TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 29 Avril 2011
3ème chambre 3ème section N°RG: 09/08474
DEMANDERESSES LE CAVALIER BLEU, SAS [...] 75009 PARIS
Madame Marie-Laurence D représentés par Me Sophie VIARIS DE LESEGNO, de la SELARL CABINET PIERRAT, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #L0166
DÉFENDEURS HACHETTE LIVRE, SA [...] 75905 PARIS CEDEX 15
ARMAND C, SAS [...] 75006 PARIS représentés par Me Roger LEMONNIER, de la SCP LEMONNIER DELION GAYMARD RISP AL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0516
Monsieur Pascal B domicilié : chez Institut de Relations Internationales et Statégiques [...] 75011 PARIS
Madame Charlotte LEPRI domiciliée : chez Institut de Relations Internationales et Stratégiques [...] 75011 PARIS représentées par Me Michel TUBIANA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire El657
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S, Vice-Président, signataire de la décision Anne CHAPLY, Juge, Mélanie BESSAUD, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBATS A l'audience du 28 Février 2011, tenue publiquement, devant Marie S , Anne CHAPLY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure CivileJUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
La maison d'éditions LE CAVALIER BLEU, créée en 2000 par Mme D, édite une collection d'ouvrages intitulés « IDÉES REÇUES » depuis 2001 qui compte 180 titres. Chaque ouvrage tend à recenser des idées reçues sur un sujet que l'auteur, professionnel de la spécialité, discute en apportant son éclairage.
Mme D a déposé le 5 décembre 1997 la marque française verbale n°97 707 556 « IDÉES REÇUES » pour désigner en classes 16, 38 et 41 les produits et services suivants : produits de l'imprimerie, communications par terminaux d'ordinateur nationales ou internationales (internet). Edition de livres, de revues. Elle n'a pas procédé au renouvellement de cette marque.
M. Pascal B, professeur d'université et directeur de l'institut des relations internationales et stratégiques, a publié le 10 octobre 2007 aux éditions Armand C un ouvrage intitulé « 50 IDÉES REÇUES SUR L'ÉTAT DU MONDE ».
Le 3 octobre 2008, Mme D a déposé à nouveau la marque française verbale « IDÉES REÇUES » n°36 025 47 pour désigner en class es 16, 38 et 41 notamment les produits et services suivants : produits de l'imprimerie ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; communications par terminaux d'ordinateurs ou par réseau de fibres optiques ; éducation ; formation ; divertissement ; publication de livres ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro-édition.
Dans un article de la revue Livre Hebdo en octobre 2008, la directrice de la société HACHETTE LITTÉRATURE annonçait qu'elle lançait le 7 octobre 2008 la collection « 50 IDÉES REÇUES » avec comme directeur de collection M. Pascal BONIFACE.
Le 1er octobre 2008 était publié par HACHETTE LIVRE un ouvrage coécrit par Pascal BONIFACE et Charlotte L intitulé « 50 IDÉES REÇUES SUR LES Etats- Unis ».
Par courrier du 7 octobre 2008, la société LE CAVALIER BLEU et Mme D ont mis en demeure la société HACHETTE LIVRE de cesser toute utilisation du titre « 50 IDÉES REÇUES », de procéder au retrait de la vente de ses ouvrages et de leur transmettre les données attestant de l'ampleur de l'exploitation qu'ils estimaient litigieuse. La société HACHETTE LIVRE répondait le 13 octobre 2008 que le vocable « Idées reçues » constituait le seul moyen pour dénommer un ouvrage dont le propos consiste à dénoncer les faux clichés et qu'il n'existait aucun risque de confusion entre son ouvrage et ceux des éditions LE CAVALIER BLEU.
