Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : GUILLAUME

Texte

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2009, présentée pour la société AEROPORTS DE PARIS dont le siège est 291 boulevard Raspail à Paris (75675), par Me Guillaume, avocat ; la société AEROPORTS DE PARIS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0506342 en date du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision en date du 11 février 2005 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui infligeant une amende d'un montant de 2 000 euros pour manquement à ses obligations de sûreté aéroportuaires ;

2° d'annuler cette sanction ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société AEROPORTS DE PARIS soutient que :

- le préfet n'a pas respecté les règles de procédure applicables aux sanctions fondées sur l'article R. 217-1 du code de l'aviation civile, énoncées à l'article R. 217-2 du même code ; l'avis de la commission de sûreté aurait dû lui être communiqué, même s'il était facultatif ;

- la preuve d'une défaillance qui lui serait imputable, au regard de sa mission définie par l'article 20 de l'arrêté du 12 novembre 2003, n'a pas été rapportée ; le manquement relevé le 29 mai 2004 peut être le fait d'agents de compagnies aériennes ou de leurs sous-traitants ; si elle est responsable du filtrage des bagages, elle ne l'est pas pour le chargement des bagages dans les containers ;

- l'inspection filtrage des bagages est conduite selon une procédure définie en accord avec les services préfectoraux et la direction générale de l'aviation civile, validée par le préfet ; ainsi sa responsabilité ne peut être engagée du fait d'un processus de contrôle insuffisant ; le programme de sûreté a été validé en juin 2003 par le comité local de sûreté de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle ainsi que son actualisation le 16 juillet 2003 ; elle a appliqué cette procédure sans défaillance depuis cette date ;

- elle a satisfait à ses obligations, qui lui incombent en vertu de l'article 37 de l'arrêté du 12 novembre 2003, en mettant en place un programme de sûreté et en l'actualisant régulièrement ; l'annonce de mesures correctives afin de renforcer la procédure applicable, élaborée sous le contrôle de l'Etat, ne permet pas de considérer qu'elle a commis une faute ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du 1er septembre 2003 relatif aux infrastructures, équipements et formations en matière de sûreté du transport aérien ainsi qu'à certaines modalités d'exercice des agréments en qualité d'agent habilité, de chargeur connu, d'établissement connu et d'organisme technique ;

Vu l'arrêté du 12 novembre 2003 relatif aux mesures de sûreté du transport aérien ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un procès-verbal du 29 mai 2004, les services de la direction générale des douanes et des droits indirects ont constaté qu'un bagage qui avait été rejeté par les différents postes de contrôles a été placé dans un conteneur destiné à être placé en soute ; qu'à raison de ce manquement, le préfet de la Seine-Saint-Denis a infligé à la société AEROPORTS DE PARIS une amende dont la société a contesté la légalité devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande par un jugement du 18 juin 2009 ; que la société AEROPORT DE PARIS fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 217-1 du code de l'aviation civile dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. - En cas de manquement constaté aux dispositions (...) c) Des arrêtés et mesures pris en application de l'article R. 213-1. Le préfet peut, en tenant compte de la nature et de la gravité des manquements et éventuellement des avantages qui en sont tirés, après avis de la commission instituée à l'article R. 217-4, prononcer à l'encontre de la personne morale responsable une amende administrative d'un montant maximum de 7 500 euros. Toutefois, l'amende ne peut excéder 1 500 euros en cas de défaut de présentation des documents exigibles par la réglementation " et qu'aux termes de l'article R. 217-2 du même code : " Les manquements aux dispositions énumérées à l'article R. 217-1 font l'objet de constats écrits dressés par les militaires de la gendarmerie, les officiers et les agents de la police nationale, les agents des douanes ainsi que par les fonctionnaires et agents spécialement habilités et assermentés en application de l'article L. 282-11. Ils portent la mention des sanctions encourues. Ils sont notifiés à la personne concernée et communiqués au préfet par le chef du service auquel appartient le rédacteur du constat. A l'expiration du délai donné à la personne concernée pour présenter ses observations, le préfet peut saisir la commission instituée à l'article R. 217-4 qui lui émet un avis sur les suites à donner. La personne concernée doit avoir connaissance de l'ensemble des éléments de son dossier. Elle doit pouvoir être entendue par la commission avant que celle-ci émette son avis et se faire représenter ou assister par la personne de son choix. (...) " ;

3. Considérant que la procédure particulière prévue par l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile prévoit que la commission de sûreté d'un aéroport peut être saisie pour avis par le préfet avant que celui-ci prononce une sanction pour manquement aux règles de sécurité aéroportuaire ; que cette commission émet son avis au vu des seuls éléments du dossier dont la personne concernée, après avoir été informée des griefs formulés à son encontre, peut demander la communication ; que cet article organise une procédure contradictoire, impliquant le droit pour la personne en cause de formuler ses observations écrites et d'être entendue par la commission ; qu'eu égard aux garanties ainsi apportées, la procédure répond aux exigences qu'implique le respect des droits de la défense ; que ni l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ni aucun principe général du droit et en particulier celui des droits de la défense n'imposent en revanche la communication de l'avis de la commission à la personne concernée ; que, par suite, les dispositions de l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile n'impliquaient pas la communication à la société AEROPORTS DE PARIS de l'avis émis par la commission saisie par le préfet avant que celui-ci ne prenne une sanction ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. / (...) / 3. Tout accusé a droit notamment à : / a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; / b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (...) " ; que les stipulations précitées de l'article 6 ne sont applicables, en principe, qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'une sanction ; qu'il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où la procédure d'établissement de cette sanction pourrait, eu égard à ses particularités, emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge ;

