REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
(n° /2022, 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13352
N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHYW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX RG n° 18/04412
APPELANTE
SA AXA FRANCE IARD
ès qualité d'assureur dommage ouvrage et CNR de la société MAISONS PIERRE
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, substituée par Me Hortense MARION, avocate au barreau de Paris, toque : G0207
INTIMES
Monsieur [H] [F]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représenté par Me Stanislas DE JORNA de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MEAUX
Madame [X] [C]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Stanislas DE JORNA de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MEAUX
Société SMA, en sa qualité d'assureur de FIMUREX VALOISES
[Adresse 5]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de Me Marie-Laure CARRIERE, avocate au barreau de Paris, toque : C1228
SASU FIMUREX VALOISES
[Adresse 11]
[Localité 2]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de Me Marie-Laure CARRIERE, avocate au barreau de Paris, toque : C1228
SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION UREAU VERITAS
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de Me BOURDEAUX Gabriel, avocat au barreau de Paris, toque : P0275
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [X] [I] dans les conditions prévues par l'article
804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE
Monsieur [G] [B] et Madame [Z] [K] ont courant 2007 entrepris la construction d'une maison individuelle sur un terrain leur appartenant à [Adresse 9].
Sont notamment intervenues à l'opération de construction :
- la SAS FIMUREX VALOISES, chargée d'une étude géotechnique, assurée auprès de la SA SMA,
- la SA BUREAU VERITAS, aux droits de laquelle vient désormais la SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION,
- la SA MAISONS PIERRE, constructeur, assurée auprès de la SA UAP ASSURANCES, aux droits de laquelle vient désormais la SA AXA FRANCE IARD.
Pour les besoins de l'opération, les maîtres d'ouvrage ont souscrit auprès de la SA AXA FRANCE IARD une assurance dommages-ouvrage (DO).
Le chantier a été déclaré ouvert le 8 décembre 2006 (DROC) et les travaux ont été déclarés achevés le 16 mai 2008. Ils ont été réceptionnés le même jour, sans réserve.
Monsieur [H] [F] et Madame [X] [C] ont par acte du 15 octobre 2010 acquis la maison pour une somme de 270.000 euros.
Les consorts [F]/[C] ont le 4 juillet 2011 signalé à la compagnie AXA FRANCE l'apparition de fissures en façade avant de la maison, autour de la porte d'entrée, des encadrements de fenêtres, des portes-fenêtres et de la porte du garage. La compagnie AXA FRANCE a mandaté sur place son expert et au vu de son rapport a par courrier du 30 août 2011 notifié une position de non-garantie, estimant que les désordres n'étaient pas de nature décennale.
La société MAISONS PIERRE a le 28 septembre 2012 été dissoute et son patrimoine universellement transmis à son associée unique, la SAS GESPIERRE, puis radiée du registre du commerce et des sociétés le 6 décembre 2012.
Les consorts [F]/[C] ont le 26 décembre 2013 signalé une aggravation des fissures à la compagnie AXA FRANCE, qui a à nouveau missionné un expert. Au vu du rapport de celui-ci, l'assureur a par courrier du 28 février 2014 encore refusé sa garantie.
Les consorts [F]/[C] ont alors par acte du 6 juin 2016 assigné la compagnie AXA FRANCE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'expertise. Monsieur [O] [D] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 1er juillet 2016. Les opérations d'expertises ont été rendues communes aux sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS par ordonnance du 7 juin 2017, puis aux compagnies SMA et SMABTP selon ordonnance du 27 septembre 2017.
L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 21 mars 2018.
Au vu de ce rapport et faute de solution amiable, les consorts [F]/[C], autorisés à ce faire par ordonnance du 13 décembre 2018, ont par actes des 12 et 13 décembre 2018 assigné la compagnie AXA FRANCE, le BUREAU VERITAS et la société FIMUREX VALOISES et la SMA en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Meaux, pour l'audience du 31 janvier 2019.
*
Le tribunal de grande instance de Meaux, par jugement du 9 mai 2019, a :
- rejeté la demande de mise hors de cause du BUREAU VERITAS,
- rejeté la demande du BUREAU VERITAS tendant à juger irrégulière la procédure diligentée par les consorts [F]/[C],
- rejeté les demandes de "constater" et de "considérer" du BUREAU VERITAS,
- condamné in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE, la société FIMUREX VALOISES et son assureur la SMA, et le BUREAU VERITAS CONSTRUCTION venant aux droits du BUREAU VERITAS, à payer aux consorts [F]/[C] les sommes de :
. 166.677 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise avec indexation sur l'indice BT01 en vigueur au jour du présent jugement,
. 11.317,80 euros TTC pour les préjudices financiers autres que les travaux réparatoires,
DIT que la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE et la SMA, assureur de la société FIMUREX VALOISES, peuvent opposer leurs franchises et plafonds respectifs de garantie aux demandeurs,
- fixé, concernant les condamnations susvisées, la part de responsabilité des parties succombantes, comme suit :
. pour la société FIMUREX VALOISES, garantie par la SMA : 10%,
. pour le BUREAU VERITAS : 10%,
. pour la société MAISONS PIERRE, garantie par la compagnie AXA FRANCE : 80%,
- condamné les parties susvisées à se relever garantie dans les proportions susvisées,
- condamné le BUREAU VERITAS et la société FIMUREX VALOISES à payer la somme de 100 euros [sic, 1.000 euros, en réalité], chacune, aux consorts [F]/[C] au titre de leur préjudice moral,
- condamné in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE, la société FIMUREX VALOISES et son assureur la SMA et le BUREAU VERITAS à payer aux consorts [F]/[C] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE, la société FIMUREX VALOISES et son assureur la SMA et le BUREAU VERITAS à régler les entiers dépens comprenant les frais d'expertise et le procès-verbal du constat d'huissier,
- condamné ces mêmes sociétés à se garantir mutuellement au titre de la condamnation sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit des conseils des parties non succombantes l'ayant réclamée, à hauteur du partage institué ci-avant,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement, dans toutes ses dispositions.