C est dans ces conditions que la société LE CAVALIER BLEU et Mme D ont assigné par actes des 5 et 11 mai 2009 la société HACHETTE LIVRE, la société ARMAND COLIN, M. Pascal B et Mme Charlotte LEPRI devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.Dans leurs dernières conclusions du 26 octobre 2010, la société LE CAVALIER BLEU et Mme D demandent au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- Dire et juger recevable et fondée leur action à l'encontre de M. Pascal B, des éditions ARMAND C et HACHETTE LIVRE et de Mme Charlotte LEPRI ;
- Constater que M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI, les éditions ARMAND C et HACHETTE LIVRE ont commis des actes de contrefaçon et d'atteinte à la marque IDÉES REÇUES, en violation des articles
L 713-1,
L 713-3 et
L 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
- Constater que M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI, les éditions ARMAND C et la société HACHETTE LIVRE ont commis des actes de concurrence déloyale et de confusion,
En conséquence,
- Interdire l'utilisation et la reproduction par M. Pascal B et les éditions ARMAND C du titre 50 Idées Reçues sur l'état du monde sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Interdire l'utilisation et la reproduction par M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI et les éditions HACHETTE LIVRE du titre 50 Idées Reçues sur les États-Unis sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
- Interdire l'utilisation et la reproduction par les défendeurs du signe IDÉES REÇUES pour désigner une collection d'ouvrages de librairie sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Condamner in solidum M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI, les éditions ARMAND C et HACHETTE LIVRE à verser à Mme Marie-Laurence D la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts de retard au taux légal au titre de l'atteinte portée à la marque IDÉES REÇUES ;
- Condamner in solidum M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI, les éditions ARMAND C et HACHETTE LIVRE à verser à la société LE CAVALIER BLEU la somme de 112.000 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts de retard au taux légal au titre des actes de concurrence déloyale et de confusion ;
- Ordonner la publication de la décision à intervenir dans tout journal ou toute revue à choisir par les demanderesses, aux frais des défendeurs dans la limite de 30.000 euros Hors Taxes ;
- Condamner in solidum M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI, les éditions ARMAND C et HACHETTE LIVRE à verser aux demanderesses la somme de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum M. Pascal B, Mme Charlotte LEPRI, les éditions ARMAND C et HACHETTE LIVRE aux entiers dépens.Au soutien de leurs prétentions, la société LE CAVALIER BLEU et Mme D font valoir que la marque IDEES REÇUES est distinctive en ce qu'elle désigne une collection d'ouvrages de librairie et que les défendeurs ne démontrent pas en quoi la marque IDEES REÇUES était générique et nécessaire au jour du dépôt de la marque.
Elles prétendent que la marque IDEES REÇUES est opposable aux défendeurs puisqu'elle était en vigueur lors de la publication du premier ouvrage de la collection 50 IDEES REÇUES.
Elles soutiennent que les défendeurs ont contrefait la marque IDEES REÇUES en la reproduisant pour désigner une collection d'ouvrages sous le titre 50 IDEES REÇUES dans des conditions susceptibles d'entraîner une confusion dans l'esprit du public.
Elles exposent que les défendeurs ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en s'inscrivant dans le sillage de la collection IDEES REÇUES, créant ainsi un risque de confusion dans l'esprit du public. A ce titre, elles font valoir que les défendeurs ont adopté pour leur collection 50 IDEES REÇUES une présentation similaire à celle de la collection IDEES REÇUES et que les ouvrages « 50 IDÉES REÇUES SUR L'ÉTAT DU MONDE » et « 50 IDÉES REÇUES SUR LES Etats-Unis » abordent des sujets identiques à ceux développés dans les ouvrages de la collection IDEES REÇUES alors que cette dernière connaît un fort succès dont le titre constitue l'élément attractif. Elles ajoutent qu'il appartenait aux sociétés HACHETTE LIVRE et ARMAND C, professionnelles du monde de l'édition, de s'assurer de la disponibilité du titre IDEES REÇUES pour désigner une collection d'ouvrages de librairie.
