Cour d'appel de Paris, Chambre 5-9, 16 mai 2019, 18/22237

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    18/22237
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 24 septembre 2015
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/5fdad7afc4120a6a401586c9
  • Président : Madame Michèle PICARD
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2020-12-09
Cour d'appel de Paris
2019-05-16
Tribunal de commerce de Paris
2015-09-24

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT

DU 16 MAI 2019 (n° , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/22237 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Q3X Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° [...] APPELANTE : Madame V... C..., en sa qualité de gérante de la SARL HONG YING Demeurant [...] Représentée par Me Ismail BENAISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0436 Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 INTIMÉS : SELAS ETUDE JP, prise en la personne de Maître H... T..., ès qualités de liquidateur de la société HONG YING Immatriculé au RCS de PARIS sous le numéro 840 214 191 Ayant son siège social [...] Représentée par Me Valerie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479 LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE CIVIL [...] COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et Madame Aline DELIERE, Conseillère.. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère Mme Aline DELIERE, Conseillère Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile. Greffier, lors des débats : Mme Hanane AKARKACH MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis. ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé. ***** FAITS ET PROCÉDURE : Mme V... C... était gérante de la Sarl Hong Ying, qui exerçait une activité de « salon de beauté, import-export, achat vente de tous produits de beauté non réglementés. » Par jugement du 24 septembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Hong Ying sur déclaration de cessation des paiements de Mme C.... Me H... T... a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cession des paiements a été fixée au 21 septembre 2015, date de la déclaration de cessation des paiements. Le tribunal de commerce de Paris, saisi sur requête du ministère public en date du 10 mai 2017, a fait citer Mme V... C... pour être entendue et faire toute observations sur l'application à son encontre des dispositions des articles L.653-1 à L.653-11 du code de commerce. Par jugement du 2 octobre 2018, le tribunal a prononcé la faillite personnelle de Mme C... pour une durée de 15 ans, et a ordonné l'exécution provisoire du jugement. Mme V... C... a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 octobre 2018. *** Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 20 février 2019, Mme V... C... demande à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, et y faisant droit : Dire et juger : - qu'il y a eu un seul débat des deux affaires, et donc une confusion entre la demande en faillite personnelle et la demande en insuffisance d'actif et donc une violation des articles 440 et suivants du code de procédure civile, et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme sur le procès équitable, - que les conclusions de Me T... sont irrecevables, dans la mesure où ce dernier n'est pas partie principale, ni demandeur, dans le cadre de la présente affaire, et qu'il est intervenu dans l'instance de faillite personnelle en violation des articles 440 et suivants du code de procédure civile, et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme sur le procès équitable, -que Me T... a bien reçu de Mme C..., et de son conseil toutes les pièces comptables demandées par ce dernier, - qu'il existe bien un contentieux fiscal entre Mme C... et l'administration fiscale pendant devant la cour administrative d'appel,

