AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL;
Statuant sur le pourvoi formé par
: - X... Charles,
- X... Denise,
- X... Louise, épouse Z...,
- BROWN A...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 29 janvier 1996, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs, notamment, de détournement ou soustraction d'acte authentique, faux et usage de faux en écritures authentiques et escroquerie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction;
Vu l'article 575, alinéa 2,3°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen
de cassation, pris de la violation des articles
441-1,
441-4 du nouveau Code pénal,
147 et
148 du Code pénal ancien, 7, 575, alinéa 2-3°, et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action publique éteinte par prescription en ce qui concerne les actes argués de faux et d'usage de faux commis antérieurement au 10 février 1977;
"aux motifs qu' "il convient de relever que, la plainte de Charles X... ayant été déposée le 10 février 1987, l'action publique est éteinte par la prescription, en application de l'article
7 du Code de procédure pénale, pour tous les actes, argués de faux et d'usage de faux par les parties civiles, établis et commis antérieurement au 10 février 1977";
"alors que, si le crime d'usage de faux constitue une infraction instantanée, elle se renouvelle à chaque fait positif d'usage, en sorte que la prescription ne commence à courir qu'à partir du jour du dernier usage délictueux, et ce indépendamment même du fait que le faux principal se trouverait, alors, prescrit; qu'en l'espèce, il résulte des éléments du débat et des propres constatations de l'arrêt que l'acte du 12 avril 1961 argué de faux a été utilisé par Me Y... à plusieurs reprises, tant avant qu'après le 10 février 1977, notamment dans l'acte de vente du 18 octobre 1983, dans les actes de vente des 26 août 1977, 9 septembre 1977, 31 mars 1978, 13 juillet et 10 août 1978, 19 juin 1980, 7 juillet 1982, dans l'acte de partage du 28 février 1985 etc; qu'ainsi c'est à tort et en méconnaissance des textes et principes susvisés que la chambre d'accusation a déclaré que l'infraction d'usage de faux en écritures publiques se trouvait prescrite pour les actes établis antérieurement au 10 février 1977, lors même que la prescription de dix ans ne commençait à courir qu'à compter du dernier acte d'usage de l'acte du 12 avril 1961 argué de faux";
Sur le deuxième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
441-1,
441-4 du nouveau Code pénal,
147 et
148 du Code pénal ancien, 575, alinéa 2-6°, et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre des chefs d'usage de faux en ce qui concerne les actes relatant de manière inexacte la confirmation du testament authentique par le testament olographe;
"aux motifs que "l'article 21 du décret du 12 septembre 1957 relatif au statut du notariat en Polynésie française stipule que dans les actes translatifs ou déclaratifs de propriété immobilière le notaire doit établir l'origine de propriété des immeubles depuis au moins trente ans et, contrairement aux prétentions des parties civiles, les actes incriminés, qui reproduisent uniquement les renseignements enregistrés à la conservation des hypothèques, ne sauraient, en eux-mêmes, constituer un usage des actes auxquels ils font référence";
"alors que, dans leur mémoire régulièrement déposé devant la Cour de Cassation, les demandeurs faisaient valoir que c'était "l'affirmation inexacte et fausse du caractère confirmatif du second testament par rapport au premier (...)" qui avait permis à Me Y... "de donner une apparence de régularité aux cessions de biens portant sur des legs"; ils demandaient donc à la chambre d'accusation de constater que l'affirmation inexacte dans de multiples actes de vente, de ce que "le testament authentique de 1955 est confirmé par le testament olographe, constitue une altération de la substance et des circonstances que ces actes avaient pour objet de constater"; qu'ainsi ce n'était pas tant le rappel des actes antérieurs en eux-mêmes, que l'énoncé de la fausse déclaration effectuée par le notaire dans ces actes, qui constituait l'élément matériel de l'usage de faux; qu'en indiquant que les actes incriminés, reproduisant uniquement les renseignements enregistrés à la conservation des hypothèques, ne sauraient constituer un usage de faux, sans s'interroger sur le point de savoir si l'affirmation qui y était faite par le notaire constituait, ou non, une altération de la vérité viciant les actes, la chambre d'accusation n'a pas répondu au chef péremptoire du mémoire de la partie civile et l'arrêt ne satisfait donc pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale;
"alors qu'en toute hypothèse, l'affirmation d'un fait faux, constituerait-t-il un renseignement enregistré à la conservation des hypothèques, n'en serait pas moins susceptible de caractériser l'usage de faux, s'il est utilisé, en toute connaissance de cause, dans des actes ultérieurs; qu'à cet égard, les demandeurs indiquaient que ladite affirmation inexacte constituait "une altération de la substance et des circonstances que ces actes avaient pour objet de constater"; qu'en s'abstenant, ainsi, de rechercher si la fausseté des renseignements auxquels il a été fait sciemment référence dans des actes ultérieurs par le notaire avait eu pour effet d'altérer le contenu de ces actes dressés par Me Y..., la chambre d'accusation a privé sa décision de motifs";