Elles soutiennent que le préjudice, en l'absence de communication par la société HACHETTE de ses comptes d'exploitation doit être évalué forfaitairement à 30.000 euros au titre de l'atteinte aux droits de Madame D sur sa marque et à 10% des sommes investies dans la collection au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Dans leurs dernières écritures signifiées le 23 décembre 2010, les sociétés HACHETTE LIVRE et ARMAND C demandent au tribunal :
- de constater que la marque déposée le 5 décembre 1997 n'a pas été renouvelée et de la dire et juger inexistante,
- de constater que leurs ouvrages ont été publiés antérieurement au dépôt de la marque IDÉES REÇUES intervenu le 3 octobre 2008,
- de dire et juger qu'elles n'ont pas fait un usage commercial de la marque,
- de dire et juger que le titulaire de la marque idées reçues ne saurait empêcher des tiers d'employer cette expression appartenant au langage courant,
- de constater qu'elles n'ont pas exploité une collection intitulée 50 idées reçues,
- subsidiairement, de constater que la société HACHETTE jouit d'une antériorité sur le vocable idées reçues pour intituler une collection,- à titre très subsidiaire de constater qu'il n'existe aucun risque de confusion,
- de débouter Mme D de toutes ses demandes,
- de dire et juger qu'elles ne sont pas rendues coupables d'actes de concurrence parasitaire,
- de débouter la société LE CAVALIER BLEU de toutes ses demandes,
- à titre infiniment subsidiaire de limiter le préjudice à la somme d'un euro,
- condamner solidairement les demanderesses à leur payer la somme de 5000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de la SCP LEMONNIER DELION GAYMARD RISPAL.
Elles prétendent que les demanderesses ne peuvent invoquer leur marque IDEES REÇUES avant le dépôt de ce signe en date du 3 octobre 2008, la marque déposée le 5 décembre 1997 n'ayant pas été renouvelée. Elles précisent à ce titre que l'ouvrage « 50 Idées Reçues sur l'état du monde » est paru en octobre 2007.
Elles soutiennent que le vocable « idées reçues » est utilisé dans son sens courant, dans le titre des ouvrages litigieux, et non à titre de marque et qu'il n'en est pas fait usage comme titre de collection. A titre subsidiaire, elles exposent que ce vocable était employé dans des titres de collection avant qu'il ne soit utilisé par la société LE CAVALIER BLEU pour sa propre collection et que tout risque de confusion est écarté.
Concernant la concurrence déloyale et parasitaire, elles soulignent les différences de format, de présentation et de prix entre les ouvrages en cause et ceux de la collection IDEES REÇUES et font valoir que la similarité des questions abordées par les ouvrages en cause avec celles traitées dans les ouvrages de la collection IDEES REÇUES n'est pas pertinente puisque la société LE CAVALIER BLEU a publié de très nombreux ouvrages et que les exemples mis en avant par les demanderesses concernent des problématiques triviales et non des ouvrages de géopolitiques comme ceux litigieux et ne répondent pas à la même fonction, ne visant pas la même cible.
Dans leurs dernières conclusions du 4 novembre 2010, M. Pascal B et Mme Charlotte LEPRI demandent au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- d'annuler la marque déposée par les éditions LE CAVALIER BLEU en ce qu'elle ne dispose pas de la distinctivité nécessaire,
en tout état de cause,
- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner solidairement à leur payer 4.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître Michel TUBIANA.M. B et Mme L précisent à l'appui de leurs demandes que la marque IDEES REÇUES ne peut être opposée qu'au seul ouvrage « 50 IDEES REÇUES SUR LES ETATS-UNIS », le livre « 50 Idées Reçues sur l'état du monde » ayant été publié après l'expiration de la marque IDEES REÇUES déposée le 5 décembre 1997 et avant le nouveau dépôt de la marque le 3 octobre 2008.
Ils font valoir que la marque IDEES REÇUES est dépourvue de caractère distinctif puisque l'usage du vocable « idées reçues » est nécessaire et courant pour intituler des ouvrages visant à contredire des lieux communs et en désigne également une caractéristique. Ils citent de nombreux titres d'ouvrages contenant l'expression « idées reçues ».
