Vu l'ordonnance
en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 7 ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la S.A.R.L. "REGO" ;
VU la requête
sommaire et le mémoire complémentaire présentés par la société "REGO", société à responsabilité limitée dont le siège est situé ..., représentée par son gérant en exercice ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier 1987 et 21 avril 1987 ; la société demande au Conseil d'Etat ;
1°) d'annuler le jugement n° 56604/2 du 6 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de l'amende fiscale auxquelles elle a été assujettie, respectivement au titre des années 1979, 1980 et 1981, et des années 1980 et 1981, dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 10 octobre 1989 :
- le rapport de M. DUHANT, conseiller ;
- et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;
Considérant que
la société "REGO", qui exploite un restaurant et une discothèque à Paris, demande la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, au titre des années 1979, 1980, 1981 ; que les redressements dont résulte la cotisation, au titre de l'année 1979, sont issus de la modification de reports déficitaires au sujet desquels la requête ne contient l'exposé d'aucun moyen ; que, dès lors, les conclusions de la requête relatives à l'année 1979 ne sont pas recevables ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales applicables en l'espèce : " ...Dans tous les cas, la procédure de vérification doit comporter l'envoi d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à la vérification ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité reçu par la requérante précisait que la vérification porterait sur la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1981 ; que, par suite, le moyen tiré du fait que cet avis ne précisait pas les années vérifiées, manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas contesté que la comptabilité de la société était en 1980 et 1981, régulière en la forme ; qu'il résulte de l'instruction que pour la période du 1er janvier 1980 au 5 septembre 1980, les recettes de la discothèque étaient enregistrées globalement en fin de journée, sans pièces justificatives ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que par les énonciations qu'il comporte le brouillard de caisse invoqué par le contribuable ait été de nature à priver ces lacunes de leur portée ; que, par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que la comptabilité produite ne pouvait être regardée comme probante et, en conséquence, rectifier d'office le bénéfice de la société, au titre de l'année 1980, sans être tenue de soumettre le dossier à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant, par contre, qu'il résulte des pièces du dossier qu'à partir du 6 septembre 1980, les recettes journalières étaient comptabilisées accom-pagnées des bandes enregistreuses de contrôle de caisse, permettant de justifier le détail des recettes ; que si l'administration fait état d'anomalies dans la tenue des inventaires de stocks, la gravité de celles-ci n'est pas de nature, à elle seule, à priver l'ensemble de la comptabilité de son caractère probant ; qu'ainsi la société ayant produit pour l'année 1981 une comptabilité propre à justifier les résultats déclarés par elle, ceux-ci ne pouvaient être rectifiés que dans les conditions prévues à l'article
L.55 du livre des procédures fiscales ; que l'administration ayant refusé de saisir la commission départementale des impôts, la société "REGO" est fondée à soutenir que les compléments d'impôts sur les sociétés, les pénalités et les amendes fiscales auxquels elle a été assujettie, au titre de l'année 1981, ont été établis à la suite d'une procédure irrégulière et par suite demander la réformation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces impo-sitions ;
Sur le bien-fondé des impositions
Considérant qu'en l'absence d'une comptabilité probante, le vérificateur a procédé à la reconstitution d'office des recettes de la société, au titre de l'année 1980, qu'il appartient à la requérante d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues ; que la société n'établit pas que le pourcentage de 13 % retenu pour la casse et le coulage est insuffisant, qu'elle n'établit pas davantage que le vérificateur n'a pas en définitive tenu un compte suffisant de la pratique certains jours de la semaine de tarifs inférieurs à ceux mentionnés dans les relevés de la S.A.C.E.M. ; que si la requérante critique la méthode de reconstitution des recettes, les éléments qu'elle invoque, qui ne peuvent être regardés comme la proposition d'une méthode différente de celle retenue par le service, aboutissent à un résultat moindre que le résultat déclaré ; qu'ainsi, la société n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration au titre de l'année 1980 ;
Sur les conclusions relatives à l'amende fiscale établie au titre de l'année 1980 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une notification de redressement du 24 mai 1983, la société "REGO" a été invitée à désigner les bénéficiaires des distributions correspondant aux sommes imposables à l'impôt sur les sociétés ; qu'il est constant que la société s'est abstenue, dans le délai de trente jours prévu à l'article
117 du code général des impôts, de désigner ces bénéficiaires qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'amende prévue à l'article 1763 A du code lui a été appliquée ;
Sur les conclusions relatives aux pénalités de mauvaise foi établies au titre de l'année 1980
Considérant qu'en se bornant à invoquer "la nature des infractions constatées et l'importance des omissions de recettes", l'administration n'établit pas l'absence de bonne foi de la contribuable ; que, dès lors les intérêts de retard prévus aux articles
1727 et
1728 du code général des impôts doivent être, dans la limite du montant de cette pénalité, substitués à la pénalité de 50 % prévue à l'article
1729 de ce code ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société "REGO" est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, de l'amende fiscale et des pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1981, ainsi que des pénalités, au titre de l'année 1980 ;
Article 1er
: La société "REGO" est déchargée du complément d'impôts sur les sociétés, des pénalités et de l'amende fiscale auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1981.
Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués aux pénalités pour mauvaise foi dont étaient assortis les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société "REGO" au titre de l'année 1980.
Article 3 : Le jugement en date du 6 novembre 1986 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société "REGO" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.