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Cour d'appel de Nîmes, 11 janvier 2023, 21/00896

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Nîmes
11 janvier 2023
Tribunal de commerce d'Aubenas
19 janvier 2021
Tribunal de commerce d'Aubenas
22 septembre 2015
Tribunal de commerce d'Aubenas
18 novembre 2014

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT

N° N° RG 21/00896 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H65Y CO TRIBUNAL DE COMMERCE D'AUBENAS 19 janvier 2021 RG:2019000975 S.A.S. LOHR INDUSTRIE S.A.S. MODALOHR C/ SA ALLIANZ IARD S.A.S.U. G.MANQUILLET-PARIZEL & CIE Société GESTION DE SERVICIOS LOGISTICOS SILLA SL Société PLUS ULTRA SEGUROS GENERALES Y DE VIDA SA DE SEGUR OS Y REASEGUROS Grosse délivrée le 11 janvier 2023 à : - Me SERGENT - Me CHABANNES - Me VAJOU - Me MANSAT JAFFRE COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 4ème chambre commerciale ARRÊT DU 11 JANVIER 2023 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'Aubenas en date du 19 Janvier 2021, N°2019000975 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, Madame Claire OUGIER, Conseillère, Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, GREFFIER : Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier, lors des débats et Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors du prononcé de la décision. DÉBATS : A l'audience publique du 01 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2023. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTES : S.A.S. LOHR INDUSTRIE, SAS au capital de 15.300.000 €, inscrite au RCS de Strasbourg sous le n°421 131 368, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège social [Adresse 4] [Localité 6] Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Charlotte LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES S.A.S. MODALOHR, SAS au capital de 375.000 €, inscrite au RCS de Strasbourg sous le n°433 779 618, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège social [Adresse 4] [Localité 6] Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Charlotte LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES INTIMÉES : SA ALLIANZ IARD, Société anonyme au capital de 991.967.200 €, entreprise régie par le Code des assurances inscrite au RCS NANTERRE sous le n°542 110 291, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2] [Localité 7] Représentée par Me SINARD Anthony, substituant Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Bérangère MONTAGNE de la SCP AGMC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS S.A.S.U. G.MANQUILLET-PARIZEL & CIE Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social [Adresse 11] [Localité 1] Représentée par Me VIGIER Mathilde, substituant Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Marie DUVERNE-HANACHOWICZ de la SELAS LAMY-LEXEL, Plaidant, avocat au barreau de LYON Société GESTION DE SERVICIOS LOGISTICOS SILLA SL [Adresse 10] [Localité 5] Représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Henri NAJJAR de l'AARPI RICHEMONT DELVISO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS représenté par M. Frank FARHANA (Avocat au Barreau de MARSEILLE) en vertu d'un pouvoir général Société PLUS ULTRA SEGUROS GENERALES Y DE VIDA SA DE SEGUR OS Y REASEGUROS [Adresse 9] [Localité 3] Représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Henri NAJJAR de l'AARPI RICHEMONT DELVISO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS Représentée par M. Frank FARHANA (Avocat au Barreau de MARSEILLE) en vertu d'un pouvoir général ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 11 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour. EXPOSÉ Vu l'appel interjeté le 3 mars 2021 par la SAS Lohr industrie et la SAS Modalohr à l'encontre du jugement prononcé le 19 janvier 2021 par le tribunal de commerce d'Aubenas dans l'instance n°2019000975 ; Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 juillet 2022 par les appelantes et le bordereau de pièces qui y est annexé ; Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 16 septembre 2021 par la SAS G.Manquillet-Parizel et cie, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ; Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 14 novembre 2022 par la SA Allianz Iard, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ; Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 17 janvier 2022 par la société Gestion de servicios logisticos Silla SL, ci-après « GSL », et par son assureur la société Plus Ultra seguros generales y de vida SA de seguros et reaseguros, ci-après « Plus Ultra », toutes deux intimées, et le bordereau de pièces qui y est annexé ; Vu l'ordonnance du 23 juin 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 17 novembre 2022. * * * La société norvégienne Postnord logistics AC a été chargée de l'organisation du transport de 435 colis contenant des poissons congelés vendus par la société norvégienne Nercard AS à la société portugaise Rui Costae Sousa & Irmao pour 56.173,24 euros, et a confié ce transport à la société GSL. Après avoir amené la marchandise de Norvège au Luxembourg, la société GSL a confié le transport par voie ferroviaire depuis le Luxembourg et jusqu'à la commune de [Localité 8], en France, à la société Lorryrail SA. Celle-ci a procédé à ce convoi grâce aux « wagons Modalhor » fournis par la société Lohr industrie, wagons équipés d'anneaux de traction -dits « raquettes »- dont la fabrication avait été sous-traitée à la société Manquillet-Parizel et cie. Pendant ce transport, le 25 mai 2014, un incendie s'est déclaré à bord du train et a provoqué la destruction de la remorque de la société GSL et de toute la marchandise qu'elle contenait. Sur assignation de la SNCF et au contradictoire de la société Lohr industrie notamment, le président du tribunal de commerce d'Aubenas a, par ordonnance de référé du 18 novembre 2014 ordonné une expertise judiciaire aux fins de déterminer l'origine de ce sinistre, expertise à laquelle les sociétés GSL et Plus ultra sont intervenues volontairement. Par ordonnance du 22 septembre 2015, les opérations d'expertise ont été également étendues aux sociétés Modalhor et Manquillet-Parizel et cie. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 7 février 2019, concluant que l'accident était dû à la rupture de la raquette n°7 du wagon qui avait entraîné la descente d'une poche, laquelle, en frottant sur la voie de façon intense et prolongée, avait provoqué l'incendie. Entretemps et par protocole d'accord transactionnel du 16 juin 2016 sans reconnaissance de responsabilité, la société GSL et son assureur Plus ultra ont convenu de payer à la société Postnord une somme de 45.000 euros pour solde de tout compte en indemnisation de la marchandise perdue. Par exploit du 14 mai 2019, la société GSL et son assureur Plus ultra ont fait assigner la société Modalohr qui commercialisé le wagon litigieux, la société Lohr industrie, concepteur de la raquette en cause, et la société Manquillet-Parizel et cie, son sous-traitant, devant le tribunal de commerce d'Aubenas en indemnisation. Le sous-traitant a appelé en la cause son propre assureur la société Allianz Iard. Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal de commerce d'Aubenas a : - dit les sociétés GSL et Plus Ultra recevables en leur demande d'indemnisation, - dit et jugé non responsable la société Manquillet-Parizel des dommages constatés lors de l'accident du 27 mai 2014, - mis hors de cause la société Manquillet-Parizel et son assureur Allianz Iard, - dit les sociétés Lohr Industrie et Modalohr responsables du préjudice subi par les sociétés GSL et Plus Ultra, - condamné solidairement les sociétés Lohr Industrie et Modalohr à payer la somme de 62.114,70 euros aux sociétés GSL et Plus Ultra, outre les intérêts légaux capitalisables à compter de l'assignation, - condamné solidairement les sociétés Lohr Industrie et Modalhor à payer la somme de 1.000 euros à la société Manquillet-Parizel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné solidairement les sociétés Lohr Industrie et Modalhor à payer la somme de 1.000 euros à la société GSL et Plus Ultra au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté les parties de leur plus amples demandes, fins et conclusions, - condamné solidairement les sociétés Lohr Industrie et Modalohr aux entiers dépens. Les sociétés Lohr industrie et Modalohr ont relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer en toutes ses dispositions. *** Dans leurs dernières conclusions, les appelantes demandent à la Cour, au visa des articles 1231-1 et 1240 et suivants du code civil, de : « A titre liminaire, - A titre principal, dire et juger que les pièces communiquées en première instance par les sociétés GSL et Ultra plus au soutien de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Lohr industrie et Modalohr à l'exception de leur pièce 5, sont irrecevables - Par conséquent, les écarter des débats - A titre subsidiaire, dire et juger que les pièces 1, 2, 3, 4-1, 6, 8 et 10 communiquées en première instance par les sociétés GSL et Ultra plus au soutien de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Lohr industrie et Modalhor sont irrecevables - Par conséquent, les écarter des débats En tout état de cause, réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aubenas le 19 janvier 2021 et, par conséquent, statuant à nouveau, A titre principal - Statuer que la responsabilité des sociétés Lohr industrie et Modalohr n'est pas engagée dans la survenance des désordres dont il est demandé réparation par les sociétés GSL et Plus ultra - Débouter les sociétés GSL, Ultra plus, G.Manquillet-Parizel & cie et Allianz Iard de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre des sociétés Lohr industrie et Modalohr - Condamner les mêmes, solidairement, à verser à chacune des sociétés Lohr industrie et Modalohr la somme de 4.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile - Condamner les sociétés GSL, Plus ultra, G.Manquillet-Parizel & cie et Allianz Iard aux entiers dépens A titre subsidiaire, si la Cour venait à considérer que la responsabilité des sociétés Lohr industrie et Modalohr est engagée dans la survenance des désordres - Statuer que la société G.Manquillet-Parizel & cie a commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité à l'égard des sociétés Lohr industrie et Modalohr - Par conséquent, condamner la société G.Manquillet-Parizel & cie à garantir les sociétés Lohr industrie et Modalohr de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre - Débouter les sociétés G.Manquillet-Parizel & cie et Allianz Iard de leur demande de garantie formée à l'encontre des sociétés Lohr industrie et Modalohr - Condamner solidairement les sociétés G.Manquillet-Parizel & cie et Allianz Iard à verser à chacune des sociétés Lohr industrie et Modalohr la somme de 4.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile - Condamner solidairement les sociétés G.Manquillet-Parizel & cie et Allianz Iard aux entiers dépens A titre très subsidiaire, - Statuer que les sociétés GSL et Ultra plus ne rapportent pas la preuve d'un préjudice né et certain - Par conséquent, débouter les sociétés GSL et Ultra plus de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Lohr industrie et Modalohr - Débouter les sociétés GSL et Plus ultra de leur demande de condamnation solidaire formée à l'encontre des sociétés Lohr industrie et Modalohr, G.Manquillet-Parizel & cie et Allianz Iard ». Les appelantes font valoir à titre liminaire que les pièces communiquées par les sociétés GSL et Ultra plus, à l'exception du rapport d'expertise en pièce 5, sont irrecevables pour n'être pour certaines pas traduites (1, 2, 3, 6, 8 et 10), pour d'autres seulement accompagnées d'annotations manuscrites en français (4-1), et pour les dernières pour ne faire l'objet que d'une traduction libre (7, 9, 10 et 11), ce qui ne leur permet pas d'en apprécier la force probante. Elles demandent donc à ce qu'elles soient toutes écartées du débat, ou à tout le moins celles ne faisant l'objet d'aucune traduction complète. A titre principal, les concluantes relèvent que si la société Lohr industrie est le concepteur et constructeur du wagon accidenté, la société Modalhor a pour sa part seulement commercialisé ledit wagon et ne peut donc être retenue comme ayant participé à l'erreur de conception des premières raquettes. Elles ajoutent que la rupture des anneaux de traction est dûe selon l'expert à quatre facteurs : - la concentration de contrainte à fond de filet due u mode de fabrication (usinage), - la pollution en fond de filet constituée notamment de sel, - le revêtement en zinc lamellaire oxydé par le chlore contenu dans le sel, - les défauts de porosité dans le revêtement facilitant cette oxydation. Or des analyses effectuées dans le cadre de l'expertise, il ressort que le revêtement anti-corrosion des anneaux présentaient des porosités à c'ur du revêtement résultant du process de pose, ainsi que des fissurations. Dès