5. Considérant que la procédure instituée par l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile aménage, comme il a été dit plus haut, le pouvoir de sanction du préfet de telle sorte que le respect des droits de la défense est pleinement assuré ; que par suite l'absence de communication de cet avis à la société requérante n'emporte pas des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué ;

Sur le bien-fondé de la sanction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de l'arrêté du 12 novembre 2003 susvisé : " Règles générales. - L'exploitant d'aérodrome ou l'entreprise opérant pour son compte est tenu :

a) D'assurer l'inspection filtrage de tous les bagages de soute présentés par les entreprises de transport aérien ou les entreprises opérant pour le compte de celles-ci ;

b) D'informer les passagers de la liste des articles prohibés dans les bagages de soute et des précautions à prendre en matière de surveillance des bagages ;

c) De soumettre chaque bagage de soute accompagné à un examen dit "primaire" à l'aide d'un des moyens suivants :

1. Fouille manuelle, en présence du passager ou d'un représentant de l'entreprise de transport aérien ;

2. EDS ou EDDS ;

3. Equipement de détection de trace pour les bagages ouverts ;

4. Equipe cynotechnique ;

5. PEDS ;

6. Equipement radioscopique classique doté d'un dispositif de projection d'image de menace activé ;

7. Equipement radioscopique classique, 10 % des bagages faisant par ailleurs l'objet d'une vérification supplémentaire à l'aide d'un des moyens 1, 2, 4 ou 5 ci-dessus ou, en l'absence de ces moyens, d'un contrôle sous deux angles différents par le même opérateur au même endroit ;

d) De procéder, lorsque l'examen primaire ne lui permet pas de s'assurer dans le cadre des procédures établies que le bagage ne contient pas d'articles prohibés, à un examen dit "complémentaire" par un des moyens ci-dessus différent du premier et de performance supérieure selon une classification fixée par une décision du ministre des transports ;

e) De soumettre chaque bagage de soute qui n'est pas accompagné à un examen à l'aide d'un des moyens suivants :

1. EDS ;

2. PEDS à niveaux multiples permettant, au niveau 2, la visualisation de tous les bagages par les opérateurs ;

3. Radioscopie classique, chaque bagage étant examiné sous deux angles différents par le même opérateur au même endroit ;

4. Fouille manuelle, en présence d'un représentant de l'entreprise de transport aérien, complétée par le recours à un équipement de détection de traces pour les bagages ouverts ;

5. Equipe cynotechnique,

sauf dans le cas où le bagage concerné a déjà été examiné conformément aux normes prévues dans le présent chapitre, a été séparé de son propriétaire pour des raisons indépendantes de sa volonté et a été placé sous la surveillance du transporteur aérien ;

f) De vérifier l'absence de bagages abandonnés dans la zone de traitement des bagages, avant chaque mise en service ;

g) D'informer immédiatement les services compétents de l'Etat ainsi que l'entreprise de transport aérien concernée des cas où un article prohibé en soute a été trouvé et d'appliquer les consignes établies par l'autorité compétente ;

h) Dans le cas où l'inspection filtrage ne lui a pas permis de s'assurer dans le cadre des procédures établies que le bagage concerné ne contenait pas d'articles prohibés en soute, d'informer immédiatement les services compétents de l'Etat ainsi que l'entreprise de transport aérien concernée et d'acheminer le bagage concerné vers un lieu de stockage temporaire dédié. " ;

7. Considérant que, par procès- verbal du 29 mai 2004, les agents des douanes ont établi qu'un bagage rejeté par les contrôles de sécurité a été placé dans un conteneur destiné à être embarqué en soute par une compagnie aérienne ; qu'il résulte des dispositions susrappelées et, notamment du h) de l'article 20 de l'arrêté du 12 novembre 2003 que l'exploitant d'aérodrome ou l'entreprise opérant pour son compte doit soumettre les bagages transmis par les compagnies aériennes et destinés à être embarqués en soute aux contrôles permettant de vérifier qu'ils ne contiennent pas d'objets prohibés et acheminer les bagages qui ne sont pas sécurisés par lesdits contrôles vers une zone destinée à cet usage après information des services de l'Etat ; que le transfert d'un bagage qui n'a pas subi les contrôles avec succès dans un conteneur destiné à l'embarquement en soute doit être regardé comme un manquement de la société AEROPORTS DE PARIS aux obligations qui lui sont conférées par les dispositions précitées sans que celle-ci puisse invoquer une quelconque responsabilité de la compagnie aérienne à laquelle ne peuvent être remis pour embarquement que les bagages contrôlés et validés ; que la société AEROPORTS DE PARIS ne saurait davantage utilement invoquer la circonstance que les services de l'Etat auraient validé la procédure de contrôle des bagages qu'elle met en oeuvre pour contester la sanction litigieuse ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AEROPORTS DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement litigieux, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de la société AEROPORTS DE PARIS est rejetée.

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N° 12VE004392