Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Caen 04 décembre 2015
Cour de cassation 30 mars 2017

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 30 mars 2017, 16-11.491

Mots clés société · maladie · amiante · employeur · salarié · professionnelles · preuve · produits · sécurité sociale · reconnaissance · attestation · absence · assurance · pourvoi

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 16-11.491
Dispositif : Rejet
Publication : Inédit au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 04 décembre 2015, N° 13/01429
Président : M. PRÉTOT
Rapporteur : Mme Belfort
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:C210224

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Caen 04 décembre 2015
Cour de cassation 30 mars 2017

Texte

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mars 2017

Rejet non spécialement motivé

M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président

Décision n° 10224 F

Pourvoi n° W 16-11.491

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Honeywell matériaux de friction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2015 par la cour d'appel de Caen (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [S], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société Valeo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation ;

La société Valeo a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er mars 2017, où étaient présents : M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Belfort, conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Honeywell matériaux de friction, de Me Blondel, avocat de M. [S], de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Valeo, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados ;

Sur le rapport de Mme Belfort, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation du pourvoi principal ainsi que ceux du pourvoi provoqué annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE

les pourvois principal et provoqué ;

Condamne la société Honeywell matériaux de friction aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Honeywell matériaux de friction et de la société Valeo, condamne la société Valeo à payer à M. [S] la somme de 2 300 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES

à la présente décision

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Honeywell matériaux de friction, demanderesse au pourvoi principal.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [S] est due à la faute inexcusable de la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION, d'avoir rejeté en conséquence sa demande de mise hors de cause, déclaré opposable à la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [S], et d'avoir dit en conséquence qu'il appartiendrait à la CPAM DU CALVADOS d'exercer son recours récursoire à l'encontre de la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION, à hauteur de 16,5 % ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes du traité d'apport du 12 octobre 1990, il apparaît que l'ensemble de l'activité freinage a été transférée à la société HMF, en ce compris celle exercée sur le site de [Localité 1], notamment par M. [S] dont le certificat de travail, les déclarations de ses collègues ci-dessus rappelées et les réponses de l'employeur à l'enquête menée par l'organisme de sécurité sociale, démontrent que même après l'intervention de la société HMF et la reprise par cette dernière de son contrat de travail, il continuait dans le cadre de son emploi de préparateur de produits semi-industriels, à être exposé aux poussières d'amiante, le fait que le site de [Localité 1] ait été un centre de recherche et non de production, n'excluant nullement cette exposition, alors que les attestations démontrent que l'emploi de M. [S] impliquait, même dans le cadre de l'élaboration de produits semi-industriels, qu'il manipulait de l'amiante. Cela établit que les activités de la société HMF n'étaient pas différentes de celles de la société Valeo, l'une et l'autre ayant pour objet la mise au point et la production semi-industrielle de systèmes de freinage pour la fabrication desquels rien ne permet de considérer que l'amiante n'aurait plus été utilisée à compter du mois d'octobre 1990, date du traité d'apport. En outre, les attestations ci-dessus visées et plus amplement détaillées, ainsi que les éléments recueillis lors de l'enquête de l'organisme social démontrent que les conditions de travail du salarié ont toujours été les mêmes jusqu'en 1995, date de son départ sur l'établissement de [Localité 2], et ce, quel que soit l'employeur concerné, l'exposition à l'amiante résultant d'une part, de la manipulation de ce minerai par le salarié lors des pesées et des mélanges, et d'autre part, de l'atmosphère très empoussiérée des lieux de travail dans lesquels n'existait jusqu'en 1995, aucun système d'aspiration adéquate ni moyen de protection efficace. Quant à la conscience du danger, elle résulte aussi de ce que la société HMF ne pouvait ignorer la dangerosité spécifique de l'amiante. En effet, la société HMF ne conteste pas avoir eu connaissance de ce que depuis le 31 août 1950 était créé le tableau 30 des maladies professionnelles mentionnant l'asbestose, les travaux visés par ce tableau visant la manipulation et l'utilisation de l'amiante, et de ce qu'existait une réglementation générale sur les poussières, et donc sur les poussières d'amiante (Loi du 12 juin 1893, décret du 20 novembre 1904, décret du 13 décembre 1948 prescrivant le port de masques et de dispositifs individuels appropriés), alors même que les attestations des collègues de M. [S] démontrent qu'il travaillait, même après 1990, sans aucune protection tout en manipulant l'amiante, au mépris de l'obligation de sécurité née pour l'employeur du contrat de travail. Puisqu'il est admis que dès 1956, étaient connus dans le milieu industriel les travaux de M. [N] et du Docteur [V] soulignant les dangers observés de l'amiante, et que s'est tenu à [Localité 3] un congrès international en mai 1964, dont le thème était l'asbestose et dont le texte est reconnu comme ayant été largement diffusé, il doit être considéré que la société HMF, en tant que repreneur d'une partie de l'activité de Valéo en 1990, ne pouvait ignorer à cette date, les dangers de l'amiante. Quand bien même serait-il démontré que l'Etat ou les organismes publics se seraient abstenus de toute mesure particulière comme le soutient la société HMF, il n'en résulte pas que la cause exclusive de l'inexécution de son obligation de sécurité résiderait dans cette abstention. Enfin, le fait que la société HMF avait avant même l'interdiction définitive d'utilisation de l'amiante du 1er janvier 1997, décidé de cesser tout processus d'élaboration et de fabrication au moyen de ce minerai dès 1996 est inopérant alors qu'il en vient d'être démontré que M. [S] a continué d'être exposé en travaillant pour la société HMF et jusqu'en 1995, sur le site de [Localité 1] ».

