Conseil d'État, 10 ss, 9 juin 1997, 169166
Mots clés
etrangers · reconduite a la frontiere · ingérence · requête · police · prefet · arrêté · frontière · reconduite · délégué · nationalité · libertés · rapport · recours · renvoi · ressort · société
Synthèse
Juridiction : Conseil d'État
Numéro affaire : 169166
Publication : Inédit au recueil Lebon
Textes appliqués : Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1950-11-04 art. 8, Ordonnance 45-2658 1945-11-02 art. 22 bis, art. 15
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 23 février 1995
Rapporteur : M. Lévy
Rapporteur public : M. Combrexelle
Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Paris
23 février 1995
Conseil d'État
09 juin 1997
Texte
Vu la requête, enregistrée le 5 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 1995 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 février 1995 prévoyant la reconduite à la frontière de Mme Lokange X... et la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Lokange X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un office français deprotection des réfugiés et apatrides ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que
la requête, formée par le PREFET DE POLICE contre le jugement, qui lui a été notifié le 18 avril 1995, du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a été enregistrée le 5 mai 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, soit dans le délai d'un mois prévu par le IV de l'article 22 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, modifiée ; que le recours contentieux dirigé par Mme Lokange X... contre la décision préfectorale du 22 mars 1994 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'ayant pas d'effet suspensif, ne fait pas obstacle à l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 22 février 1995 ; qu'à la date dudit arrêté, Mme Lokange X..., qui avait épousé le 5 mars 1994 M. Z..., de nationalité angolaise, attributaire d'une carte de résident en tant que réfugié politique, ne pouvait elle-même prétendre, sur le fondement de l'article 15-10° de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945, à la délivrance d'une carte de résident ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que, si Mme Lokange X..., de nationalité zaïroise, entrée en France en 1993, fait valoir qu'elle a épousé, le 5 mars 1994, M. Z..., de nationalité angolaise, attributaire d'une carte de résident en tant que réfugié politique et qu'elle a eu de lui, le 14 août 1994, un enfant de nationalité angolaise, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme Lokange X... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE, en date du 22 février 1995, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 février 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Lokange X... ;
Article 1er
: Le jugement susvisé du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 23 février 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Lokange X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Lisette Y...
X..., au PREFET DE POLICE et au ministre de l'intérieur.