AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Héraudet que sur le pourvoi incident relevé par M. X..., liquidateur judiciaire de la société Financière de la Ruelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Orléans, 9 juin 2005), que, le 11 juin 1999, la société Les Chantiers de l'Atlantique (les Chantiers de l'Atlantique) a commandé à la société Bel-Espaciel, devenue la société Financière de la Ruelle puis mise en liquidation judiciaire, l'exécution d'agencements à bord de plusieurs paquebots en construction aux chantiers de Saint-Nazaire ; que cette dernière société a sous-traité, le 25 octobre 2000, certains travaux à la société Héraudet qui a été agréée ;
qu'une délégation de paiement est en outre intervenue le 11 décembre 2000, les Chantiers de l'Atlantique s'engageant à régler le sous-traitant notamment dans la mesure "de ce qu'elle devra encore à la société Bel-Espaciel à la date de la réception des factures émises par la société Héraudet" ; que les Chantiers de l'Atlantique n'ayant réglé que partiellement la facture présentée par la société Héraudet, cette dernière les a assignés ainsi que la société Bel-Espaciel en paiement ;
Sur le moyen
unique du pourvoi incident :
Attendu que M. X..., agissant ès qualités, fait grief à
l'arrêt d'avoir rejeté les demandes en paiement formées par la société Héraudet à l'encontre des Chantiers de l'Atlantique, alors, selon le moyen, que la délégation du maître de l'ouvrage au sous-traitant, en remplacement du cautionnement solidaire de l'entrepreneur principal, est conclue à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant, toute clause contraire étant nulle ; que la délégation de paiement litigieuse stipulait que "les obligations de Chantiers de l'Atlantique seront en tout état de cause limitées à ce qu'elle devra encore à la société Bel-Espaciel à la date de réception des factures émises par la société Héraudet" ; que cette clause, à supposer même qu'elle eût signifié que l'engagement de payer souscrit par la société Les Chantiers de l'Atlantique était cantonné aux sommes qui n'auraient pas déjà été versées aux autres sous-traitants de la société Bel-Espaciel à la date de réception des factures de la société Héraudet, était nulle en ce qu'elle limitait le droit à paiement du sous-traitant délégataire à des sommes inférieures au montant des travaux qu'il a exécutés ; qu'en se fondant sur ladite clause pour statuer ainsi qu'elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 14 et 15 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et
1275 du code civil ;
Mais attendu
que, si une délégation assortie d'une condition ne satisfait pas à l'exigence légale, elle engage le maître de l'ouvrage dans les termes et conditions de l'engagement souscrit conformément à la volonté des parties ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen
du pourvoi principal :
Attendu que la société Héraudet fait le même grief à
l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la créance du sous-traitant au titre d'une délégation de paiement du maître de l'ouvrage par l'entrepreneur principal, même conditionnée par l'existence de sommes restant dues à l'entrepreneur principal au jour de la réception des factures, ne peut être limitée en raison d'un concours de ce sous-traitant avec d'autres sous-traitants également impayés ; qu'ainsi l'arrêt a violé les articles
1275,
1134 du code civil et 14 de la loi du 31 décembre 1975 ;
2 / qu'en statuant comme elle a fait sur le fondement d'un concours entre sous-traitants impayés, sans rechercher si, à la date de la réception de la facture de la société Héraudet, la société Chantiers de l'Atlantique ne restait pas devoir des sommes à la société Bel-Espaciel au titre des travaux qui lui avaient été confiés et dont l'exécution n'était pas contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et
1275 du code civil ;
Mais attendu
qu'après avoir constaté que les Chantiers de l'Atlantique s'étaient engagés sous la condition de ne payer que dans les limites de ce qu'ils pouvaient encore devoir au délégant, la cour d'appel a relevé qu'ils avaient reçu des réclamations dans le même temps d'autres sous-traitants de la société Bel-Espaciel eux-mêmes titulaires de délégations ; que par ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen
du même pourvoi :
Attendu que la société Héraudet fait toujours le même grief à
l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que les travaux de construction d'un navire constituent des travaux de bâtiment au sens de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
qu'en décidant
le contraire l'arrêt attaqué a violé cette disposition ;
2 / qu' en l'absence de délégation de paiement conforme aux dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et permettant effectivement le paiement intégral de la créance du sous-traitant, le maître de l'ouvrage est tenu d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution ; qu'en l'espèce la société Les Chantiers de l'Atlantique, qui n'a consenti qu'à une délégation de paiement non conforme aux exigences de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, a dès lors en tout état de cause engagé sa responsabilité en n'exigeant pas la fourniture de cette caution ; qu'ainsi l'arrêt a violé les articles 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et
1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ne s'appliquaient à l'époque des faits qu'aux contrats de bâtiment et de travaux publics, la cour d'appel en a exactement déduit que la construction navale n'entrait pas dans leur domaine d'application et que les Chantiers de l'Atlantique n'avaient aucune obligation de mettre en demeure l'entrepreneur principal de fournir un cautionnement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Fait masse des dépens et les met par moitié, d'une part, à la charge de la société Héraudet et, d'autre part, à la charge de M. X..., ès qualités ;
Vu l'article
700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille sept.