lors, les défauts qui affectent le revêtement de la raquette litigieuse sont imputables à la société Manquillet-Parizel qui était en charge de la fabrication des anneaux de traction et qui a procédé à la pose de leur revêtement anti-corrosion. La responsabilité de cette société est donc engagée par ces défauts. A l'inverse, il n'est démontré aucun manquement de la société Lohr industrie puisque les contrôles ultra-sons effectués sur l'ensemble des anneaux n'ont permis de déceler de défauts que sur les anneaux 9 et 10, lesquels ont alors été changés. Enfin, d'autres causes du sinistre n'ont pas été suffisamment exploitées et examinées par l'expert judiciaire. Ainsi, la société Lorryrail n'a, malgré la demande de l'expert, jamais fourni ses plans de chargement, or, tant l'exploitation en surcharge du wagon dans les mois précédents qu'une mauvaise répartition des masses à l'intérieur même du wagon peuvent être à l'origine d'une durée de vie moindre des pièces et d'un début de fissuration prématuré. De même, si les kits de protection n'ont pas été installés sur les 45 premiers wagons c'est parce que les équipements fixes nécessaires n'ont pas été mis à disposition de la société Lohr industrie pour qu'elle puisse y procéder. Les appelantes concluent de tous ces éléments qu'aucune preuve d'une faute à l'origine du sinistre n'est démontrée à leur encontre. A titre subsidiaire, elles soutiennent que si leur responsabilité était néanmoins retenue, la société Manquillet-Parizel leur devrait sa garantie pour avoir engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Lohr industrie et délictuelle à l'égard de Modalhor, au titre des fautes commises dans la fabrication. A titre très subsidiaire enfin, elles observent qu'il n'est apporté aucun justificatif probant du paiement effectif des sommes de 45.000 euros du montant transactionnel convenu, ni des frais et honoraires pour 17.114,70 euros supplémentaires, et que le préjudice n'étant de ce fait pas établi de façon actuelle et certaine, les demandes en indemnisation ne peuvent qu'être rejetées. *** Dans ses dernières conclusions, la société G.Manquillet-Parizel & cie, fabricant et intimée, demande à la Cour, au visa des articles 1240 et 1103 du code civil et de l'article L124-1 du code des assurances, de : « A titre principal : - Confirmer le jugement (déféré) en toutes ses dispositions, - (La) mettre hors de cause, Y ajouter : - Condamner les sociétés Lohr industrie et Modalohr à (lui) verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner les (mêmes) aux entiers dépens de l'instance d'appel, A titre subsidiaire : - Condamner les sociétés Lohr industrie et Modalohr à (la) relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, y compris les indemnités prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et les frais d'expertise, A titre infiniment subsidiaire : - Condamner la société Allianz Iard à (la) relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre cette dernière y compris les indemnités prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et les frais d'expertise, En tout état de cause, - Débouter les sociétés Lohr industrie et Modalohr, la société Allianz Iard et les sociétés GSL et Plus Ultra de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, outre appel incident à l'encontre de la concluante ». Cette intimée admet qu'elle a fabriqué et fourni la « raquette » à l'origine du sinistre, mais soutient que pour autant aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors qu'elle n'avait aucune marge de man'uvre dans la fabrication de cette pièce, ni sur sa forme et son filetage, ni sur le métal de composition, ni sur la méthode d'usinage. La fabrication a été conforme à la conception imposée par les sociétés Lohr industrie et Modalhor, l'expert excluant toute anomalie métallurgique et retenant que l'épaisseur de la pièce est plutôt supérieure à ce qui est habituellement demandé, comme l'ont justement retenus les premiers juges. C'est ainsi la géométrie de la pièce telle que conçue qui est à l'origine de la corrosion en fond de filet. Seules les appelantes, en qualité de concepteurs, sont donc responsables du sinistre et ce d'autant plus qu'elles n'ont également pas apprécié correctement l'ampleur de la maintenance nécessaire, s'agissant de pièces fabriquées et livrées sept ans auparavant, alors même qu'elles étaient les seules à disposer de toutes les données techniques et que d'autres sinistres étaient déjà survenus précédemment. La société Manquillet-Parizel conclut donc à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a écarté toute responsabilité de sa part, et subsidiairement, demande garantie par les sociétés Lohr industrie et Modalhor de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Enfin, l'intimée se prévaut de la garantie qui lui est due par son assureur Allianz Iard au titre des dommages matériels et immatériels survenus après livraison, dans la limite de la franchise contractuelle de 5.000 euros. *** L'assureur de la société Manquillet-Parizel, la société Allianz Iard, également intimée, demande à la Cour, au visa des articles 1240 et suivants, 1353, 1147 et 182 du code civil et de l'article L112-6 du code des assurances, de : - « Confirmer le jugement (déféré) en ce qu'il a : dit et jugé non responsable la société Manquillet-Parizel & cie, des dommages constatés lors de l'accident du 25 mai 2014, mis hors de cause la société Manquillet-Parizel & cie et son assureur Allianz Iard, dit les sociétés Lohr industrie et Modalohr responsables du préjudice subi par les sociétés GSL et Plus ultra et condamné à les indemniser de leurs préjudices, condamné solidairement les sociétés Lohr industrie et Modalohr à payer diverses sommes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, En conséquence, - Débouter tant les sociétés Llohr industrie et Modalohr que GSL et Plus ultra de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Manquillet-Parizel et de son assureur la compagnie Allianz Iard, Y ajoutant, - Condamner les sociétés Lohr industrie et Modalohr à régler à la compagnie Allianz Iard une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Subsidiairement et en toute hypothèse, - Dire que la garantie de la compagnie Allianz Iard ne pourra être mise en 'uvre que dans le cadre et sous la réserve des garanties offertes par sa police. - Condamner les sociétés Lohr industrie et Modalohr à relever et garantir la société Manquillet-Parizel et la société Allianz Iard