La compagnie AXA FRANCE a par acte du 2 juillet 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant les consorts [F]/[C], la SMA, la société FIMUREX VALOISES et le BUREAU VERITAS devant la Cour.
*
La compagnie AXA FRANCE, dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 17 février 2020, demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et fondée à relever appel du jugement,
- confirmer que l'ensemble des désordres objet de cette procédure ne sont pas de nature décennale et donc susceptibles de relever de la garantie décennale des constructeurs qu'elle doit en sa qualité d'assureur DO et assureur en responsabilité décennale de la société MAISONS PIERRE,
- dire cependant que le volet couvrant la responsabilité civile de droit commun de la société MAISONS PIERRE n'est pas davantage applicable en l'espèce, cette garantie excluant les désordres affectant les travaux de l'assuré,
- réformer en conséquence le jugement en ce qu'il a déclaré acquise sa garantie alors que les dommages portant sur les travaux de l'assuré sont expressément exclus de la garantie de responsabilité civile contenue dans la police souscrite par la société MAISONS PIERRE,
- en déduire qu'elle ne doit aucune garantie aux consorts [F]/[C],
- rejeter les appels incidents des consorts [F]/[C], du BUREAU VERITAS et de la société FIMUREX VALOISES et toute demande dirigée contre elle,
- prononcer par conséquent sa mise hors de cause,
Très subsidiairement,
- réformer le jugement sur le partage de responsabilité,
- constater que la société FIMUREX VALOISES a été mandatée par la société MAISONS PIERRE pour étudier la nature du terrain et déterminer le système de fondations à adopter,
- dire que dans la mesure où l'expert judiciaire retient, à titre principal, un défaut de conception de l'ouvrage qui ne serait pas adaptée à la nature du sol, la société FIMUREX VALOISES est le principal responsable des désordres,
- dire que le BUREAU VERITAS qui a validé les préconisations de la société FIMUREX VALOISES et les plans d'exécution sans réserve a également engagé sa responsabilité à l'égard de la société MAISONS PIERRE,
- dire en conséquence que les responsabilités des sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS sont prépondérantes voire exclusives dans la survenance des dommages,
- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a limité la responsabilité des sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS à 10% chacune,
Statuant à nouveau,
- dire que la société MAISONS PIERRE n'a commis aucune faute propre et encore plus subsidiairement que sa responsabilité ne peut être que tout au plus résiduelle, au titre des défauts d'exécution relevés par l'expert judiciaire,
Tout aussi subsidiairement,
- réformer le jugement en ce qu'il a admis que le coût des travaux de reprises s'élevait à 166.677 euros TTC et que le préjudice immatériel des consorts [F]/[C] s'élevait à 11.317,80 euros TTC,
Statuant à nouveau,
- dire que la solution réparatoire retenue par l'expert judiciaire ne correspond pas aux travaux strictement nécessaires à la reprise des désordres,
- limiter en conséquence le préjudice financier des consorts [F]/[C] aux seuls travaux de reprise du radier et des fissures d'un montant de 99.917,87 euros HT,
- limiter le préjudice immatériel à 6.189 euros TTC et rejeter toute demande plus ample,
- rejeter en conséquence l'appel incident des consorts [F]/[C] sur leur préjudice moral,
En tout état de cause,
- la dire recevable et fondée à solliciter la garantie de la société FIMUREX VALOISES, son assureur la SMA et le BUREAU VERITAS à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle, en principal, frais et intérêts,
- la dire recevable et fondée à opposer les limites de son contrat, notamment le montant de la franchise opposable à tous pour les garanties facultatives,
- condamner tout succombant à lui verser une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, dans ses dernières conclusions signifiées le 4 avril 2022, demande à la Cour de :
- dire l'appel interjeté par la compagnie AXA FRANCE, en sa qualité d'assureur de la société MAISONS PIERRE à l'encontre du jugement sans fondement admissible en ce qu'il est dirigé à son encontre, venue aux droits du BUREAU VERITAS,
- rejeter l'appel incident de la société FIMUREX VALOISES et de son assureur en ce qu'il est dirigé à l'encontre du contrôleur technique,
- rejeter les demandes complémentaires et nouvelles formées par les consorts [F]/[C] dans le cadre de leur appel incident,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à supporter 10% du montant total de la condamnation prononcée au profit des consorts [F]/[C] au titre du préjudice matériel, ainsi que des préjudices financier et moral,
Et jugeant à nouveau,
- dire qu'en retenant sa responsabilité contractuelle au même titre que celle des sociétés MAISONS PIERRE et FIMUREX VALOISES, le tribunal a mal apprécié la nature particulière de la mission du contrôleur technique et confondu l'action de prévention des aléas avec la contribution à cette prévention qui n'est pas exhaustive et qui est l'essence même du contrôle technique,
- considérer que ce faisant, le tribunal a fait peser sur le contrôleur technique des obligations incompatibles avec les limites de son intervention,
- infirmer en conséquence la décision entreprise en ce qu'elle a retenu le principe de sa responsabilité,
- prononcer dès lors sa mise hors de cause pure et simple ou ramener la condamnation à son égard à de plus juste proportion,
