Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 13 mars 2019, 17-27.864

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-03-13
Cour d'appel de Paris
2017-07-07
Tribunal de commerce de Paris
2015-02-06

Texte intégral

COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 mars 2019 Cassation partielle Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 218 F-D Pourvoi n° P 17-27.864 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par : 1°/ la société BlueNext, société anonyme, dont le siège est [...] , représentée par M. D... X..., en qualité de mandataire ad hoc de la société BlueNext, 2°/ M. D... X..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société BlueNext, contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige les opposant à la société CM Capital Markets Holding, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation ; La société CM Capital Markets Holding a formé un pourvoi incident et un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ; Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; La demanderesse aux pourvois incident et incident éventuel invoque, à l'appui de chacun de ses recours, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 22 janvier 2019, où étaient présents : Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société BlueNext et de M. X..., ès qualités, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société CM Capital Markets Holding, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société BlueNext que sur les pourvois incident et incident éventuel relevés par la société CM Capital Markets Holding ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que la société de droit espagnol CM Capital Markets Holding (la société CMH) a acquis sur le marché d'échange des unités de réduction d'émission de gaz à effet de serre, dites « Certified Emissions Reductions » (les CER), alors géré par la société BlueNext, dont elle était membre, quatorze mille CER au prix de 160 300 euros pour le compte de ses clients ; que les CER s'étant révélés périmés pour avoir déjà été négociés et utilisés auparavant par une société de l'Union européenne auprès de l'autorité administrative dont elle dépendait pour satisfaire à ses obligations en matière de limitation d'émission de CO2, la société CMH a assigné la société BlueNext en annulation des contrats d'achats, restitution du prix versé et dommages-intérêts et, subsidiairement, en réparation du préjudice résultant de manquements imputés à cette société ; que la société BlueNext ayant fait l'objet d'une liquidation amiable, puis été radiée du registre du commerce et des sociétés après la clôture des opérations de liquidation, MM. C... et X... ont été, successivement, nommés mandataires ad hoc aux fins de la représenter à l'instance ; Sur le pourvoi incident : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen

unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :

Vu

l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner la société BlueNext à payer à la société CMH la somme de 160 300 euros en restitution du prix d'achat des CER, l'arrêt retient

que la demande en paiement de cette somme formée par la société CMH à titre de dommages-intérêts en réparation du prix payé à perte pour l'acquisition de quatorze mille CER non négociables, doit être requalifiée en une demande de remboursement du prix payé ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'elle avait auparavant rejeté la demande d'annulation des contrats d'achat des CER formée par la société CMH, laquelle n'en avait pas non plus demandé la résolution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen

, pris en sa première branche, du pourvoi incident éventuel :

Vu

les articles 1108 et 1126 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 229-7, L. 229-14 et L. 229-15 du code de l'environnement, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu que pour rejeter la demande d'annulation des contrats d'achat des CER formée par la société CMH, l'arrêt retient

que ces contrats ne sont pas nuls puisque les volontés des parties se sont rencontrées sur le même objet correspondant à l'achat de quatorze mille CER négociables ;

