Il résulte de l'article
78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale, aux termes duquel, dans les zones accessibles au public des ports désignés par arrêté, l'identité de toute personne peut être contrôlée en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi, que le contrôle d'identité et les contrôles de titre peuvent être effectués sur la totalité de l'emprise portuaire définie par l'autorité administrative compétente. Justifie, dès lors, légalement sa décision de rejeter l'exception de nullité de la procédure, le premier président d'une cour d'appel qui constate que le contrôle d'identité d'un étranger se trouvant à proximité du lieu de débarquement situé dans la zone de trafic des passagers, a été opéré dans le secteur d'un quai de port mentionné à l'article 1er de l'arrêté du 23 avril 2003.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance confirmative attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. X..., ressortissant algérien en situation irrégulière sur le territoire français, a été interpellé le 31 décembre 2003, à 9 heures 50, par des policiers en patrouille sur un quai du port de Saint-Malo, à la suite d'un contrôle d'identité opéré sur le fondement de l'article
78-2, alinéa 8, du Code de procédure pénale, puis présenté à 10 heures 45 à un officier de police judiciaire du service de la Police aux frontières qui l'a placé en garde à vue et lui a notifié ses droits, dans un premier temps au moyen d'un formulaire en langue arabe, puis à 12 heures 55 par le truchement d'un interprète ; que M. X... a été l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'une décision de maintien en rétention pris le même jour par le préfet d'Ile-et-Vilaine ; qu'après avoir rejeté les exceptions de nullité de la procédure invoquées par l'intéressé, un juge a ordonné la prolongation de son maintien en rétention pour une durée de 15 jours ;
Sur le deuxième moyen
, dont l'examen est préalable :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté l'exception de nullité fondée sur l'irrégularité du contrôle d'identité, alors, selon le moyen, que l'article
78-2 du Code de procédure pénale permet le contrôle d'identité de toute personne dans les zones accessibles au public des ports aux fins de vérifier la détention d'un titre de transport ; qu'en relevant que la seule mention portée sur le procès-verbal d'interpellation selon laquelle l'intéressé était "dans le secteur du quartier de Terre-Neuve" suffisait à justifier l'applicabilité de ce texte, sans jamais préciser si l'interpellation était intervenue dans l'enceinte portuaire ni si celle-ci avait eu lieu dans une zone accessible au public, le représentant du premier président a manifestement privé sa décision de base légale au regard de ces dispositions ;
Mais attendu que l'ordonnance retient qu'il est constant que Saint-Malo est un port et que le secteur du quai de Terre-Neuve où M. X... a été contrôlé se trouve à proximité du lieu de débarquement situé dans la zone de trafic des passagers ;
Que, par ces constatations et énonciations, et alors, d'une part, qu'il résulte de l'article
78-2, alinéa 8, du Code de procédure pénale, visé au procès-verbal d'interpellation, aux termes duquel, dans les zones accessibles au public des ports désignés par arrêté, l'identité de toute personne peut être contrôlée en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi, que le contrôle d'identité et les contrôles de titre peuvent être effectués sur la totalité de l'emprise portuaire définie par l'autorité administrative compétente, et, d'autre part, que l'article 1er de l'arrêté du 23 avril 2003 mentionne que les services de police peuvent effectuer des contrôles, en application de l'article
78-2 du Code précité, dans les zones accessibles au public du port de Saint-Malo, le premier président a légalement justifié sa décision ;
Mais
sur le premier moyen
, pris en sa première branche :
Vu l'article 63, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002, ensemble les articles 41, alinéa 3, du même Code et 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu les articles 551-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'officier de police judiciaire qui, pour les nécessités de l'enquête, place en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, doit en informer le procureur de la République dès le début de la garde à vue ; que tout retard dans la mise en uvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ;
Attendu que pour rejeter l'exception de nullité prise de la tardiveté de l'information du procureur de la République quant à la mesure de garde à vue, l'ordonnance retient, par motifs propres, que M. X... ayant argué d'une fausse identité, les services de la Police aux frontières ont eu à effectuer des recherches sur leurs différents fichiers, qui se sont révélées vaines, jusqu'à ce que l'intéressé décline sa véritable identité au moment de son audition à 13 heures et qu'il apparaît ainsi que l'avis fait simultanément au parquet à 12 heures 55 ne revêt aucun caractère tardif dès lors que M. X..., à l'origine du retard résultant du temps passé en vue de l'identifier, n'avait encore pas été entendu et, par motifs adoptés, que l'avis à parquet effectué à 12 heures 55, alors que les officiers de police judiciaire de la Police aux frontières avaient eu à "gérer la remise" de M. X... à partir de 10 heures 45, puis la recherche d'un interprète, et que l'avis à parquet avait, dans ces conditions, été effectué dans la suite immédiate de la notification des droits par écrit en présence d'un interprète à 12 heures 55, ne peut être considérée comme anormalement tardive ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que des circonstances insurmontables aient empêché l'information du procureur de la République dès le début de la garde à vue, le premier président a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe sus-énoncé ;
Et vu l'article
627 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les délais légaux de maintien en rétention étant expirés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 janvier 2004, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.