- ordonner alors la restitution de toutes sommes versées en exécution du jugement entrepris et ce avec intérêts de droit à compter de leur versement effectif, ne serait-ce qu'à titre compensatoire,
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au titre de la police RCP souscrite par la société MAISONS PIERRE,
- rejeter en tout état de cause l'appel de la compagnie AXA FRANCE qui tend à voir réduire le pourcentage de responsabilité mis à sa charge par le tribunal,
- réformer en tout cas la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé une condamnation in solidum à son encontre,
- considérer que son éventuelle faute ne saurait en tous cas avoir pu être la cause, déterminante ou même accessoire, des désordres,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à ses appels en garantie à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE et de la société FIMUREX VALOISES et de son assureur, la SMA, pour tout ce qui excède la part mise à la charge du contrôleur technique,
- condamner la compagnie AXA FRANCE comme tout succombant en tous les dépens et à lui payer une indemnité de 6.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
La société FIMUREX VALOISES et son assureur, la SMA, dans leurs dernières conclusions n°2 signifiées le 9 mars 2020, demandent à la Cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leurs conclusions,
- infirmer le jugement en ce que le tribunal a retenu la responsabilité de la société FIMUREX VALOISES et l'a condamnée, ainsi que son assureur la SMA,
- dire que la société FIMUREX VALOISES, débitrice d'une obligation de moyens, n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 (1147 ancien) ou 1240 (1382 ancien) du code civil,
- débouter en conséquence purement et simplement les consorts [F]/[C] ou toute autre partie de leurs demandes en tant que dirigées à leur encontre,
En toute hypothèse,
- condamner la compagnie AXA FRANCE en sa qualité d'assureur dommages ouvrages et d'assureur de la société MAISONS PIERRE, ainsi que le BUREAU VERITAS à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et accessoires,
- condamner toute partie déclarée responsable à leur verser 10.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Patricia HARDOUIN (SELARL 2H AVOCATS).
Monsieur [F] et Madame [C], dans leurs dernières conclusions signifiées le 21 mars 2022, demandent à la Cour de :
- dire que les désordres affectant leur maison sont de nature décennale,
- dire que la responsabilité décennale des sociétés MAISONS PIERRE, FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS est engagée à leur encontre,
Subsidiairement, si la Cour considérait que les désordres ne sont pas de nature décennale,
- dire qu'en leur qualité de sous-acquéreurs, ils disposent de tous les droits et actions attachées à la chose qui appartenait à son auteur et disposent contre les locateurs d'ouvrage d'une action contractuelle fondée sur un manquement à leurs obligations envers le maître de l'ouvrage sur la base des articles 1231 et suivants du code civil,
- en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les montants alloués au titre du préjudice moral et de l'article
700 du code de procédure civile,
Et, statuant à nouveau,
- condamner in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et décennal de la société MAISONS PIERRE, la SMA, assureur décennal de la société FIMUREX VALOISES, les sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS à leur payer la somme de de 8.000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- condamner in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et décennal de la société MAISONS PIERRE, la SMA, assureur décennal de la société FIMUREX VALOISES, les sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS à leur payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais d'avocat générés par la procédure de référé, la procédure d'expertise et la procédure au fond,
- débouter la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et décennal de la société MAISONS PIERRE, la SMA, assureur décennal de la société FIMUREX VALOISES, les sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
- dire que la somme de 166.677 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires sera indexée sur l'indice BT01 en vigueur au jour de l'arrêt à intervenir par référence à celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise de Monsieur [D] dès lors que le jugement a été rendu le 9 mai 2019,
- condamner in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et décennal de la société MAISONS PIERRE, la SMA, assureur décennal de la société FIMUREX VALOISES, les sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS à leur payer la somme complémentaire de 25.538 euros TTC au titre du coût des travaux réparatoires relatifs à la réfection du réseau EU/EV et des dépenses supplémentaires générées par cette situation,
- condamner in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et décennal de la société MAISONS PIERRE, la SMA, assureur décennal de la société FIMUREX VALOISES, les sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais d'avocats générés par la procédure d'appel,
- condamner in solidum la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et décennal de la société MAISONS PIERRE, la SMA, assureur décennal de la société FIMUREX VALOISES, les sociétés FIMUREX VALOISES et BUREAU VERITAS aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Stanislas de JORNA (cabinet FIDAL).
*
La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 5 avril 2022, l'affaire plaidée le 12 avril 2022 et mise en délibéré au 14 septembre 2014.
