Cour d'appel de Paris, Chambre 5-6, 6 janvier 2017, 15/15034

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    15/15034
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 25 juin 2015
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/60344a2dc133793aa89d4070
  • Président : Madame Françoise CHANDELON
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2018-05-24
Cour d'appel de Paris
2017-01-06
Tribunal de commerce de Paris
2015-06-25

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 6

ARRET

DU 06 JANVIER 2017 (n° , 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15034 Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014000109 APPELANTE SARL [Adresse 1] RCS ORLEANS [Adresse 1] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Localité 1] Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 Ayant pour avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, Me Georges de MONJOUR toque : R094 INTIMEE CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE RCS BORDEAUX 434 651 246 Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3] [Localité 2] Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 Ayant pour avocat plaidant, Me Frédéric LALANCE, avocat au barreau de PARIS, toque: P0134 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère Monsieur Marc BAILLY, Conseiller qui en ont délibéré Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile. Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN ARRET : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé pour Madame Françoise CHANDELON, présidente empêchée par Monsieur Marc BAILLY, conseiller et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé. La société [Adresse 1] est une société à responsabilité limitée dirigée par Monsieur [M]. Elle exerce une activité de promotion immobilière sur la commune de [Localité 3] (Gironde). Son capital était détenu, en 2009, par les sociétés Carrare et Dal Industries contrôlées par Monsieur [M] (376 des 750 parts sociales) et par les sociétés Thalium IDF et [G] [O] Conseil dont Monsieur [O] possédait le capital (374 parts). Pour financer la construction de 9.555 m² de bureaux, confiée à la société Thalium IDF, la société [Adresse 1] a, notamment, conclu avec un pool bancaire composé du Crédit Foncier de France, de la banque Monte Paschi et de la société Alsacienne de développement et d'expansion (SADE) un prêt de 13 millions d'euros d'une durée de 16 ans. Cette convention imposait à l'emprunteuse, sous peine de déchéance du terme, de justifier, dans les trois mois de livraison de l'immeuble, d'un contrat de couverture de taux (swap) C'est dans ce contexte que la société [Adresse 1] s'est rapprochée de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine (CRCAM) pour conclure, le 26 janvier 2010, une convention cadre puis 3 contrats de swap, à effet le 1er septembre 2010, date envisagée de livraison de l'ensemble immobilier. Les différentiels d'intérêts restant impayés à compter de l'échéance trimestrielle du 1er mars 2013, la CRCAM résiliait les contrats le 27 septembre 2013. N'obtenant pas paiement de sa créance constituée de ces échéances mais également des soultes de résiliation, la CRCAM a engagé la présente procédure par exploit du 3 décembre 2013 après avoir été autorisée à prendre une inscription hypothécaire sur les biens de l'intimée. Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris a accueilli sa demande et a condamné la société [Adresse 1], sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement d'une somme de 1 242 095,47 portant intérêts au taux EONIA +1% à compter du 27 septembre 2013 avec anatocisme et d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Par déclaration du 10 juillet 2015, la société [Adresse 1] a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions du 30 septembre 2016, elle sollicite principalement la nullité du jugement déféré, subsidiairement son infirmation en toutes ses dispositions ou la condamnation de la banque au paiement d'une somme équivalente à sa créance, très subsidiairement la réduction