Cour d'appel de Versailles, Chambre 3, 29 septembre 2022, 21/02126

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    21/02126
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :TJ hors, 11 février 2021
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/633687be24cc0c3e2e3beaf7
  • Président : Madame Marie-José BOU
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2022-09-29
TJ hors
2021-02-11

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 58Z 3e chambre

ARRET

N° CONTRADICTOIRE DU 29 SEPTEMBRE 2022 N° RG 21/02126 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UNII AFFAIRE : S.A. ALLIANZ IARD C/ SAS SDEL TERTIAIRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE N° Chambre : 7 N° RG : 17/03801 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Emmanuel DESPORTES Me Anne-laure DUMEAU, Me Alain CLAVIER RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. ALLIANZ IARD N° SIRET : 542 110 291 [Adresse 8] [Adresse 1] [Localité 6] Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 243 - N° du dossier 21039 Représentant : Me Ana-maria OPREA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Emmanuelle BOCK de la SCP NABA ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0325 APPELANTE **************** 1/ SAS SDEL TERTIAIRE N° SIRET : 443 975 735 [Adresse 9] [Adresse 2] [Localité 7] Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42894 Représentant : Me Jean-pierre CLAUDON de la SCP CLAUDON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0231 INTIMEE 2/ CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLES DU CREDIT AGRICOLE (CAMCA) N° SIRET : 784 338 527 [Adresse 4] [Localité 5] Représentant : Me Alain CLAVIER de l'ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 210157 Représentant : Me Marc PANTALONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0025 INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, conseiller, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José BOU, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT, ------- FAITS ET PROCÉDURE La société Rivoli Avenir Patrimoine, représentée par son gérant en exercice, la société Amundi Immobilier, est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 3], pour lequel la société Unibiens a reçu un mandat de gestion locative et technique. La société Amundi Immobilier a souscrit au titre de ce bien une police d'assurance auprès de la Caisse d'assurances mutuelles du Crédit Agricole (ci-après, la CAMCA). Courant 2013 des travaux de rénovation ont été entrepris dans cet immeuble. A cette occasion, la société Unibiens a souscrit une police d'assurance 'tous risques chantier' auprès de la société Allianz IARD (ci-après, la société Allianz). Sont nomment intervenues à l'opération la société Nerco en qualité de maître d'oeuvre, la société Sdel Tertiaire qui s'est vu confier le lot 'électricité' et la société DS Sécurité, chargée d'assurer la surveillance de l'immeuble. Les travaux devaient être achevés et réceptionnés en décembre 2013. Dans la nuit du 7 au 8 juin 2013, un incendie est survenu dans un comble de la partie arrière de l'aile Mogador, provoquant des dégradations dans l'immeuble, tant du fait de l'incendie que du fait de l'intervention des sapeurs-pompiers. L'employé de la société DS Sécurité, seul présent sur les lieux, a donné l'alerte. Par acte du 13 septembre 2013, la société Rivoli Avenir Patrimoine et la CAMCA ont assigné les sociétés Nerco, Sdel Tertiaire et Allianz devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé afin de voir ordonner une expertise. Par ordonnance du 26 septembre 2013, le juge des référés a fait droit à leur demande et a désigné M. [X] en qualité d'expert. Par ordonnance du 17 décembre 2013, les opérations d'expertise ont été rendues contradictoires à d'autres intervenants ayant participé au chantier ainsi qu'à la société DS Sécurité. L'expert a remis son rapport le 1er octobre 2015. Par acte du 6 avril 2017, la CAMCA, se disant subrogée dans les droits de la société Rivoli Avenir Patrimoine, a fait assigner la société Sdel Tertiaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'indemnisation de ses préjudices. Par actes des 9 janvier, 12 janvier et 6 juin 2018, la société Sdel Tertiaire a fait assigner en intervention forcée pour être garantie de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre les sociétés DS Sécurité, Nerco et Allianz. Les procédures ont été jointes. Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a : - déclaré la CAMCA recevable en ses demandes contre la société Sdel Tertiaire, - condamné la société Sdel Tertiaire au paiement à la CAMCA de la somme de 491 653 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017, - débouté la CAMCA de sa demande de condamnation au titre des frais relatifs au recours à son expert conseil pour un montant de 13 335 euros, - condamné la société Sdel Tertiaire au paiement de la somme de 5 000 euros à la CAMCA au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - déclaré la société Sdel Tertiaire recevable en ses demandes formées contre la société Allianz, - débouté la société Sdel Tertiaire de sa demande en garantie à l'encontre de la société Nerco, - débouté la société Sdel Tertiaire de sa demande en garantie à l'encontre de la société DS Sécurité, - condamné la société Sdel Tertiaire au paiement de la somme de 2 000 euros à la société Nerco au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la société Allianz à garantir la société Sdel Tertiaire de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de la CAMCA, de la société Nerco et de la société DS Sécurité, en ce compris les indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, - débouté la société Sdel Tertiaire de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté la société Allianz de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté la société Nerco de sa demande formée à l'encontre de la CAMCA au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la société Sdel Tertiaire aux dépens de l'instance, - ordonné l'exécution provisoire de la décision. Par acte du 31 mars 2021, la société Allianz a interjeté appel à l'encontre de la société Sdel Tertiaire et de la CAMCA, et demande à la cour, par dernières écritures du 21 décembre 2021, de : - juger que la société Sdel Tertiaire est assurée par la police TRC souscrite auprès de la société Allianz uniquement pour ce qui est des travaux nécessaires pour remettre ses ouvrages en état en cas d'incident de chantier, et non pas au titre de sa responsabilité civile,

En conséquence

, - juger que la police souscrite auprès de la société Allianz n'a pas vocation à garantir la responsabilité civile de la société Sdel Tertiaire, - juger l'appel en garantie de la société Sdel Tertiaire à l'encontre de la société Allianz irrecevable, - réformer le jugement déféré et prononcer la mise hors de cause de la société Allianz, - débouter 'toute partie' de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Allianz, - juger que le sinistre incendie a créé des dommages sur les existants du bâtiment appartenant à la société Rivoli Avenir Patrimoine, - juger que l'exclusion prévue à l'article 3.1.1 de la police souscrite est applicable au sinistre, En outre, - juger que la police souscrite auprès de la société Allianz est une police de dommage, qui n'a pas vocation à garantir la responsabilité des assurés, mais uniquement le coût de reprise des ouvrages si ces derniers ont dû reprendre leurs travaux leur occasionnant des frais, - juger que dans ces conditions, le recours exercé tant par la CAMCA que par la société Sdel Tertiaire à l'encontre de la société Allianz n'est pas susceptible de prospérer, En conséquence, - juger que la police souscrite auprès de la société Allianz n'est pas applicable au présent sinistre, - réformer le jugement déféré et prononcer la mise hors de cause de la société Allianz, - débouter toute partie de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Allianz, Subsidiairement, si par extraordinaire, la cour venait à considérer la police applicable au sinistre, - faire droit aux limites contractuelles de la police souscrite, qui prévoit un plafond à hauteur de 376 000 euros, somme au-delà de laquelle aucune condamnation ne pourra être prononcée à l'encontre de la société Allianz, ainsi qu'à l'application de la clause de vétusté, les dommages ayant affecté des existants, - réformer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé à l'encontre de la société Allianz des condamnations allant au-delà de ces sommes, En tout état de cause, - condamner tous succombants à payer à la société Allianz la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens avec recouvrement direct. Par dernières écritures du 29 septembre 2021, la CAMCA demande à la cour de : - la juger recevable et bien fondée en ses conclusions d'intimée, - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y faisant droit : A titre principal, - juger que la société Sdel Tertiaire est responsable du sinistre, - débouter la société Allianz de sa demande de mise hors de cause, - juger que les clauses d'exclusions de la police TRC n°214 133 044 de la société Allianz sont inopposables à la CAMCA, - condamner la société Sdel Tertiaire à rembourser à la société CAMCA, conformément aux dispositions des articles L121-12 et L124-3 du code des assurances, et des articles 1217 et 1231-1 du code civil et en tout état de cause 1240 et 1242 du code civil, la somme de 491 653 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017, - condamner la société Allianz à garantir la société Sdel Tertiaire de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de la CAMCA et ce conformément aux dispositions des articles L121-12 et L.124-3 du code des assurances, 1217, 1231-1, 1242, 1240 et suivants du code civil, et enfin des dispositions de l'article 1789 du code civil, - débouter la société Allianz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, - condamner in solidum la société Sdel Tertiaire et la société Allianz au paiement de la