Qu'en statuant ainsi

, après avoir relevé que, de l'aveu même de la société BlueNext, les CER déjà utilisés ne pouvant plus être réintroduits sur le marché européen, les ordres d'achat de la société CMH portaient nécessairement sur des CER négociables, et que ceux qui avaient été vendus à la société CMH ne l'étaient plus puisqu'ils étaient périmés, ayant déjà été utilisés par une société de l'Union européenne, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : REJETTE le pourvoi incident ; Et sur les pourvois principal et incident éventuel : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société BlueNext, prise en la personne de M. X..., mandataire ad hoc, à restituer à la société CM Capital Markets Holding la somme de 160 300 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2012, et en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande d'annulation des contrats d'achat des quatorze mille certificats « CER » formée par la société CM Capital Markets Holding, l'arrêt rendu le 7 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt. Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société BlueNext et M. X..., ès qualités. LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société BlueNext, prise en la personne de Monsieur D... X..., son mandataire ad hoc en exercice, à restituer à la société CM Capital Markets Holdings la somme de 160.300 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2012, AUX MOTIFS QU' « qu'en application de l'article 12 du code de procédure civile, il appartient au juge de donner leur exacte qualification aux actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en demandant, à titre subsidiaire, le versement de la somme de 160.300 euros en principal « à titre de dommages et intérêts en réparation du prix payé à perte pour l'acquisition de 14.000 CER non négociables », la société CHM demande implicitement, mais nécessairement, le remboursement du prix payé, dès lors que, contrairement à l'apparence au jour de la délivrance des 14.000 CER litigieux, ceux-ci se sont ultérieurement révélés ne pas correspondre à l'ordre d'achat du 12 mars 2010, étant observé qu'au titre de la nullité initialement alléguée des offres d'achat, la société CHM demandait le paiement de la somme de 160.300 euros, en restitution du prix versé le 12 mars 2010 ; que la société CHM est fondée à demander la restitution du prix de 160.300 euros ; que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ; que, ne s'agissant pas véritablement de dommages et intérêts indemnisant un préjudice, il est sans intérêt, du point de vue de la restitution du prix, d'analyser l'éventuel caractère inopérant ou non écrit des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité ; que la société CHM réclame aussi les intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2011 et les intérêts au taux légal majoré, sur les montants alloués par les premiers juges, passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement ; mais considérant : - d'une part, que la date du 21 mars 2011 n'est pas justifiée et que la mise en demeure de payer délivrée par la lettre recommandée du 26 mai 2011 de l'avocat de la société CHM ne portait pas sur la restitution du prix d'un montant de 160.300 euros, mais sur la demande de prise en charge du prix payé à Gazprom pour l'achat de 14.000 nouveaux CER ; - d'autre part, que la condamnation prononcée par les premiers juges ne concernait pas davantage la restitution du prix de 160.300 euros, mais le paiement d'une indemnité au titre de la participation à l'indemnisation d'un préjudice, de sorte que les intérêts au taux légal seront alloués à compter de l'assignation du 7 décembre 2012 valant mise en demeure, étant aussi observé que, même si la société BlueNext s'est opposée à l'anatocisme dans ses écritures, celui-ci n'a pas été formellement sollicité par la société CHM » ; ALORS D'AUTRE PART QUE les restitutions sont la conséquence de la rétroactivité attachée à l'annulation d'un acte juridique, lorsque celui-ci a été préalablement exécuté en tout ou partie ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu à restitutions s'agissant d'un contrat dont l'annulation a été écartée ; qu'en ordonnant le paiement, par la société BlueNext, de la somme de 160.300 euros en restitution du prix payé par la société CM Capital Markets Holdings dans le cadre des contrats d'achat conclus par les parties le 12 mars 2010, alors qu'elle avait auparavant rejeté la demande de nullité de ces contrats formée par la société CM Capital Markets Holdings, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QU' à supposer que la cour d'appel ait en réalité, nonobstant les termes dénués d'équivoque employés dans sa décision, entendu condamner la société BlueNext à payer à la société CM Capital Markets Holdings la somme de 160.300 en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait des manquements contractuels imputés à celle-là, elle aurait dû, ainsi que l'y invitait la société BlueNext, envisager l'application des clauses exonératoires et limitatives de responsabilité stipulées à l'article 13 de la Convention d'accès au