des soultes demandées sur le fondement de l'article 1152 du code civil, et encore plus subsidiairement la substitution des intérêts légaux au taux conventionnel. Elle forme une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 554 434,07 €, correspondant aux différentiels d'intérêts réglés jusqu'au mois de décembre 2012 inclus, portant intérêts de droit à compter du 31 mai 2013, sollicite la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par la CRCAM et une indemnité de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières écritures du 26 septembre 2016, la CRCAM conclut au rejet de la demande de nullité, à la confirmation du jugement et sollicite le paiement d'une indemnité de 50 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2016.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR Sur la nullité du jugement Considérant que la société [Adresse 1] fonde ce moyen sur le droit à un tribunal impartial posé par l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), estimant que Monsieur [M] [Y], membre de la juridiction consulaire chargé d'instruire le dossier est salarié de la Société Générale de sorte qu'il peut être objectivement suspecté de partialité ; Mais considérant, outre que la seule appartenance de ce juge consulaire non pas au groupe de la demanderesse mais au secteur d'activité bancaire n'est pas de nature à créer, même en apparence, un doute sur son impartialité, que l'article L111-6 du code de l'organisation judiciaire offre au justiciable une possibilité de récusation lui permettant d'obtenir le respect des dispositions de la CEDH et qu'en s'abstenant de mettre en 'uvre cette procédure, la société [Adresse 1] a renoncé définitivement à s'en prévaloir ; Que ce moyen sera en conséquence rejeté ; Sur la nullité des opérations de swap pour défaut de pouvoir de son signataire Considérant que par courriel du 15 janvier 2010, le CRCAM a sollicité de Monsieur [K], préposé de la société Sofinso, conseil financier de la société [Adresse 1], la remise d'un certain nombre de documents requis pour la signature des contrats de swap au nombre desquels les «pouvoirs de M [O] pour contractualiser les opérations de couverture sur [Adresse 1] » ; Considérant que par courrier à son en-tête du 18 janvier 2010, adressé à la société CALYON, entité du groupe Crédit Agricole ayant accès à la salle de marché, signé par Monsieur [M] et par Monsieur [O], la société [Adresse 1] rédigeait un pouvoir rappelant la nature des opérations de trésorerie visées, à savoir : «opérations de change ou de taux, au comptant ou à terme, conventions d'échange portant soit sur les taux, soit sur les devises et, de façon plus générale, toutes opérations de gestion de trésorerie, actuellement ou ultérieurement pratiquées. Les personnes que nous habilitons pour initier séparément de telles opérations sont les suivantes : [T] [M] [G] [O] Toute opération de gestion de trésorerie que vous déclarerez avoir été mise en place... engagera irrévocablement notre société dans toutes ses disposition, sans restriction aucune... » ; Considérant que pour conclure à l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré comme régulière l'habilitation ainsi donnée à Monsieur [O], la société [Adresse 1] rappelle que toute délégation doit être spéciale et temporaire de sorte que Monsieur [O] ne pouvait traiter qu'avec la société CALYON ; Qu'elle se prévaut encore de sa « mise à l'écart systématique et intentionnelle » des contrats signés auxquels son dirigeant n'aurait pas participé ; Qu'elle estime encore indifférente la circonstance que les sociétés CALYON et CRCAM appartiennent au même groupe et que cette dernière ne saurait se prévaloir d'une quelconque apparence, aucune circonstance l'autorisant à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs conférés à Monsieur [O] ; Considérant que le mandat donné à Monsieur [O] s'analyse comme une délégation de signature qui peut être orale, sauf disposition particulière des statuts, non alléguée dans la présente espèce ; Et que lorsqu'un écrit a été rédigé, pour des