somme de 491 653 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017 conformément aux dispositions des articles L121.12 et L124.3 du code des assurances, 1217, 1231-1, 1242, 1240 et suivants du code civil, et enfin des dispositions de l'article 1789 du code civil, En tout état de cause, - débouter toute partie de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société CAMCA, - condamner in solidum la société Sdel Tertiaire et la société Allianz à verser la somme de 7 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris les frais et honoraires d'expertise, frais d'huissier et honoraires d'avocat, avec recouvrement direct. Par dernières écritures du 28 avril 2022, la société Sdel Tertiaire demande à la cour de : A titre principal, - infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Sdel Tertiaire dans l'incendie, - débouter la société Allianz et la CAMCA de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Sdel Tertiaire, A titre subsidiaire, - confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la garantie de la société Allianz, - condamner la société Allianz, sur un fondement contractuel (articles 1103 et 1104 du code civil), à relever indemne et à garantir intégralement la société Sdel Tertiaire de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et ce, y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens (y compris les frais d'expertise), Au principal comme au subsidiaire, - condamner la société Allianz ou tout succombant à régler à la société Sdel Tertiaire une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022. SUR QUOI La disposition du jugement ayant déclaré la CAMCA recevable en ses demandes à l'encontre de la société Sdel Tertiaire n'est pas frappée d'appel, elle est donc définitive. Le tribunal a jugé qu'il résultait des éléments du dossier et notamment des conclusions de l'expertise judiciaire que la société Sdel Tertiaire, en tant que chargée du lot électricité du chantier de rénovation, et en particulier de l'installation électrique provisoire du chantier, en n'assurant pas le bon fonctionnement et la sécurité de ses installations contre les risques d'incendie, a commis une faute contractuelle qui a causé l'incendie. Il a écarté les critiques du rapport de l'expert en indiquant que si le 'coffret électrique' litigieux n'avait pas pu être vu par l'expert judiciaire, qui s'est rendu sur place en novembre 2013, soit 5 mois après le sinistre, c'est que 'ce boiter étant à l'origine de l'incendie il a, par définition, été en grande partie détruit par le feu - comme il ressort des constatations faites par le cabinet Cluster et l'huissier de justice après le sinistre'. Les premiers juges ont indiqué que c'était la raison pour laquelle l'expert mentionnait comme une hypothèse 'non vérifiée' le fait que ce coffret était probablement un boîtier de raccordement, puisqu'il existait déjà au 6ème étage un coffre électrique de chantier qui, lui, avait été retrouvé intact. Le tribunal a ajouté, que, comme il ressort du rapport d'expertise, ce boîtier était situé au niveau du plafond du 6ème étage, à proximité de la trappe d'accès aux combles, ce qui n`est pas contradictoire avec la localisation dans un premier temps de l'incendie au niveau du plancher des combles puisque les combles se trouvent juste au dessus du 6ème étage. Sur les critiques de la société Sdel Tertiaire relatives au caractère insuffisamment contradictoire du rapport d'expertise, le tribunal a répondu qu'il ressortait des pièces produites par la CAMCA et par la société Sdel Tertiaire que I'expert avait répondu précisément à chacun des dires de la société Sdel Tertiaire, qu'il apparaissait que dans son rapport final, à partir des constats effectués sur place, des documents recueillis et des photographies jointes, il explicitait abondamment, de manière détaillée et argumentée l'origine électrique de l'incendie, étant rappelé que le point de départ de l'incendie n'a jamais été contesté par aucune partie, que les autres hypothèses possibles étaient minutieusement écartées par l'expert dans son rapport et que la société Sdel Tertiaire n'apportait pas d'élément sur une autre origine possible de l'incendie. S'agissant du caractère supposément 'hypothétique' des analyses de l'expert, le tribunal a indiqué que si la cause du dysfonctionnement électrique était véritablement présentée comme une hypothèse, à savoir 'un mauvais serrage d'un câble ou d'une cosse, susceptible de provoquer un échauffement anormal dans un boiter électronique provisoire', l`origine électrique en elle-même de l'incendie était largement étayée et argumentée tout au long du rapport, malgré les 'précautions oratoires prises par l'expert et propres à l'exercice de sa profession, qui l'empêchaient de présenter ses analyses comme des certitudes absolues'. La société Allianz critique le jugement en ce qu'il a retenu sa garantie au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Sdel, les dommages consécutifs à un incendie étant expressément exclus par la police. La