Cour d'appel de Bordeaux, 2 mai 2022, 21/05355

Synthèse

Voir plus

Texte intégral

COUR D'APPEL DE BORDEAUX PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE --------------------------

ARRÊT

DU : 02 MAI 2022 N° RG 21/05355 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKSF [E] [I] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/020008 du 16/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX) c/ [B] [H] épouse [Z] [Y] [Z] Nature de la décision : AU FOND APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE Grosse délivrée le : aux avocats Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 29 juillet 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BERGERAC (RG : 21/00102) suivant déclaration d'appel du 28 septembre 2021 APPELANTE : [E] [I] née le 16 janvier 1964 de nationalité Française demeurant [Adresse 1] représentée par Maître Margaux MASSON, avocat au barreau de BORDEAUX INTIMÉS : [B] [H] épouse [Z] née le 19 Mars 1951 à [Localité 5] de nationalité Française demeurant [Adresse 3] [Y] [Z] né le 15 Juin 1955 à [Localité 6] de nationalité Française demeurant [Adresse 3] représentés par Maître Christine MOREAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Jérôme HORTAL de l'AARPI DESTRUEL-HORTAL, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Roland POTEE, président, Vincent BRAUD, conseiller, Bérengère VALLEE, conseiller, Greffier lors des débats : Véronique SAIGE ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. * * * EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE [Y] [Z] et [B] [H] épouse [Z] sont propriétaires de deux ensembles immobiliers mitoyens à usage d'habitation situés [Adresse 2] et [Adresse 4]. À partir du mois de juillet 2017, les époux [Z] ont mis à titre gratuit leurs propriétés à la disposition de [E] [I], qui était employée en qualité de pharmacienne dans leur officine, et qui faisait l'objet d'une procédure d'expulsion de son précédent logement. Aucun contrat de bail ou convention de prêt à usage n'a été signé par les parties. Par courrier du 25 août 2020, les époux [Z] ont réclamé à [E] [I] la restitution de leurs biens immobiliers au terme d'un délai de préavis expirant au plus tard le 31 août 2020. [E] [I] s'est maintenue dans les lieux. Par exploit en date du 11 février 2021, les époux [Z] ont assigné [E] [I] en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bergerac aux fins notamment de voir constater que [E] [I] est occupante sans droit ni titre de leurs propriétés et ordonner son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef. Par ordonnance de référé contradictoire en date du 29 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bergerac a : ' Prononcé l'admission provisoire de [E] [I] à l'aide juridictionnelle ; ' Constaté que [E] [I] est devenue occupante sans droit ni titre des deux ensembles immobiliers mitoyens à usage d'habitation situés [Adresse 2] et [Adresse 4] appartenant aux époux [Z] ; ' Enjoint à [E] [I] de restituer aux époux [Z] les deux ensembles immobiliers mitoyens à usage d'habitation situés [Adresse 2] et [Adresse 4] ; ' Ordonné en conséquence à [E] [I] de libérer les lieux et de restituer les clés aux époux [Z] lors de son départ des lieux ; ' Dit qu'à défaut pour [E] [I] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, les époux [Z] pourront faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle des tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique, conformément aux dispositions des articles L. 412-l et suivants, R.411-1 et suivants, R. 412-l et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; ' Passé ce délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, condamné [E] [I] à payer aux époux [Z] ensemble une astreinte provisoire de cinquante euros par jour de retard pendant quatre mois ; ' Rejeté le surplus des demandes ; ' Condamné [E] [I] à payer aux époux [Z] ensemble la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ' Condamné [E] [I] aux dépens ; ' Dit que les dépens seront réglés conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ; ' Rappelé que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit. [E] [I] a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 28 septembre 2021. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 octobre 2021, [E] [I] demande à la cour de : ' Confirmer l'ordonnance de référé en ce que le juge des contentieux de la protection a reconnu l'existence d'un commodat passé entre [E] [I] et les époux [Z] ; ' Réformer l'ordonnance de référé en ce que le juge des contentieux de la protection a : - constaté que [E] [I] était devenue occupante sans droit ni titre des deux ensembles immobiliers mitoyens à usage d'habitation situés [Adresse 2] et [Adresse 4] appartenant aux époux [Z], - enjoint à [E] [I] de restituer aux époux [Z] les deux ensembles immobiliers, - ordonné en conséquence à [E] [I] de libérer les lieux et de restituer les clés aux époux [Z], - dit qu'à défaut pour [E] [I] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, les époux [Z] pourront faire procéder à son expulsion, - dit que passé ce délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, [E] [I] sera condamnée à payer aux époux [Z] une astreinte provisoire de cinquante euros par jour de retard pendant quatre mois, - condamné [E] [I] à payer aux époux [Z] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Et statuant à nouveau, À titre principal, ' Déclarer que le logement situé [Adresse 2] appartenant aux époux [Z] a été prêté à [E] [I] jusqu'à ce que cette dernière soit relogée ; ' Déclarer que le commodat passé entre [E] [I] et les époux [Z] est assorti d'un terme

