Vu la procédure suivante
:
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 janvier, 3 octobre et 19 décembre 2022, M. A C, représenté par Me Wormstall, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le maire de Castres lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de trois jours, ensemble la décision implicite de rejet de sa demande préalable ;
2°) d'enjoindre à la commune de Castres de reconstituer sa carrière ;
3°) de condamner la commune de Castres à réparer son préjudice à hauteur de 10 000 euros, somme majorée des intérêts au taux légal ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Castres la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas été informé de ses droits préalablement à l'entretien du 8 juillet 2021 ; lors de cet entretien, l'autorité territoriale a fait référence à une image de vidéosurveillance qui n'était pas jointe à son dossier disciplinaire ;
- la sanction n'est pas suffisamment motivée ;
- la qualification des faits pour lesquels il a été poursuivi a été modifiée en cours de procédure disciplinaire ;
- la sanction a été prononcée par un courrier du 7 septembre 2021, l'arrêté pris le lendemain a ainsi un caractère rétroactif ;
- il n'a commis aucune faute, les pavés autobloquants étaient sur la voie publique et destinés à être jetés de sorte qu'il n'a pas bénéficié d'un cadeau, mais a seulement récupéré des res derelictae ;
- la sanction est disproportionnée ;
- cette sanction illégale lui a causé un préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 10 novembre 2022, la commune de Castres, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire de la commune de Castres a été enregistré le 23 janvier 2023 et n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 modifié relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
En application de l'article
R. 222-13 du code de justice administrative, la présidente du tribunal a désigné M. Leymarie, conseiller, pour statuer sur les litiges visés audit article.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Leymarie,
- les conclusions de Mme Matteaccioli, rapporteure publique,
- les observations de Me Köth, représentant la commune de Castres.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C, technicien territorial au service études, architecture et aménagement de la commune de Castres, en charge d'opération de construction et de rénovation, s'est vu infliger une sanction disciplinaire portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours par un arrêté du maire de Castres du 8 septembre 2021. Par la présente requête, l'intéressé demande l'annulation de cette décision, ensemble la décision portant rejet de sa demande préalable, et sollicite l'indemnisation des préjudices résultant de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise l'ensemble des textes applicables et relève que M. C a manqué à son obligation de probité car, alors qu'il était chargé du contrôle et de la surveillance de la bonne exécution de travaux, il a accepté, de la part d'une entreprise chargée de travaux, un cadeau constitué de 990 pavés autobloquants. Ainsi, la décision est suffisamment motivée, M. C pouvant, à sa seule lecture, prendre connaissance des griefs retenus à son encontre. Par suite, le moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, alors en vigueur : " () Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'engagement de la procédure disciplinaire, qui résulte uniquement du courrier daté du 20 juillet 2021, remis en main propre le 23 juillet suivant, M. C a fait l'objet d'auditions, les 6 et 8 juillet 2021, sans l'assistance d'un défenseur et sans avoir été mis à même de consulter préalablement son dossier. Toutefois, d'une part, ces auditions se sont déroulées, ainsi qu'il a été dit, avant l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre. D'autre part, l'intéressé a été mis à même de consulter son dossier, ce qu'il a fait le 29 juillet 2021, et a présenté des observations par l'intermédiaire de son conseil le 5 août 2021. Par ailleurs, la circonstance qu'à l'occasion de l'un des entretiens antérieurs à l'engagement de la procédure disciplinaire ses supérieurs hiérarchiques auraient fait référence à une image de vidéosurveillance qui n'existait pas, à la supposer même établie, est sans influence sur le déroulé de la procédure disciplinaire, alors que le maire de Castres n'a pas fondé sa décision sur une telle pièce. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, si le requérant soutient que la qualification des faits qui lui étaient reprochés a évolué en cours de procédure disciplinaire, une telle circonstance ne ressort d'aucune pièce du dossier, le courrier du 20 juillet 2021 engageant la procédure disciplinaire faisant référence notamment à un manquement à son obligation de probité " par le fait d'appropriation de matériel communal ", faits pour lesquels il a été sanctionné. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En quatrième lieu, il ressort de l'arrêté litigieux que celui-ci emporte exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours pour la période du 28 septembre au 30 septembre 2021. Dès lors qu'il ressort des propres écritures du requérant que cette décision lui a été notifiée le 13 septembre 2021, soit antérieurement la période d'exécution de sa sanction, le moyen tiré de ce que l'arrêté emporterait des effets rétroactifs ne peut qu'être écarté, nonobstant l'erreur matérielle dans les visas de l'arrêté faisant référence à un courrier inexistant du 7 septembre 2021.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, alors en vigueur : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. () ".
8. La société Sport Flooring était titulaire d'un marché public de travaux avec la commune de Castres. A cette fin, elle est intervenue afin d'effectuer des travaux de pose du sol sportif au gymnase René Ferran. Il ressort du rapport daté du 5 juillet 2021 de Mme D, supérieure hiérarchique du requérant, ainsi que du rapport disciplinaire, que M. C était chargé de veiller à la bonne réalisation des travaux susmentionnés et qu'à cette fin il était présent sur site, le 1er juillet 2021, pour la réunion de fin des travaux de pose du sol sportif. A cette occasion, l'entreprise Sport Flooring a indiqué ne pas souhaiter reprendre les pavés autobloquants surnuméraires et qu'elle laissait ce matériel à disposition. Il est constant que M. C a, durant l'après-midi du 1er juillet 2021, pris possession de ces pavés autobloquants et qu'il les a portés à son domicile avec, notamment, l'aide d'un tiers. Le requérant a soutenu, notamment dans ses observations écrites du 5 août 2021, que l'entreprise lui avait fait don de ces pavés autobloquants en son nom personnel. Dans le cadre de la présente instance, le requérant soutient que les pavés autobloquants étaient des res dereclitae, présents à l'extérieur du gymnase et qui étaient destinés à être jeté. Ainsi, d'une part, M. C ne peut sérieusement soutenir qu'il se serait borné à s'approprier des res dereclitae, alors qu'il ressort de ses propres observations écrites du 5 août 2021 qu'il a " accepté " de récupérer ces pavés autobloquants à la suite d'une proposition de l'entreprise Sport Flooring en ce sens. D'autre part, ces biens relevaient du matériel fourni par une entreprise dans le cadre d'un marché public de travaux conclu par la commune de Castres. La circonstance que l'entrepreneur a souhaité faire don du surnuméraire ne saurait révéler une donation en faveur du requérant dans son intérêt personnel, alors qu'il lui a été fait part de la volonté de procéder à cette donation car il était présent sur site, pendant son temps de travail, afin d'assurer la surveillance et la bonne exécution des travaux. Ainsi, cette donation n'ayant été évoquée par l'entrepreneur qu'alors que M. C était dans l'exercice de ses fonctions d'agent public, celui-ci ne pouvait, alors qu'aucune pièce au dossier au demeurant ne fait précisément état de cette circonstance, se considérer comme bénéficiaire de cette donation. Dans ces conditions, le maire de Castres a exactement qualifié les faits reprochés à M. C en relevant que celui-ci avait manqué à son devoir de probité.
9. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (). / Parmi les sanctions du premier groupe, seuls le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. ".
10. Les faits reprochés, décrits au point 8 du présent jugement, caractérisent un manquement de M. C à son obligation de probité. Au regard de la nature de ces faits, le maire de Castres n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui infligeant à titre de sanction disciplinaire une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois jours, sanction du premier groupe.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C à fin d'annulation des décisions attaquées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions indemnitaires tenant à l'illégalité fautive de l'arrêté du 8 septembre 2021 doivent être rejetées.
Sur les conclusions au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Castres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme demandée par la commune de Castres au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et à la commune de Castres.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.
Le magistrat désigné,
A. LEYMARIE
La greffière,
M. B
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme :
La greffière en chef,