MOTIFS
Les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas établi que les désordres objet du litige (nombreuses fissures affectant la maison des consorts [F]/[C]) puissent, dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux, rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Ils ont en conséquence examiné la responsabilité contractuelle de droit commun des intervenants sur le chantier. Concernant la fondation de la maison sur un sol instable, ils ont retenu la responsabilité de la société FIMUREX VALOISES, dont le rapport géotechnique s'est avéré insuffisant, du BUREAU VERITAS, qui a émis un avis favorable à une solution inadaptée, et de la société MAISONS PIERRE qui a omis de formuler des réserves quant à la solution proposée au regard de la nature du sol. Concernant les armatures de la nappe supérieure du radier situées trop bas, les juges ont retenu un défaut d'exécution de la société MAISONS PIERRE. Concernant les réseaux d'évacuation et le drainage fuyard, ils ont évoqué un problème d'entretien, mais, surtout, un problème de conception et d'exécution des réseaux, imputable à la société MAISONS PIERRE. Les travaux de reprise des désordres ont été évalués à 166.677 euros TTC, les autres préjudices (frais de garde-meubles, de déménagement et ré-emménagement, d'investigations géotechniques et de maîtrise d''uvre, inhabitabilité du sous-sol pendant les travaux) à hauteur de la somme totale de 11.317,80 euros et le préjudice moral des consorts [F]/[C] à hauteur de 1.000 euros, chacun. Les condamnations ont été prononcées in solidum et un partage de responsabilité opéré.
La compagnie AXA FRANCE, assureur DO et assureur de la société MAISONS PIERRE, ne critique pas le jugement qui n'a pas retenu le caractère décennal des désordres, mais lui reproche d'avoir retenu sa garantie, procédant ainsi à une analyse erronée de sa police. A titre subsidiaire, elle discute les responsabilités et, plus subsidiairement, le montant des dommages et intérêts alloués.
La société FIMUREX VALOISES, qui a réalisé le rapport géotechnique, fait valoir les limites de la mission qui lui a été confiée, et estime que les désordres ne lui sont pas imputables, alors qu'une autre mission aurait dû lui être confiée pour valider ou infirmer la première. Elle s'oppose à toute condamnation in solidum et présente des recours en garantie contre la compagnie AXA FRANCE, assureur DO et assureur de la société MAISONS PIERRE, et le BUREAU VERITAS.
Le BUREAU VERITAS, contrôleur technique, estime que les désordres ne sont pas de nature décennale et qu'elle-même n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles. Elle fait valoir les limites de sa mission. Le contrôleur technique et son assureur considèrent la garantie de la compagnie AXA FRANCE due, en sa qualité d'assureur de la société MAISONS PIERRE.
Les consorts [F]/[C], acquéreurs de la maison, critiquent le jugement qui n'a pas retenu le caractère décennal des désordres. Ils considèrent que les fissures et désordres divers constatés rendent la maison impropre à sa destination, constituant les signes avant-coureurs de de mise hors d'usage d'habitation par défaut de mise hors d'eau et hors d'air, et engagent la garantie décennale des constructeurs. A titre subsidiaire, ils font valoir la responsabilité contractuelle à leur égard (venant aux droits des maîtres d'ouvrage) du BUREAU VERITAS, qui en acceptant le système de fondation en cause a commis une erreur technique, le caractère applicable de la garantie de la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE, la responsabilité de la société FIMUREX VALOISES, qui a préconisé un type de fondations non adapté pour la maison. S'agissant de leurs préjudices matériels, et outre les travaux de reprise retenus par le tribunal, ils rappellent le caractère fuyard du réseau d'évacuation et de drainage et soutiennent qu'il doit être repris dans son intégralité, moyennant un coût de 25.538 euros TTC. Ils considèrent également que leurs préjudices financiers et moraux n'ont pas été évalués à leur juste mesure.
Sur ce,
Au terme de l'article
1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage (et, ici, les consorts [F]/[C]), des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Est ainsi posé un régime de garantie légale pour les désordres non apparents à la réception affectant la destination ou la solidité de l'ouvrage. Ce régime légal de garantie est, dès lors que les conditions de son applicabilité sont réunies, exclusif de tout autre régime de responsabilité.
Pour les dommages affectant l'ouvrage mais n'ayant pas atteint le caractère de gravité exigé par l'article
1792 du code civil dans le délai décennal d'épreuve du bâtiment, les dommages intermédiaires, les consorts [F]/[C], acquéreurs de la maison et venant ainsi aux droits des maîtres d'ouvrage, peuvent rechercher la responsabilité civile contractuelle de droit commun des intervenants sur le chantier, sur le fondement des articles
1134 et
1147 du code civil (en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations). Il ne s'agit plus alors de mettre en 'uvre un régime de garantie, mais un régime de responsabilité, pour faute prouvée. Selon ces dispositions en effet les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution par le débiteur de son obligation.
La solidarité ne se présumant pas (article
1202 du code civil), en l'absence de solidarité expresse, légale ou conventionnelle, aucune responsabilité solidaire ne saurait être retenue ni, partant, de condamnation solidaire prononcée. Les intervenants à l'opération de construction qui ont, chacun de son propre fait, concouru ensemble à la réalisation d'un même dommage peuvent voir leur garantie, ou responsabilité, engagée in solidum au titre de leur obligation à la dette, et un partage de responsabilité est alors prévu, dans le cadre des recours entre les parties sur un fondement délictuel et de la contribution définitive de chacun à la dette.
La garantie dommages-ouvrage de la compagnie AXA FRANCE, obligatoirement souscrite en application de l'article
L242-1 du code des assurances, couvre le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs et réputés tels, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.
Les consorts [F]/[C] disposent enfin d'une action directe contre les assureurs des parties responsables, posée par l'article
L124-3 du code des assurances.
1. sur les désordres et leur nature
Les travaux de construction de la maison en cause ont été réceptionnés le 16 mai 2008, sans réserve. Aucune fissure n'était donc apparente à cette époque.
Les consorts [F]/[C], qui ont acquis la maison au mois d'octobre 2010, ont signalé à l'assureur DO les premières fissures au mois de juillet 2011, puis leur aggravation au mois de décembre 2013. Ils versent aux débats un procès-verbal de constat dressé par huissier le 4 avril 2016 confirmant l'existence des fissures.
L'expert judiciaire a au mois de septembre 2016 constaté la présence de fissures, tant à l'intérieur de la maison qu'à l'extérieur, fissures qui "indiquent un mouvement de tassement vertical de haut en bas, localisé à l'angle nord-ouest de la maison". Il a précisé qu'il n'y avait "pas de risque d'effondrement de la maison", s'agissant de mouvement dus à l'hydratation du sol, mais que les désordres étaient "susceptibles de rendre, à court ou moyen terme, l'ouvrage impropre à un usage d'habitation en raison du fait que les fissures ne peuvent pas se stabiliser" et que "leur ouverture variera au gré des reprises d'humidité du sol", craignant "des défaillances de la mise hors d'eau ou hors d'air de la maison".
Ainsi, les fissures apparues postérieurement à la réception sont de nature évolutive, tendant à s'aggraver sans pouvoir de stabiliser. Il ne doit certes pas être attendu que les désordres affectent la destination ou la solidité de l'ouvrage pour envisager les travaux de reprise, mais il doit être prouvé que cette atteinte surviendra certainement dans le délai décennal d'épreuve du bâtiment pour engager la garantie décennale des constructeurs ou réputés tels. Or si une atteinte à la destination de la maison est évoquée par l'expert, par sa mise hors d'eau et hors d'air à "court ou moyen terme", il n'a pu être établi que cette impropriété puisse survenir, avec certitude, moins de dix ans après la réception. L'expert a rendu son rapport au mois de mars 2018, neuf ans et dix mois après la réception, et n'a lui-même pas constaté le caractère infiltrant, à l'air ou à l'eau, des fissures à cette date. A ce jour, plus de 14 ans après la réception, il n'est pas établi que la maison des consorts [F]/[C] soit impropre à sa destination, ouverte à l'eau et l'air en raison des fissures l'affectant. Les photographies versées aux débats par les consorts [F]/[C], en gros plan, n'ont ni date ni lieu certains et n'ont aucune valeur probante, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges. Elles ne permettent pas de démontrer une atteinte à la destination ou la solidité de la maison survenue avant le 16 mai 2018.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a écarté la garantie de la compagnie AXA FRANCE, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, obligatoirement souscrite sur le fondement de l'article
L242-1 du code des assurances, et la garantie légale décennale des constructeurs et réputés tels intervenus sur le chantier.
La responsabilité desdits constructeurs a donc à juste titre été examinée sur le fondement de leur responsabilité contractuelle de droit commun.
2. sur les responsabilités
L'expert judiciaire a mis en lumière, à l'origine du mouvement de tassement du bâtiment qui a causé l'apparition des fissures, trois causes :
- la fondation de la maison sur un sol instable du fait de sa sensibilité à l'eau,
- la pose trop basse des armatures de la nappe supérieure du radier, trop éloignées de sa face supérieure,
- le caractère défaillant du réseau d'évacuation, qui a favorisé les venues d'eaux.
L'expert ne peut en aucun cas porter d'appréciation d'ordre juridique (article
238 du code de procédure civile) et le juge n'est lié ni pas ses constatations, ni par ses conclusions (article 246 du même code).
Sur la responsabilité de la société FIMUREX VALOISES et la garantie de son assureur
La société FIMUREX VALOISES s'est vue confier, avant travaux, la réalisation d'une étude géotechnique, avec les missions de type G11 et G12. Dans ce cadre, la société ARMASOL (du groupe FIMUREX) a le 22 août 2008 rendu son rapport, signalant la présence de minéraux argileux sensibles au retrait et au gonflement et recommandant un radier rigide et une rigidification de l'ensemble de la structure, avec une protection des fondations aux variations de teneur en eau. Elle autorisait ainsi la fondation de la maison, sur une profondeur de 2,20 mètres et en conséquence sur des argiles vertes, avec des précautions d'exécution puis d'entretien.
L'expert judiciaire évoque le caractère inadapté de la solution proposée par la société FIMUREX VALOISES, non parce qu'elle était totalement irréalisable, mais parce qu'il s'agissait d'une technique beaucoup trop contraignante au regard de la situation et qu'elle constituait une "solution extrêmement risquée, exigeant un niveau de précaution et d'entretien (') élevé (')". Il fait état de l'imprudence des préconisations, consistant en une "technique fortement sensible aux défauts".
La société FIMUREX VALOISES fait justement observer qu'elle n'était tenue que d'une obligation de moyens et que les missions G1, et, en l'espèce, G11 et G12, qui lui ont été confiées consistent en une étude géotechnique d'avant-projet mais ne constituent pas une "conception" géotechnique.
Il peut certes être admis que la société FIMUREX VALOISES n'a pas failli aux seules missions G11 et G12 qui lui ont ainsi été confiées, les premiers juges ayant d'ailleurs constaté qu'elle avait dans ce cadre indiqué un certain nombre de précautions d'exécution et d'entretien, attirant ainsi l'attention des maîtres d'ouvrage et de l'entreprise sur les contraintes des fondations sur un terrain argileux.