Ils soutiennent en outre qu'il n'est pas fait usage du terme « idées reçues » comme titre de collection s'agissant des ouvrages litigieux et qu'en tout état de cause, tout risque de confusion est écarté.
Ils prétendent qu'il est normal que des ouvrages consacrés aux lieux communs sur un thème déterminé contiennent des développements sur les mêmes affirmations, que les ressemblances de contenus entre les ouvrages en cause et ceux de la collection IDEES REÇUES sont très limitées et qu'il n'y a aucune similitude visuelle entre les ouvrages édités par la société LE CAVALIER BLEU et l'ouvrage de M. B et Mme L.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 février 2011.
MOTIFS
Sur le caractère distinctif de la marque IDEES REÇUES n°36 025 47 En vertu de l'article
L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;
En l'espèce, si M. B et Mme L affirment que la marque IDEES REÇUES est dépourvue de caractère distinctif pour désigner des ouvrages de librairie, ils ne précisent pas, parmi la liste des produits et services visés par la marque, ceux pour lesquels la marque serait la désignation nécessaire ou usuelle ou servirait à en désigner une caractéristique.
Il n'est pas démontré en quoi la marque IDEES REÇUES serait dans le langage courant ou professionnel la désignation nécessaire ou usuelle d'une collection d'ouvrages ou de livres et servirait à en désigner une caractéristique. Si le signe IDEES REÇUES constitue une expression qui évoque, dans le domaine de l'édition, la remise en cause d'affirmations et donc un traitement de thèmes par le biais de laremise en cause de ces affirmations, ce caractère évocateur ne retire pas pour autant à la marque son caractère distinctif.
Il y a donc lieu de débouter M. B et Mme L de leur demande en nullité de la marque IDEES REÇUES.
Sur la contrefaçon de la marque IDEES REÇUES
A titre liminaire il y a lieu de relever que l'ouvrage « 50 IDÉES REÇUES SUR L'ÉTAT DU MONDE » a été publié le 10octobre2007 alors que la marque IDEES REÇUES n°97 707 556, déposée le 5 décembre 19 97, était en vigueur. Même expirée depuis le 6 décembre 2007, cette marque peut valablement être opposée aux tiers pour les faits non prescrits qui se sont produits durant la période pendant laquelle elle était en vigueur et notamment aux défendeurs pour la publication de l'ouvrage « 50 IDÉES REÇUES SUR L'ÉTAT DU MONDE ».
En revanche, la marque IDEES REÇUES ne peut être opposée aux défendeurs pour la parution de l'ouvrage « 50 IDÉES REÇUES SUR LES Etats-Unis » puisque cette parution a eu lieu après l'expiration de la marque n°97 707 556 déposée le 10 octobre 1997 et avant le 3 octobre 2008, date du nouveau dépôt de la marque IDEES REÇUES sous le numéro 36 025 47. L'article
L 713-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
La contrefaçon d'une marque au sens de l'article
L 713-3 du code de la propriété intellectuelle suppose une reproduction, une imitation ou un usage du signe protégé à titre de marque, c'est à dire dans le but de désigner des produits ou des services et afin de rattacher leur provenance à une entreprise qui les distribue ou les fournit. A ce titre, le titulaire d'une marque ne peut prétendre interdire à un tiers d'utiliser les termes qui la composent dans le langage courant.
En l'espèce, l'ouvrage «50 IDÉES REÇUES SUR L'ÉTAT DU MONDE » reprend dans son titre le vocable « idées reçues » qui compose certes la marque désignant la collection de livres éditée par la société LE CAVALIER BLEU mais ce vocable, qui relève du langage courant, est employé dans un titre qui décrit le sujet traité dans l'ouvrage.
Les termes « idées reçues » ne sont pas donc pas utilisés sur l'ouvrage publié par Armand C afin de désigner des produits ou services et dans le but d'en indiquer leur provenance. Ainsi, il n'est pas fait usage de ces termes à titre de marque.