raisons nécessairement probatoires, son interprétation relève du pouvoir du juge qui statue en fonction de ce que la raison commande ; Considérant qu'en l'espèce, Monsieur [O] a obtenu de la société intimée de très larges pouvoirs pour souscrire tous produits financiers sans distinguer leur finalité ; Que le contrat n'imposant pas au mandataire de s'adresser à telle banque nommément citée, il s'en déduit nécessairement que ce dernier était également libre du choix de ses partenaires ; Et qu'en mentionnant la société CALYON (devenue CACIB), comme destinataire du pouvoir, la société [Adresse 1] n'a pas restreint l'étendue du mandat défini dans les termes précités, se bornant à satisfaire à la demande qui lui avait été adressée trois jours plus tôt pour acquérir rapidement les produits conçus en concertation avec cette entité, intervenue comme prestataire de la CRCAM, laquelle ne disposait pas de salle de marché ; Considérant ainsi que Monsieur [O], dont il convient de rappeler qu'il avait déjà reçu pouvoir, le 9 novembre 2009, pour conclure les prêts souscrits dans le cadre de cette opération était parfaitement habilité à contracter les instruments financiers litigieux et qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a refusé d'annuler les contrats souscrits ; Sur l'indivisibilité des contrats de prêts et de swaps Considérant que le prêt de 13 millions d'euros était divisé en trois tranches d'un montant égal, une par établissement prêteur et portait intérêts, pour les deux premières au taux Euribor 3 mois + 2,40 %, pour la troisième au même taux, majoré de 2,60% ; Considérant que la signature de contrats de swap n'était imposée qu'au terme d'une période de trois mois suivant la livraison de l'ensemble immobilier et seulement pour une durée de cinq ans ; Considérant qu'une convention cadre relative aux opérations sur instruments financiers à terme a été conclue le 26 janvier 2010, suivie de la souscription, à effet le 1er septembre suivant, des produits suivants : un contrat de swap « collar bonifié » sur 10 ans contre l'Euribor 3 mois, portant sur un notionnel de 4 333 333 euros (13 000 000/3) mettant à la charge de la société [Adresse 1] le paiement d'un taux fixe de 2,82 % si l'Euribor devenait inférieur à 1,50%, du taux Euribor s'il s'établissait entre 1,5 % et 4 %, de 4 % si l'Euribor oscillait entre 4 et 5,75% et du taux Euribor s'il dépassait 5,75%, un contrat de swap « collar » sur 5 ans contre l'Euribor 3 mois, portant sur un notionnel de 4 333 333 euros mettant à la charge de la société [Adresse 1] le paiement d'un taux fixe de 2,67 % si l'Euribor devenait inférieur à 2,67 %, du taux Euribor s'il s'établissait entre 2,67 % et 3,65 %, un taux fixe de 3,65 % si l'Euribor dépassait 3,65 %, un contrat classique sur 10 ans contre l'Euribor 3 mois, portant sur un notionnel de 4 333 334 euros aux termes duquel la société [Adresse 1] paierait un taux fixe de 3,65 % quelle que soit l'évolution du taux Euribor ; Considérant que le contrat de prêt se bornait à exiger la mise en place d'une couverture de taux dans les trois mois de la réception de l'ouvrage, fixée au 25 mai 2010 dans l'acte notarié, intervenue en réalité le 13 décembre suivant, et pour une durée de 5 ans ; Considérant qu'en l'espèce la société [Adresse 1] a souscrit les swaps bien avant cette date, avec un effet antérieur de 3 mois à la réception effective de la construction et sans attendre le terme fixé au 3 mars 2011 ; Considérant par ailleurs que deux des swaps litigieux ne correspondaient pas aux exigences des prêteurs quant à leur durée de maturité et que les deux premiers ont été souscrits par la société [Adresse 1] dans la perspective de la hausse de l'Euribor 3 mois, dont elle entendait retirer un bénéfice financier de sorte que toute idée de spéculation, qui traduit une volonté de profiter des variations favorables des cours de marché mais également d'assumer les risques d'une hypothèse inverse n'était déjà pas exclue à cette époque ; Considérant enfin que malgré la vente de l'ensemble immobilier, le 24 