Le géotechnicien ne peut cependant se retrancher derrière les limites des seules missions qui lui ont été confiées. Au regard des conclusions de son rapport au stade de l'avant-projet, la société FIMUREX VALOISES, professionnelle, aurait en effet dû, clairement, préconiser des études supplémentaires, notamment pour examiner le niveau d'argilosité et de plasticité du terrain, et une mission de type G2 (étude technique de conception), voire une mission G4 (de supervision). Or elle ne justifie pas avoir proposé de telles missions aux maîtres d'ouvrage, les avoir alertés de l'insuffisance d'une mission de type G1 et là se situe sa défaillance. Avec une étude plus approfondie, un projet mieux adapté et moins contraignant au regard des contraintes imposées par le terrain aurait pu être conçu, diminuant le risque d'apparition de fissures.
Les premiers juges ont retenu un manquement de la société FIMUREX VALOISES à son devoir de conseil dans le cadre de ses missions G11 et G12. La Cour ne suit pas le tribunal sur ce point, mais retient malgré tout un manquement du géotechnicien à son devoir de conseil; celui-ci n'ayant pas tiré toutes les conséquences de ses observations et ne justifiant pas voir préconisé des études supplémentaires au titre de la conception du projet.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société FIMUREX VALOISES, par substitution de motifs.
La SMA ne verse pas aux débats la police souscrite par la société FIMUREX VALOISES (conditions générales et particulières), mais ne conteste pas être son assureur. Elle n'oppose ni non-garantie ni exclusion de garantie. Il en est pris acte. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu sa garantie au profit du géotechnicien.
Sur la responsabilité du BUREAU VERITAS
Le contrôleur technique n'est ni un maître d''uvre ni un bureau d'études techniques et son intervention ne consiste pas à éliminer le risque, ainsi que l'ont écrit les premiers juges, mais à contribuer à la prévention des aléas techniques de la construction, ainsi que cela est rappelé par l'article 1 des conditions générales de sa convention. Il n'est donc pas tenu d'une obligation de résultat.
A l'instar de tout intervenant sur le chantier, la responsabilité du BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, contrôleur technique, ne peut être recherchée que dans les limites de la mission qui lui a été confiée et, en l'espèce, de la mission LP relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables (convention de contrôle technique signée avec la société MAISONS PIERRE le 2 août 2007).
Alors que le chantier avait démarré, le BUREAU VERITAS a par courrier du 3 octobre 2007 signalé à la société MAISONS PIERRE qu'il n'avait reçu "aucun document en phase conception afin d'établir [ses] rapports initiaux de contrôle technique".
Dans sa "synthèse de l'étude de sol" adressée le 16 novembre 2007 à la société MAISONS PIERRE, le BUREAU VERITAS émet "un avis favorable sur la solution proposée par le géotechnicien soit un système de fondations par radier rigide avec une contrainte admissible au sol à l'ELS de 0,08 MPa à une profondeur d'assise de 2,20 m/TN (cote de 97,3)". Il ne s'agit cependant pas là de l'avis définitif du contrôleur technique qui précise que "néanmoins au vu du sondage D3 présentant des sols à risques de tassement important sur 7 m, et afin de valider définitivement cette solution, il conviendra de faire réaliser par le géotechnicien une étude des tassements prévisibles afin de s'assurer que ceux-ci sont compatibles avec la construction envisagée".
Etant rappelé que la solution proposée par la société FIMUREX VALOISES n'était pas totalement inadaptée, mais particulièrement contraignante, le BUREAU VERITAS a émis un avis, certes favorable, mais précis et assorti de conditions quant aux contraintes techniques du projet et a préconisé, avant tout avis définitif, une étude géotechnique supplémentaire. Il ne saurait lui être reproché, comme l'ont fait les premiers juges, de n'avoir émis qu'une réserve "insuffisamment exprimée et motivée", alors qu'il ne peut, par l'effet de son rôle et de sa mission particulière, formuler des préconisations descriptives quant aux choix à adopter.
Il est ajouté que le contrôleur technique n'est pas tenu de vérifier le suivi de ses avis et leur prise en considération.
Il convient en conséquence, au vu de ces éléments, d'infirmer le jugement qui a à tort retenu la responsabilité du BUREAU VERITAS malgré l'émission d'un avis assorti de conditions et conseils. Statuant à nouveau, la Cour déboutera les consorts [F]/[C] et tout appelant en garantie de toute demande présentée contre le contrôleur technique.
Sur la responsabilité de la société MAISONS PIERRE et la garantie de son assureur
Professionnelle en matière de construction, la société MAISONS PIERRE était tenue d'une une obligation de conseil, et n'a pas su formuler de réserves quant aux solutions constructives proposées par le géotechnicien, inadaptées en l'espèce du fait des contraintes importantes qu'elles impliquaient. Destinataire de l'avis du contrôleur technique assorti du conseil de réaliser une étude géotechnique supplémentaire et ne justifiant pas avoir tenu compte de cet avis, ni, d'elle-même, préconisé des études complémentaires au regard des contraintes de la situation, la société MAISONS PIERRE a failli à son premier devoir.
L'entreprise était en outre tenue d'une obligation de résultat, devant livrer aux maîtres d'ouvrage une maison exempte de tout défaut. Or l'expertise a mis en lumière le mauvais positionnement des armatures du radier en méconnaissance des plans, "ce qui est totalement inefficace à armer convenablement le radier" (souligné dans l'expertise) faisant en effet "chuter la rigidité dans de très fortes proportions vis-à-vis de moments fléchissants négatifs", ainsi que de nombreuses anomalies sur le réseau d'évacuation, "conduisant à un épandage de l'eau dans le sol" et l'absence de pose regards sur ce réseau, empêchant un entretien ensuite, et favorisant les venues d'eau et le tassement, ensemble de malfaçons imputables à l'entreprise.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société MAISONS PIERRE.
La société MAISONS PIERRE n'étant pas tenue à réparation sur le fondement de sa garantie légale décennale, la garantie de la compagnie AXA FRANCE, son assureur, ne peut être appelée au titre de l'assurance décennale obligatoirement souscrite en application de l'article
L241-1 du code des assurances.
Or, si la police n°375036794618 C 51 souscrite par la société MAISONS PIERRE auprès de la compagnie AXA FRANCE couvre également la responsabilité civile de l'entreprise ("exploitation et professionnelle", titre VI des conditions générales), assurance facultative, celle-ci n'est pas une garantie de bonne fin. L'article 6.131 des conditions générales prévoit que sont exclus de cette garantie "LES DOMMAGES METTANT EN CAUSE LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DE L'ASSURÉ (')" et l'article 6.133 exclut "LES DOMMAGES ATTEIGNANT LES OUVRAGES QUI SONT L'OBJET DE MARCHÉS ET/OU PRESTATIONS DE L'ASSURÉ"(caractères majuscules du document).
Au vu de ces exclusions de garantie, qui, dans des termes apparents et clairs, ne vident pas le contrat de sa substance, l'assurance professionnelle facultative ayant principalement pour but de couvrir les conséquences des dommages aux tiers, les premiers juges ont à tort retenu la garantie de la compagnie AXA FRANCE au profit de la société MAISONS PIERRE. Le jugement sera infirmé de ce chef et, statuant à nouveau, la Cour déboutera les consorts [F]/[C] et tout appelant en garantie de toute demande présentée contre la compagnie AXA FRANCE, assureur de l'entreprise de construction.
***
La société FIMUREX VALOISES, par un manquement à son devoir de conseil quant aux études à réaliser, et la société MAISONS PIERRE, par manquement non seulement à son devoir de conseil mais également à son obligation de résultat, ont toutes deux par leurs actions conjuguées concouru à l'apparition du même dommage, désordres de fissuration de la maison. Elles sont en conséquence tenues in solidum à réparation, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Dans le cadre définitif de leur obligation à la dette, et sur infirmation du jugement sur ce point pour tenir compte de l'absence de toute responsabilité du BUREAU VERITAS, le partage de responsabilité sera fixé ainsi :
- pour la société FIMUREX VALOISES, géotechnicien tenu d'une obligation de moyens et qui a manqué à son devoir de conseil : 20%,
- pour la société MAISONS PIERRE, entreprise qui a manqué à ses obligations de conseil et de résultat : 80%.
Ce partage ne pourra cependant être présenté qu'à titre indicatif, aucun recours ne pouvant prospérer contre la société MAISONS PIERRE, non partie à l'instance, ni contre son assureur la compagnie AXA FRANCE, dont la garantie n'a pas été retenue.
3. sur les préjudices des consorts [F]/[C]
Sur la reprise des désordres
L'expert judiciaire a constaté que les devis qui lui ont été communiqués proposaient les mêmes prestations et couvraient ses préconisations, et a retenu le devis de la SARL ALLIANCE BTP pour une reprise en sous-'uvre par micro-pieux et longrines à hauteur de 124.510,91 euros HT, puis une remise en état de la maison (reprise des fissures et embellissements) à hauteur de 18.706,94 euros HT. Il a, à ces frais, ajouté le coût du traitement d'un pilier, pour 1.276,80 euros HT, et de la création d'un regard de visite des réseau d'évacuation, pour 1.350 euros HT, portant le montant total des travaux de reprise à hauteur de 151.525,41 euros HT, soit 166.677 euros TTC. Aucun élément technique du dossier n'établit que la proposition de l'expert dépasse les seuls travaux nécessaires et soit surévaluée, et ce montant a à juste titre été retenu en première instance.
L'expert a au cours de ses opérations relevé que le réseau d'évacuation de la maison comportait de nombreuses anomalies. L'absence de trappe de visite empêche son entretien, mais la pose d'une telle trappe, prévue plus haut, laisse subsister les anomalies (écrasements, perforations') permettant l'épandage de l'eau dans le sol, gonflant celui-ci et entraînant l'apparition des fissures. Or le devis précité de la société ALLIANCE BTP comprend des travaux de réfection des réseaux sur 24 mètres. Ce devis a été validé par l'expert judiciaire, qui n'a pas constaté d'anomalies sur l'ensemble du réseau d'évacuation, mais uniquement "le long du pignon ouest", correspondant d'ailleurs à la "zone dans laquelle les désordres sont apparents". La nécessité de reprendre l'ensemble du réseau n'est pas démontrée par les consorts [F]/[C]. Il n'est pas non plus établi que celui-ci s'étende sur 100 mètres. Il ne peut donc être fait droit à la demande de réfection du réseau présentée par les intéressés au-delà de ce qui est préconisé par l'expert, sur 76 mètres non pris en compte par celui-ci, pour la somme de 24.552 euros TTC. Leur demande à ce titre, présentée pour la première fois en cause d'appel, sera en conséquence rejetée. Seront également rejetées leurs demandes de remboursement de frais d'examen par caméra de 506 euros TTC (facture du 4 mars 2022 de la société ASSAINISSEMENT TALIO VIDANGE - ATV), et de reportage photographique de 480 euros TTC (notes d'honoraires de la SAS ACEE du 14 mars 2022) dont le lien avec les manquements des sociétés FIMUREX VALOISES et MAISONS PIERRE n'est pas évoqué ni, a fortiori, démontré.
Le jugement sera donc confirmé quant au montant de la condamnation en réparation des préjudices matériels subis par les consorts [F]/[C].
Sur les autres préjudices
Les travaux de reprise en sous-'uvre empêcheront les consorts [F]/[C] de jouir pleinement de leur sous-sol pendant quatre mois et de jouir partiellement du rez-de-chaussée pendant deux mois. Au regard de la valeur locative mensuelle de la maison (1.250 euros selon l'estimation de la SARL CENTURY 21, agent immobilier), des surfaces concernées (30% pour le sous-sol, 15% pour la partie impactée du rez-de-chaussée) et des périodes d'indisponibilité, les premiers juges ont à bon droit accordé au consorts [F]/[C] la somme de 1.875 euros TTC à titre d'indemnisation de ce chef.
Les consorts [F]/[C] ont également pu justifier de frais de déménagement et ré-emménagement des biens entreposés au sous-sol, qui devra être entièrement libéré, à hauteur de 2.910 euros TTC, et de frais de garde-meubles à hauteur de 1.404 euros TTC, préjudices dont les premiers juges ont justement tenu compte.
Ils ont également justifié de frais d'ingénierie géotechnique de la société GEOEXPERTS, utiles aux opérations d'expertise, pour une somme de 1.528,80 euros TTC (facture du 21 juillet 2017), dont les premiers juges ont à juste titre tenu compte.
Les consorts [F]/[C] justifient enfin de frais de maîtrise d''uvre de la société EB/BE (3.600 euros TTC selon proposition de mission du maître d''uvre du 3 avril 2017 et note d'honoraires du 6 juin 2017), intervenue en cours d'expertise pour élaborer une proposition de reprise. Si le projet de reprise de ce maître d''uvre n'a pas été retenu par l'expert, son travail a été utile à l'élaboration de la solution, de sorte que les premiers juges ont légitimement retenu ce poste de préjudice.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu les préjudices financiers, autres que les travaux réparatoires, subis par les consorts [F]/[C] à hauteur de la somme totale de 1.875 + 2.910 + 1.404 + 1.528,80 + 3.600 = 11.317,80 euros TTC.
Sur le préjudice moral
Si les consorts [F]/[C] ont certainement subi un préjudice moral, du fait de l'apparition de fissures sur leur maison d'habitation principale, des tracas divers de la procédure, de la nécessité de prévoir des travaux importants, ils ne justifient d'aucun élément permettant d'évaluer ce préjudice au-delà de ce qu'ont retenu les premiers juges, à hauteur de 1.000 euros, pour chacun d'entre eux.
Le jugement sera confirmé de ce chef (sauf à réparer l'erreur matérielle, de plume, intervenue dans le dispositif du jugement qui, en suite d'une motivation à hauteur de 1.000 euros, présente une condamnation à hauteur de 100 euros, pour chacun des consorts [F]/[C]).
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens (incluant les frais d'expertise judiciaire) et aux frais irrépétibles de première instance, sauf en ce qu'ils ont été mis à la charge du BUREAU VERITAS et de la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE.
Ajoutant au jugement, la société FIMUREX VALOISES et la SMA, qui succombent devant la Cour, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil des consorts [F]/[C] qui l'a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Tenues aux dépens, la société FIMUREX VALOISES et la SMA seront condamnées in solidum à payer aux consorts [F]/[C] la somme équitable de 2.000 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article
700 du code de procédure civile.
Sur le même fondement et pour les mêmes motifs, la société FIMUREX VALOISES et la SMA seront condamnées in solidum à payer à la compagnie AXA FRANCE, assureur de la société MAISONS PIERRE, et au BUREAU VERITAS, contrôleur technique, la somme équitable de 1.000 euros, chacun, en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
,
La COUR,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 9 mai 2019 (RG n°18/4412),
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles 1134 et
1147 anciens du code civil,
Vu les articles
L124-3,
L241-1 et
L242-1 du code des assurances,
Vu l'article
1240 du code civil,
Vu les articles 696 et suivants et
700 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION et la garantie de la SA AXA FRANCE IARD au profit de la SA MAISONS PIERRE,
Statuant à nouveau de ces chefs, rectifiant et ajoutant au jugement,
DIT que l'indemnisation du préjudice moral de Monsieur [H] [F] et Madame [X] [C] s'élève à hauteur de 1.000 euros, pour chacun, et non 100 euros,
DEBOUTE Monsieur [H] [F] et Madame [X] [C] et tout appelant en garantie de toute demande présentée contre la SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION et la SA AXA FRANCE IARD en sa qualité d'assureur de la SA MAISONS PIERRE,
FIXE le partage de responsabilité ainsi :
- pour la SAS FIMUREX VALOISES, garantie par la SA SMA : 20%,
- pour la SA MAISONS PIERRE : 80%,
CONDAMNE in solidum la SAS FIMUREX VALOISES et la SA SMA aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Stanislas de JORNA,
CONDAMNE in solidum la SAS FIMUREX VALOISES et la SA SMA à payer à Monsieur [H] [F] et Madame [X] [C] la somme de 2.000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE in solidum la SAS FIMUREX VALOISES et la SA SMA à payer à la SA AXA FRANCE, assureur de la SA MAISONS PIERRE, d'une part, et à la SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, d'autre part, la somme équitable de 1.000 euros, chacun, en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel.
La greffière La Présidente