; En conséquence

, ' Juger que le commodat continuera de s'exécuter jusqu'à ce que [E] [I] obtienne une solution de logement ; À titre subsidiaire, ' Déclarer que [E] [I] n'a pas encore pu récupérer son logement et qu'elle n'a pas trouvé un nouveau logement, de sorte que le logement prêté par les époux [Z] n'a pas servi à l'usage pour lequel il a été emprunté ; En conséquence, ' Juger que le commodat continuera de s'exécuter jusqu'à ce que [E] [I] obtienne une solution de logement ; À titre infiniment subsidiaire, ' Accorder un délai à [E] [I] afin qu'elle puisse se reloger avant d'être contrainte de quitter le logement situé [Adresse 2] ; En tout état de cause, ' Condamner les époux [Z] à verser à [E] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 15 novembre 2021, [Y] [Z] et [B] [H] épouse [Z] demandent à la cour de : ' Confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bergerac en date du 29 juillet 2021 en ce qu'elle a : - constaté que [E] [I] est devenue occupante sans droit ni titre des deux ensembles immobiliers mitoyens à usage d'habitation situés [Adresse 2] et [Adresse 4] appartenant aux époux [Z], - enjoint à [E] [I] de restituer aux époux [Z] les deux ensembles immobiliers mitoyens à usage d'habitation situés [Adresse 2] et [Adresse 4], - ordonné en conséquence à [E] [I] de libérer les lieux et de restituer les clés aux époux [Z] lors de son départ des lieux, - dit qu'à défaut pour [E] [I] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, les époux [Z] pourront faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle des tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique, conformément aux dispositions des articles L. 412-l et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-l et suivants du code des procédures civiles d'exécution, - passé ce délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, condamné [E] [I] à payer aux époux [Z] ensemble une astreinte provisoire de cinquante euros par jour de retard pendant quatre mois, - condamné [E] [I] à payer aux époux [Z] ensemble la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné [E] [I] aux dépens ; ' Réformer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bergerac en date du 29 juillet 2021 en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes dont la suivante : - condamner, au besoin, [E] [I] à verser la somme de 1 000 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation dans le cas où elle se maintiendrait dans les lieux au-delà du délai de 10 jours précité lui étant accordé pour les restituer volontairement ; Et, la cour statuant à nouveau, ' Condamner [E] [I] à verser aux époux [Z] la somme de 1 000 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation dans le cas où elle se maintiendrait dans les lieux au-delà du délai d'un mois précité qui a été accordé pour les restituer volontairement, et ce, en sus de l'astreinte ; ' Condamner [E] [I] à verser aux époux [Z] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de maître Moreaux, avocat, sur son affirmation de droit en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Au visa de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a fait l'objet le 18 octobre 2021 d'une ordonnance de fixation à bref délai avec clôture de la procédure 15 jours avant la date de l'audience fixée au 7 mars 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande d'expulsion : Aux termes de l'article 835, alinéa premier, du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Les parties s'accordent pour reconnaître qu'elles ont conclu un commodat, mais disputent de l'existence d'un terme. Selon les époux [Z], aucun terme n'était convenu. Selon [E] [I], le terme convenu était le relogement de l'emprunteuse. Sur ce point, il n'est pas produit en appel de nouvel argument ou de nouvelle pièce de nature à remettre en cause l'exacte analyse du premier juge qui, après avoir notamment examiné l'attestation rédigée par [E] [I] le 9 juin 2020 et sa lettre du 22 août suivant (pièce no 6 de l'appelante et pièce no 4.1 des intimés), a considéré qu'aucun terme n'avait été convenu lors de la conclusion du commodat. Le 22 août 2020, [E] [I] écrivait aux époux [Z] : « Nous avions convenu d'un commodat : contrat oral par lequel j'ai assuré la garde et la conservation de votre bien, ainsi que l'entretien courant (entre autres réparation des actes de vandalisme commis par [R] [G] contrevenant en sursis). J'ai ainsi accompli des dépenses pour user normalement du bien. Je vous propose aujourd'hui la restitution du bien avec un délai de départ raisonnable, ou alors la signature d'un bail mobilité. » Sa proposition de mettre un terme au commodat a été acceptée par lettre du 25 août 2020 des époux [Z], qui ont réclamé la restitution des biens immobiliers prêtés à titre gracieux, ce au terme d'un délai de préavis expirant au plus tard le 31 août 2020 (pièce no 5.1 des intimés). Le prêt à usage a ainsi pris fin, de l'accord des parties, à l'issue d'un délai de préavis raisonnable, que le premier juge a sensément tenu pour expiré au jour de sa décision. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite, auquel il convient de mettre fin en autorisant l'expulsion de l'appelante. Aussi l'ordonnance querellée sera-t-elle confirmée en ce qu'elle ordonne l'expulsion de [E] [I]. Sur la demande de délai : Sur la recevabilité de la demande : Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les époux [Z] contestent sur ce fondement la recevabilité de la demande de délai présentée à titre subsidiaire par l'appelante pour la première fois en cause d'appel. Est irrecevable au regard du texte précité la demande de délai formulée en appel, alors que cette demande n'est pas de nature à faire écarter une demande d'expulsion formulée en première instance (1re Civ., 17 juin 1975 : Bull. civ. I, n° 201). En revanche, une telle demande se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires des époux [Z], si bien que, présentée à titre reconventionnel, elle est recevable en appel en application de l'article 567 du même code. Sur le bien-fondé de la demande : Au regard du délai écoulé entre la réception par [E] [I] de la lettre des époux [Z] le 26 août 2020, et le prononcé de l'ordonnance du 29 juillet 2021, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de l'appelante. Au surplus, cette dernière a saisi le 20 septembre 2021 le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bergerac d'une demande de sursis à la mesure d'expulsion pendant huit mois (pièce no 17 des intimés). Sur la demande d'une indemnité d'occupation : Aux termes de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. L'occupation sans droit ni titre du bien ayant débuté le 29 juillet 2021, il n'est pas sérieusement contestable que [E] [I] soit dès lors redevable d'une indemnité d'occupation. Une provision sera allouée en conséquence aux époux [Z] qui justifient devant la cour du prix des locations à [Localité 7] (leur pièce no 21). Ils font valoir que l'ensemble immobilier prêté est constitué d'un manoir en ville à étage de type 4 avec cave, grenier, jardin et cour sis sur deux parcelles d'une surface totale de 808 mètres carrés d'une part, et, d'autre part, d'une maison d'habitation de type 3 sise sur une parcelle d'une surface de 54 mètres carrés, lesquels biens immobiliers sont entièrement meublés (leur pièce no 1 : titres de propriété). Les intimés sollicitent une indemnité mensuelle de 1 000 euros, indiquant que le prix des locations pour une maison de type 5 d'une surface de 100 mètres carrés environ s'élève à la somme de 930 euros par mois, quand la location saisonnière d'une maison de type 3 de 74 mètres carrés est recensée à un prix de 656 euros par semaine. L'appelante expose occuper une dépendance d'un manoir laissé à l'abandon. [E] [I] ne logeant que dans un des deux bâtiments, dont l'état d'entretien n'est pas connu, l'indemnité d'occupation provisionnelle sera fixée à 400 euros par mois. Sur les dépens et les frais irrépétibles : Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'appelante en supportera donc la charge. En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, [E] [I] sera condamnée à payer aux époux [Z] la somme de 1 200 euros. LA COUR,

PAR CES MOTIFS

, Confirme l'ordonnance, sauf en ce qu'elle rejette la demande des époux [Z] de condamner [E] [I] au payement d'une indemnité d'occupation ; Statuant à nouveau dans cette limite, Condamne à titre provisionnel [E] [I] à payer à [Y] [Z] et [B] [H] épouse [Z] ensemble une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 400 euros dans le cas où elle se maintiendrait dans les lieux au-delà du délai d'un mois qui lui a été accordé pour les restituer volontairement, jusqu'à complète libération des lieux, et ce en sus de l'astreinte ; Confirme toutes les autres dispositions non contraires ; Y ajoutant, Déclare [E] [I] recevable en sa demande de délai ; Déboute [E] [I] de sa demande de délai ; Condamne [E] [I] à payer à [Y] [Z] et [B] [H] épouse [Z] ensemble la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne [E] [I] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de maître Moreaux, avocat, sur son affirmation de droit en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Dit que les dépens seront réglés conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier,Le Président,