février 2011, la société [Adresse 1] a, pour des raisons qui seront précisées ci-après, refusé de résilier ces contrats, ne souhaitant pas supporter la charge financière induite par la baisse des taux d'intérêts ; Considérant en conséquence qu'elle ne peut sérieusement conclure à une indivisibilité du contrat par la volonté des parties, les conventions signées allant au-delà des exigences des banques prêteurs de deniers sans se référer aux termes du prêt conclu ; Considérant qu'elle ne peut davantage invoquer l'indivisibilité légale, l'article 1218 du code civil ne l'envisageant que dans l'hypothèse où, au regard de la nature spécifique de l'objet des contrats, ceux-ci n'auraient aucun sens indépendamment les unes des autres, ce qui n'est pas le cas des swaps, instrument de gestion de trésorerie permettant à deux parties d'échanger des flux financiers ; Considérant ainsi qu'il n'y a aucune indivisibilité entre le contrats de prêt et de swap de sorte que la société [Adresse 1] ne peut conclure à la caducité des derniers en raison de la résiliation amiable des prêts remboursés en février 2011 ; Sur la « transformation » des swaps en opérations spéculatives Considérant que les parties s'accordent à reconnaître qu'à partir du moment où les swaps ont été décorellés des prêts, ils sont devenus des instruments purement spéculatifs ; Mais considérant, outre que la délégation de signature précitée autorisait Monsieur [O] à souscrire tout type d'instrument financier sans limiter ses pouvoirs à la signature d'un swap de type «classique », qu'un contrat ne devient pas nul au motif que ses conditions d'exécution ont changé tandis que la validité d'un mandat doit être appréciée au jour de sa conclusion sans pouvoir être remise en cause pour circonstances nouvelles, étant encore observé qu'ainsi qu'il vient d'être précisé, toute idée spéculative n'était pas exclue pour deux des contrats conclus ; Considérant encore que quelque soit son objet, une SARL est en droit de disposer de sa trésorerie comme elle l'entend de sorte que la conclusion de swaps dans le cadre d'une gestion dynamique ne contrevient pas aux dispositions de l'article L223-18 du code de commerce invoqué par l'intimée ; Sur la responsabilité civile de la CRCAM Considérant que la société [Adresse 1] reproche à la banque de ne pas l'avoir avertie de la « transformation » des swaps en instruments spéculatifs et d'avoir manqué à son obligation de mise en garde, précisant notamment qu'elle n'a pas participé aux échanges de correspondance intervenus entre la banque et Monsieur [O] au moment de la vente de l'ensemble immobilier ; Considérant que même à supposer que Monsieur [O] n'ait pas informé sa mandante de ses discussions avec le CRCAM, la société [Adresse 1], qui a réglé, du mois de septembre 2010 au mois de décembre 2012 inclus, des différentiels d'intérêts trimestriels pour un montant qu'elle chiffre elle-même à la somme de 554 434,07 €, nécessairement enregistré en comptabilité ne peut sérieusement soutenir aujourd'hui que toute l'opération s'est déroulée à son insu ; Qu'informée aux dates contractuelles de l'évolution de chacun des swaps, elle pouvait prendre toute décision lui paraissant opportune ; Considérant, sur le devoir de mise en garde, qu'après avoir été informé par une préposée de la société Thalium de la vente de l'immeuble, le CRCAM a proposé de « mettre en marche la machine pour résilier les SWAP » (courriel du 7 mars 2011) ; Que le 8 mars 2011, il adressait à Monsieur [K] (Monsieur [O] en copie) le montant des soultes à verser pour annuler ces contrats, soit : 102 000 € pour le taux fixe, 64 000 € pour le tunnel, 100 500 € pour le tunnel désactivant ; Que le 11 mars 2011, Monsieur [K] interrogeait le CRCAM sur la possibilité de patienter, sur le niveau d'évolution de l'Euribor nécessaire pour retrouver un équilibre et sur la possibilité de basculer une couverture de taux sur un autre financement ; Que le 14 mars 2011 le CRCAM lui répondait qu'il était possible de patienter, ajoutant : nous ne vous le conseillons pas