Par conséquent et à défaut d'usage par les défendeurs du vocable « idées reçues » à titre de marque pour la période où la marque IDEES REÇUES était en vigueur,Madame D sera déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon.
Sur les actes de concurrence déloyale et le parasitisme
II convient de rappeler que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale ou de la concurrence parasitaire que les comportements fautifs, notamment les faits de nature à créer une confusion avec les produits ou l'activité commerciale d'un concurrent ou la circonstance selon laquelle un opérateur s'immisce dans le sillage d'un concurrent à titre lucratif et de manière injustifiée.
Les demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme par la société LE CAVALIER BLEU sont mal fondées à l'encontre de Monsieur B et de Madame L qui, en qualité d'auteurs, ne sont pas en situation de concurrence et, s'agissant du parasitisme, n'ont pas commercialisé les ouvrages en cause.
Il ne peut être reproché la publication d'ouvrages traitant de questions déjà abordées par des titres de la collection IDEES REÇUES, ces thèmes étant dans le domaine public, insusceptibles d'appropriation, de même que la méthode des questions/réponses et alors qu'il n'est pas allégué que les réponses apportées par les auteurs seraient similaires.
En ce qui concerne les ressemblances de présentation alléguées, elles ne sont pas non plus significatives alors que les ouvrages des défendeurs se distinguent nettement de ceux de la collection IDEES REÇUES, notamment par leur format et leur page de couverture et aucun risque de confusion n'existe.
Les sociétés HACHETTE LIVRE et ARMAND C, en tant que professionnelles de l'édition avaient nécessairement connaissance de la collection IDEES REÇUES dont les coupures de presse versées au débat attestent du succès et de la pérennité. Cependant, il est constant que la société ARMAND COLIN n'a publié qu'un seul ouvrage contenant l'expression IDEES REÇUES dans le titre. Par ailleurs, si la société HACHETTE LIVRE a annoncé dans la presse le lancement d'une collection « 50 IDÉES REÇUES », force est de constater que cette collection n'existe pas puisqu'un seul ouvrage a été publié. Dans ce contexte, la reprise par un éditeur dans le titre complexe d'un livre de l'expression courante « idées reçues » ne constitue pas un acte de parasitisme, étant relevé que juger le contraire reviendrait à interdire d'employer l'expression « idées reçues » dans le titre d'un ouvrage.
Par conséquent, la société LE CAVALIER BLEU sera aussi déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre des sociétés HACHETTE LIVRE et ARMAND C.
Sur les autres demandes
Parties perdantes, Madame D et la société LE CAVALIER BLEU seront condamnées aux dépens de la présente instance et à verser une indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile aux défendeurs afin d'indemniser les frais que ceux-ci ont du engager pour faire valoir leur défense. Elles devront payer à Monsieur B et Madame L la somme pour chacun de 2.000 euros et aux sociétés HACHETTE LIVRE et ARMAND C celle de 4.000 euros au total.L'exécution provisoire n'est pas justifiée et ne sera pas ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
- DEBOUTE M. B et Mme L de leur demande en nullité de la marque IDEES REÇUES,
- DEBOUTE Mme D de ses demandes au titre de la contrefaçon de marque,
- DEBOUTE la société LE CAVALIER BLEU de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- CONDAMNE Madame D et la société LE CAVALIER BLEU à payer à Monsieur B, Madame L la somme à chacun de 2.000 euros et aux sociétés HACHETTE LIVRE et ARMAND C la somme de 4.000 euros au total, au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE Madame D et la société LE CAVALIER BLEU aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés directement par la SCP LEMONNIER DELION GAYMARD RISPAL et Maître Michel TUBIANA dans les conditions prévues à l'article
699 du code de procédure civile,
- DIT N'Y AVOIR LIEU D'ORDONNER l'exécution provisoire de la présente décision.