Tribunal administratif de Nantes, 12 mai 2023, 2306183

Mots clés requête · requérant · vie privée · activité · mineur · recours · statuer · urgence · atteinte · club · procès · interdiction · sportives · mineurs · temporaire

Synthèse

Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro affaire : 2306183
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet

Texte

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2023, M. A C, représenté par Me Rolland, doit être regardé comme demandant au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 2 mars 2023 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique lui a interdit, sous peine des sanctions prévues à l'article L. 212-14 du code du sport, d'exercer au sein de tout établissement d'activités physiques et sportives, à titre rémunéré ou bénévole, toutes fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport ou d'intervenir auprès des mineurs au sein de tout établissement d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, pendant une durée de six mois, excepté s'agissant de la mesure d'interdiction temporaire d'exercer auprès des mineurs, laquelle est applicable jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par une la juridiction compétente pour statuer sur les poursuites pénales initiées à son encontre ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de transmettre à la fédération sportive et culturelle de France (FSCF), l'ordonnance à intervenir, aux fins de réformation de la décision de cette fédération, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, en premier lieu, que la décision contestée porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; il exerce l'activité de twirling depuis 38 années, à titre personnel et assure des missions d'encadrement d'équipe depuis l'âge de 13 ans au sein du club de Paulx, dont il est président depuis seize années, après y avoir exercé diverses fonctions ; s'il exerce une activité professionnelle, en qualité d'agent de maîtrise, l'activité de twirling constitue, pour lui, une seconde activité professionnelle, à laquelle il consacre de nombreuses heures, en semaine et le week-end, depuis son plus jeune âge, de manière exclusivement bénévole ; cette activité constitue une pièce essentielle de son équilibre de vie et l'en priver caractérise une atteinte grave à son droit à mener une vie privée et familiale ; en outre, depuis sa mise en examen, il a d'office, en accord avec le bureau du club, mis en place la présence d'un autre membre adulte lors des entraînements au cours desquels il assure l'encadrement de twirlers mineurs ; la décision contestée emporte des effets préjudiciables sur son état de santé mentale et nuit au bon fonctionnement du club de twirling de Paulx, qui accueille 80 athlètes et dont l'activité serait menacée en cas d'absence prolongée de sa part ; en second lieu, la décision contestée porte atteinte à son droit à un procès équitable et à un recours effectif, eu égard à son caractère manifestement illégal et au délai d'audiencement au fond ; l'interdiction temporaire en cause, compte tenu de sa durée de six mois, aura nécessairement pris fin lorsque le juge du fond statuera sur sa requête à fin d'annulation de la décision contestée, alors que celle-ci est manifestement illégale ; la suspension de l'exécution de la décision litigieuse constitue ainsi l'unique moyen de garantir son droit à un recours effectif ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Robert-Nutte, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit

:

1. M. C, né le 21 octobre 1980, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 2 mars 2023 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique lui a interdit, sous peine des sanctions prévues à l'article L. 212-14 du code du sport, d'exercer au sein de tout établissement d'activités physiques et sportives, à titre rémunéré ou bénévole, toutes fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport ou d'intervenir auprès des mineurs au sein de tout établissement d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, pendant une durée de six mois, excepté s'agissant de la mesure d'interdiction temporaire d'exercer auprès des mineurs, laquelle est applicable jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par une la juridiction compétente pour statuer sur les poursuites pénales initiées à son encontre.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". En vertu de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. Pour justifier l'urgence à suspendre l'exécution de la décision litigieuse, M. C invoque les incidences de celle-ci sur sa vie privée et familiale, et sur la situation du club de twirling de Paulx. Toutefois, il est constant que le requérant exerce l'activité de twirling de manière bénévole et que l'interdiction temporaire d'exercice dont il fait l'objet n'emporte ainsi aucune incidence sur sa situation financière. S'agissant des atteintes à sa santé mentale résultant de la décision contestée, le certificat produit, établi par une psychologue attestant avoir reçu deux fois en consultation M. C, les 19 novembre 2020 et 27 avril 2021, n'est pas de nature à démontrer l'existence de troubles actuels dont souffrirait l'intéressé, du fait de l'interdiction en cause. De même, les attestations de proches et celles des vice-présidente, trésorière et secrétaire du club de twirling de Paulx ne sauraient suffire à établir la réalité, d'une part, de l'atteinte morale et au droit au respect de la vie privée et familiale invoquée, et, d'autre part, des incidences de la mesure litigieuse sur le fonctionnement du club, au regard de leur contenu peu circonstancié et faisant état de risques purement hypothétiques. En outre, à supposer que cette circonstance puisse utilement être invoquée au titre de l'urgence, la possibilité que le juge du fond statue à une date où l'interdiction contestée aura cessé de produire effet, ne saurait caractériser une atteinte au droit du requérant à un procès équitable et à avoir accès à un recours effectif. Par ailleurs, il résulte des éléments joints à la requête que M. C, placé sous contrôle judiciaire, fait l'objet de poursuites pénales pour agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans, agression sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime, outrage sexiste d'un mineur de 15 ans, propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste , outrage sexiste, propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste portant atteinte à la dignité ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante imposée à une personne. A cet égard, il résulte de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 8 juillet 2022 que M. C a, en 2016, réservé une chambre d'hôtel avec un seul lit double, pour lui et une twirleuse alors âgée de seize ans, et à laquelle il a adressé des messages contenant des " propos fortement sexualisés ". Par suite, eu égard à l'intérêt public poursuivi par la décision en cause, à l'absence de preuve d'un préjudice suffisamment grave et immédiat pour M. C et le club de twirling de Paulx, résultant de la mesure en cause, laquelle revêt un caractère temporaire et a été édictée plus de deux mois avant la présente demande, la condition d'urgence, au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut être regardée comme remplie. Par suite, la requête de M. C ne peut qu'être rejetée, en toutes ses conclusions, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.


O R D O N N E :


Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A C.

Fait à Nantes, le 12 mai 2023

La juge des référés,

O. ROBERT-NUTTE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°2306183