En conséquence

, à titre principal, - annuler le jugement rendu le 2 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Paris, A titre subsidiaire et sur le fond, - infirmer la décision entreprise, et statuant à nouveau, - dire et juger qu'il n'y a pas lieu à application des articles L.653-1 et suivants du code de commerce à l'encontre de Mme C..., - ordonner l'emploi des frais irrépétibles et dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire, et dans l'hypothèse d'une absence de fonds disponibles dire que l'agent judiciaire de l'Etat devra payer à Mme C... la somme de 5.000 euros, - condamner Me T... à verser à Mme C... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. *** Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 22 février 2019, la Selas Etude JP prise en la personne de Me H... T... agissant en qualité de liquidateur de la société Hong Ying demande à la cour de : - la recevoir à la présente procédure en ses conclusions, et la disant bien fondée, - confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, - condamner Mme V... C... à payer à la Selas Etude JP ès-qualités la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner Mme V... C... aux dépens d'instance, dont distraction au profit de Me Valérie DUTREUILH, avocate au barreau de Paris. *** Dans son avis signifié par voie électronique le 28 février 2019, le ministère public fait valoir qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour. Lors de l'audience le ministère public se prononce en faveur d'une faillite personnelle de dou SUR CE S procédure Sur la recevabilité des conclusions de Me T... Mme C... soutient que Me T... n'est ni partie principale, ni demandeur, et ainsi que ses demandes doivent être jugées irrecevables. Elle fait valoir qu'en première instance, Me T... n'avait pas sollicité de condamnation ni donné son avis, mais s'était limité à communiquer des renseignements au juge commissaire. Me T... fait valoir qu'en application de l'article R.661-6 du code de commerce, les mandataires de justice non appelants doivent être intimés, même quand ils n'étaient pas partie en première instance, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant du jugement de faillite personnelle. La cour rappelle effectivement les dispositions de l'article R 661-6 du code de commerce aux termes desquelles les mandataires de justice doivent, à peine de nullité de l'appel, être intimés à la procédure. La cour déboutera donc Madame C... de sa demande d'irrecevabilité des conclusions de Maître T..., ès qualités. Sur le grief tiré du déroulement des débats en première instance Mme C... fait valoir qu'elle avait été assignée devant le tribunal de commerce de Paris pour deux instances différentes, l'une pour faillite personnelle et l'autre pour insuffisance d'actif, mais que les deux affaires ont été plaidées conjointement lors de la même audience puis que les deux jugements ont été rendus le même jour. Elle soutient que cet amalgame constitue une violation des articles 438 et suivants du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Elle soutient également que les jugements ont été reportés sans qu'elle en soit avisée. Me T... fait valoir que les deux affaires supposaient la démonstration de fautes de gestion similaires commises par Mme C..., et que celle-ci, qui était présente à l'audience, n'y a pas soulevé cet argument. Selon Me T..., la décision de débattre conjointement des deux affaires constitue une mesure d'administration judiciaire non susceptible d'un recours contentieux. Il ajoute que la décision de report de la décision a été publiée sur le site Infogreffe, de sorte que l'appelante ne peut prétendre ne pas en avoir été avisée. La cour observe que Madame C... était visée par deux procédures, une procédure de faillite personnelle et une procédure d'insuffisance d'actif. Le tribunal de commerce a choisi ne pas joindre les procédures, alors qu'il aurait pu le faire, mais de les examiner à la même audience. Un tel choix qui est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, procède d'une bonne administration de la justice et ne peut avoir causé un grief quelconque à Madame C... et ne constitue en tout état de cause aucune violation de l'article 6 de la CEDH ou des article 438 et suivants du Code de procédure civile. Madame C... sera donc déboutée de sa demande de nullité. Sur le fond Sur les fautes reprochées à Mme C... Le liquidateur judiciaire soutient que les comptes relatifs aux exercices clos aux 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015 n'ont pas été déposés, et que d'après la proposition de rectification de l'administration fiscale du 30 octobre 2015, la comptabilité de la société Hong Ying était irrégulière en la forme, non sincère et non probante sur le fond. Il fait notamment valoir que l'administration fiscale a dû reconstituer le chiffre d'affaires de la société pour les exercices 2012, 2013 et 2014, et que la proposition de rectification du 30 octobre 2015 s'élève à près de 300.000 euros de rappel de TVA et d'impôt sur les sociétés. Il précise que le recours formé par Mme C... contre le jugement du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa requête n'est pas suspensif, de sorte que la dirigeante reste à ce jour redevable des sommes réclamées. Il ajoute que la Commission des infractions fiscales a émis un avis favorable à l'engagement de poursuites à l'encontre de Mme C.... Me T... reproche également à Mme C... de ne pas avoir tenu d'assemblée générale pendant ces trois années. Me T... fait ajoute que la déclaration de créances de l'administration fiscale laisse apparaître une TVA non