Sur le troisième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
441-1,
441-4 du nouveau Code pénal,
147 et
148 du Code pénal ancien, 565, alinéa 2-6°, et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre des chefs de faux et d'usage de faux;
"aux motifs qu' "il n'est nullement démontré par ailleurs au terme de l'information de Me Y..., en affirmant dans l'ensemble des actes argués de faux par les parties civiles que le testament authentique du 29 avril 1955 était confirmé par le testament olographe du 17 décembre 1958, ait été animé d'une intention frauduleuse quelconque; cette affirmation n'apparaît en effet que la conséquence de l'interprétation hâtive et imprudente donnée par le notaire aux effets du testament olographe du 17 décembre 1958 au terme de laquelle il a estimé que les legs particuliers institués par le testament du 29 avril 1955 étaient révoqués et considéré le legs universel comme confirmé";
"alors, d'une part, qu'ainsi que le faisaient valoir les parties civiles "ce ne sont pas les legs universels contenus aux deux testaments qui sont dits par le notaire "confirmés" l'un par l'autre, mais les testaments eux-mêmes"; qu'en l'état de ces conclusions, la chambre d'accusation ne pouvait donc considérer, sans répondre à ce chef particulièrement pertinent du mémoire des parties civiles et sans s'expliquer plus précisément sur ce point, que le notaire avait estimé que c'était "le legs universel" qui était confirmé et non point l'entier testament;
"alors, d'autre part, que les parties civiles démontraient l'intention frauduleuse de Me Y... en indiquant que ces actes lui évitaient le contrôle d'un juge, dans le cadre de l'envoi en possession ;
que la chambre d'accusation aurait donc dû précisément rechercher, comme l'y invitait le mémoire des parties civiles, si les actes commis par Me Y... ne l'avaient pas été dans le dessein de dissimuler les legs particuliers, en éludant, ce faisant, tout contrôle";
Sur le quatrième moyen
de cassation, pris de la violation des articles 173 et 255 anciens du Code pénal,
432-15 et
433-4 du nouveau Code pénal, 575, alinéa 2-6°, et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de détournement du testament authentique du 29 avril 1955;
"aux motifs que "les infractions prévues aux articles 173 et 255 anciens du Code pénal, désormais sanctionnées par les articles
432-15 et
433-4 du nouveau Code pénal, comprennent, comme élément constitutif, un fait de soustraction, de détournement ou de destruction; il s'agit d'un fait matériel positif et une omission ou une négligence ne peuvent le caractériser; en l'espèce, le testament établi par Mary X... le 29 avril 1955 n'a pas été soustrait, détourné ou détruit par Me Y.... Au contraire, cet acte, conservé dans les minutes de l'étude, a été enregistré le 16 mars 1961 et son existence a été mentionnée dans plusieurs actes établis ultérieurement par Me Y... (...)";
"alors que, ainsi que le faisaient valoir les demandeurs dans leur mémoire devant la chambre d'accusation, laissé sur ce point sans réponse, le détournement du testament établi par Mary X... ne résultait ni d'une dissimulation matérielle du document ni d'une simple omission ou négligence de la part du notaire, mais d'agissements tendant à en dissimuler le contenu exact aux légataires, ainsi qu'en témoignent les différentes mentions mensongères et inexactes le concernant; que la chambre d'accusation aurait donc dû rechercher si le manquement volontaire d'aviser les légataires particuliers des dispositions du testament de 1955, n'était pas susceptible de constituer le détournement de cet acte, matériellement détenu par le notaire à charge pour lui de le porter à la connaissance de qui de droit";
Les moyens étant réunis ;
Attendu que si, pour certains des faits dénoncés, les juges font état de la prescription, ils n'en tirent aucune conséquence et fondent leur décision de non-lieu uniquement sur l'insuffisance des charges; que, dès lors, le premier moyen est inopérant;
Attendu, par ailleurs, que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte, a répondu aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile et exposé les motifs dont elle a déduit qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les infractions reprochées;
Que les demandeurs se bornent à discuter les motifs retenus par les juges, sans justifier d'aucun des griefs que l'article
575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation, en l'absence de recours du ministère public;
D'où il suit
que les trois derniers moyens sont irrecevables ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Karsenty conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Mme Françoise Simon, M. Blondet conseillers de la chambre, Mme Fossaert-Sabatier, M. Desportes conseillers référendaires;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;