marché de BlueNext signée par la société CM Capital Markets Holdings ; qu'en jugeant néanmoins « sans intérêt » (arrêt attaqué p. 7) l'analyse de ces clauses et en écartant leur application au cas d'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1150 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause ; ALORS EN OUTRE ET TRES SUBSIDIAIREMENT QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'à supposer que la cour d'appel ait implicitement fondé la condamnation de la société BlueNext à restituer à la société CM Capital Markets Holdings la somme de 160.300 euros sur la résolution des contrats d'achat conclus par les parties le 12 mars 2010, alors qu'à aucun moment la société CM Capital Markets Holdings n'avait sollicité le prononcé d'une telle sanction, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; ALORS ENFIN ET A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE QUE l'anéantissement rétroactif d'un contrat synallagmatique, consécutif à sa résolution, emporte en principe restitutions réciproques à la charge des différentes parties contractantes ; qu'à supposer que la cour d'appel ait implicitement fondé la condamnation de la société BlueNext à restituer à la société CM Capital Markets Holdings la somme de 160.300 euros sur la résolution des contrats d'achat conclus par les parties le 12 mars 2010, elle aurait dû ordonner la restitution réciproque, par la société CM Capital Markets Holdings, des 14.000 CER périmés qu'elle avait reçus en contrepartie du paiement de cette somme ; qu'en confirmant le jugement de première instance en ce qu'il avait dit que la société CM Capital Markets Holdings pouvait conserver les 14.000 CER périmés, tout en condamnant la société BlueNext à restituer la somme déboursée pour l'achat de ces CER, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société CM Capital Markets Holding. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CM Capital Markets Holding (CMH) de sa demande tendant à voir condamner la société BlueNext, en la personne de son mandataire ad hoc, à lui verser la somme de 19.040 euros au titre de son préjudice matériel ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, le 12 mars 2010, c'est la société BlueNext qui a vendu les CER litigieux à la société CMH ; que les 14.000 CER litigieux se sont révélés ne pas correspondre à l'ordre d'achat du 12 mars 2010 ; que la société CMH est fondée à demander la restitution du prix de 160.300 euros ; que la société CMH estime aussi avoir subi un préjudice résultant du différentiel de prix à hauteur de la somme de 19.040 euros [dans le dispositif des écritures et de 19 329,09 euros dans leur motivation page 34] pour l'achat sur le marché d'autres CER négociables pour remplacer ceux non négociables que lui avait livrés la société BlueNext ; mais que la société CMH ne démontre pas qu'au jour du dénouement de l'opération litigieuse, il existait à la vente sur le marché d'autres CER négociables au prix de 11,45 euros l'unité, de sorte qu'elle ne prouve pas qu'elle aurait pu acquérir les 14.000 CER négociables à un meilleur prix que celui de 12,83 euros par CER auprès de GAZPROM ; ALORS QUE la perte subie par l'acheteur comprend le supplément de prix qu'il a dû payer pour acquérir auprès d'un tiers la chose convenue avec le vendeur que celui-ci ne lui pas délivrée ; qu'en l'espèce, la société CMH a acheté 14.000 certificats CER négociables à la société BlueNext, qui ne correspondaient pas à l'ordre d'achat du 12 mars 2010 car ils étaient non négociables ; qu'en refusant d'indemniser l'acheteur du supplément de prix qu'il a dû payer pour acquérir auprès d'un tiers 14.000 certificats CER négociables, au motif erroné qu'il n'était pas démontré qu'il existait sur le marché, au jour du dénouement de l'opération, de tels certificats au prix de 11,45 euros initialement convenu avec le vendeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'acheteur n'a pas pu acquérir ces certificats à un meilleur prix que celui de 12,83 euros par certificat qu'il a payé, violant ainsi l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la société BlueNext, en la personne de M. D... X..., son mandataire ad hoc en exercice, à la somme de 160.300 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2012, déboutant ainsi la société CMH de sa demande tendant à voir ordonner la capitalisation des intérêts ; AUX MOTIFS QUE la société CMH réclame aussi les intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2011 et les intérêts au taux légal majoré, sur les montants alloués par les premiers juges, passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement ; que cependant, d'une part, la date du 21 mars 2011 n'est pas justifiée et que la mise en demeure de payer délivrée par la lettre recommandée du 26 mai 2011 de l'avocat de la société CMH ne portait pas sur la restitution du prix d'un montant de 160.300 euros, mais sur la demande de prise en charge du prix payé à Gazprom pour l'achat de 14.000 nouveaux CER, d'autre part, la condamnation prononcée par les premiers juges, ne concernait pas davantage la restitution du prix de 160.300 euros, mais le paiement d'une indemnité au titre de la participation à l'indemnisation d'un préjudice, de sorte que les intérêts au taux légal seront alloués à compter de l'assignation du 7 décembre 2012 valant mise en demeure, étant aussi observé que, même si la société BlueNext s'est opposée à l'anatocisme dans ses écritures, celui-ci n'a pas été formellement sollicité par la société CMH ; ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que, dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives signifiées le 22 janvier 2016 (p. 37), la société CMH demandait à la cour d'appel, « en tout état de cause », d' « ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil » ; qu'en refusant d'ordonner la capitalisation des intérêts sur la somme allouée à la société CMH, au motif erroné que, « même si la société BlueNext s'est opposée à l'anatocisme dans ses écritures, celui-ci n'a pas été formellement sollicité par la société CMH », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société CM Capital Markets Holding. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la société CMH de sa demande d'annulation des contrats d'achat des 14.000 certificats « CER » ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la société de droit espagnol CM Capital Markets Holding SA (CMH) intervient dans le négoce des unités de réduction d'émissions certifiées, dit certificats « CER » (Certified Emissions Reductions) résultant du Protocole de Kyoto. En France, le marché (boursier) d'échange de ces certificats, résultant du Système Européen d'Échange de Quotas (SEEQ), créé par la Directive européenne n° 2003/87 du 13 octobre 2003, était géré par la SA de droit français BlueNext. La société CMH est membre de ce marché et ses rapports avec la société BlueNext sont régis par la Convention d'accès, comportant en annexe les règles de marché, régularisée les 26 décembre 2006 et 24 janvier 2007 initialement avec la société Powernext dont les actifs ont été apportés à la société BlueNext en décembre 2007. Ces documents ont été mis à jour le 26 juin 2008. Le 12 mars 2010, la société CMH a acquis sur le marché, en trois ordres d'achats, un total de 24.000 CER pour le compte de ses clients, CER qui lui ont été livrés par la société BlueNext selon des transactions dématérialisées et instantanées. 14.000 CER, d'un prix global de 160.300 euros - soit 11,45 euros par CER - se sont cependant révélés périmés comme ayant déjà été antérieurement négociés et utilisés par une société de l'Union européenne auprès de l'autorité administrative dont elle dépendait pour satisfaire à ses obligations en matière de limitation d'émission de CO2. Dans le cadre du présent litige, les CER non utilisés sont dénommés par les parties 'CER négociables', tandis que ceux déjà utilisés pour satisfaire aux obligations en matière de limitation d'émission de CO2 sont dénommés 'CER recyclés' ou 'CER non négociables' ou encore 'CER périmés' ; qu'il n'est pas contesté que, tout comme les deux ordres d'achat litigieux, le troisième des trois ordres d'achats émis le 12 mars 2010 (non inclus dans le présent litige) portait sur 10.000 CER sans davantage de précision, mais que celui-ci, à la différence des deux autres, a été exécuté par la délivrance de 10.000 CER négociables ; qu'il résulte de l'article 12 de la Directive européenne n° 2003/87 du 13 octobre 2003 (transposée à l'article L. 229-14 du code [français] de l'environnement) que, le 30 avril de chaque année « les États membres s'assurent que tout exploitant d'une installation restitue un nombre de quotas ou CER correspondant aux émissions totales de cette installation au cours de l'année civile écoulée [ ] pour que ces quotas ou CER soient ensuite annulés » et que la société BlueNext en déduit elle-même que les États membres, auxquels les industriels restituent des CER ne peuvent pas les revendre ni les ré-introduire sur le marché européen [conclusions intimée page 7 en bas], mais estime, en revanche, que cette annulation ne se fait pas automatiquement [conclusions intimée page 8 en haut], en précisant qu'à l'époque des faits, le marché n'était pas encore réglementairement régulé, son organisation ne dépendant que des règles contractuelles ; Que la société BlueNext indique aussi qu'en tant « qu'intermédiaire opaque » la société BlueNext assure l'anonymat des intervenants, le vendeur ne connaissant pas l'identité de l'acheteur [conclusions intimée page 9] ; Que, pour sa part, pour soutenir que les deux offres d'achats litigieuses du 12 mars 2010 de CER sont nulles, la société CMH soutient que l'ordre d'achat portait « par essence » sur des CER négociables, tandis que, en raison de l'instantanéité de l'exécution et du dénouement de l'ordre, la quantité négociée des ordres d'achats a porté sur des CER recyclés, de sorte que, selon l'appelante, les volontés réciproques des parties ne se sont pas rencontrées sur le même objet ; Mais considérant que, si l'appelante prétend que les offres d'achats qu'elle a émis seraient nuls, il convient de relever que leur validité ne dépend pas de la manière dont ces offres ont ultérieurement été exécutées par la société BlueNext ; Considérant que la société CMH soutient également que les offres d'achats seraient nulles pour défaut d'économie générale, « c'est à dire d'absence de cause subjective », la cause du versement du prix par la société CMH résidant dans celle de la société BlueNext de délivrer des CER négociables sur le marché [conclusions page 23] ; Mais considérant qu'il convient de relever que, nonobstant l'instantanéité de l'exécution et du dénouement des ordres, il résulte de la combinaison des articles 8.3 de la Convention d'accès et 41 des Règles de marché que la société BlueNext est réputé avoir donné son consentement dès le couplage des offres [d'achat et de vente] tant à l'égard du membre [du marché] ayant la qualité de vendeur que du membre [du marché] ayant la qualité d'acheteur et que deux contrats distincts se sont alors formés : - l'un entre BlueNext et le membre vendeur, BlueNext lui devant le prix et le membre vendeur devant à BlueNext la quantité négociée ; - l'autre entre BlueNext et le membre acheteur, ce dernier devant le prix à BlueNext et celle-ci lui devant la quantité négociée, étant observé qu'en raison du rôle d'intermédiaire opaque de la société BlueNext lors du dénouement des transactions, le membre vendeur et le membre acheteur ne se connaissent pas ; Qu'il s'en déduit que, le 12 mars 2010, c'est la société BlueNext qui a vendu les CER litigieux à la société CMH ; Considérant par ailleurs que, de l'aveu même de la société BlueNext, les CER déjà utilisés ne pouvant pas (en principe) être réintroduits sur le marché européen, les ordres d'achats du 12 mars 2010 de la société CMH concernaient nécessairement des CER négociables (non recyclés), de sorte qu'au moment tant de leur émission par la société CMH, que de leur évolution en contrat d'achat en raison du consentement (implicitement) donné par la société BlueNext, ils portaient bien sur le même objet, soit l'achat de CER négociables et que c'est à tort que la société CMH prétend que les contrats d'achats auraient été nuls, la volonté des parties s'étant bien rencontrée sur le même objet, soit l'achat de 14.000 CER négociables ; que la société CMH n'est pas davantage fondée à prétendre que les contrats d'achats seraient nuls pour défaut d'économie générale, le prix stipulé correspondant nécessairement à celui de 14.000 CER négociables au cours du jour du dénouement de l'opération ; qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'a pas accueilli la demande de la société CMH de nullité des contrats d'achats des 14.000 CER ; que les 14.000 CER litigieux se sont révélés ne pas correspondre à l'ordre d'achat du 12 mars 2010 ; que la société CMH est fondée à demander la restitution du prix de 160.300 euros ; que si les offres d'achats litigieux n'ont pas été annulés, la société CMH bénéficiant de la restitution du prix antérieurement payé, la société BlueNext est, en principe, fondée à solliciter la restitution des 14.000 CER recyclés, fautivement livrés par elle alors qu'ils ne correspondaient pas à l'exécution de l'offre d'achats ; Mais considérant que la société CMH n'a pas été démentie par la société BlueNext lorsque la première a indiqué [conclusions page 25] que les 14.000 CER "recyclés" ont été bloqués par l'autorité administrative lorsque ceux-ci lui ont été présentés, en exécution des obligations prévues par l'article 12 de la Directive européenne et par l'article L. 229-14 du code de l'environnement, de sorte que leur restitution matérielle n'est plus possible ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, comme le soutient BlueNext, ses obligations contractuelles sont fixées par « les Règles de Marché » annexées à la Convention d'accès qu'a signée CMH. Ces Règles qu'a ainsi acceptées formellement CMH dérogent valablement aux dispositions du code civil, en particulier celles des articles 1183 et 1583 à 1589, ainsi que 1604 qu'invoque CMH, qui ne sont pas d'ordre public. BlueNext expose en outre que les dispositions des articles 1604 et suivants du code civil, sont supplétives, le contrat étant passé entre professionnels, et que seules les obligations de délivrance de BlueNext définies par les Règles de marché ont vocation à s'appliquer. Le tribunal constate en outre que CMH n'a fait état dans les ordres d'achat de CER ni de précisions ni d'exclusions, tel que le caractère recyclable des CER qui les rend inutilisables au sein de l'Union Européenne et qu'ils avaient à l'époque et dans les termes de l'offre formulée, la caractéristique de biens fongibles, ainsi qu'en dispose le Règlement UE n° 1193/2011. Il retient également que l'article 41 des Règles de marché précise les seules obligations contractuelles de BlueNext concernant le présent litige, à savoir vérifier que les CER sont issus de projets autorisés par l'ONU, que le membre vendeur des CER dispose de suffisamment de CER pour honorer l'ordre et de livrer à CMH la quantité de CER négociée. Le tribunal retient en conséquence que CMH ne justifie pas que le contrat doive être frappé de nullité, et la déboutera de sa demande de ce chef ; 1°/ ALORS QU' est nul le contrat de vente dans lequel l'obligation du vendeur porte sur un objet inexistant ou illusoire ; qu'en affirmant que les contrats d'achat des certificats CER par la société CMH auprès de la société BlueNext n'étaient pas nuls, dès lors que les volontés des parties s'étaient rencontrées sur le même objet, soit l'achat de 14.000 CER négociables, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que ces certificats prétendument négociables étaient périmés lors de la conclusion du contrat comme ayant déjà été antérieurement négociés et utilisés par une société de l'Union européenne ; que de l'aveu même de la société BlueNext, les CER déjà utilisés ne pouvaient plus être réintroduits sur le marché européen et les CER en cause ont été bloqués par l'autorité administrative lorsqu'ils lui ont été présentés en exécution des obligations que les CER avaient pour objet d'accomplir ; qu'ainsi, ces contrats de vente portaient sur un objet inexistant ou illusoire ; qu'en refusant néanmoins de les juger nuls, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1126 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 229-7, L. 229-14 et L. 229-15 du code de l'environnement ; 2°/ ALORS QU' est nul pour absence de cause le contrat de vente dans lequel le prix stipulé n'a pas pour contrepartie la chose vendue ; qu'en affirmant que les contrats d'achat des CER litigieux n'étaient pas nuls pour défaut d'économie générale, au motif que le prix stipulé correspondait à celui de 14.000 CER négociables au cours du jour du dénouement de l'opération, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait, d'une part, que le prix que la société CMH s'était engagé à payer à la société BlueNext avait pour contrepartie des CER négociables, d'autre part, que ces certificats se sont révélés périmés dès la conclusion du contrat comme ayant déjà été antérieurement négociés et utilisés par une société de l'Union européenne, de troisième part que, de l'aveu même de la société BlueNext, les CER déjà utilisés ne pouvaient plus être réintroduits sur le marché européen et les CER en cause ont été bloqués par l'autorité administrative lorsqu'ils lui ont été présentés en exécution des obligations que les CER avaient pour objet d'accomplir, de sorte que le prix payé par la société CMH était dépourvu de cause, violant ainsi les articles 1108 et 1131 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 229-7, L. 229-14 et L. 229-15 du code de l'environnement ; 3°/ ALORS QUE l'existence d'un objet certain qui forme la matière de l'engagement et d'une cause à l'engagement du contractant sont d'ordre public ; que dès lors, les motifs du jugement, à les supposer adoptés, selon lesquels la convention d'accès au marché boursier d'échange des certificats ainsi que les règles du marché annexées à cette convention en date des 26 décembre 2006 et 24 janvier 2007 dérogent valablement aux dispositions du code civil, encourraient la censure pour violation de l'article 6 du code civil et de l'article 1108 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CM Capital Markets Holding (CMH) de sa demande tendant à voir condamner la société BlueNext, en la personne de son mandataire ad hoc, à lui verser la somme de 19.040 euros au titre de son préjudice matériel ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, le 12 mars 2010, la société BlueNext a vendu les CER litigieux à la société CMH ; que les 14.000 CER litigieux se sont révélés ne pas correspondre à l'ordre d'achat du 12 mars 2010 ; que la société CMH est fondée à demander la restitution du prix de 160.300 euros ; que la société CMH estime aussi avoir subi un préjudice résultant du différentiel de prix à hauteur de la somme de 19.040 euros [dans le dispositif des écritures et de 19 329,09 euros dans leur motivation page 34] pour l'achat sur le marché d'autres CER négociables pour remplacer ceux non négociables que lui avait livrés la société BlueNext ; mais que la société CMH ne démontre pas qu'au jour du dénouement de l'opération litigieuse, il existait à la vente sur le marché d'autres CER négociables au prix de 11,45 euros l'unité, de sorte qu'elle ne prouve pas qu'elle aurait pu acquérir les 14.000 CER négociables à un meilleur prix que celui de 12,83 euros par CER auprès de GAZPROM ; ALORS QUE la perte subie par l'acheteur comprend le supplément de prix qu'il a dû payer pour acquérir auprès d'un tiers la chose convenue avec le vendeur que celui-ci ne lui pas délivrée ; qu'en l'espèce, la société CMH a acheté à la société BlueNext 14.000 certificats CER négociables, qui étaient cependant non négociables ; qu'en refusant à l'acheteur l'indemnisation du supplément de prix qu'il a dû payer pour acquérir auprès d'un tiers 14.000 certificats CER négociables, au motif erroné qu'il n'était pas démontré qu'il existait sur le marché, au jour du dénouement de l'opération, de tels certificats au prix de 11,45 euros initialement convenu avec le vendeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'acheteur n'a pas pu acquérir ces certificats à un meilleur prix que celui de 12,83 euros par certificat qu'il avait payé, violant ainsi l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.