reversée d'un montant de 23.000 euros, ce qui constitue un détournement de l'actif au sens de l'article L.653-4 du code de commerce. Me T... soutient enfin que d'après les pièces versées par le ministère public en première instance, une partie des recettes de la société Hong Ying a été utilisée à des fins personnelles par la dirigeante. Mme C... soutient avoir remis au liquidateur judiciaire les comptes annuels pour les exercices 2012, 2013 et 2014, ainsi qu'une situation comptable au 30 juin 2015, étant précisé qu'elle n'a pas pu clôturer la comptabilité au 31 décembre 2015 puisque la déclaration de cessation des paiements a été régularisée le 21 septembre de la même année. Elle dit avoir interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Paris ayant rejeté son recours contre la proposition de rectification fiscale, et qu'en l'absence d'une décision définitive ayant autorité de la chose jugée, les créances fiscales ne sont pas certaines, liquides et exigibles. Elle ajoute qu'il ne peut être retenue à son encontre aucun fait de fraude fiscale, aucune décision définitive n'ayant encore été rendue en matière pénale. S'agissant de la TVA non reversée, Mme C... soutient que le montant du prétendu détournement n'est pas déterminé et que l'administration fiscale a abandonné cette créance. La cour relève que Madame C... est visée par une procédure de proxénétisme aggravé, qu'elle dirige deux autres sociétés ayant le même objet et également en liquidation judiciaire. Il ressort de la proposition de rectification fiscale faisant suite aux contrôles sur les exercices 2012 à 2014 que la comptabilité était ' irrégulière en la forme, non sincère et non probante quant au fond'. Le vérificateur a notamment relevé qu'il existait des lacunes graves concernant les pièces justificatives de recettes et qu'en l'absence de ces pièces justificatives la comptabilité ne présentait plus de valeur probante. Il a estimé que la comptabilité était irrégulière en la forme, non sincère et non probante quand au fond pour les exercices 2012 à 2014. Dans la proposition de rectification, l'agent des impôts a eu accès à la procédure pénale. Il décrit ainsi le système existant dans les trois salons de massage de Madame C... et la façon dont les masseuses sont rémunérées. Il en ressort que la comptabilité des salons est totalement fausse. Les masseuses reçoivent un salaire qu'elles remboursent en espèce en fin de mois conservant le produit de leur prestations. Les remboursement en espèce ne figurent pas dans la comptabilité. Madame C... admet qu'elle ne déclare pas la totalité des recettes. Ainsi les fiches de paye sont fictives et ne sont destinées qu'à tromper les administrations fiscales et sociales selon le vérificateur. Madame C..., dans les PV d'auditions de l'enquête pénale admet que les recettes ne sont pas déclarées Madame C... a formé une réclamation contre la proposition de rectification qui a été refusée. La Commission des infractions fiscales a émis un avis favorable le 27 février 2017 à l'engagement de poursuites correctionnelles à l'encontre de Madame C.... Madame C... a formé un recours contre la proposition de rectification à laquelle elle a été assujettie. Ce recours a été rejeté par le tribunal administratif de Paris le 21 janvier 2019. Elle a formé appel de cette décision le 19 février 2019 mais, ainsi que l'a relevé Maître T... un tel recours n'est pas suspensif. La cour relève que Madame C... a admis que sa comptabilité était fausse et notamment que les fiches de salaire n'étaient destinés qu'à tromper les administrations fiscales et sociales. Elle a également admis qu'elle n'ignorait pas les prestations sexuelles des masseuses exerçant dans ses salons. Dès lors le grief relatif à la tenue de la comptabilité est établi sans qu'il soit besoin de rechercher les pièces qui ont été produites par Madame C... à Maître T.... Il était également reproché à Madame C... d'avoir utilisé à titre personnel une partie des recettes de la société pour une activité occulte d'achat et revente de produits de luxe entre la France et la Chine. Cependant aucune pièce n'est produite aux débats dans le cadre de la procédure d'appel et ce grief ne sera donc pas retenu. La cour retiendra en revanche le grief de détournement d'actif et d'augmentation frauduleuse du passif dès lors qu'il est établi que la société ne reversait pas la TVA selon la déclaration de créance de l'administration fiscale. Enfin il est clair que Madame C... exerçait une activité de proxénétisme, qu'elle avait émis des contrats d'embauche fantaisiste avec les masseuses qu'elle ne comptabilisait pas les prestations à caractère sexuel opérées dans ses salons de massage et ce alors qu'elle avait elle même déclaré avoir connaissance de ces prestations. Ces faits caractérisent une activité commerciale illicite contraire à l'objet social de la société. La cour ayant retenu la presque totalité des griefs reprochés à Madame C..., lesquels sont d'une particulière gravité, le jugement sera confirmé. Il serait inéquitable au regard des circonstances de l'espèce de laisser à la Selas Etide JP la charge des frais qu'il a du exposer, ès qualités, non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, Statuant publiquement, contradictoire et en dernier ressort, CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 octobre 2018, Y ajoutant, CONDAMNE Madame V... C... à payer la la Selas Etude JP, ès qualités, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile CONDAMNE Madame V... C... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. La Greffière La Présidente Hanane AKARKACH Michèle PICARD