de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, - Débouter toute partie de ses demandes plus amples ou contraires. - Condamner tout succombant à verser à la compagnie Allianz Iard la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 ainsi que ses entiers dépens ». La compagnie d'assurance soutient qu'aucune faute n'est établie à la charge de son assuré la société Manquillet-Parizel et cie dès lors que l'expert a constaté que la composition chimique de la pièce était conforme, qu'il n'a relevé aucune anomalie métallique ou de fabrication et même noté que l'épaisseur du revêtement était plutôt supérieur à ce qui est habituellement demandé, et que rien ne permet dès lors de retenir que la pose du revêtement était non conforme aux prescriptions d'un cahier des charges qui aurait été fourni. En revanche, la société Lohr a commis des manquements de deux ordres qui engagent sa seule responsabilité. Elle a d'abord commis une faute dans la conception des raquettes qui étaient de fait inadaptées à leur destination, défaut identifié dès 2009 à l'occasion d'un premier sinistre. Par la suite, la conception des anneaux de traction a évolué avec modification du revêtement et du mode de fabrication des filets, par roulage et non plus par usinage désormais. Des kits ont également été mis en place sur les wagons de 2ème et 3ème séries dès leurs sortie d'usine pour limiter le problème de corrosion. En revanche, les 45 wagons de première génération vendus à la société Lorry rail en 2006 n'ont pas été équipés de ces kits. Elle a ensuite commis une faute dans les opérations de contrôle et de maintenance. Ainsi, à la suite d'un second incident de rupture d'un anneau de traction en septembre 2013, la société Lohr industrie a, par lettre du 24 septembre 2013, annoncé qu'elle allait mettre en place des contrôles plus fréquents et procéder au remplacement des anneaux par des pièces plus résistantes. Pourtant, elle n'a en réalité remplacé, lors du contrôle du wagon sinistré en janvier 2014, que deux raquettes sur quatre alors même que les autres ne disposaient pas des kits de protection anti-corrosion et qu'elle avait connaissance de la conception inadaptée des pièces tenant les deux sinistres déjà survenus. Le nouveau contrôle par ultra-sons réalisé le 18 mars 2014 par ses soins s'est également montrée inefficace puisque le 25 mai suivant, le sinistre objet de l'instance survenait. La décision déférée qui retient la seule responsabilité des sociétés Lohr industrie et Modalhor doit donc être confirmée. A titre subsidiaire, en l'absence de preuve d'une mauvaise exécution par la société Manquillet-Parizel, la société Lohr industrie lui doit sa garantie. Et en tout état de cause, l'assureur rappelle que sa garantie n'est due à la société Manquillet-Parizel et cie que dans les limites de plafond et de franchise contractuellement prévus. *** La société GSL et son assureur Plus Ultra, intimés, ont formé appel incident à titre subsidiaire, et dans leurs dernières conclusions, demandent ainsi à la Cour, au visa de l'article 46 du code de procédure civile et des articles 1240 et suivants du code civil, de : - « Confirmer le jugement (déféré) en toutes ses dispositions, En conséquence, - Déclarer les sociétés GSL et Plus Ultra recevables en leur action, - Condamner solidairement les sociétés Lohr industrie et Modalohr à (leur) payer la somme de 62.114,70 euros, outre les intérêts légaux capitalisables à compter de l'assignation, - Condamner solidairement les sociétés Lohr industrie et Modalohr à la somme de 1.000 euros (à leur bénéfice). ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, En tout état de cause, - Condamner solidairement les sociétés Lohr industrie et Modalohr à (leur) payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente procédure, A titre subsidiaire, si la Cour devait déclarer la responsabilité de la société G.Manquillet-Parizel & cie également engagée, - Déclarer les sociétés GSL et Plus ultra recevables à agir à l'encontre des sociétés Lohr industrie, Modalohr, G.Manquillet-Parizel & cie et son assureur responsabilité, la société Allianz Iard, - Condamner solidairement les sociétés Lohr industrie, Modalohr, G.Manquillet-Parizel & cie et son assureur responsabilité, la société Allianz Iard, à (leur) payer les sommes de 45.000 euros au titre des marchandises et la somme de 17.114,70 euros, au titre des honoraires d'avocat, au titre du préjudice subi, outre les intérêts légaux capitalisables à compter de la présente assignation, En conséquence, - Condamner solidairement les sociétés Lohr industrie, Modalohr, G.Manquillet-Parizel & cie et son assureur responsabilité, la société Allianz Iard, à (leur) payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ». Ces intimées soutiennent tout d'abord la parfaite recevabilité de toutes leurs pièces, observant que, contrairement à ce qui est soutenu par les appelantes, elles ont toutes fait l'objet d'une traduction, et qu'aucun texte n'impose que cette traduction soit effectuée par un interprète assermenté.

Sur le

fond, elles concluent à titre principal à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Lohr industrie et Modalohr en qualité de constructeurs des wagons. En effet, l'expert a retenu que le sinistre résultait d'une erreur de conception des premières raquettes ainsi qu'à une mauvaise appréciation des contrôles nécessaires. Elles précisent que cet expert judiciaire a par ailleurs expressément exclu que la rupture puisse être attribuée à des surcharges, qu'il s'agisse de la charge embarquée ou du process de chargement, de sorte que c'est vainement que les appelantes en font encore état. A titre subsidiaire, la société GSL et son assureur demandent à ce que la responsabilité de la société Manquillet-Parizel soit retenue solidairement à celle des sociétés Lohr industrie et Modalhor conformément aux conclusions de l'expertise. Enfin, elles affirment justifier du paiement effectif de l'indemnité transactionnelle convenue, comme des frais et honoraires d'avocats restés à leur charge et sollicitent donc leur entière indemnisation. *** Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra. DISCUSSION Sur la recevabilité des pièces communiquées par les sociétés GSL et Ultra plus : Par principe et en vertu de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'exigence d'un procès équitable implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance de toute pièce présentée au juge en vue d'influencer sa décision, dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse (Com 10 janvier 2012, n°10-24.426). Il est ainsi notamment retenu que le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère faute de production d'une traduction en langue française (Soc 8 avril 2010 n°09-40.836). En l'espèce, les pièces 1, 2 et 3 communiquées par les sociétés GSL et Ultra plus sont suivies des pièces 1-1, 2-1 et 3-1 qui en sont les traductions libres respectives. La pièce 4-1 correspond également à la traduction de la pièce 4, mais seulement en partie puisque les feuillets 5, 7, 9, 11 et 12 de la pièce 4 ne sont pas traduits. Est produit en pièce 5 non contestée le rapport d'expertise judiciaire. Les pièces 6 et 7 font l'objet d'une traduction libre en pièces 6-1 et 7-1 à l'exception des pages 21 à 48 et 79 à 88 de la pièce 7 qui ne sont pas traduites. Les pièces 8, 9, 10, et 11 sont respectivement traduites en pièces 8-1, 9-1, 10-1 et 11-1. Et figure en pièce 12 le projet de conclusions de l'expert judiciaire. Ainsi les feuillets 5,7, 9, 11 et 12 de la pièce 4, ainsi que les feuillets 21 à 48 et 79 à 88 de la pièce 7 qui sont seulement communiqués en langue étrangère doivent être écartés des débats. A l'inverse, toutes les autres pièces qui sont produites en français (pièces 5 et 12) ou en langue étrangère mais alors accompagnées de leur traduction en français, sont recevables dès lors que, comme l'ont justement retenu les premiers juges, rien n'impose aux parties d'avoir recours à un traducteur assermenté, et ce d'autant moins que la teneur et la qualité même des traductions libres produites ne sont pas contestées. Sur le fond : Les sociétés GSL et Ultra plus fondent leurs demandes en indemnisation sur les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil, c'est à dire sur les règles de la responsabilité extracontractuelle pour faute. Il leur incombe donc d'apporter la triple démonstration d'une telle faute à la charge de chacune des sociétés Lohr industrie, Modalhor et Manquillet-Parizel, de leur propre préjudice, et du rôle causal de cette (ces) faute(s) avec ledit préjudice. sur les fautes : L'expert commis par ordonnance de référé du 18 novembre 2014 aux fins, notamment, de donner son avis sur les causes et origines de l'incendie du wagon concerné, s'est adjoint un sapiteur, l'institut de la corrosion, et a déposé son rapport définitif le 7 février 2019. Il retrace la chronologie logique de l'incident suivante (page 70) : 1) le filetage de la raquette n°7 s'est rompu 2) cela a entrainé un affaissement de la poche sur la voie sur laquelle circulait le train 3) cet affaissement a provoqué un frottement entre la structure du wagon et les rails 4) ce frottement a créé un fort échauffement 5) l'échauffement de la structure du wagon a entrainé l'incendie de la remorque au niveau des pneus qui étaient en contact avec le wagon 6) cet incendie ainsi initié s'est propagé à la totalité de la semi-remorque située sur le wagon. La rupture du filetage est elle-même la résultante d'un phénomène qui s'est progressivement développé : - présence d'humidité chargée en sel de déverglaçage à fond de filet - corrosion par piqûre dans le revêtement en zone - propagation de la corrosion à l'acier constituant le métal de base, en provoquant des piqûres, - la zone concernée est, du fait du type de fabrication par usinage, une zone de concentration de contrainte - la pièce est soumise à des efforts cycliques en service - les piqûres de corrosion ont ainsi constitué une zone d'amorçage d'une fissuration par fatigue, laquelle s'est développée, peu à peu, radialement, - et lorsque la section restante a été trop faible pour les efforts appliqués, la rupture finale ductile s'est produite. L'expert retient plusieurs paramètres pouvant avoir une incidence sur ce processus : l'accumulation d'humidité : la présence d'humidité chargée en chlorure est inévitable et comme les vis sont à l'horizontale, des résidus pollués peuvent très facilement s'accumuler en partie supérieure à fond de filet, la qualité du revêtement : constitué de zinc lamellaire, d'une épaisseur de 2 micromètre, le revêtement présentent des porosités qui résultent de son process de dépose, et des fissurations. Or si, selon l'expert l'épaisseur existante est « plutôt supérieure à ce qui est habituellement demandé », « l'existence de porosités est très préjudiciable puisque celles-ci constituent autant de défaut de protection », de sorte que « l'épaisseur résiduelle du revêtement au niveau de ces porosités est très faible voire nulle et constitue une zone de cheminement privilégiée pour la corrosion » (pages 71 et 72), les caractéristiques du métal : le métal est, selon les analyses effectuées, conforme à ce qui était demandé par la société Lohr industrie à son sous-traitant Manquillet-Parizel, le processus d'obtention des filets : le type de fabrication par usinage utilisé favorise le développement d'une zone de contrainte à fond de filet, la forme des filets : l'écart entre les côtes réelles et théoriques est retenu par l'expert comme « acceptable », l'importance des contraintes : le fait que la zone de fracture ductile finale soit restreinte démontre que les efforts exercés en service ne sont pas très élevés. La rupture ne peut donc être attribuée à des surcharges, qu'elles soient dues à la charge embarquée (remorque) ou au process de chargement. La fissure s'est amorcée dans la zone qui était la plus tendue laquelle était celle où résidait l'humidité. L'expert judiciaire retrace également l'historique quant à la rupture des anneaux de traction à partir de documents classés en annexe (page 73). En février 2009, une fissuration se produit sur un anneau de traction de wagon. Des études ont été faites suite à cet incident et concluent à un mauvais rotulage et à un process de fabrication inadapté. Des mesures sont alors mises en place pour y remédier : amélioration du rotulage et pose d'un boîtier graissé afin d'éviter la pollution, contrôle périodique tous les 6 mois, développement d'un anneau de traction avec des filetages roulés et non plus usinés. Mais les 45 premiers wagons livrés en 2007-2008 par la société Lohr industrie à la société Lorryrail ne font pas l'objet de ces améliorations (courrier du 24 septembre 2013). Le 21 janvier 2014, la société Lohr industrie signale à la société Lorryrail que le wagon 42-4 présente une anomalie aux contrôles ultrasons et que par mesure de sécurité il ne doit plus circuler jusqu'au remplacement de l'anneau de traction incriminé. Le lendemain, le wagon est arrêté (fiche de communication à l'atelier). Le 31 janvier 2014, il est indiqué que deux raquettes ont été changées et que les wagons sont aptes au transport. Fin mars 2014, le wagon fait l'objet d'un contrôle par ultrasons (courrier du 27/05/2014). Le sinistre intervient le 25 mai 2014. Et l'expert retient des informations communiquées que la raquette sinistrée a été fabriquée en novembre 2006, que les anneaux 7 et 8 étaient d'origine (les anneaux 9 et 10 étant ceux remplacés en janvier 2014) et que le wagon a fait l'objet d'une immatriculation définitive en aout 2007. Tous ces éléments ne font l'objet d'aucune contestation utile des parties à l'instance. Seules les appelantes évoquent encore l'intervention d'une surcharge ou d'une mauvaise répartition des charges dans le wagon comme ayant pu contribuer à l'incident, et c'est à tort qu'elle soutiennent que l'expert judiciaire n'a pas examiné cette possibilité alors qu'il y a précisément et expressément répondu en excluant tout rôle causal de cette éventualité (« importance des contraintes » page 72). Les appelantes n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause cette conclusion technique, de sorte qu'une telle cause extérieure peut ainsi être définitivement écartée et l'analyse de l'expert judiciaire sur les causes de l'incident, telle que rappelée, retenue. S'agissant de l'imputabilité du sinistre, elle repose selon cet expert sur trois facteurs : la conception de la raquette qui, selon lui, « a été réalisée par les sociétés Lohr industrie et Modalhor », sans que la part de chacune dans la conception puisse être précisée, la réalisation du revêtement pour lequel « le rôle exact de chacun » reste insuffisamment décrit par les éléments produits, mais dont les défauts constatés seraient imputables à la société Manquillet-Parizel « à la connaissance » de l'expert, la maintenance qui s'est avérée insuffisante en périodicité ou en nature de la part du « constructeur ». La Cour retient les trois causes du sinistre ainsi techniquement établies par l'analyse de l'expert. Pour autant, elles ne peuvent qualifier une faute qu'à l'encontre de la société en charge de l'obligation contractuelle dont elles seraient le manquement. Aucun contrat n'est produit aux débats. Des pièces produites par les sociétés Lohr industrie et Modalhor, il ressort que : La société Manquillet-Parizel a fourni à la société Lohr industrie des anneaux de traction et des écrous tirants selon factures des 18 septembre 2006, 18 décembre 2006, 23 avril 2007, 28 mai 2007, 18 juin 2007, 8 octobre 2007, 15 octobre 2007 et 17 décembre 2007 (pièce 2), La note technique établie par le conseil de ces sociétés le 31 aout 2018 désigne Lohr industrie comme le « concepteur constructeur du parc de wagons Modalhor » qui, à ce titre, « procède à la définition et au dimensionnement des pièces, en établit les plans et les spécifications d'achat », tandis que la société Manquillet-Parizel « est le sous-traitant de Lohr industrie pour la fabrication des anneaux de traction » dont la prestation porte « sur l'approvisionnement de matières premières, les traitements thermiques, l'usinage et le traitement anti-corrosion » (pièce 3). Cette même note mentionne que l'anneau n°7 qui a rompu avait été fabriqué en novembre 2006 et est donc de « première génération », mais qu'à la suite d'un incident survenu en 2009, une « évolution de la pièce définie par Lohr industrie » a donné naissance à des anneaux de seconde génération (page 4), ce qui est encore confirmé à la page suivante : « Lohr industrie a fait évoluer, avec son sous-traitant Manquillet-Parizel, la configuration d'usinage des filets et, à partir de 2009, les filetages des anneaux de traction sont réalisés par roulage » et à la protection zinc a été substituée une protection cataphorèse et peinture. S'agissant de la maintenance, le courrier qui accompagne la note indique que « les ateliers de Pétange, ECM des wagons étaient en charge de l'organisation de la maintenance des wagons en collaboration avec le détenteur Lorryrail et, lorsque sollicité, du constructeur Lohr industrie ». Enfin, un document à l'en-tête de la société Modalhor porte sur les conditions d'acceptation des semi-remorques « chargées sur les wagons Modalhor NA », selon « les spécifications Lohr et la documentation technique Lohr qui font foi » (pièce 4). La société Manquillet-Parizel qui a pour activité la « fabrication et vente de boulonnerie, estampage, industrie et commerce de tous produits métallurgiques » produit en pièce 7 une note dans laquelle elle fait valoir que « aucune anomalie de fabrication n'a été relevée sur la raquette rompue n°7 » et que celle-ci se distinguait de l'autre lot de raquettes à l'avant du wagon fabriquées en 2010 par le process de fabrication du filetage (usiné pour les tiges de 2006 et roulé pour celles de 2010), et par le type de revêtement utilisé (en zinc lamellaire pour les tiges de 2006 et de type peinture pour celles de 2010) -pièce 7. Dans une autre note, cette société rappelle que « les anneaux de traction ont été conçus par Lohr industrie que ce soit pour la première ou la seconde version » et que Lohr industrie est le « concepteur, constructeur du parc de wagons Modalhor exploité par Lorryrail » et en cette qualité « procède à la définition et au dimensionnement des pièces, en établit les plans et les spécifications d'achat », tandis qu'elle-même est chargée de la fabrication de ces anneaux -pièce 8. Enfin, dans une troisième note, la société Manquillet-Parizel retient que « les analyses réalisées par l'institut de soudure, reprises par (l'expert), révèlent que la première version de conception des raquettes est inadaptée à l'utilisation qui en est faite, tant d'un point de vue du revêtement (zinc) que de la méthodologie d'obtention du filetage » -pièce 9. Parmi les pièces communiquées par la société Allianz Iard, assureur du sous-traitant Manquillet-Parizel, une lettre adressée par Lohr industrie à Lorry rail le 24 septembre 2013 mentionne que l'incident de 2009 a permis d'établir un « mauvais process de fabrication chez (son) sous-traitant pouvant entrainer un début de corrosion générateur d'amorce de fissure en fond de filet », et que des actions ont alors été mises en place, parmi lesquelles le « développement d'un anneau de traction ayant une durée de vie plus longue » à partir d'une campagne d'essais de fatigue sur banc. Le même courrier indique que Lohr industrie va procéder à moyen terme au remplacement de tous les anneaux à filets usinés des 45 premiers wagons NA (n'ayant jamais été équipé du kit de protection) par des anneaux à filets roulés, à court terme à la réduction de la périodicité des contrôles sur ces 45 wagons, et immédiatement à des contrôles par ultrasons des anneaux sur les 10% de wagons non encore examinés -pièce 2. De tous ces éléments, il ressort que la société Lohr industrie a reconnu être le concepteur de la pièce dont la rupture a occasionné l'incident, ce à quoi toutes les autres parties acquiescent. Or il a été retenu que le sinistre survenu résultait notamment d'un défaut de conception qui permettait l'accumulation d'humidité en partie supérieure à fond de filet. L'erreur dans la conception telle que retenue lui est donc entièrement imputable et constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. De même, si la société Lohr industrie soutient que la maintenance incombait à d'autres intervenants, la société Lorryrail en qualité de détenteur/ propriétaire des wagons et/ou les Ateliers de Pétange qualifiés d'Entité en Charge de la Maintenance (ECM), elle ne produit aucune pièce établissant une quelconque obligation de cette dernière société et le contrat de vente des wagons à la société Lorryrail n'est pas produit entre les parties, de sorte que les conditions de cette vente demeurent inconnues à la Cour. En revanche, il ressort des éléments précités et tout particulièrement du courrier du 24 septembre 2013 dont la société Lohr industrie ne conteste pas être l'auteur (pièce 2 de la société Allianz Iard), qu'à la suite de l'incident de 2009, cette société a : mis en oeuvre un kit anti-corrosion qu'elle a posé sur 35 wagons en exploitation et sur les 105 derniers wagons livrés à Lorryrail, mais pas sur les 45 premiers -dont celui sinistré- motif pris que les discussions sur les modalités de cette intervention n'ont jamais abouties, organisé des contrôles périodiques semestriels par ultrasons de chaque anneau de traction pour détecter tout début de fissure et remplacer alors la pièce, mais que l'anneau sur lequel s'est produit la rupture faisait partie des 10% du parc qui n'avait pas encore été examiné et qui devait faire l'objet d'interventions ponctuelle, motif pris que la totalité du parc ne peut être examiné en une seule fois dès lors qu'il ne se trouve pas en un seul endroit et que l'exploitation est continue. Ce faisant, la société Lohr industrie reconnaît avoir, malgré la connaissance qu'elle avait du défaut affectant les anneaux de traction de première génération, laissé circuler des wagons dont celui sinistré, sans remplacer lesdits anneaux ni installer le kit anti-corrosion qu'elle avait pourtant mis en oeuvre, alors qu'il lui incombait d'y procéder et qu'elle ne justifie d'aucun empêchement réel et dirimant. Cette carence est également constitutive d'une faute de cette appelante qui est de nature à engager sa responsabilité. Rien ne permet en revanche de retenir que la société Modalhor soit intervenue dans la conception de la pièce défectueuse, ni même dans celle du wagon qui en était équipé, quand bien même il est plusieurs fois fait état des « wagons Modalhor ». Aucune des pièces communiquées aux débats n'établit davantage qu'elle en serait le propriétaire, ou même le vendeur, la société Lorryrail indiquant seulement avoir « acquis 105 wagons Modalhor NA construits, produits et commercialisés par (Lohr industrie) entre 2006 et 2010 » (pièce 3 de la société Allianz Iard) et les appelantes admettant seulement que la société Modalhor a « commercialisé » les wagons -ce qui est juridiquement insuffisant à qualifier une opération contractuelle et donc l'existence d'une quelconque obligation à sa charge. Dès lors, il n'est pas démontré qu'elle ait personnellement commis une quelconque faute qui aurait contribué au sinistre et les demandes formulées à son encontre en indemnisation ne peuvent donc qu'être rejetées et le jugement déféré infirmé. C'est également à tort que les premiers juges ont écarté toute faute de la société Manquillet-Parizel. En effet, de par son activité, cette société est une professionnelle de l'industrie et de la vente de produits métallurgiques. Elle a vendu des anneaux de traction -dont celui dont la rupture a causé le sinistre- à la société Lohr industrie pour l'équipement de wagons, destination qu'elle ne pouvait ignorer. Or il a été retenu que tant la qualité du revêtement constitué de zinc lamellaire présentant des porosités qui constituent des défauts de protection, que le processus d'obtention des filets par usinage qui favorise le développement d'une zone de contrainte à fond de filet, sont à l'origine du sinistre survenu. La société Manquillet-Parizel ne peut utilement prétendre s'affranchir de son obligation de délivrer un produit conforme à sa destination en soutenant qu'elle n'avait aucune marge de manoeuvre et n'était qu'un simple exécutant d'une tâche confiée et strictement définie par la société Lohr industrie, alors même qu'elle ne communique aucun document contractuel définissant la commande et notamment pas le cahier des charges qui lui aurait été prescrit. C'est à cette intimée en qualité de fabricant qu'il appartenait de produire des anneaux de traction suffisamment résistants à la corrosion par l'application d'un revêtement adéquat et d'un mode de fabrication pertinent, et sa carence telle que constatée relativement à l'anneau rompu constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. sur le préjudice : Les sociétés GSL et Plus ultra produisent aux débats en pièce 3 traduite en pièce 3-1, un accord de règlement du 16 juin 2016 selon lequel elles s'engagent à payer à la société Postnord un montant total de 45.000 euros en indemnisation de la perte de la cargaison de poisson lors de l'incendie survenu le 25 mai 2014 et de ses frais et coûts, et ce sur un compte ouvert auprès de la DNB Bank ASA dont l'IBAN est précisé. Est jointe à cet accord une annexe 1 dans laquelle la société Postnord accuse réception de ce montant conformément audit accord. Et il est encore produit en pièce 9 traduite en pièce 9-1 un courrier de la société Postnord revendiquant la qualité de transporteur gardien de la marchandise -ce qu'aucune partie ne conteste dans ses écritures devant la cour, et en pièces 10 et 10-1 et 11 et 11-1 les justificatifs de ce que l'indemnisation est restée à la charge finale de cette société en cette qualité. Est encore produit en pièce 6 traduite en pièce 6-1 le bordereau de transfert de la somme de 45.002,40 euros sur ordre de la société Plus ultra sur ledit compte convenu (même IBAN mentionné) auprès de la DNB Bank ASA le 24 juin 2016, la société Plus ultra justifiant en outre de son obligation à paiement en qualité d'assureur de la société GSL par production du contrat -étant exclues les pages non traduites (pièces 7 et 7-1), ce qui n'est d'ailleurs nullement contesté. En outre, les sociétés GSL et Plus ultra communiquent en pièce 4 dont seules les pages traduites en pièce 4-1 sont retenues, les factures établies par le cabinet d'avocats Hjort les 30 septembre 2015 (facture 431864), 16 octobre 2015 (429910 et 430770), 25 novembre 2015 (433509), 31 janvier 2016 (436995) et 30 mars 2016 (438228) pour un total de 157.092,95 couronnes norvégiennes, factures mentionnant le même numéro d'affaire et le nom de l'avocat intervenu pour la partie adverse (Islaw abogados) relativement à ce litige (mention sur l'accord de règlement). Elles justifient par la production du bordereau d'ordre bancaire, du paiement sur le compte du bénéficiaire Hjort dont le numéro correspond à celui désigné sur les factures (60010531457) des sommes de 3.895,52 euros le 13 novembre 2015, 8.154,49 euros le 19 novembre 2015, et 2.200,84 euros le 21 juin 2016, pour un total de 14.250,85 euros uniquement, et non pas 17.114,70 euros comme demandé et retenu par les premiers juges. (pièces 8 et 8-1). Les sociétés GSL et Ultra plus démontrent suffisamment avec ces pièces toutes complémentaires et concordantes, qu'elles ont, du fait du sinistre, subi un préjudice comprenant l'indemnisation qu'elles ont du verser à leur cocontractant pour 45.000 euros et le coût des honoraires et frais de leur avocat dont elles se sont acquittées dans le cadre de cette indemnisation pour 14.250,85 euros, soit un total de 59.250,85 euros. sur le lien de causalité : Les fautes commises par la société Lohr industrie et celle commise par la société Manquillet-Parizel sont, comme l'ont retenu les conclusions de l'expert judiciaire que la Cour fait siennes, à l'origine du sinistre survenu le 25 mai 2014 et qui a entrainé la perte de la marchandise transportée dans le wagon dont l'anneau de traction était défectueux. Ces deux sociétés sont donc responsables in solidum du préjudice qui en est résulté pour les sociétés GSL et Ultra plus tel que retenu à hauteur de 59.250,85 euros. Dans leurs rapports entre elles, la répartition des responsabilités des sociétés condamnées in solidum doit être évaluée comme suit : - à concurrence de 90% pour la société Lohr industrie compte tenu de l'importance de ses deux fautes d'autant plus graves qu'elles ont persisté pendant des années avant d'aboutir au sinistre objet de l'instance et que cette société aurait pu pendant tout ce temps y remédier puisqu'elle en avait une parfaite connaissance mais qu'elle ne l'a pas fait, -de 10% pour la société Manquillet-Parizel pour le défaut de fabrication initial. Par conséquent, la société Lohr industrie et la société G.Manquillet-Parizel et cie sont condamnées in solidum à payer aux sociétés Gestion de servicios logisticos Silla SL et Plus Ultra seguros generales y de vida SA de seguros et reaseguros, la somme de 59.250,85 euros, outre intérêts légaux capitalisables à compter de l'assignation délivrée le 14 mai 2019. Chacune des sociétés condamnées relèvera et garantira l'autre à concurrence de 90% pour la société Lohr Industrie et 10% pour la société G.Manquillet-Parizel et cie. sur la garantie due par l'assureur Allianz Iard à son assuré la société Manquillet-Parizel : La société Allianz Iard ne conteste pas devoir sa garantie à la société Manquillet-Parizel au titre du contrat d'assurance souscrit à concurrence du plafond de 1,5 million d'euros par année et avec application d'une franchise de 5.000 euros, ce que confirment l'assuré mais également les dispositions particulières du contrat produit en pièce 4 par l'assureur. Sur les frais de l'instance : Les sociétés Lohr industrie et Manquillet-Parizel, qui succombent, devront supporter in solidum les dépens de la première instance et de l'instance d'appel, chacune à proportion de leur part de responsabilité dans leurs rapports entre elles. L'équité ne commande pas d'allouer une indemnisation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Et, statuant à nouveau, Ecarte des débats comme irrecevables les feuillets 5,7, 9, 11 et 12 de la pièce 4, ainsi que les feuillets 21 à 48 et 79 à 88 de la pièce 7, produits seulement en langue étrangère ; Met hors de cause la société Modalhor ; Dit que la société Lohr industrie et la société G.Manquillet-Parizel et cie sont responsables du préjudice supporté par les sociétés Gestion de servicios logisticos Silla SL et Plus Ultra seguros generales y de vida SA de seguros et reaseguros ; Condamne en conséquence in solidum la société Lohr industrie et la société G.Manquillet-Parizel et cie à payer aux sociétés Gestion de servicios logisticos Silla SL et Plus Ultra seguros generales y de vida SA de seguros et reaseguros, la somme de 59.250,85 euros, outre intérêts légaux capitalisables à compter de l'assignation délivrée le 14 mai 2019 ; Dit que la société Lohr industrie est responsable à 90% du préjudice supporté par les sociétés Gestion de servicios logisticos Silla SL et Plus Ultra seguros generales y de vida SA de seguros et reaseguros ; Dit que la société G.Manquillet-Parizel et cie est responsable à 10% du préjudice supporté par les sociétés Gestion de servicios logisticos Silla SL et Plus Ultra seguros generales y de vida SA de seguros et reaseguros ; Dit en conséquence que chacune des sociétés condamnées relèvera et garantira l'autre à concurrence de 90% pour la société Lohr Industrie et 10% pour la société G.Manquillet-Parizel et cie. Condamne la société Allianz Iard à garantir la société G.Manquillet-Parizel et cie de cette condamnation dans la limite du plafond annuel de 1,5 million d'euros et après déduction d'une franchise de 5.000 euros ; Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute

les parties de toutes autres demandes ; Condamne in solidum la société Lohr industrie et la société G.Manquillet-Parizel au paiement des dépens de première instance et d'appel, chacune à proportion de leur part de responsabilité dans leurs rapports entre elles. Arrêt signé par Madame Christine CODOL, Présidente de chambre, et par Madame Isabelle DELOR, Greffiere. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE