Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...F...et Mme A... D...épouse F...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis à leur encontre le 2 décembre 2014 par le maire de la commune d'Ittenheim, pour un montant de 5 769,66 euros, et de les décharger de l'obligation de régler cette somme.
Par un jugement no 1500819 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre exécutoire et a entièrement déchargé M. et Mme F...de l'obligation de payer.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet et 31 octobre 2017, la commune d'Ittenheim, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1500819 du 17 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme F...;
3°) de condamner M. et Mme F...à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Ittenheim soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé par le magistrat compétent ;
- la taxe de riverain mise à la charge de M. et Mme F...correspond à des travaux de premier établissement d'une voie au sens de l'article 4 de la loi du 21 mai 1879 dès lors que la voie préexistante n'avait pas les caractéristiques d'une voie urbaine ;
- la taxe de riverain prévue par l'article 4 de la loi du 21 mai 1879 est applicable sur le territoire de la commune d'Ittenheim ;
- la somme mise à la charge de M. et Mme F...correspond à la quote-part des frais de réalisation de la voie, calculée en tenant compte des deux côtés de celle-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2017, M. G...F...et Mme A... D...épouseF..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la commune d'Ittenheim à leur verser une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme F...soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par la commune n'est fondé.
L'instruction a été close le 2 novembre 2017.
M. et Mme F...ont déposé un mémoire le 23 février 2018.
La commune d'Ittenheim a déposé un mémoire le 6 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi locale du 21 mai 1879 portant restriction à la liberté de construire dans les nouveaux quartiers de Strasbourg ;
- la loi locale du 6 janvier 1892 portant restriction à la liberté de construire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la commune d'Ittenheim.
Considérant ce qui suit
:
1. A la suite de travaux de voirie réalisés, en 2014, chemin d'Oberschaeffolsheim, le conseil municipal de la commune d'Ittenheim a, par une délibération du 24 novembre 2014, décidé d'appliquer la taxe de riverains prévue par la loi locale du 21 mai 1879 et fixé son taux. En vue du recouvrement de cette taxe, le maire a émis, le 2 décembre 2014, un titre exécutoire d'un montant de 5 769,66 euros à l'encontre de M. et MmeF..., propriétaires d'une maison située 1, chemin d'Oberschaeffolsheim.
2. La commune d'Ittenheim relève appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article
R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à la requérante ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu est sans incidence sur sa régularité. Ainsi, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, manque en fait et doit être écarté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
5. Le tribunal a annulé le titre exécutoire en litige au motif que la portion du chemin d'Oberschaeffolsheim située au droit de la propriété de M. et Mme F...présentait déjà, avant les travaux d'aménagement réalisés par la commune, toutes les caractéristiques d'une voie urbaine et que, par suite, ils ne pouvaient pas, s'agissant de cette portion, être regardés comme des travaux de premier établissement de la voie au sens des dispositions de la loi locale du 21 mai 1879.
6. Aux termes de l'article
L. 2543-6 du code général des collectivités territoriales, alors applicable : " Les communes dans lesquelles s'appliquent les dispositions des lois locales du 21 mai 1879 portant des restrictions à la liberté de construire dans les nouveaux quartiers de la ville de Strasbourg et du 6 janvier 1892 portant des restrictions à la liberté de construire perçoivent la participation des propriétaires riverains aux frais du premier établissement de la voie ". Aux termes de l'article 4 de la loi locale du 21 mai 1879 portant restriction à la liberté de construire dans les nouveaux quartiers de la ville de Strasbourg, alors applicable : " Les propriétaires riverains d'une voie sont tenus, en proportion de la longueur de la façade de leurs terrains, de supporter, outre le prix du terrain nécessaire pour la voie, les frais de premier établissement, du nivellement, de l'écoulement des eaux, du pavage et des trottoirs (...) le paiement de la quote-part des frais dont est grevé chaque terrain devra avoir lieu dès que les lotissements y sont élevés ".
7. La loi du 21 mai 1879 a eu pour but de faire contribuer aux dépenses occasionnées par les travaux de premier établissement des voies situées dans les nouveaux quartiers tous les propriétaires d'immeubles bâtis riverains de ces voies, quelle que soit la date de l'édification de ces bâtiments. Il résulte de ses dispositions, précitées, que la taxe de riverains est due par chacun des propriétaires riverains à raison des frais de première réalisation de la voie comprenant le nivellement, l'écoulement des eaux, le pavage et l'aménagement des trottoirs, que ces travaux soient réalisés en tout ou partie, en une fois ou de façon échelonnée. En outre, aucune disposition de la loi locale ne fait dépendre l'imposition à la taxe qu'elle institue de la circonstance que le propriétaire retirerait un avantage de l'opération de voirie réalisée, ni d'une plus-value donnée à son immeuble.
8. Par conséquent, la circonstance qu'une portion de voirie située au droit d'une propriété riveraine bâtie ait déjà fait l'objet de travaux de premier établissement au sens de la loi du 21 mai 1879 est, par elle-même, sans incidence sur l'exigibilité, auprès du propriétaire concerné, de la taxe de riverains au titre de travaux réalisés ultérieurement sur tout ou partie du reste de la même voie.
9. Dès lors, la commune d'Ittenheim est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le titre exécutoire en litige, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la portion du chemin d'Oberschaeffolsheim située au droit de la propriété de M. et Mme F... présentait déjà, avant les travaux d'aménagement réalisés par la commune, toutes les caractéristiques d'une voie urbaine.
10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme F..., tant devant le tribunal que devant elle.
Sur les autres moyens soulevés par M. et MmeF... :
11. En premier lieu, aux termes du 4° de l'article
L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le moyen tiré de ce que le titre litigieux n'est pas signé, soulevé sans plus de précision, ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
13. Si le titre exécutoire en litige ne comporte aucune autre indication relative à la créance que son montant et son objet, il fait référence, de manière précise, à la délibération 24 novembre 2014 par laquelle le conseil municipal a décidé d'appliquer la taxe de riverains à la suite des travaux réalisés sur le chemin d'Oberschaeffolsheim et a fixé le taux de la taxe. Il est constant que cette délibération a été adressée à M. et Mme F...par un courrier du 3 décembre 2014 exposant de manière détaillée les bases de la liquidation de la créance et ses éléments de calcul, et dont il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu, qu'il aurait été reçu postérieurement au titre exécutoire lui-même. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de ce titre ne peut qu'être écarté.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la loi locale du 6 janvier 1892 alors applicable : " Les dispositions (...) de la loi du 21 mai 1879 pourront (...) être étendues à d'autres communes (...) lorsque le conseil municipal le demande ". Contrairement à ce que font valoir M. et MmeF..., il résulte de l'instruction que la taxe de riverains a été étendue à l'ensemble de la commune d'Ittenheim, à la demande de cette dernière, par arrêté préfectoral du 27 octobre 1969. Par suite, la délibération du 24 novembre 2014, sur le fondement de laquelle a été émis le titre exécutoire en litige, n'est pas dépourvue de base légale. Par ailleurs, la circonstance qu'elle ne vise pas l'arrêté préfectoral du 27 octobre 1969 n'est pas de nature à la rendre illégale dès lors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une telle mention.
15. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le chemin d'Oberschaeffolsheim a été classé dans le domaine public communal par une délibération du conseil municipal d'Ittentheim du 24 novembre 2014, rendue exécutoire le 1er décembre 2014, antérieurement à l'émission du titre exécutoire litigieux. Le moyen tiré de ce que la taxe de riverains ne serait pas applicable à cette voie manque ainsi en fait et doit donc, en tout état de cause, être écarté.
16. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites tant par la commune que par les intimés, que la portion du chemin d'Oberschaeffolsheim située au droit de la propriété de M. et Mme F...comprenait, avant l'engagement des travaux par la commune d'Ittenheim en 2014, une chaussée goudronnée et stabilisée, ainsi que des trottoirs le long desquels avaient été aménagées des rigoles d'évacuation des eaux de pluie. Le chemin d'Oberschaeffolsheim présentait ainsi, sur cette portion, les caractéristiques d'une voie urbaine. S'agissant, en revanche, du reste du chemin d'Oberschaeffolsheim, il résulte de l'instruction qu'il ne comportait qu'un revêtement de chaussée sommaire et était dépourvu aussi bien de trottoirs, que d'un système d'écoulement des eaux, et que les travaux réalisés par la commune en 2014 ont doté la voie de tous ces aménagements ainsi que d'une chaussée stable et durable.
17. Dès lors, si les travaux réalisés en 2014, en tant qu'ils ont concerné la portion du chemin d'Oberschaeffolsheim située au droit de la propriété, n'avaient pas le caractère de travaux de premier établissement au sens de l'article 4 de la loi locale du 21 mai 1879 précité, ils avaient ce caractère en tant qu'ils ont concerné le reste de cette voie. Par conséquent, conformément à ce qui a été dit au point 8, la commune était dans cette mesure, fondée à exiger de chacun des propriétaires d'immeubles bâtis riverains du chemin d'Oberschaeffolsheim, y compris M. et MmeF..., le paiement de la taxe de riverains.
18. Il résulte de l'instruction que le montant global de 86 446,21 euros que la commune d'Ittenheim a réparti entre l'ensemble des propriétaires riverains concernés au titre de la taxe de riverains correspond aux dépenses qu'elle a supportées pour les travaux de voirie réalisés en 2014, l'acquisition des terrains, les frais de notaires et d'arpentage et les honoraires d'assistance à maîtrise d'ouvrage, pour une longueur de voie de 150,80 mètres. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la longueur de la portion de voie située au droit de la propriété de M. et Mme F...est de 20,13 mètres. Il n'est pas soutenu, et ne résulte pas de l'instruction, que sa réfection a été proportionnellement plus onéreuse que le premier établissement du reste de la voie. Eu égard à sa longueur, rapportée à la longueur totale de la voie, la portion en cause représente un coût de 11 539,54 euros, qu'il y a lieu de déduire du montant global retenu par la commune, pour un solde de 74 906,67 euros. Sur la base de ce montant et du double de la longueur totale de la voie, afin de tenir compte des deux côtés qu'elle comporte, le montant de la taxe de riverains due par M. et Mme F...à raison des 20,13 mètres linéaires de façade de leur propriété s'élève à 4 999,49 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le titre exécutoire contesté est illégal en tant qu'il excède cette somme et doit être annulé dans cette mesure. Par suite, la commune d'Ittenheim est uniquement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il n'a pas limité son annulation dans cette mesure.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Aux termes de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
21. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ittenheim qui n'est pas, dans la présente instance, la partie essentiellement perdante, la somme que M. et Mme F...demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme F...une somme de 1 000 euros à verser à la commune d'Ittenheim au titre de ces mêmes dispositions.
Par ces motifs
,
DECIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire du 2 décembre 2014 est annulé en tant qu'il excède la somme de 4 999,49 euros. M. G...F...et Mme A... D...épouse F...sont déchargés de leur dette dans cette mesure.
Article 2 : Le jugement no 1500819 du 17 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : M. G...F...et Mme A... D...épouse F...verseront à la commune d'Ittenheim une somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ittenheim, à M. G...F...et à Mme A... D...épouseF....
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 17NC01685