ALORS, D'UNE PART, QU' il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable d'établir que l'employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement au regard de la réglementation en vigueur à l'époque de l'exposition au risque, si bien qu'un employeur qui a respecté l'ensemble des règles de sécurité imposées par les pouvoirs publics ne peut en principe avoir conscience du danger auquel il expose son salarié ; qu'au cas présent, la société HONEYWELL faisait valoir que les valeurs d'empoussièrement à l'amiante du site de SAINT-OUEN pendant qu'elle avait employé Monsieur [S] étaient inférieures aux seuils fixés par la réglementation ; qu'en retenant néanmoins que la société HONEYWELL aurait dû avoir conscience du danger, sans relever le moindre dépassement des seuils autorisés par la réglementation en vigueur, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

ALORS, D'AUTRE PART, QU' il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de démontrer que l'employeur qui devait avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'un employeur ne saurait être tenu pour fautif des carences de l'Etat qui n'a pas adopté les mesures de réglementation suffisantes pour préserver les salariés des dangers de l'amiante ; que la faute inexcusable d'un employeur ne peut dès lors être déduite de l'inefficacité des mesures de protection qu'il a mises en place en se conformant à la réglementation en vigueur ; qu'au cas présent en retenant la faute inexcusable de la société HONEYWELL au motif qu'il n'existait jusqu'en 1995 « (…) aucun système d'aspiration adéquate ni moyen de protection efficace » (Arrêt p.7), sans rechercher si la société HONEYWELL avait respecté l'ensemble de la réglementation en vigueur, si bien que l'inefficacité des mesures de protection mises en oeuvre ne pouvait lui être reprochée, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré opposable aux société HMF et Valéo la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [S], d'avoir dit que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [S] est due à la faute inexcusable de la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION, et d'avoir en conséquence dit qu'il appartiendrait à la CPAM DU CALVADOS d'exercer son recours récursoire à l'encontre de la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION, à hauteur de 16,5 % ;