car cela revient à spéculer sur l'évolution des taux puisque l'équilibre supposait une revalorisation des taux longs de 40 (soit 0,4%) bps (points de base) ; Que le 31 mars 2011, il lui donnait les nouvelles soultes, minorées par la hausse des taux, soit : 91 500 € pour le taux fixe, 57 000 € pour le tunnel, 96 500 € pour le tunnel désactivant ; Qu'il les évaluait encore le 27 mai 2011 après une forte baisse: 198 000 € pour le taux fixe, 120 500 € pour le tunnel, 164 500 € pour le tunnel désactivant ; Puis le 2 septembre suivant : 341 000 € pour le taux fixe, 198 500 € pour le tunnel, 255 000 € pour le tunnel désactivant ; Que les parties se rencontraient les 10 janvier 2012 et 25 mai 2012, Monsieur [O] précisant dans un courriel du 10 mai 2012 « cette opération de garantie me pose un problème important comme vous le savez, car lorsque je l'ai souscrite tout le monde était d'accord pour me dire que les taux allaient remonter... » ; Qu'enfin, par courrier à en-tête de la société [Adresse 1], Monsieur [O] écrivait, le 5 septembre 2012 : « nous attendrons donc que la conjoncture soit meilleure pour rembourser le contrat SWAP...nous nous engageons à faire face aux fixings trimestriels » ; Considérant que la société [Adresse 1] ne conteste pas que le CRCAM a satisfait à son devoir de mise en garde auprès de Monsieur [O] mais prétend que ni elle ni son dirigeant n'en ont bénéficié ; Mais considérant que cette obligation du prestataire de service d'investissement, qui lui impose de s'informer des objectifs de son client puis de s'assurer qu'il a compris le fonctionnement des instruments pour adhérer d'une manière éclairée à la proposition faite n'existe qu'au moment de la souscription du contrat, le banquier ne pouvant, sans violer son devoir de non immixtion, mettre en garde son client contre une persistance de la baisse des taux pour l'inciter à résilier le contrat comme revendiqué par l'intimée ; Et considérant qu'en tenant le mandataire de la société [Adresse 1] régulièrement informé de l'évolution de la soulte à régler, la CRCAM a satisfait aux obligations d'information qui lui incombent de sorte qu'il ne peut lui être adressé le moindre grief ; Sur le quantum de la créance Considérant que le 22 avril 2013 la société [Adresse 1] a indiqué résilier les contrats de swap ; Que le 7 mai 2013, le CRCAM lui a adressé le montant des soultes, soit : 633 000 € pour le taux fixe, 500 000 € pour le tunnel, 247 000 € pour le tunnel désactivant, lui précisant qu'il serait procédé à l'annulation à réception des trois lettres d'instructions ; Que la société [Adresse 1] a refusé de régler ces soultes comme de payer les échéances restées impayées depuis le mois de mars 2013 ; Que c'est dans ce contexte que le CRCAM a prononcé, le 27 septembre 2013 la résiliation du contrat et exigé le paiement des soultes, valorisées le 27 septembre 2013 aux montants suivants : 366 000 € pour le taux fixe, 178 000 € pour le tunnel, 444 400 € pour le tunnel désactivant ; Considérant que pour contester ces quanta, la société [Adresse 1] soutient en premier lieu que la résiliation est intervenue à sa demande le 22 avril 2013 ; Mais considérant que ce grief est sans objet, le décompte suggéré par la société [Adresse 1] visant à diminuer sa créance de 252.8085,67 € au titre des échéances impayées de mars, juin et septembre 2013 (24 532,49 + 25 658,38 + 24 530,46 + 26 016,31 + 27 178,73 + 26 020,17 + 32 446,20 + 33 947,38 + 32 475,55) mais à retenir le montant de la soulte arrêtée au 22 avril 2013 soit 1 384 000 au lieu de 988 400 avec pour conséquence de mettre à sa charge une somme supérieure à celle réclamée ; Considérant que la société [Adresse 1] soutient en second lieu que les sommes réclamées par le CRCAM ne respectent pas l'article 8 de la convention cadre qui dispose : « Afin de démontrer le solde de résiliation pour l'ensemble des conventions résiliées,la partie en charge des calculs déduira alors du total des valeurs de remplacement affectées d'un signe positif et des montants dus par l'autre partie le total des