LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Jean X... a découvert, en 1999, lors d'un bilan digestif, qu'il était atteint du virus de l'hépatite C, qu'un expert, désigné en référé, a conclu qu'il avait été contaminé lors d'une transfusion sanguine effectuée le 27 janvier 1987, que, Jean X... étant décédé en 2006, sa veuve et ses enfants (les consorts X...) ont assigné en indemnisation de leur préjudice l'Etablissement français du sang (EFS) auquel est substitué l'ONIAM, et l'assureur du premier, la société Axa France IARD ;
Sur la recevabilité, contestée en défense, du pourvoi dirigé, en ses premier et troisième moyens, contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 20 mai 2009 :
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles
606 et
612 du code de procédure civile que les jugements en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation pour le tout que dans le délai de droit commun de deux mois à compter de leur signification ; que l'arrêt du 20 mai 2009, qui a tranché une partie du principal en condamnant in solidum l'Etablissement français du sang (EFS) et la société Axa France IARD à indemniser les consorts X..., dit que l'EFS serait garanti par cette société des condamnations prononcées contre lui, et ordonné une expertise afin de déterminer quels débours de la CPAM de Lille Douai étaient en lien avec la contamination, pouvait faire l'objet d'un recours en cassation immédiat ; qu'il résulte des productions des parties que cette décision a été régulièrement signifiée à la société Axa le 11 juillet 2009 ; que le pourvoi formé à son encontre le 3 avril 2012 est donc irrecevable comme fait hors délai ;
Mais
sur le deuxième moyen
, dirigé contre l'arrêt du 9 février 2012, pris en sa deuxième branche :
Dit n'y avoir lieu de mettre l'EFS hors de cause ;
Vu l'article 67, IV, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, dans sa version alors applicable ;
Attendu que, pour condamner la société Axa France IARD à garantir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) des condamnations mises à sa charge au profit de la CPAM de Lille Douai,
la cour d'appel a retenu que le mécanisme de substitution de ce dernier à l'EFS dans les procédures en cours lui donne non seulement les obligations de celui-ci, mais aussi ses droits, et notamment celui d'être garanti par l'assureur de l'EFS ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la substitution à l'EFS, dans les instances en cours à la date du 1er juin 2010, de l'ONIAM, pour lui permettre d'indemniser, au titre de la solidarité nationale, les victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C, n'opère pas transfert à l'ONIAM des créances de l'EFS envers les assureurs de celui-ci ;
PAR CES MOTIFS
:
DECLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 20 mai 2009 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Axa France IARD devait garantir l'ONIAM des condamnations prononcées contre lui à l'encontre de la CPAM Lille Douai, l'arrêt rendu le 9 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne l'ONIAM aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
(dirigé contre l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI du 20 mai 2009)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement du tribunal de grande instance de LILLE du 6 juillet 2007 en ce qu'il avait débouté la CPAM de LILLE DOUAI de sa demande d'expertise, D'AVOIR ordonné une expertise afin notamment de dire quelles étaient les dépenses de santé afférentes à la contamination de Monsieur Jean X... par le virus de l'hépatite C et de chiffrer les débours de la CPAM en liaison avec cette contamination, et D'AVOIR sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... a été contaminé à la suite d'une transfusion sanguine effectuée le 27 janvier 1987 ; que la contamination a été découverte en novembre 1999 ; que le Docteur Y..., médecin expert, a procédé à ses opérations d'expertise en décembre 2001 ; que Monsieur X... est décédé le 12 mai 2006 ; que Monsieur X... a fait l'objet, de janvier 1994 à septembre 1999, d'un suivi biologique qui a confirmé une cytolyse hépatite chronique ; qu'il a également bénéficié de différents traitements qui lui ont été prescrits à la suite de la découverte de sa pathologie hépatite ; qu'il a subi des soins et des examens jusqu'à son décès ; que les différents documents versés aux débats ne permettent pas en l'état d'établir l'imputabilité des différentes dépenses de santé dont le remboursement est sollicité par la CPAM à la contamination de Monsieur X... ; qu'en effet, le nouveau listing de la CPAM, qui ne reprend pas les différentes consultations médicales, les bilans biologiques et les dépenses pharmaceutiques, n'est pas davantage exploitable que celui produit en première instance ; que l'attestation de prise en charge n'est pas davantage probante dans la mesure où elle ne fait que préciser que tous les frais mentionnés sont bien afférents à Monsieur X... sans pour autant justifier que les prestations servies sont en lien avec la contamination de Monsieur X... par le virus de l'hépatite C ; que compte tenu de l'importance des sommes réclamées et de l'impossibilité pour la CPAM de produire des pièces médicales, il y a lieu d'ordonner une expertise aux frais avancés de la CPAM afin de déterminer le montant des débours rattachables à la contamination ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise » ;
ALORS QU'il appartient à chaque partie de rapporter la preuve du bien-fondé de ses demandes ; qu'un complément d'instruction ne saurait être ordonné à la seule fin de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la Cour d'appel que les pièces produites par la CPAM de LILLE DOUAI (relevé de débours, attestation de prise en charge) ne permettaient pas d'établir que les frais dont la CPAM demandait le remboursement étaient bien afférents à la contamination de Monsieur X... par le virus de l'hépatite C ; qu'en retenant néanmoins que « compte-tenu de l'importance des sommes réclamées et de l'impossibilité pour la CPAM de produire des pièces médicales », il y avait lieu d'ordonner une expertise afin de déterminer le montant de la créance de la CPAM, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité dans laquelle se serait trouvé la CPAM de rapporter la preuve du bien-fondé de ses demandes, a privé sa décision de base légale au regard des articles
9 et
146 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
(dirigé contre l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI du 9 février 2012)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société AXA à garantir l'ONIAM des condamnations mises à sa charge au profit de la CPAM de LILLE DOUAI ;
AUX MOTIFS QUE « sur le recours de l'ONIAM à l'encontre de la société AXA, assureur de l'EFS, que comme le fait observer l'ONIAM, le mécanisme de substitution de ce dernier à l'EFS dans les procédures en cours lui donne non seulement les obligations de ce dernier, mais aussi ses droits, et notamment celui d'être garanti par l'assureur de l'EFS, sans que celui-ci puisse lui opposer le nouveau régime qui imposera de démontrer la faute de l'EFS pour exercer un recours subrogatoire puisque l'on se trouve dans une période transitoire dérogatoire du droit commun, dans la mesure où l'action était en cours contre l'assureur au moment de la promulgation de la loi ; que la société AXA n'opposait à son assuré aucune cause de non garantie et en conséquence cette garantie acquise au profit de l'EFS doit bénéficier à l'ONIAM, qui en l'espèce n'intervient que comme aux droits et obligations de l'EFS ; que la société AXA ne peut soutenir qu'en l'absence désormais de dette de responsabilité de son assuré, elle ne peut être tenue de prendre en charge les conséquences de la contamination par le virus, alors qu'il s'agissait d'une responsabilité sans faute et que l'ONIAM est simplement substitué dans les obligations et droits de l'EFS pour la période transitoire précitée, sans davantage de démonstration d'une faute de quiconque que la société AXA doit donc être condamnée à garantir l'ONIAM de la condamnation prononcée contre elle ».
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE la garantie de l'assureur de responsabilité suppose l'existence d'une dette de responsabilité de l'assuré ; qu'il résulte du IV de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 que dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article
L. 1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, l'ONIAM est substitué à l'EFS à l'égard des victimes et des tiers payeurs ; que cette substitution intervenant au titre de la solidarité nationale, et impliquant la mise hors de cause de l'EFS, la garantie d'AXA ne pouvait être mobilisée en l'espèce faute de dette de responsabilité de l'assuré dont AXA aurait eu à répondre, soit du chef de l'ONIAM, soit de l'EFS mis hors de cause par l'arrêt ; qu'en condamnant néanmoins la Compagnie AXA à garantir l'ONIAM des condamnations prononcées à son encontre, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article
L. 124-1 du Code des assurances ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon l'article 67-IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, l'ONIAM se substitue à l'EFS à l'égard des victimes et des tiers payeurs, dans les contentieux tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article
L. 1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que cette « substitution » n'a pas pour effet d'attribuer à l'ONIAM la qualité de partie à un contrat d'assurance qu'elle n'a pas conclu, les articles
L. 1221-14 et
L. 3122-4 du code de la santé publique lui conférant seulement la faculté d'agir en qualité de subrogé dans les droits des victimes ou des tiers payeurs contre le tiers responsable, à la condition d'établir l'existence d'une faute de celui-ci ; qu'en jugeant, pour condamner la société AXA FRANCE IARD à garantir l'ONIAM des condamnations prononcées contre ce dernier au profit de la CPAM de LILLE DOUAI, que « le mécanisme de substitution de ce dernier à l'EFS dans les procédures en cours lui donne non seulement les obligations de ce dernier, mais aussi ses droits, et notamment celui d'être garanti par l'assureur de l'EFS », la Cour d'appel a violé l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, ensemble les articles
1134 et
1165 du code civil, ensemble les textes susvisés ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon le IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, « à compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article
L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ; que le septième alinéa de l'article
L. 1221-14 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article précité, dispose que l'ONIAM peut exercer un recours subrogatoire contre le tiers responsable de la contamination, dans les conditions de l'article
L. 3122-4 du code de la santé publique, lequel subordonne l'exercice de ce recours à l'existence d'une faute du tiers responsable ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le régime du recours subrogatoire de l'ONIAM s'applique aux procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2008, et non seulement aux procédures engagées postérieurement à cette date ; qu'en jugeant que la société AXA FRANCE IARD n'était pas fondée à opposer à l'ONIAM le régime issu de la loi du 17 décembre 2008 subordonnant l'action subrogatoire de l'ONIAM contre le tiers responsable à la preuve d'une faute de ce dernier, au motif que ce régime ne s'appliquerait pas aux procédures en cours au moment de la promulgation de la loi, la Cour d'appel a violé l'article 67-IV de la loi du 17 décembre 2008, ensemble les articles
L. 1221-14 et
L. 3122-4 du code de la santé publique ;
4°) ALORS QUE la preuve de l'imputabilité de la contamination, lors d'une transfusion, établie au moyen du mécanisme probatoire prévu par l'article 102 de la loi du 4 mars 2009 ne permet pas d'établir pour autant une faute de l'EFS, faute qui doit être positivement rapportée suivant les règles du droit commun de l'article
1382 du Code civil, et donc en dehors de toute présomption d'imputabilité ; de sorte que la Cour d'appel qui condamne la compagnie AXA à garantir l'ONIAM des condamnations prononcées à son encontre, sans avoir caractérisé l'existence d'une faute de l'EFS à l'origine de la contamination, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles
L. 1221-14 et
L. 3122-4 du code de la santé publique, ensemble l'article
1382 du code civil ;
5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la présomption simple d'imputabilité édictée par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ne bénéficie qu'aux victimes ; que le recours du tiers payeur ou de la personne subrogée dans ses droits contre un tiers suppose rapportée la preuve d'une faute de ce dernier, conformément au droit commun de la responsabilité civile ; que l'ONIAM, ayant été condamnée à rembourser à la CPAM de LILLE DOUAI les dépenses de santé exposées par cette dernière, s'est trouvée subrogée dans les droits et actions de celle-ci à l'égard de l'EFS ; qu'elle ne pouvait par conséquent obtenir la garantie de la société AXA FRANCE IARD qu'en exerçant un recours subrogatoire contre cet assureur, lequel ne pouvait prospérer qu'à la condition que soit rapportée la preuve d'une faute de l'EFS ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société AXA FRANCE IARD à garantir l'ONIAM des condamnations mises à sa charge, que l'Office, étant intervenu dans une instance en cours à la date de promulgation de la loi du 17 décembre 2008, était fondé à bénéficier de la garantie de la société AXA France IARD, laquelle n'avait opposé à son assuré, l'EFS, aucune cause de non-garantie, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute de l'EFS ouvrant droit à un recours de l'ONIAM à son encontre, a méconnu les articles 102 de la loi du 4 mars 2002, 67 de la loi du 17 décembre
2008 et
1382 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
(dirigé contre l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI du 20 mai 2009)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum l'EFS de LILLE et la compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Madame Michelle Z... veuve X..., Madame Sandra X... et Madame Bérangère X..., en leurs qualité d'héritières de Monsieur Jean X..., la somme de 27.055 ¿, et à payer à Madame Michelle Z... veuve X... la somme de 7.500 ¿ en réparation de son préjudice par ricochet et d'AVOIR dit que l'EFS sera garanti de toutes condamnations par la Compagnie AXA FRANCE IARD ;
ALORS QU'en application de l'article 67-IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, l'ONIAM est substitué à l'EFS dans les contentieux tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article
L. 1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er juin 2010, et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que par voie de conséquence, la condamnation de l'EFS in solidum avec son assureur AXA FRANCE IARD à payer à Madame Michelle Z... veuve X..., Madame Sandra X... et Madame Bérangère X..., en leurs qualité d'héritières de Monsieur Jean X..., la somme de 27.055 ¿, et à payer à Madame Michelle Z... veuve X... la somme de 7.500 ¿, en réparation des préjudices liés à la contamination par Monsieur Jean X... par le virus de l'hépatite C, prononcées par l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI du 20 mai 2009, objet du présent pourvoi en cassation, doivent être annulées en vertu de la disposition précitée.
Le moyen se suffit à lui-même.