Cour de cassation, Première chambre civile, 14 décembre 2016, 15-25.598

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-12-14
Cour d'appel de Nîmes
2015-03-05

Texte intégral

CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2016 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 1438 F-D Pourvoi n° J 15-25.598 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par la société MTO décoration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], contre l'arrêt rendu le 5 mars 2015 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre A), dans le litige l'opposant à l'association Agir soigner éduquer insérer, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 15 novembre 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Barel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Barel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société MTO décoration, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que, suivant actes des 12 et 13 août 2008, la société MTO décoration (la société) a conclu, pour une durée de trois années, des contrats de décoration de Noël avec plusieurs centres commerciaux et commandé, à cette fin, des boules de Noël auprès de l'Association de sauvegarde des enfants invalides, devenue Agir soigner éduquer enseigner (ASEI), qui a livré les marchandises avec retard et de manière partielle ; que la société, placée en redressement judiciaire par jugement du 12 février 2010, a assigné cette dernière en responsabilité et en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen

, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé : Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen

:

Attendu que la société fait grief à

l'arrêt de limiter à la somme de 15 000 euros le préjudice lié à son état de cessation des paiement, alors, selon le moyen, qu'en évaluant à la somme de 15 000 euros le préjudice de la société lié à sa perte de chance de ne pas être en état de cessation des paiements du fait de la défaillance de l'ASEI, sans fournir aucune explication sur la chance perdue, notamment sur la fraction du passif de la société correspondant à celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

que, sous le couvert d'un grief non fondé de violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par les juges du fond du montant du préjudice subi par la société ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen

, pris en sa première branche :

Vu

l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter

la demande de la société en réparation de son préjudice au titre de la perte d'image, la cour d'appel relève que la société était liée à ses clients par des contrats de trois ans portant sur les exercices 2008 à 2010, de sorte qu'il convenait de prendre en compte seulement les exercices postérieurs pour calculer ledit préjudice ;

Qu'en statuant ainsi

, en se fondant sur un fait non spécialement invoqué par les parties, sans les avoir au préalable invitées à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation formée par la société MTO décoration au titre de son préjudice de perte d'image, l'arrêt rendu le 5 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ; Condamne l'association Agir soigner éduquer insérer aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société MTO décoration la somme de 2 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société MTO décoration PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société MTO Décoration de l'indemnisation de son préjudice lié à une perte d'image, AUX MOTIFS QUE « Le troisième tient à un manque à gagner lié à une perte d'image. Retenu par les premiers juges à concurrence de 57 000 euros alors qu'arbitré par l'expert à 55 871 euros, ce poste est critiquable en ce que la société était liée à ses clients par des contrats de trois portant sur les exercices 2008 à 2010. Ce n'est donc pas au regard des contrats intéressés, les chiffres d'affaires 2008 à 2010 qu'il convenait d'examiner mais les exercices postérieurs étant observé que rien d'autre que des affirmations n'établit que la société a perdu une chance de voir son chiffre d'affaire augmenter par l'image négative que les erreurs de l'Asei auraient entraîné pour elle. Il n'est par ailleurs pas justifié que les contrats ont été résiliés à compter de 2009 par les clients mécontents », ALORS PREMIEREMENT QUE, tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut relever d'office, sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, un fait non spécialement invoqué par les parties dont il tire des conséquences juridiques ; qu'en se fondant, pour débouter la Sarl MTO Décoration de son préjudice lié à une perte d'image, sur le fait non spécialement invoqué par les parties que cette société était liée à ses clients par des contrats de trois ans portant sur les exercices 2008 à 2010, de sorte qu'il convenait de prendre en compte seulement les exercices postérieurs, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile. ALORS DEUXIEMEMENT QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en excluant tout préjudice subi par la Sarl MTO Décoration lié à une perte d'image au motif que ce n'est pas les chiffres d'affaires 2008 à 2010 qu'il convenait d'examiner mais les exercices postérieurs, la cour a refusé de statuer sur l'existence de ce préjudice en raison de l'insuffisance des preuves qui lui étaient fournies de sorte qu'elle a violé l'article 4 du code civil. ALORS TROISIEMEMENT QUE le juge ne doit pas dénaturer les conclusions d'appel des parties ; qu'en constatant, pour débouter la Sarl MTO Décoration de son préjudice lié à une perte d'image, que cette société se contentait d'affirmer sans l'établir avoir perdu une chance de voir son chiffre d'affaires augmenter par l'image négative que les erreurs de l'Asei auraient entraînée pour elle quand elle exposait clairement dans ses conclusions que son chiffre d'affaires avait baissé en 2010 du fait du non renouvellement de ses contrats conclus avec les centres commerciaux en raison des défaillances de l'Asei, ce qu'établissait l'attestation de M. [D] (pièce 91, la cour a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile. ALORS QUATRIEMEMENT QU'en tout état de cause, le juge, qui est tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, doit inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces qui ont été régulièrement communiquées entre elles ; qu'en constatant, pour débouter la Sarl MTO Décoration de son préjudice lié à une perte d'image, que cette société se contentait d'affirmer avoir perdu une chance de voir son chiffre d'affaires augmenter par l'image négative que les erreurs de l'Asei auraient entraînée pour elle quand il ressort pourtant du message envoyé le 11 décembre 2014 au conseil adverse que la pièce n° 91 attestant du non renouvellement des contrats en 2010 a été régulièrement communiquée de sorte que la cour aurait dû inviter les parties à s'expliquer sur l'absence éventuelle au dossier de cette pièce, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 15 000 euros le préjudice de la Sarl MTO Décoration lié à son état de cessation des paiements, AUX MOTIFS QUE « Le quatrième tient au préjudice lié à l'état de cessation des paiements de la société, préjudice par ricochet de deuxième niveau. L'expert a considéré que l'accumulation du passif de l'ordre de 1 019keuros était imputable à la non livraison à raison de 130k€. Or, comme le souligne justement l'Asei, le placement en redressement judiciaire est intervenu le 12 février 2010, à une époque où l'incidence de la perte d'image n'avais pas encore pleinement impacté le chiffre d'affaires puisque celui-ci a augmenté de 8% entre 2008 et 2009. Dès lors, les retards de livraison ou les non-livraisons n'ont pas eu d'effet sur le règlement des factures par les clients en 2009, Mercialys indiquant dans son courrier du 25 février 2009 qu'elles avaient été payées. La baisse du fonds de roulement ne peut pas s'expliquer uniquement par l'augmentation des charges liées aux frais exposés et avoirs délivrés à ses clients par la société, au-delà d'une perte d'image dont l'incidence n'est pas caractérisée. Toutefois, cette augmentation des charges a manifestement contribué à la perte de chance subie par la société de ne pas être en état de cessation des paiements et la cour arbitrera le préjudice conséquent à la somme de 15 000 euros. C'est donc une indemnisation de (29 408,19 + 37 684,27 + 15 000) = 82 092,46 euros qui sera alloué à la société. S'agissant d'une créance indemnitaire, elle ne porte intérêts qu'à compter de la condamnation, sans qu'il y ait lieu d'en décider autrement qu'en faisant partir le point de départ du jour du dépôt du rapport. C'est donc à compter du jugement, le 19 février 2014, que les intérêts courront. La capitalisation des intérêts, demandée en justice, sera prononcée.», ALORS QU'en évaluant à la somme de 15 000 euros le préjudice de la Sarl MTO Décoration lié à sa perte de chance de ne pas être en état de cessation des paiements du fait de la défaillance de l'Asei sans fournir aucune explication sur la chance perdue, notamment sur la fraction du passif de la société MTO Décoration correspondant à celle-ci, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.