société Sdel conteste son implication dans le sinistre. Elle critique le rapport d'expertise, l'expert n'ayant retenu que des hypothèses, et indique que la cour ne pourra évidemment se contenter, pour caractériser sa faute, que ce soit sur un plan contractuel ou quasi-délictuel d'une simple 'hypothèse', serait-elle 'la plus probable', ce d'autant que l'hypothèse ne résulte pas des constats de l'expert, mais d'une analyse erronée des 'documents communiqués'. Elle rappelle que : - l'expert a conclu à un départ de feu dans les combles, or, s'y trouvaient l'alimentation des anciens extracteurs et l'ancienne distribution électrique des points lumineux, qu'elle avait mises hors tension avant d'alimenter le chantier par des coffrets provisoires raccordés aux tableaux divisionnaires à chaque étage, dont le 6ème, dernier avant les combles, l'expert ayant expressément exclu tout départ de feu à cet étage, - la présence d'un boîtier de raccordement ou d'un quelconque appareil électrique dans les combles n'a jamais été constatée, et l'expert ne l'a évoquée pour la première fois qu'en juillet 2015, soit 18 mois après avoir autorisé les travaux de remise en état, tout en admettant qu'il s'agissait d'une 'hypothèse non vérifiée', - c'est pourtant sur cette base qui n'a jamais été vérifiée après juillet 2015, ni même débattue en présence des parties que l'expert a conclu à sa responsabilité. Elle ajoute qu'il résulte du rapport d'expertise que le 7 juin 2013 des salariés de quatre autres entreprises étaient présents sur le chantier et que ce point n'a fait l'objet d'aucune investigation. Enfin, elle observe que ce n'est pas à elle de démontrer qu'elle n'est pas à l'origine de l'incendie mais à la CAMCA de rapporter la preuve d'une faute de sa part et de son lien de causalité ave le sinistre. La CAMCA sollicite la confirmation du jugement, faisant siens les motifs des premiers juges. *** Aux termes de la note n° 1 établie après la première réunion sur place du 8 novembre 2013, l'expert a indiqué que 'la visite n'a pas permis de localiser un foyer d'incendie précis', il a noté que le jour du sinistre, les compagnons de l'entreprise Sdel Tertiaire avaient quitté les lieux vers 13h et que la société disait avoir coupé l'installation électrique au 6ème étage. Une seconde réunion d'expertise s'est tenue le 4 mars 2014, mais l'expert n'en a pas diffusé le compte rendu comme il est d'usage après la rencontre. Toutefois, il a adressé aux parties le 7 mars 2014 un courrier autorisant la remise des lieux en état, considérant que ses investigations étaient terminées. La société Sdel lui a envoyé un dire le 13 mars 2014 dans lequel elle indique notamment : 'après les deux visites des lieux, l'origine de l'incendie objet de votre expertise paraît toujours indéterminée ...Par votre courrier du 7 mars dernier, vous avez autorisé la remise en état des lieux en indiquant que vos investigations sur place étaient terminées. J'en déduis que vous considérez que l'incendie ne peut avoir eu une origine électrique car, dans le cas contraire, des investigations complémentaires seraient évidemment nécessaires et ce avant que les travaux de remise en état des lieux soient entrepris'. Ce dire n'a pas reçu de réponse et il a fallu attendre le 12 mai 2015, soit plus d'un an après la réunion d'expertise, pour que l'expert diffuse une note de synthèse contenant le compte-rendu de la visite du 4 mars 2014 aux termes duquel il ne donne aucun avis sur l'origine du sinistre. Pourtant, la cour observe qu'il résulte de l'analyse des documents communiqués à l'expert (page 8 de la note de synthèse) que ce dernier était en possession, dès sa saisine, de trois pièces (le rapport de reconnaissance du cabinet [M], expert d'assurance pour la CAMCA suite à une visite du 8 juillet 2013, le rapport de reconnaissance établi par le cabinet Cluster Conseils le 13 juin 2013 et le constat d'huissier établi le 11 juin 2013) qui vont lui servir à étayer son analyse, mais qu'il n'a pas soumises aux parties et dont il n'a pas vérifié le contenu sur les lieux. Pour la première fois, c'est dans cette note de synthèse du 12 mai 2015 que l'expert indique que l'incendie s'est déclaré au niveau du plancher du comble et, après avoir cité les cinq causes possibles du sinistre (un acte de malveillance, des travaux de soudure, la foudre, un mégot de cigarette et une installation électrique), exclut les quatre premières causes et retient l'installation électrique de chantier comme étant 'probablement' à l'origine de l'incendie. Indépendamment du fait que la désignation de l'installation électrique et donc de la société Sdel comme étant 'probablement' à l'origine de l'incendie ne saurait être considérée comme permettant d'entrer en voie de condamnation , la mission de l'expert ne l'empêchant nullement, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, d'exprimer un avis clair et motivé, la cour observe : - que l'expert judiciaire assoit ses conclusions sur la présence d'un 'boiter de raccordement de chantier' situé au niveau du 'plancher du comble dans le volume de la cage d'escalier dont la présence a été constatée, peu de temps après le sinistre, par deux organismes différents et un huissier de justice' et qui, selon ses conclusions, serait 'probablement' à l'origine du sinistre, - que toutefois, il n'a jamais constaté lui-même l'existence de ce 'boiter', - qu'il précise dans son rapport définitif que l'armoire électrique dont il est question dans le dire du conseil de la société Sdel 'n'est pas la même que celle visée par les rapports de reconnaissance des cabinets [M] et Cluster Conseils, ainsi que par le procès-verbal de constat d'huissier', - qu'il est constant qu'au 6ème étage (dernier étage avant les combles) se trouvait, après le sinistre, une armoire électrique endommagée, dont l'expert a écarté qu'elle puisse être à l'origine de l'incendie, - que le constat d'huissier du 11 juin 2013 indique qu'au 6ème étage, il 'note la présence d'un tableau électrique qui a été détruit', puis une phrase plus loin : 'je note qu'un tableau électrique a été très endommagé', sans autres précisions s'agissant de leurs localisations respectives, - que dans le 'rapport de reconnaissance' du cabinet [M], daté du 9 juillet 2013, il est mentionné que son auteur n'a pas pu accéder au comble, mais il est écrit : 'nous avons toutefois relevé l'existence d'une armoire électrique en cueillie de mur avec filerie en partie supérieure à proximité immédiate de la trappe d'accès aménagée dans le plafond en plâtre sur bacculas', il n'est pas fait état d'un autre tableau électrique, - que dans le 'rapport de reconnaissance' du cabinet Cluster du 13 juin 2013, il est indiqué : 'l'origine reste pour le moment indéterminée ... Nous avons constaté au droit d'une armoire électrique un choc thermique plus important. Nous avons constaté également que des câbles provenaient d'une ancienne installation électrique.', et qu'il n'est donc pas fait état d'une autre installation électrique, - que force est de constater que ces constats sont imprécis et incomplets, que rien n'explique que l'armoire électrique ou le coffret de raccordement que l'expert judiciaire désigne comme étant à l'origine de l'incendie ait disparu entre les constatations précitées qu'il invoque et les siennes, - et que le rapport de 'vérification électricité visite ponctuelle' établi le 25 avril 2013 par le bureau Véritas confirme qu'il n'y a qu'un seul coffret électrique de chantier au 6ème étage et qu'il n'y a aucune installation dans les combles. Enfin, l'expert expose en page 15 de sa note de synthèse que 13 personnes étaient présentes sur le site le 7 juin 2013, selon le cahier des visites qu'il a consulté, que les salariés de la société Sdel ont quitté le chantier à 13h, qu'un salarié de la société Setrab est parti vers 16h, et que les personnes encore sur place appartenaient aux sociétés Rougnon (lot chauffage ventilation climatisation), AMTH (menuiserie bois), Prestibat (plâtrerie, peinture, faïences, revêtement de sol) et Setrab (gros oeuvre). Il évoque en page 23 de son rapport que l'hypothèse que l'incendie ait pour origine des travaux de soudure est peu probable, mais que 'pour être définitivement abandonnée, il sera nécessaire que les entreprises concernées apportent des éclaircissements sur les travaux réellement effectués dans le comble le jour du sinistre'. Toutefois il n'apparaît pas, dans la suite de son rapport, que ces entreprises aient justifié de leur activité précise le jour du sinistre. Compte tenu de l'ensemble de ces observations, dont il résulte que l'expert judiciaire s'est appuyé sur des constatations de tiers imprécises, sur lesquelles il n'a fait aucun commentaire lors des deux réunions sur site en présence des parties, les privant ainsi de la possibilité de les discuter, il apparaît que les éléments du dossier ne permettent pas de considérer avec la certitude requise que le sinistre survenu le 7 juin 2013 soit imputable à la société Sdel Tertiaire. Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions frappées d'appel. La CAMCA sera déboutée de toutes ses demandes. Elle sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Sdel Tertiaire au titre des frais irrépétibles. Il n'y a pas lieu d'allouer à la société Allianz une indemnisation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement ; Infirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel. Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant : Rejette toutes les demandes formés par la CAMCA à l'encontre des sociétés Sdel Tertiaire et Allianz IARD. Constate que la demande de garantie formée par la société Sdel Tertiaire à l'encontre de la société Allianz IARD est sans objet. Condamne la CAMCA à payer à la société Sdel Tertiaire la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne la CAMCA aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise BAZET, Conseiller pour le Président empêché, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier,Le Conseiller pour le Président empêché,