valeurs de remplacement affectées d'un signe négatif et des montants dus par elle. Cette différence (positive ou négative) sera le solde de résiliation » ; Que sans proposer le moindre calcul, elle reproche à la banque de ne pas fournir les valeur de remplacement ; Mais considérant que la valeur de remplacement correspond à la différence actualisée entre le coût qu'aurait supporté la partie à qui la résiliation a été imposée si les contrats avaient été exécutés jusqu'à leur terme et le coût qu'elle supportera au titre de l'exécution de nouveaux contrats de swaps conclus aux conditions de marché applicables au moment de la résiliation dans des conditions similaires à celles prévues dans les contrats d'origine ; Que l'article 3 de la convention cadre apporte les précisions suivantes : « ...Elle (la valeur de remplacement) résulte, pour une Transaction donnée, de l'application de la moyenne arithmétique des cotations fournies par au moins deux intervenant de marché de premier rang. Chacune de ces cotations permettra d'exprimer le montant que l'intervenant du marché verserait ou recevrait à la Date de Résiliation s'il devait reprendre l'intégralité des droits et obligations financières de l'autre Partie à compter de cette date au titre de la Transaction concernée... » ; Et considérant qu'en l'espèce le CRCAM produit les cotations de deux contreparties reconnues, Natixis et Barclay's sans que l'intimée ne verse aux débats le moindre élément permettant de les remettre en cause ; Considérant que la la société [Adresse 1] sollicite en troisième lieu la réduction de l'indemnité de résiliation, qu'il analyse comme une clause pénale, sur le fondement des dispositions de l'ancien article 1152 du code civil, devenu 1231-5 du même code ; Considérant cependant qu'une clause pénale a pour objet d'inciter les parties à exécuter un contrat en mettant à la charge de celle qui ferait défaut une indemnité dissuasive ; Qu'elle suppose en conséquence que chaque partie trouve un intérêt à exécuter le contrat ; Que ce schéma ne se retrouve pas dans les contrats de swaps, la banque qui s'engage auprès de son client concluant une opération inverse, « swap en miroir », avec un autre opérateur pour couvrir ses positions de sorte que son seul bénéfice correspond à sa commission d'intermédiaire ; Considérant qu'il en résulte que toute opération sur instruments financiers peut être résiliée sans condition et sans pénalité, pour permettre à l'investisseur de retourner ses positions en fonction de ses anticipations sur l'évolution du marché mais que cette démarche a un coût qui correspond à la valeur de remplacement définie ci-dessus ; Considérant en conséquence que la soulte exigée n'entre pas dans les prévisions de l'article 1152 du code civil ; Considérant que la société [Adresse 1] conteste en dernier lieu le montant des intérêts de retard contractuels sollicités exposant que l'article 9 de la convention cadre prévoit leur calcul au taux de refinancement au jour le jour de la partie devant recevoir le montant en cause, dans la devise concernée majorée de 1% l'an et que pour ce refinancer les banques ont le choix entre deux taux, REFI et Eonia pour en déduire que le taux est indéterminé au regard des dispositions de l'article 1907 du code civil et encourt la nullité prévue par ce texte ; Mais considérant que le texte invoqué ne concerne pas que les prêts de sorte qu'il ne saurait régir les contrats litigieux ; Considérant en conséquence que l'application du taux EONIA + 1% est justifiée par les termes du contrat et qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile Considérant que l'équité commande d'allouer à la CRCAM une indemnité de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Déboute la société [Adresse 1] de sa demande de nullité du jugement déféré, Confirme cette décision en toutes ses dispositions, Condamne la société [Adresse 1] au paiement d'une indemnité de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, Condamne la société [Adresse 1] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT