Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Bordeaux (1e chambre civile section A) 11 février 1997
Cour de cassation 07 décembre 1999

Cour de cassation, Première chambre civile, 7 décembre 1999, 97-14621

Mots clés officiers publics ou ministeriels · notaire · responsabilité · faute · prêt hypothécaire · obligation, en cas d'insuffisance du gage, d'avertir le prêteur · manquement · cas où le notaire n'a pas été le négociateur du prêt · absence d'influence

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 97-14621
Dispositif : Rejet
Textes appliqués : Code civil 1382
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux (1e chambre civile section A), 11 février 1997
Président : Président : M. LEMONTEY
Rapporteur : Mme Delaroche
Avocat général : M. Sainte-Rose

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux (1e chambre civile section A) 11 février 1997
Cour de cassation 07 décembre 1999

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Mutuelle du Mans Assurances I.A.R.D., société d'assurances à forme mutuelle à cotisations fixes, dont le siège social est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 février 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (1e chambre civile section A), au profit :

1 / de M. Pierre Y..., demeurant ...,

2 / de Mme Renée X... épouse Y..., demeurant ...,

3 / de M. Jacques Z..., demeurant ...,

défendeurs à la cassation ;

EN PRESENCE de : la Caisse régionale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires, dont le siège est ...,

La Caisse régionale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

M. Z... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal a formé à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :

La demanderesse au pourvoi provoqué a formé à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt :

Le demandeur au pourvoi incident a formé à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt :

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 novembre 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Delaroche, conseiller rapporteur, M. Sargos, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Delaroche, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat des Mutuelles du Mans Assurances IARD, de Me Boullez, avocat des époux Y..., de Me Le Prado, avocat de M. Z..., de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la Caisse régionale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que suivant reconnaissance de dette passée le 14 mars 1988, en l'étude de M. Z..., notaire, les époux Y...
X... ont accordé à la société Parailloux un prêt de 1 000 000 francs, avec intérêts au taux de 9% l'an, garanti par l'affectation hypothécaire de deux lots dépendant d'immeubles distincts l'un portant le n 7 l'autre le n 1 ; qu'à la suite de la mise en liquidation judiciaire de l'emprunteur, il est apparu que le lot n 7 avait été proposé au rachat pour le prix de 160 000 francs, et que lot n 1 avait été vendu le 27 mai 1988, devant le même notaire, pour la somme de 175 000 francs ; que reprochant à M. Z..., notaire habituel de la société Parailloux, d'avoir manqué à son devoir de conseil à leur égard, en recevant l'acte d'affectation hypothécaire de biens immobiliers d'une valeur insuffisante pour garantir efficacement leur créance, les époux Y... l'ont assigné le 6 décembre 1991, ainsi que la Caisse régionale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires et la société les Mutuelles du Mans assurances, en réparation de leur préjudice ; que le notaire et celles-ci ont fait valoir que la rédaction de l'acte constitutif de garantie étant postérieure à la réalisation du prêt, la connaissance de l'éventuelle insuffisance du gage était sans lien de causalité avec le préjudice invoqué, lequel découlait de la seule imprudence des prêteurs ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 11 février 1997), a dit que le notaire avait engagé sa responsabilité civile et l'a condamné à payer aux époux Y... une indemnité de 1 000 000 de francs, avec intérêts légaux à compter du 22 août 1991, à titre de dommages-intérêts complémentaires ; qu'il a également condamné la société les Mutuelles du Mans, en sa qualité d'assureur de la responsabilité civile professionnelle individuelle de M. Z..., à garantir les époux Y... du paiement de ladite indemnité réparatrice dans les limites du contrat d'assurance ;

Sur le premier moyen

pris en ses deux branches et le second moyen, du pourvoi principal de la compagnie les Mutuelles du Mans, et les deuxième et troisième moyens, qui sont identiques, tant du pourvoi provoqué de la Caisse régionale de garantie, lequel est recevable, que du pourvoi incident du notaire, tels que ces moyens figurent aux mémoires en demande et sont reproduits en annexe au présent arrêt :

Attendu, d'abord, que le notaire qui authentifie un acte de prêt hypothécaire, alors même qu'il n'en a pas été le négociateur, a l'obligation, s'il est en mesure de connaître ou de suspecter l'insuffisance du gage, d'appeler l'attention des prêteurs sur cette situation ; que la cour d'appel, qui a écarté toute imprudence des époux Y..., lesquels n'avaient aucune raison de suspecter les capacités de remboursement de leur emprunteur et avaient obtenu que celui-ci leur concède, dès le 14 mars 1988, par acte authentique une reconnaissance de dettes précisant les modalités de remboursement avec, en garantie, l'affectation hypothécaire de deux lots de copropriété, a relevé que M. Z..., qui était le notaire habituel des sociétés du groupe Parailloux, et qui pour chacun de ces lots avaient passé différents actes récents, en connaissait la valeur, laquelle était sans commune mesure avec le montant du prêt, et ne pouvait apporter aux prêteurs qu'une garantie insuffisante ; que, sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur l'intention ou la possibilité pour l'emprunteur d'affecter des sûretés complémentaires, elle a pu déduire de ses constatations que le notaire, en laissant les époux Y... accepter des garanties qui ne leur assuraient qu'une chance de recouvrement inférieur à 20%, en cas de défaillance de l'emprunteur, avait commis une faute en relation directe avec le préjudice subi ; qu'ensuite, pour chiffrer la réparation de ce préjudice à concurrence du montant du prêt en principal, la juridiction du second degré s'est fondée sur le fait que les prêteurs n'avaient pu effectivement recouvrer ce montant en raison de la défaillance de la société débitrice ;

Et sur les moyens uniques, pris en leurs deux branches, qui sont identiques, du pourvoi provoqué et du pourvoi incident, tels que ces moyens figurent également aux mémoires en demande et sont reproduits en annexe au présent arrêt :

Attendu d'abord, que la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur une simple allégation, non assortie de preuve ou d'offre de preuve ; qu'ensuite, en présence de l'assertion de la Caisse de garantie selon laquelle le notaire avait procédé à l'inscription des hypothèques sans délai, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes du litige en relevant que celui-ci s'était abstenu d'inscrire l'hypothèque sur le lot n 1, dont il avait dressé l'acte de vente, au prix de 175 000 francs, moins de trois mois après l'affectation hypothécaire ; d'où il suit que le moyen, en ses deux branches ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les Mutuelles du Mans assurances IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la compagnie Mutuelles du Mans assurances, la Caisse régionale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires et M. Z... à payer chacun la somme de 6 000 francs aux époux Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.