AUX MOTIFS QUE « La société HMF, à laquelle la société Valéo a déclaré se joindre sur ce point, ne méconnaît pas le fait que lorsqu'elle a été avisée le 11 septembre 2008 de la clôture de l'instruction, figurait aux pièces du dossier auquel elle avait accès, l'avis du médecin conseil du 2 septembre 2008, et ce, conformément aux dispositions de l'article R.441-1 du code de la sécurité sociale. Le fait qu'après cette notification, le médecin conseil ait signé un nouveau document, relatif à l'évaluation du taux d'incapacité de M. [S] est inopérant au regard de l'obligation imposée à la caisse de notifier la clôture de l'instruction et de la possibilité pour l'employeur d'avoir accès au dossier tel que déterminé par l'article cité ci-dessus lequel ne vise nullement le rapport d'évaluation médicale de l'incapacité. En outre, dans la mesure où les pièces médicales qui constituent des éléments de diagnostic n'ont pas à figurer dans le dossier dont l'employeur peut demander communication, il ne peut être fait grief à l'organisme social de n'avait versé aucune pièce médicale que celle constituée par l'avis du médecin conseil, la société HMF ne sollicitant pas d'expertise médicale judiciaire dans le cadre de laquelle elle serait amenée à pouvoir discuter les éléments de diagnostic posé sur M. [S]. Enfin, s'agissant de la saisine du comité de reconnaissance régionale des maladies professionnelles, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient la société HMF, il est établi que M. [S] a été exposé à l'amiante pendant une durée totale largement supérieure à deux ans, rien ne permet de considérer que les conditions du tableau 30 A n'étaient pas réunies au moment de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et que le CRRMP aurait dû être saisi. La demande en inopposabilité doit donc être rejetée. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré opposable à la société Valéo la reconnaissance de maladie professionnelle à M. [S], la cour y ajoutant que la demande de la société HMF tendant à ce que ladite décision lui soit déclarée inopposable est rejetée ».

ALORS QU'il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer, en cas de contestation judiciaire, que les conditions du tableau de maladies professionnelles dont elle invoque l'application sont réunies ; que le Tableau de maladies professionnelles n°30 A prévoit que l'existence d'une asbestose doit être confirmée par un examen médical révélant « des signes radiologiques spécifiques » ; qu'il en résulte que le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi, dans les rapports entre l'employeur et la CPAM, lorsque cette dernière ne produit aux débats aucun document établissant l'existence d'examen radiologique confirmant l'existence de signes spécifiques ; qu'au cas présent, la société HONEYWELL exposait dans ses conclusions d'appel qu'il n'était pas produit d'examen radiologique permettant de vérifier la nature de la pathologie dont souffrait M. [S] (conclusions d'appel de l'exposante p. 24 et s.) ; qu'en déboutant la société de sa demande d'inopposabilité fondée sur l'absence de réunion des conditions du Tableau n°30 A des maladies professionnelles, aux motifs que « les pièces médicales qui constituent des éléments du diagnostic n'ont pas à figurer dans le dossier dont l'employeur peut demander communication, il ne peut être fait grief à l'organisme social de n'avoir versé d'autre pièce médicale que celle constituée par l'avis du médecin conseil » (Arrêt p. 9), cependant qu'il appartenait au juge de vérifier si la maladie avait était constatée conformément aux conditions du tableau, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale et le Tableau n°30 A des maladies professionnelles.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION


(Subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Monsieur [S] une somme de 3000 € à titre d'indemnisation du préjudice d'agrément ;

AUX MOTIFS QUE « L'indemnisation de ce dernier vise désormais exclusivement à compenser le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. Les pièces versées aux débats, en particulier l'attestation de M. [Z], permettant d'établir que l'intéressé est privé de son activité de cyclotourisme jusqu'alors pratiquée régulièrement. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à ce titre une somme de 3.000 € ».

ALORS, D'UNE PART, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents produits au litige ; que la société HONEYWELL exposait que Monsieur [S] ne justifiait pas avoir dû cesser la pratique régulière d'une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu'il résultait en effet de l'attestation de Monsieur [Z] produite par le salarié qu'il pouvait continuer à pratiquer le cyclotourisme même s'il était plus essoufflé qu'auparavant : « Pratiquant le cyclotourisme en amateur avec Monsieur [L] [S], j'ai remarqué depuis deux années que sa condition physique s'était dégradée ou amoindrie. Il éprouve plus de difficultés à grimper les bosses de la Suisse romande. Je le trouve plus essoufflé. » ; qu'en affirmant néanmoins que « les pièces versées au débats, en particulier l'attestation de Monsieur [Z], permettent d'établir que l'intéressé est privé de son activité de cyclotourisme jusqu'alors pratiquée régulièrement » (Arrêt p.9), cependant qu'il ne résultait nullement du témoignage de Monsieur [Z] que le salarié se trouvait dans l'impossibilité de pratiquer régulièrement le cyclotourisme, la Cour d'appel a dénaturé l'attestation de Monsieur [Z] en méconnaissance du principe susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision de justice doit être motivée ; que la société HONEYWELL exposait que Monsieur [S] ne justifiait pas avoir dû cesser la pratique régulière d'une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu'il résultait en effet de l'attestation de Monsieur [Z], unique pièce aux débats faisant état des difficultés qu'aurait éprouvées Monsieur [S] à pratiquer le cyclotourisme, qu'il pouvait continuer à pratiquer ce loisir même s'il était plus essoufflé ; que pour faire droit aux prétentions de Monsieur [S], la Cour d'appel a considéré que « les pièces versées au débats, en particulier l'attestation de Monsieur [Z], permettent d'établir que l'intéressé est privé de son activité de cyclotourisme jusqu'alors pratiquée régulièrement » (Arrêt p.9) ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer les éléments de droit et de fait lui ayant permis d'apprécier le bien-fondé de celles-ci, cependant que le témoignage de Monsieur [Z] constituait la seule pièce figurant aux débats qui faisait état des difficultés de Monsieur [S] à pratiquer le cyclotourisme, la Cour d'appel, en se bornant à évoquer « les pièces versées au débats », n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et méconnu les exigences des articles 455 et 458 du Code de procédure civile.Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Valeo, demanderesse au pourvoi provoqué.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [S] a pour cause la faute inexcusable de la société Valéo, déclaré opposables à la société Valéo la prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [S] ainsi que les conséquences financières de la faute inexcusable, dit qu'en conséquence il appartiendrait à la CPAM du Calvados d'exercer son recours récursoire à l'encontre de la société HMF à hauteur de 16,5% et de 83,5% à l'encontre de la société Valéo ;

AUX MOTIFS QUE "des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, il résulte que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production ; que cette obligation de sécurité est reconnue aujourd'hui comme étant de résultat, et y manquer constitue une faute inexcusable au sens de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, le salarié devant, pour que cette faute soit reconnue, apporter la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

QUE s'agissant de la société Valéo, il n'est pas contesté en l'espèce, que l'amiante était l'un des composants utilisé de manière habituelle par la société Valéo dans le cadre de son activité d'élaboration et de production de système de freinage ; qu'il est par ailleurs établi que Monsieur [S] a été salarié de cette entreprise, en qualité de préparateur de prototypes- études formulateur, sur le site de [Localité 1] à compter de 1967 et au delà de 1990, date à laquelle la société Valéo a cédé son activité à la société HMF ; que son exposition au minerai toxique ressort de l'enquête effectuée par l'organisme social, au cours de laquelle l'employeur a fait état d'une exposition habituelle et continue, et des attestations de ses collègues, (Monsieur [Y] : «…les pesées des matières premières qu'il utilisait, amiante, abrasifs, résine…», Monsieur [B] : «…il s'occupait de préparation et réalisation de mélanges à base d'amiante…»), aux termes desquelles, en qualité de salariés affectés au service d'élaboration semi-industrielle, ils étaient exposés ensembles aux poussières d'amiante, notamment lors de la pesée des matériaux ; que dès lors, il doit être considéré que dans le cadre de ses fonctions professionnelles au sein de la société Valéo, Monsieur [S] était au contact de l'amiante, l'exposition au risque professionnel étant donc établie ;

QUE s'agissant de l'absence des moyens de protection, les attestations précitées confirment qu'aucun moyen de protection individuelle n'était mis à la disposition des salariés de la société Valéo, en particulier de Monsieur [S], Monsieur [Y], collègue du salarié depuis 1967 sur le site de [Localité 1], précisant que "les pesées de matières premières se faisaient à l'air libre sans aucune aspiration et à l'aide de pelles plus ou moins grandes…" et Monsieur [L] salarié de la société à [Localité 1] à compter de 1992, soulignant que n'existait «…aucune protection gants/masques et autres (...) » ; que les termes de ces attestations démontrent que n'avaient pas été prises les mesures adéquates de nature à préserver le salarié des dangers auxquels il était ainsi exposé ;

QUE la société Valéo, grande utilisatrice de ce matériau ne pouvait ignorer, même si elle n'en n'était ni productrice ni transformatrice, la dangerosité spécifique de l'amiante, et ce, même avant le 17 août 1977, date à laquelle a été fixé par décret le seuil de concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'air inhalé par le salarié pendant sa journée de travail ; qu'en effet, en sa qualité d'employeur, elle avait nécessairement connaissance de la création, le 3 août 1945 du tableau 30 des maladies professionnelles mentionnant l'asbestose, les travaux visés par ce tableau visant la manipulation et l'utilisation de l'amiante et du décret du 5 janvier 1976 aux termes duquel était inscrit parmi les maladies engendrées par les poussières de l'amiante, le mésothéliome primitif avec, au titre des travaux susceptibles de provoquer ces maladies, "l'application, la destruction et l'élimination des produits d'amiante ou à base d'amiante" ;

QUE par ailleurs il apparaît que dès 1956, étaient connus dans le milieu industriel les travaux de Monsieur [N] et du Docteur [V] soulignant les dangers observés de l'amiante, les syndicats ayant à plusieurs reprises alerté les employeurs sur les dangers de l'amiante et ayant sollicité en vain des moyens de protection ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que s'est tenu à [Localité 3] un congrès international en mai 1964, dont le thème était l'asbestose et dont le texte est reconnu comme ayant été largement diffusé ; que si l'utilisation de l'amiante n'a pas été interdite avant le 1er janvier 1997, elle n'était possible que pour autant que l'employeur ait pu garantir à ses salariés une utilisation sans risque pour leur santé, et malgré l'absence avant 1977 de réglementation spécifique aux poussières d'amiante, il existait néanmoins une réglementation générale sur les poussières dont rien ne peut dire qu'elle ne s'appliquait pas à l'empoussièrement dû aux fibres d'amiante, (Loi du 12 juin 1893, décret du 20 novembre 1904, décret du 13 décembre 1948 prescrivant le port de masques et de dispositifs individuels appropriés) ;

QU'en conclusion, à l'époque où Monsieur [S] a travaillé pour la société Valéo, il était établi de façon indiscutable que l'inhalation des poussières d'amiante exposait les travailleurs à des dangers graves de sorte qu'il est exclu que cet employeur, utilisateur habituel de ce matériau, n'ait pas eu conscience du danger auquel il exposait son salarié ;

QUE rien ne fait apparaître que l'affection dont souffre Monsieur [S], serait exclusivement née d'une cause étrangère aux conditions dans lesquelles il a été exposé au risque considéré au sein de la société Valéo y compris qu'elle résulterait exclusivement des conditions d'emploi chez un précédent employeur ou d'un cas de force majeure ;

QU'enfin, il importe peu de se prononcer sur le point de savoir si, en tardant à élaborer une réglementation de protection spécifique des travailleurs de l'amiante, l'Etat ou encore toute autorité de veille sanitaire, a ou non, commis une faute puisqu'en toute hypothèse, la société Valéo ne démontre pas qu'une telle faute serait la cause exclusive de l'inexécution par elle de l'obligation de résultat qui lui incombait en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la protection contre les maladies professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'en l'absence de cette démonstration il doit être retenu que la société Valéo a commis une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, en relation avec la maladie professionnelle dont Monsieur [S] est victime ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de la société Valéo" ;

1°) ALORS QUE la charge de la preuve de la faute inexcusable de l'employeur pèse sur le salarié ; que cette preuve suppose la démonstration, d'une part, de l'imputabilité de la maladie soufferte à l'activité du salarié au sein de l'entreprise, d'autre part, de la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur exposait ses salariés, ne l'ayant pas malgré cela conduit à prendre les mesures de préservation utiles ; que cette preuve ne saurait se déduire, ni de la "conscience du danger de l'amiante", ni de la seule inefficacité des mesures de protection prises, dès lors qu'elles étaient conformes à la réglementation applicable pendant la période d'exposition, mais de la conscience de l'inefficacité des mesures de protection prises ; qu'en l'espèce, la Société Valéo faisait valoir et démontrait dans ses conclusions d'appel qu'elle avait toujours respecté la réglementation applicable ; que s'agissant de la période antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 17 août 1977, elle avait fait valoir et démontré que "dès 1930, les machines utilisées étaient équipées de systèmes d'aspiration et de dépoussiérage, tel qu'il apparaît sur la pièce n° 2, [que] dès l'origine, l'atelier ESI était en outre équipé de trois cheminées d'extraction de ventilation (pièce n°3), [que] dans les années cinquante, des centrales d'aspiration ont été installées pour relier toutes les machines par des hottes aspirantes (pièce n° 4), qu'enfin en 1978, les installations d'aspiration et de dépoussiérage de l'atelier ESI ont été intégralement refaites (pièce n° 5…), que les résultats des relevés d'empoussièrement sur le site de [Localité 1] rendent compte de l'efficacité des systèmes d'aspiration (…), [que] les relevés diligentés sur le site démontrent que l'entreprise Valéo a toujours été très en-deçà des limites prévues par la réglementation dans l'établissement de [Localité 1]" ; qu'en relevant néanmoins que la Société Valéo aurait dû avoir conscience du danger sans examiner ces conclusions et les éléments de preuve produits pour les appuyer, dont résultait que toutes les mesures prescrites par la réglementation pour protéger la sécurité de ses salariés avaient été prises, la Cour d'appel a privé a décision de base légale au regard des articles L.452-1 et L.461-1 du Code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE la charge de la preuve de la faute inexcusable de l'employeur pèse sur le salarié ; que cette preuve suppose la démonstration, d'une part, de l'imputabilité de la maladie soufferte à l'activité du salarié au sein de l'entreprise, d'autre part, de la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur exposait ses salariés, ne l'ayant pas malgré cela conduit à prendre les mesures de préservation utiles ; qu'un employeur ne saurait être tenu pour responsable des carences de l'Etat qui n'a pas adopté les mesures de réglementation suffisantes pour préserver ses salariés des dangers de l'amiante ; que sa faute inexcusable ne peut dès lors être déduite de l'inefficacité des mesures de protection qu'il a mises en place en se conformant à la réglementation en vigueur ; qu'en retenant cependant la faute inexcusable de la Société Valéo au motif inopérant pris de l'absence d'utilisation, par les salariés, d'équipements individuels de protection sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Société Valéo n'avait pas respecté l'ensemble de la réglementation en vigueur, laquelle ne prescrivait le port d'équipements individuels de protection qu'en cas d'impossibilité de mise en place des mesures de protection collective prescrites, de telle sorte que l'inefficacité des mesures de protection mises en oeuvre ne pouvait lui être imputée, la Cour d'appel a privé derechef sa décision de base légale au regard des articles L.452-1 et L.461-1 du Code de la sécurité sociale.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [S] a pour cause la faute inexcusable de la société Valéo, déclaré opposables aux sociétés HMF et Valéo la prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [S] ainsi que les conséquences financières de la faute inexcusable, dit qu'en conséquence il appartiendrait à la CPAM du Calvados d'exercer son recours récursoire à l'encontre de la société HMF à hauteur de 16,5% et de 83,5% à l'encontre de la société Valéo ;

AUX MOTIFS QUE " La société HMF, à laquelle la société Valéo a déclaré se joindre sur ce point, ne méconnaît pas le fait que lorsqu'elle a été avisée le 11 septembre 2008 de la clôture de l'instruction, figurait aux pièces du dossier auquel elle avait accès, l'avis du médecin conseil du 2 septembre 2008, et ce, conformément aux dispositions de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale ;

QUE le fait qu'après cette notification, le médecin conseil ait signé un nouveau document, relatif à l'évaluation du taux d'incapacité de Monsieur [S] est inopérant au regard de l'obligation imposée à la caisse de notifier la clôture de l'instruction et de la possibilité pour l'employeur d'avoir accès au dossier tel que déterminé par l'article cité ci-dessus lequel ne vise nullement le rapport d'évaluation médicale de l'incapacité ; qu'en outre, dans la mesure où les pièces médicales qui constituent des éléments du diagnostic n'ont pas à figurer dans le dossier dont l'employeur peut demander communication, il ne peut être fait grief à l'organisme social de n'avoir versé d'autre pièce médicale que celle constituée par l'avis du médecin conseil, la société HMF ne sollicitant pas d'expertise médicale judiciaire dans le cadre de laquelle elle serait amenée à pouvoir discuter les éléments de diagnostic posé sur Monsieur [S] ;

QU'enfin, s'agissant de la saisine du comité de reconnaissance régionale des maladies professionnelles, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient la société HMF, il est établi que Monsieur [S] a été exposé à l'amiante pendant une durée totale largement supérieure à deux ans, rien ne permet de considérer que les conditions du tableau 30 A n'étaient pas réunies au moment de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et que le CRRMP aurait dû être saisi ; que la demande en inopposabilité doit donc être rejetée" ;

ALORS QU'il appartient à la Caisse primaire d'assurance maladie, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer, en cas de contestation judiciaire, la réunion des conditions du tableau de maladies professionnelles dont elle invoque l'application ; que le tableau n° 30 A prévoit que l'existence d'une asbestose doit être confirmée par un examen médical révélant "des signes radiologiques spécifiques" ; que le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi, dans les rapports de l'employeur et la caisse, lorsque cette dernière ne produit aux débats aucun élément démontrant l'existence de l'examen radiologique confirmant "les signes radiologiques spécifiques" exigés par le tableau ; que, dans ses conclusions auxquelles la Société Valéo s'était jointe, la Société HMF avait opposé que l'absence de production de cet examen par la Caisse primaire d'assurance maladie du Calvados interdisait de vérifier la nature de sa pathologie et la réunion des conditions médicales de prise en charge ; qu'en déboutant cependant les sociétés employeurs de leur demande d'inopposabilité de cette prise en charge, motif pris que "…dans la mesure où les pièces médicales qui constituent des éléments du diagnostic n'ont pas à figurer dans le dossier dont l'employeur peut demander communication, il ne peut être fait grief à l'organisme social de n'avoir versé d'autre pièce médicale que celle constituée par l'avis du médecin conseil" cependant qu'il lui appartenait de vérifier si la maladie du salarié avait été constatée conformément aux conditions du tableau n° 30 A, la Cour d'appel a violé les articles L.461-1 du Code de la sécurité sociale et le tableau n° 30 A des maladies professionnelles.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR alloué à Monsieur [S] une somme de 3 000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice d'agrément ;

AUX MOTIFS QUE "L'indemnisation de ce dernier vise désormais exclusivement à compenser le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que les pièces versées aux débats, en particulier l'attestation de Monsieur [Z], permettent d'établir que l'intéressé est privé de son activité de cyclotourisme jusqu'alors pratiquée régulièrement ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à ce titre la somme de 3 000 euros" ;.

1°) ALORS QUE l'attestation de Monsieur [Z] énonçait : "Pratiquant le cyclotourisme en amateur avec Monsieur [L] [S], j'ai remarqué depuis deux années que sa condition physique était dégradée ou amoindrie. Il éprouve plus de difficultés à grimper les bosses de la Suisse romande. Je le trouve plus essoufflé" ; qu'en retenant à l'appui de l'indemnisation octroyée que "… les pièces versées aux débats, en particulier l'attestation de Monsieur [Z], permettent d'établir que l'intéressé est privé de son activité de cyclotourisme jusqu'alors pratiquée régulièrement" quand, ainsi que l'avait fait valoir l'exposante (ses conclusions p.20, p.21 alinéa 2), il n'en résultait pas l'impossibilité de pratiquer cette activité sportive, la Cour d'appel a dénaturé cette attestation, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

2°) ET ALORS QUE toute décision de justice doit être motivée ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir que "le demandeur ne rapporte pas la preuve d'une impossibilité de continuer à pratiquer des activités, dès lors que l'ensemble des documents produits atteste d'une simple réduction des activités personnelles" ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "… les pièces versées aux débats, en particulier l'attestation de Monsieur [Z], permettent d'établir que l'intéressé est privé de son activité de cyclotourisme jusqu'alors pratiquée régulièrement" sans indiquer ni analyser, hors l'attestation de Monsieur [Z], les "pièces" ainsi visées, la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.