CJUE, 3 février 1982, 258/78

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Texte intégral

CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS, PRÉSENTÉES LE 3 FÉVRIER 1982 Sommaire I - Genèse de l'affaire Définitions: a) hybridation b) obtention végétale c) semences de base et semences certifiées d) multiplication e) variétés ouvertes L'INRA La SSBM Implantation des variétés Inra en RFA Kurt Eisele et L. C. Nungesser Accord des 12-14 décembre 1960 et avenant des 19 janvier-8 février 1961 Dénominations Inra allemandes Textes nationaux et internationaux Loi allemande de 1953 Convention de Paris de 1961 Autres lois nationales Législation allemande de 1968 Accord du 5 octobre 1965 La CGLV La Fraserna Notification et demande d'exemption Textes communautaires Directive 66/402 Directivi 70/457: catalogue commun et catalogues nationaux Règlement no 2358/71 Protocole d'accord du 23 septembre 1971 Les problèmes de Kurt Eisele/L. C. Nungesser Affaire L. David Épisode R. Bomberault Communication des griefs La décision 78/823 du 21 septembre 1978 Le recours en annulation II - Examen au fond Observations préliminaires 1) Les variétés en cause et leurs dénominations 2) La clause deux tiers/un tiers et la clause concernant la vente de variétés concurrentes 3) Exportations vers la France 4) Avenant des 19 janvier-8 février 1961 5) La transaction judiciaire du 14 novembre 1973 Moyens et arguments invoqués Règlement no 26 Mise hors de cause de l'INRA (article 90, 2) Point central de la décision - L'article 36 et la théorie de l'épuisement des droits - Caractère contradictoire de la décision - Statut légal de Kun Eisele - Jurisprudence de la Cour en matière d'épuisement des droits - Inapplicabilité au cas d'espèce - particularités de l'obtention végétale - Arguments tirés de la Convention sur le brevet communautaire - la cession d'une licence exclusive de production équivaut à un démembrement du droit de propriété - son interdiction constitue une atteinte au régime de la propriété - la décision préjuge du régime de certaines catégories d'accords de licences de brevets - et de l'établissement d'un régime d'obtention communautaire Examen au regard des règles de concurrence du traité - Article 86 - Articles 85, 3, et 39 - Justification en termes commerciaux du caractère exclusif de la distribution en RFA des variétés Inra produites en France - Prix - Prestations de Kurt Eisele faculté et énergie germinatives calibrage traitement phytosanitaire étiquetage sécurité des approvisionnements - Évolution des échanges diminution de la part des variétés Inra et accroissement de la part des variétés fermées, issues de variétés Inra accroissement des importations des pays tiers conséquences pour l'organisation de la production et de la distribution dans le marché commun place des variétés d'origine étrangère dans le marché commun en 1978 et en 1979 caractère excessif de l'exigence de la concurrence à l'intérieur de la variété Remarques finales Avis du Comité économique et social Résolution du Parlement européen Retard dans l'adoption de la décision III - Dispositif Monsieur le Président, Messieurs les Juges, I - Par un recours en date du 27 novembre 1978, la firme L. C. Nungesser et Kurt Eisele vous demande l'annulation partielle de la décision de la Commission 78/823 «relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité - IV/28.824 - droit d'obtention - semences de maïs». Cette affaire, particulièrement complexe, met en jeu l'application de nombreuses considérations et principes dans le domaine très spécial du droit d'obtention végétale. Elle nécessite des explications préalables sans doute un peu longues, mais qui nous ont paru indispensables tant à la compréhension des éléments de la cause qu'à la solution que nous vous suggérons. En abordant cette affaire, il convient de définir un certain nombre de termes employés par le législateur national ou communautaire dans le domaine des semences, notamment du point de vue de la propriété industrielle et commerciale, de la protection des consommateurs, de la sécurité des approvisionnements et de l'organisation du commerce. a) Il faut tout d'abord parler de l'hybridation, non pour poner un jugement de valeur sur ce procédé, mais pour mettre en évidence un certain nombre de points qui revêtent de l'importance en droit. L'hybridation est le croisement entre deux individus (lignées) de variétés ou d'espèces différentes. Dans le langage des spécialistes, les «lignées» constituent le premier matériel génétique de base; il s' agit de semences a une purete totale, obtenues après quinze ans de croisement. On les appelle encore «semences pré-base». Parmi les variétés de Vespéce Zea Maïs L., on distingue les variétés à pollinisation libre et les variétés hybrides. Il existe, à la seconde génération, des hybrides simples (croisement de deux lignées) et, à la troisième génération, des hybrides doubles (croisement de deux hybrides simples). On est mėme parvenu à mettre au point des hybrides trois voies (croisement d'un hybride simple et d'une lignée consanguine) et des hybrides «top cross» (croisement d'une lignée consanguine ou d'un hybride simple et d'une variété à pollinisation libre). Le procédé de l'hybridation est connu depuis longtemps. Le produit qui en résulte présente, en général, une supériorité sur les parents en ce qui concerne certains caractères: vigueur, taille, rendement. Il a cependant quelques inconvénients: d'une part, la variété hybride est plus exigeante que la variété dont elle est issue au point de vue de l'irrigation, des engrais, des traitements phytosanitaires. D'autre part, si l'agriculteur réutilise une partie de sa récolte d'hybrides pour ses semailles de l'année suivante, il constate que, par le jeu des lois de Mendel, la génération suivante devient hétérogène, si bien que le rendement moyen baisse d'au moins 20 % dés la première génération et davantage encore par la suite. Ainsi, l'hybridation introduit une différenciation entre la graine de maïs utilisée comme semence et le grain de maïs, objet de consommation. La conséquence est double: chaque année, l'agriculteur devra acheter des semences aux sélectionneurs, alors qu'auparavant il pouvait garder comme semences une panie de sa récolte. Dans le cas du maïs, l'agriculteur n'utilise pratiquement plus jamais de semences de ferme, car il sème pour obtenir une plante nouvelle à partir de chaque graine. Surtout, s'il parvient à garder secrètes les lignées parentales pures (formule dite «fermée»), le créateur (obtenteur) de l'hybride n'a besoin d'aucune loi pour protéger ses variétés commerciales, car il est impossible de reproduire des semences à partir d'un hybride commercial. Les composants généalogiques sont alors connus uniquement de l'obtenteur et du service de contrôle. Cette possibilité de garder secret le mode d'obtention est expressément prévue par la directive 66/402 du Conseil du 14 juin 1966, concernant la commercialisation des semences de céréales: «Les États membres veillent à ce que l'examen et la description des composants généalogiques soient, à la demande de l'obtenteur, tenus confidentiels» (article 6, 3) et par l'article 7, 3, de la directive du Conseil du 29 septembre 1970, concernant le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles: «Lorsque l'examen des composants généalogiques est nécessaire à l'étude des hybrides et variétés synthétiques, les États membres veillent à ce que les résultats de cet exàmen et la description des composants généalogiques soient, si l'obtenteur le demande, tenus confidentiels.» C'est ce que l'on appelle «travailler en formule fermée». b) Le terme «Obtention» végétale est synonyme de création. Une nouvelle variété est officiellement reconnue, enregistrée et appelée obtention si elle satisfait, en dehors de son caractère de nouveauté, à trois critères définis par la loi: différence, homogénéité, stabilité. On tient compte également de sa valeur culturale et d'utilisation. Dans le cas d'une obtention en formule fermée, la protection conférée par le statut juridique d'obtenteur se surajoute à celle qui résulte déjà du caractère confidentiel de l'obtention, mais il reste nécessaire d'obtenir son inscription au catalogue national des variétés pour pouvoir la commercialiser. Dans ce cas, la variété «fermée» n'est produite et vendue que par l'obtenteur ou par son représentant. La durée de la protection est fixée pour une période limitée (20 ans pour les espèces annuelles). La violation du droit d'obtention constitue un délit pénal. En France, les certificats d'obtention sont délivrés par le Comité de protection des obtentions végétales (CPOV) au vu du résultat des analyses réalisées par un service de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour le compte du Comité technique permanent de sélection (CTPS), organisme chargé de l'inscription des nouvelles variétés au catalogue officiel français. c) Les termes «semences de base» ou «parents», ou encore «géniteurs de base», désignent les semences qui ont été produites sous la responsabilité directe d'un obtenteur, selon les règles de sélection conservatrice en ce qui concerne la variété. On les appelle encore «semences de production» (article 2, D, de la directive 66/402). Ce sont les semences destinées aux firmes multiplicatrices qui, en combinant ces géniteurs entre eux et en les multipliant, obtiennent les semences certifiées, destinées à être commercialisées, qui sont prévues pour une production autre que celle de semences de céréales, c'est-à-dire qui sont utilisées pour produire des grains destinés à la consommation. Il faut compter près de huit années entre l'invention et sa diffusion. d) La variété créée par l'obtenteur (semences de base) est donc ensuite multipliée soit par l'obtenteur lui-même, si telle est sa vocation professionnelle, soit par un «multiplicateur», c'est-à-dire par un cultivateur qui, à partir de semences inventées et fournies par l'obtenteur, cultive et donc produit en les multipliant de nouvelles semences qui donneront les semences certifiées. Lorsque la qualité d'obtenteur est distincte de celle de multiplicateur, des contrats sont généralement passés entre obtenteurs et multiplicateurs pour fixer le volume de production d'une variété particulière, ainsi que les redevances payables par le multiplicateur à l'obtenteur. La qualité d'obtenteur et de multiplicateur ne confère pas que des droits; elle s'accompagne d'obligations: les conditions de multiplication des semences font l'objet de contrôles très stricts en vue de la certification (article 6, 4, de la directive 66/402). La certification fait l'objet d'une réglementation par espèces et, en France, elle est effectuée par le Service officiel de contrôle (SOC), service technique du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS). Les techniques culturales font l'objet d'un protocole précis, et les semences doivent répondre à des nonnes déterminées (pureté, faculté germinative, humidité). Ainsi que nous l'avons vu, pour le sélectionneur travaillant en formule fermée, l'hybridation garantit le maintien des résultats de ses efforts dans son patrimoine privé; elle lui assure que ses obtentions seront de toute façon protégées (sauf licence obligatoire ou expropriation), même en l'absence de législation sur les droits d'obtention. On comprend dans ces conditions que ce procédé ait entraîné un bouleversement au niveau de la production des semences et qu'il ait été à la fois la condition et la cause des investissements privés dans cette branche. e) En revanche, dans le cas des variétés à formule «ouverte», les composants généalogiques sont généralement connus et accessibles à tous les intéressés. En pareil cas, au regard de la législation relative à la commercialisation des semences (Saatgutverkehrsgesetz du 20. 5. 1968 en Allemagne), ces semences sont reconnues comme semences certifiées et inscrites sur la liste des variétés végétales, mais le producteur (obtenteur) ne peut prétendre à aucune protection absolue de droit privé au titre de la législation sur les obtentions végétales (Sortenschutzgesetz du 20. 5. 1968 en Allemagne). Cette situation se présente en général lorsqu'une variété a été sélectionnée par des organismes de recherche de droit public (universités ou autres) qui mettent les résultats de leurs efforts à la disposition du public ou de la collectivité nationale moyennant une contrepartie financière normalement inférieure à celle qui peut être exigée par un obtenteur privé (autorisation simple, licence de droit, Jedermannserlaubnis, §21 Sortenschutzgesetz). Jusque vers la fin des années 195D, la culture du maïs était réalisée en France avec des variétés locales descendant des lignées de maïs de type corné, rapportées du Nouveau Monde. Après l'introduction en France des premières semences hybrides de maïs par les chercheurs de l'INRA, les années 1957 et 1958 ont été marquées par la création de maïs hybrides de type précoce par ces mêmes chercheurs. La variété Inra 200 a été inscrite au catalogue officiel français en 1957, la variété Inra 258 en 1958. L'Institut a ainsi ouvert la voie à l'extension de la culture du maïs vers les zones septentrionales, ce qui constitue sans nul doute l'un des objectifs du traité de Rome (article 39, 1, a, et article 85, 3). Vingt ans plus tard, le maïs hybride s'étendait sur près de trois millions d'hectares, avec un rendement de 50 quintaux à l'hectare; malgré ce progrès, le déficit de la Communauté en maïs s'élève encore à près de douze millions de tonnes par an. Jusqu'au début des années 1970, l'INRA a travaillé en formule ouverte: la formule des hybrides qu'il avait mise au point était connue et tout le monde pouvait en profiter. Ses variétés Inra 200 et 258 comptaient parmi les moins chères, ce qui était conforme à sa vocation d'organisme travaillant au niveau de la recherche fondamentale, ainsi qu'il sied à un «établissement public national autonome». Créé par la loi du 18 mai 1946 et financé par l'État français, l'INRA avait tout mis en œuvre pour faire participer les établissements privés et les coopératives françaises à la sélection et à la production de ses hybrides. L'Institut n'est en effet lui-même ni producteur (multiplicateur), ni vendeur de semences, bien qu'il soit obtenteur et responsable de la sélection conservatrice; il ne produit que des «semences pré-base». Si l'INRA a ainsi créé les semences indispensables, les entreprises privées ont rapidement bénéficié de ses recherches. Ayant très vite saisi l'intérêt de ce secteur, ces entreprises {coopératives ou établissements privés), qui n'étaient pas gênées dans leur recherche de profit par une mission de service public, ont ainsi créé, à partir du matériel Inra, leur propres variétés «privées». Aujourd'hui encore, on retrouve les lignées Inra dans 90 % des semences commerciales de maïs hybrides. Ces établissements ont ainsi pris, peu à peu, le relais de l'Institut. Alors que les variétés Inra représentaient la quasi-totalité des ventes de semences de maïs en France au début des années 1960, elles n'ont cessé de perdre du terrain depuis lors et elles ne représentaient plus qu'environ 10% de ce marché en 1981. En France, la production et la vente des semences de grande culture des variétés françaises et étrangères sont réalisées par des personnes ou sociétés agréées par le ministère français de l'agriculture et titulaires d'une carte professionnelle, délivrée par le GNIS. Etant donné la nature purement administrative de l'INRA, il apparut nécessaire de créer en 1960 une société de droit privé chargée de gérer les problèmes de multiplication, de conservation et de commercialisation des semences de base et des semences certifiées des variétés hybrides Inra. Ces tâches furent confiées à la Société des semences de base de maïs (SSBM), Sàrl, organisme professionnel qui coiffe des établissements privés (regroupés au sein du Syndicat national des établissements de semences agréés pour le maïs, SNESAM) et des coopératives (regroupées au sein de Syn coM aïs). La SSBM avait du reste son siège à la mėme adresse que le SNESAM. A partir des années 1970, le mode de commercialisation des variétés mises au point par l'INRA fit l'objet de critiques et la commercialisation du matériel Inra fut confiée à la société anonyme «Française des semences de maïs» (Fraserna) qui se- substitua le 18 juin 1973 à la SSBM. La totalité des établissements français producteurs de maïs Inra sont ainsi actionnaires de la Fraserna, et cette société est ouverte à tout sélectionneur agréé qui demande à y entrer. Au plan intérieur français, comme au plan mondial, elle bénéficie de l'exclusivité de la production et de la commercialisation des géniteurs de base issus des souches de départ provenant des stations Inra. Le conseil d'administration de la Fraserna est constitué par les principaux obtenteurs privés de semences de maïs, qui sont donc à la fois les premiers bénéficiaires des résultats de cet établissement public et ses principaux concurrents. De même que l'INRA avait fait accéder les entreprises françaises intéressées à la multiplication des variétés qu'il avait mises au point, de même, à la demande des professionnels français qui voulaient exporter des semences multipliées de ces variétés en Allemagne, l'INRA s'employa à obtenir l'inscription de ces variétés sur la «liste des variétés» allemandes au titre de la législation allemande sur les obtentions végétales, préalable indispensable pour pouvoir les commercialiser dans ce pays. Pour se faire représenter auprès de l'Office fédéral des variétés (Bundessortenamt), son choix se pona sur Kun Eisele, de Darmstadt. Kun Eisele est associé, personnellement responsable de la société en commandite, L. C. Nungesser, de Darmstadt. Fondée en 1775, cette société employait 192 personnes en 1977; elle avait un chiffre d'affaires de 8C millions de DM cette mėme année. Le seul associé en commandite était Christoph Eisele Junior. La firme Nungesser a également une filiale à 100% à Strasbourg, qui commercialise dans l'Est de la France les semences importées par la société mère du Danemark, des Pays-Bas et des pays tiers. Son activité concerne principalement les semences de graminées, les graines pour oiseaux et les semences de trèfle. Elle revend aussi, pour une faible part (moins de 5 % de son chiffre d'affaires) à des négociants en produits agricoles de l'Est de la France des semences de maïs qu'elle achète auprès de coopératives de cette région. Elle n'a jamais vendu de semences de maïs provenant de la république fédérale d'Allemagne. Suivant convention rédigée en français, signée à Paris le 14 décembre 1960 et à Darmstadt le 16 décembre suivant, Kun Eisele se chargeait d'effectuer toutes les démarches nécessaires pour l'inscription des variétés Inra 200, 244, 258 et 321 auprès des autorités de la république fédérale d'Allemagne. L'institut s'engageait à rembourser à Kurt Eisele tous les frais occasionnés par l'inscription de ses variétés. De son côté, il s'engageait à informer l'Institut de toutes les questions relatives à la commercialisation desdites variétés en République fédérale. Par quatre déclarations identiques, rédigées en allemand, signées à Darmstadt le 19 janvier 1961 et à Paris le 8 février suivant, l'INRA cédait le droit d'obtention sur ces quatre variétés hybrides de maïs «Darmstadt» à Kun Eisele, et celui-ci assumait le droit d'obtention sur ces variétés et les droits en découlant, avec effet au 14 décembre 1960. L'emploi de la dénomination «Darmstadt», siège social de la firme Nungesser, est dû au fait que, pour la durée de la procédure devant l'Office fédéral des variétés, il est possible de recourir à une dénomination provisoire qui n'a pas besoin de correspondre aux exigences en matière de dénomination des variétés. Quant aux dénominations définitives, Inrafriih, Inrasil, Inrakorn, Inraweiss, elles paraissent s'inspirer de l'anicle 13, 8, de la Convention pour la protection des obtentions végétales, signée à Paris le 2 décembre 1961, selon lequel: «lorsqu'une variété est offene à la vente ou commercialisée, il est permis d'associer une marque de fabrique ou de commerce, un nom commercial ou une indication similaire, à la dénomination varietale enregistrée. Si une telle indication est ainsi associée, la dénomination doit néanmoins étre facilement recon-naissable». La différence avec les dénominations françaises se justifie également parce que leur adoption pure et simple aurait pu étre génératrice de confusion: les nombres 200, 244, 258, 321 correspondent en panie à l'indice de maturité en France, mais cet indice est différent en Allemagne. Enfin, nous avons appris que, d'après les dispositions légales allemandes, une variété ne pouvait étre admise en Allemagne avec un nom et un chiffre et qu'il fallait que la dénomination fût un nom complet. Au verso de chacune de ces déclarations figurait une autre déclaration, rédigée en allemand, signée à Darmstadt le 19janvier 1961 par Kurt Eisele, en qualité de «successeur -du titulaire du droit», et à Paris, le 8 février 1961, par le représentant de l'INRA, en qualité de «titulaire du droit précédent», par laquelle les parties au contrat déclaraient que l'INRA (précédent titulaire du droit) avait cédé le matériel de sélection et la semence nécessaire à la sélection ou à la multiplication (géniteurs de base), ainsi que les registres de sélection et autres notices concernant ces quatre variétés, conformément au paragraphe 9, 3, de la loi allemande sur les semences (Saatgutgesetz du 27 juin 1953); que Kurt Eisele (successeur comme titulaire du droit) était entré en leur possession et que, dans la mesure où cette dernière déclaration dérogeait à la convention des 14-16 décembre 1960, elle valait modification de celle-ci. Cette loi allemande, qu'il importe d'examiner, regroupait en un seul texte les dispositions concernant l'octroi de la protection des variétés au titre du droit privé (1re partie) et les règles de droit public ou de «police économique» relatives à l'homologation des variétés et au commerce des céréales (2e panie). Nous verrons que, par la suite, le législateur allemand a opéré une séparation entre ces deux ordres de dispositions. Indépendamment des conditions exigées en vue de l'octroi de la protection, la loi dispose que l'octroi de cette protection signifie que les semences peuvent être certifiées et commercialisées, que seul le titulaire est habilité à produire des semences de la variété à des fins d'écoulement commercial et que, seul aussi, il a le droit de les vendre. Sous le titre «cession d'une variété» (Übertragung einer Sorte), le paragraphe 9 de cette loi décide: «1) La convention par laquelle est cédé le droit à l'obtention d'une variété et la protection qui en découle, de mėme que les obligations ainsi assumées, doivent étre passées par écrit. 2) Le cessionnaire jouit des droits et assume les obligations qui découlent de la présente loi. 3) En cas de doute, le premier titulaire du droit est tenu de remettre à celui qui lui succède dans son droit le matériel de. sélection et la semence nécessaire à la sélection ou à la multiplication, ainsi que les registres de sélection et autres notices concernant la variété et de procéder à la modification des registres de la protection des variétés (Sonenschutz rolle).» Sous le titre «variétés étrangères», le paragraphe 14 dispose: «1) Les variétés étrangères peuvent, dans les conditions prévues par la présente loi, bénéficier, sur demande, de la protection légale, sous réserve de réciprocité. Par publication au Bundesgesetzblatt, le ministre fédéral constate si la réciprocité est garantie. 2) Une variété étrangère peut être protégée sans condition de réciprocité lorsque l'octroi de la protection présente une valeur culturale et d'utilisation pour le territoire national. 3) Une personne qui n'a ni domicile, ni établissement sur le territoire d'application de la présente loi ne peut demander l'obtention de la protection, paniciper à une procédure réglée dans la première panie de la présente loi et se prévaloir de la protection accordée à une variété que lorsqu'elle désigne un représentant (Venreter) à l'intérieur du pays. Celui-ci est habilité à représenter cette personne dans la procédure devant le Bundessortenamt et, sous réserve des dispositions du paragraphe 78 du Code de procédure civile, dans les litiges civils concernant la protection des obtentions végétales ...» L'article 23 charge l'Office fédéral des variétés (Bundessortenamt) de la conservation du «registre de la protection des variétés» (Sortenschutzrolle) et précise comment il doit être tenu. Dans la présente affaire, le but des tractations intervenues était donc clair: permettre aux quatre variétés Inra d'être produites et commercialisées en république fédérale d'Allemagne et permettre aussi à Kurt Eisele de se conformer aux exigences posées à cet égard par la loi allemande relative à la protection végétale et aux semences de plantes cultivées (Saatgutgesetz) du 27 juin 1953. Elles étaient parfaitement conformes à l'état du droit à cette époque où il n'y avait ni marché commun agricole, ni règlement no 17, ni catalogue «commun» des variétés des espèces agricoles, ni jurisprudence communautaire en matière d'épuisement des droits de propriété industrielle et commerciale. La représentation confiée par l'INRA à Kurt Eisele était la seule façon d'admettre la circulation en Allemagne des variétés mises au point par l'Institut, qu'elles fussent multipliées en France par les établissements, coopératifs ou privés, français ou en Allemagne par Kurt Eisele. Au plan international, le régime de protection des obtentions végétales a fait l'objet de la convention de Paris de 1961, ultérieurement révisée à Genève le 10 novembre 1972 et le 23 octobre 1978. Sauf erreur de notre part, à l'exception du Luxembourg et de la Grèce, tous les États membres ont adhéré à la convention. Ils ont constitué l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). A la suite de cette convention, les États de l'Union ont adopté une législation nouvelle ou modifié leur propre législation lorsque cela était nécessaire. Selon ce texte, le droit accordé à l'obtenteur d'une variété protégée au sens de la convention a pour effet de soumettre à son autorisation préalable la production à des fins d'écoulement commercial, la mise en vente et la commercialisation du matériel de reproduction ou de multiplication végétative, en tant que tel, de la variété (article 5, 1). Sous le titre «limitation de l'exercice des droits protégés», l'article 9 dispose: «1) Le libre exercice du droit exclusif accordé à l'obtenteur ne peut être limité que pour des raisons d'intérêt public. 2) Lorsque cette limitation intervient en vue d'assurer la diffusion de la variété, l'État de l'Union intéressé doit prendre toutes mesures nécessaires pour que l'obtenteur reçoive une rémunération équitable.» La protection demandée dans différents États de l'Union par des personnes physiques ou morales admises au bénéfice de la convention est indépendante de la protection obtenue pour la mėme variété dans les autres États appartenant ou non à l'Union (article 11, 3). Conformément à la convention, l'Italie a adopté le 25 novembre 1971 la loi no 1096; la Belgique, la loi du 10 mai 1975 sur la protection des obtentions végétales; le Royaume-Uni, le Plant Varieties and Seeds Act de 1964. En France, l'article 3, premier alinéa, de la loi no 70-489 du 11 juin 1970, relative à la protection des obtentions végétales, dispose: «Toute obtention végétale peut faire l'objet d'un titre appelé 'certificat d'obtention végétale', qui confère à son titulaire un droit exclusif À produire sur le territoire où la présente loi est applicable, à vendre ou à offrir en vente tout ou panie de la plante, ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétative de la variété considérée et des variétés qui en sont issues par hybridation lorsque la reproduction exige l'emploi répété de la variété initiale.» La convention a été ratifiée par la république fédérale d'Allemagne en 1968 et c'est en vue d'adapter la législation allemande aux principes de la convention que furent promulguées, le 20 mai 1968, la Sortenschutzgesetz (modifiée le 4. 1. 1977), qui se limite à l'aspect du droit privé de la protection des variétés, et, le même jour, la Saatgutverkehrsgesetz (modifiée le 23. 6. 1975) qui régit, du point de vue du droit public, l'homologation et la commercialisation des semences. Ainsi, tant en France qu'en république fédérale d'Allemagne et, d'une façon générale, dans les États membres qui possèdent une législation en matière d'obtention végétale, une variété ne peut être commercialisée que si -elle a été inscrite au catalogue officiel national desvariétés. Il est interdit de vendre des semences et des plants si l'identité de la variété, portée obligatoirement sur l'étiquette, n'est pas conforme au nom donné par l'obtenteur enregistré. Celui-ci fait un «dépôt de titre de production» pour sa variété et il en contrôle la production puisque chaque contenant (sac) doit étre muni d'une étiquette portant le nom de la variété et que, pour produire cette variété, tous les autres multiplicateurs doivent demander une licence. Même en l'absence de toute disposition contractuelle, la loi suffit à donner à l'obtenteur ou à son ayant droit le monopole de la commercialisation des semences de la variété. Les essais et formalités nécessaires en vue d'obtenir l'inscription d'une variété en république fédérale d'Allemagne requièrent environ cinq ans. Escomptant que l'inscription des variétés confiées à Kurt Eisele serait achevée à la fin de l'année 1965, l'INRA s'adressa, au mois d'octobre 1964, à la SSBM en la priant de fournir pour 1965 les lignées, hybrides simples et hybrides doubles, nécessaires à l'achèvement des formalités d'inscription et à la démonstration de la possibilité de produire des semences des hybrides Inra en Allemagne pour que l'organisme allemand de contrôle puisse s'assurer qu'elles étaient reproductibles sans subir de déviation. Il était indiqué dans cette correspondance que l'INRA avait convenu avec Kun Eisele qu'il pourrait, sur l'ensemble des semences qu'il vendrait en Allemagne, produire au maximum 1/3, à condition que les2/3 au minimum soient impones de France. L'INRA priait en conséquence la SSBM de fournir à Kurt Eisele les hybrides simples nécessaires à la production des semences des quatre variétés sur 51 hectares. Au moment où les obtentions demandées par Kun Eisele allaient devenir opérationnelles, une convention passée à Paris le 5 octobre 1965 entre l'INRA et Kurt Eisele est venue rappeler et préciser ces divers engagements, en consacrant l'agrément confié à Kurt Eisele. Nous en citerons intégralement le texte, car c'est finalement de ces clauses qu'il s'agit: «Article 1 L'INRA confie à M. Eisele l'exclusivité de l'organisation de. la vente de ses variétés de maïs Inra 200, Inra 244, Inra 258, Inra 270, Inra 300 et Inra 321, actuellement en cours d'inscription auprès des autorités de la république fédérale d'Allemagne (dont ledit Institut est obtenteur). Il est précisé que l'exclusivité consentie à M. Eisele, limitée à Vorganiiation de la vente, n'emporte pas exclusivité de la vente. M. Eisele s'engage pour sa part à ne pas se charger de l'organisation de la vente d'autres variétés de maïs que celles dont l'INRA est obtenteur. Article 2 M. Eisele s'engage à fournir des semences de chacune des variétés visées au présent contrat à tous les établissements de semences et coopératives allemands qui en feront la demande, lorsque ceux-ci présentent les garanties techniques et morales suffisantes. Il s'engage à ne pas limiter de son propre chef la vente des semences dont il s'agit. Dans le cas où toutes les commandes passées ne pourraient étre honorées par suite d'un manque de semences ou pour toute autre raison. M. Eisele communiquera pour approbation à l'INRA son système de répartition entre les demandeurs. Le prix de cession des variétés dont il s'agit aux établissements choisis comme il est dit ci-dessus sera fixé par accord entre l'INRA et M. Eisele, prix que M. Eisele s'engage à respecter. Ce prix doit prendre en considération le prix de vente des exportateurs français, d'une pan, et la situation du marché normal en Allemagne, d'autre part. Il est précisé que, dans l'établissement de ce prix, il sera tenu compte des frais engagés par M. Eisele pour la diffusion desdites variétés, diffusion que M. Eisele est habilité à effectuer par tous les moyens, sous réserve de respecter la réglementation et les usages en cette matière. Article 3 M. Eisele s'engage à imponer de France les2/1 au minimum des semences nécessaires à la satisfaction des besoins allemands. L'approvisionnement en France sera effectué par l'intermédiaire de l'organisme français chargé de centraliser et de coordonner les exponations de maïs. M. Eisele est autorisé à produire ou faire produire, sous sa responsabilité, le surplus, soit au maximum 1/3, des semences nécessaires à la satisfaction des besoins allemands. M. Eisele s'engage, pour les semences produites directement sous son contrôle et commercialisées en Allemagne, à verser à l'INRA un droit de licence au mėme taux et dans les mėmes conditions que ceux exigés en France par la Caisse de gestion des licences végétales. Le versement de ces droits sera effectué par M. Eisele à la fin de chaque année calendaire. Article 4 M. Eisele s'engage à faire respecter les droits de propriété de l'INRA sur les variétés dont il s'agit, notamment en ce qui concerne les démarquages possibles, et sur la marque «INRA» déposée par ledit établissement en France et à Genève et dont M. Eisele est autorisé à faire usage. M. Eisele aura tous pouvoirs pour intenter les actions nécessaires en vue de faire respecter les droits de l'INRA. Article 5 L'INRA se charge d'engager l'Organisation prévue à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher toute exportation vers la république fédérale d'Allemagne des variétés de maïs Inra selon l'article 1 en dehors des dispositions de M. Eisele. Article 6 Pour tout ce qui n'est pas prévu au présent contrat, M. Eisele devra obtenir l'accord préalable de l'INRA. Article 7 Le présent contrat conclu pour une durée de cinq années prendra effet le 1er septembre 1965. Il sera renouvelable par tacite reconduction, par période d'égale durée, à charge pour la partie qui voudrait y mettre fin d'en aviser l'autre par lettre recommandée, un an avant l'échéance de chaque période. Article 8 Pour tout litige qui pourrait naître à l'occasion du présent contrat, le tribunal de commerce de la Seine sera seul compétent.» La Caisse de gestion des licences végétales (CGLV), visée à l'article 3, avait son siège à la même adresse que la SSBM et que le SNESAM déjà cités. Il s'agit d'une société civile au capital de laquelle participe, entre autres, l'INRA. Elle a pour mission de gérer les obtentions végétales, à moins que les obtenteurs ne préfèrent exercer eux-mêmes leurs droits. Elle donne licence annuelle de multiplication sous son contrôle pour les variétés dont elle a la charge. La vente par les entreprises bénéficiant de licences de production des variétés ainsi concédées est assortie d'un «droit de licence», payé à la Caisse qui le reverse à l'obtenteur, déduction faite de ses frais d'administration. Elle gère, notamment, toutes les variétés de maïs Inra et les variétés à base de lignées Inra, et elle perçoit pour son propre compte le droit qui est la contrepartie de la licence accordée aux producteurs français, tandis que l'INRA perçoit lui-même le droit en contrepartie de la licence accordée à Kurt Eisele. Quoique non nommément désigné, l'organisme également visé à l'article 3, chargé de centraliser et de coordonner les exportations de maïs français sur tous les pays étrangers avec lesquels l'Institut avait passé ou passerait contrat, était la SSBM. Cette société était chargée de répartir entre secteur privé (les établissements groupés au sein du SNESAM) et secteur coopératif (les coopératives groupées au sein de Synco-Maïs) ce que nous appellerons le contingent «Eisele», de faire exécuter les commandes de semences émanant de celui-ci et de centraliser les exportations qui lui étaient destinées, la facturation étant effectuée par cette société. En réalité, ce contrat constitue la transposition sur le marché allemand de l'organisation de la production et de la vente des hybrides commerciaux Inra existant au plan français, avec la différence importante que l'organisation de la production et de la vente en République fédérale.est exclusivement confiée à Kurt Eisele, mais que celui-ci, en qualité d'acheteur unique, se trouve en présence d'un grand nombre de fournisseurs. Par ailleurs, en ce qui concerne les semences de base Inra, l'accord ne confère par lui-même aucune exclusivité d'achat à Kurt Eisele. Si les semences certifiées sont vendues exclusivement par la Fraserna, les semences de base sont accessibles à tout acheteur en Europe et donc également en République fédérale. C'est ainsi que la Fraserna a vendu en 1976 de gros tonnages de semences de base Inra aux firmes allemandes Kleinwanzlebener Saatzucht (KWS) et Nordsaat. La première commande émanant de Kurt Eisele, le 24 août 1966, fut honorée en février 1967 et il s'ensuivit un certain nombre d'années prospères pour les producteurs et pour les vendeurs des variétés Inra. Alors qu'en 1970 encore il n'y avait sur le marché allemand qu'une seule variété française à formule fermée, les cultivateurs de maïs allemands qui voulaient utiliser des semences françaises, c'est-à-dire la majorité, purent avoir recours aux variétés Inra, notamment Inra 200, dès 1967. En application des articles 4 et 5 du règlement no 17 du Conseil du 6 février 1962 (premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité, dans la version du règlement no 118/63), Kurt Eisele notifia le 1er novembre 1965, à toutes fins utiles, à la Direction générale de la concurrence de la Commission à Bruxelles la convention qu'il avait passée avec l'INRA le 5 octobre 1965 et qui expirait le 1er septembre 197C. A la rubrique relative au contenu de l'accord, il indiquait: «cession de droits à la protection d'obtentions végétales pour des variétés de maïs hybride Inra suivant convention annexée». Il précisait que l'accord concernait des livraisons entre la France et la République fédérale. Estimant que l'article 85, 1, du traité n'était pas applicable, il fournissait la justification suivante: «La notification intervient à titre purement conservatoire, pour éviter que son absence puisse lui porter préjudice; à son avis, l'article 85 n'était pas applicable en raison : - du règlement no 26 du Conseil du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, - du règlement no 17 lui-même, et - du règlement no 27 de la Commission du 3 mai 1962, premier règlement d'application du règlement no 17 (forme, teneur et autres modalités des demandes et notifications).» Pour expliquer en quoi l'accord contribuait à améliorer la production ou la distribution, ainsi qu'à favoriser le progrès technique ou économique, il mentionnait: «Inscription de nouvelles variétés auprès de l'Office fédéral des variétés (Bundessortenamt) au bénéfice de l'agriculture allemande.» Près de dix ans passèrent avant que la Direction générale de la concurrence de la Commission ne réagisse officiellement à cette notification. Entre-temps, des textes communautaires importants furent mis au point en ce qui concerne la commercialisation des semences, le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles et l'organisation commune des marchés dans le secteur des semences. La commercialisation des semences de céréales dans le marché commun est régie par la directive du Conseil 66/402 du 4 juin 1966 qui s'attache aux données de nature technique (une version codifiée de cette directive figure au Journal officiel C 66 du 8. 6. 1974, p. 24, pour tenir compte des modifications intervenues jusqu'à cette date). Basée sur les articles 43 et 100 du traité, cette directive vise à obtenir une plus grande productivité en matière de culture des céréales par l'application de règles unifiées et aussi rigoureuses que possible en ce qui concerne le choix des variétés admises à la commercialisation. A cet effet, elle limite la commercialisation à certaines variétés. D'un autre côté, elle vise à garantir à l'agriculteur la délivrance effective des semences de ces variétés. Dans ce but, la directive établit, tant pour les échanges entre Etats membres que pour la commercialisation sur les marchés nationaux, un système de certification communautaire unifié, basé sur des normes minimales (pureté spécifique, faculté germinative et état sanitaire) et fondé sur les expériences acquises par l'application des systèmes existant déjà au plan international (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture). Afin d'assurer l'identité des semences concernées («semences de base» ou «semences certifiées»), la directive prévoit un certain nombre de règles concernant l'emballage, le prélèvement des échantillons, la fermeture et le marquage (étiquetage). En ce qui concerne ce dernier point, les règles ont été modifiées et complétées à plusieurs reprises. Les prescriptions édictées au titre de la «date de fermeture des emballages» ont fait l'objet, en dernier lieu, de la directive du Conseil 78/692 du 25 juillet 1978. La commercialisation des semences répondant à ces conditions ne doit étre soumise qu'aux restrictions prévues par les règles communautaires, sans préjudice de l'application de l'article 36 du traité. Dans une première étape, jusqu'à l'établissement d'un catalogue commun des variétés, ces restrictions comprenaient notamment le droit pour les États membres de limiter la commercialisation des semences aux variétés ayant une valeur culturale et d'utilisation pour leur territoire. Les États membres avaient jusqu'au 1er juillet 1968 au plus tard pour adopter les dispositions nécessaires pour conformer leur législation aux dispositions de l'article 14, paragraphe 1, et jusqu'au 1er juillet 1969 au plus tard pour se conformer aux autres dispositions de la directive et de ses annexes. Par conséquent, la directive de 1966 assure la libre circulation entre États membres des semences officiellement certifiées, inscrites sur une liste nationale dans l'un d'entre eux, et l'équivalence des semences de céréales produites dans un Etat membre directement à partir de semences de base certifiées dans un autre Etat membre. Pour le reste, elle n'affecte pas les dispositions nationales justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale (article 22). Sous réserve de certaines adaptations ultérieures, ce système est resté en vigueur jusqu'à l'adoption, le 29 septembre 1970, de la directive 70/457 du Conseil du 29 septembre 1970, qui a jeté les premières bases d'un catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles et qui a rassemblé les dispositions jusqu'alors éparses dans les directives du Conseil du 14 juin 1966 et du 10 juin 1969 concernant la commercialisation des semences de betteraves, de plantes fourrage rev de. céréales, de pommes de terre, ainsi que de plantes oléagineuses et à fibres (une version codifiée de cette directive figure au Journal officiel C 66 du 8. 6. 1974, p. 56). Cette directive rappelle qu'un catalogue commun des variétés ne peut être établi, dans l'immédiat, que sur la base de catalogues nationaux et prescrit que tous les États membres établissent un ou plusieurs catalogues nationaux des variétés admises, sur leur territoire, à la certification et à la commercialisation. En outre, considérant que toutes les semences et toutes les plantes de variétés admises à partir du 1er juillet 1967 dans au moins un État membre selon les principes qu'elle détermine ne doivent être soumises dans la Communauté, après un certain délai, à aucune restriction quant à la variété, la directive prescrit que ces variétés doivent accéder au catalogue commun des variétés et charge la Commission d'assurer la publication de ce catalogue au Journal officiel des Communautés européennes. Selon l'article 9: «1) Les États membres veillent à la publication officielle du catalogue des variétés admises sur leur territoire accompagnées du nom du ou des responsables de la sélection conservatrice dans leur pays ... 2) Lors de l'admission d'une variété, les États membres veillent à ce que cette variété pone, dans la mesure du possible, la mėme dénomination dans les autres États membres. S'il est connu que des semences ou plants d'une variété sont commercialisés dans un autre pays sous une dénomination différente, cette dénomination est également indiquée dans le catalogue.» Le paragraphe 3 de cet article, dans la version de la directive du Conseil du 24 juillet 1979, est ainsi rédigé: «Les États membres, en tenant compte des informations disponibles, veillent en outre à ce qu'une variété qui ne se distingue pas nettement: - d'une variété qui était admise auparavant dans l'État membre en cause ou dans un autre État membre, ou - d'une autre variété sur laquelle un jugement a été porté en ce qui concerne la distinction, la stabilité et l'homogénéité selon des règles correspondant à celles de la présente directive, sans pour autant étre une variété connue dans la Communauté au sens de l'article 5, paragraphe 1, porte la dénomination de cette variété. Cette disposition n'est pas applicable si cette dénomination est susceptible d'induire en erreur ou de prêter à confusion en ce qui concerne la variété, ou si d'autres faits, en vertu de l'ensemble des dispositions de l'État membre concerné régissant les dénominations variétales, s'opposent à son utilisation, ou si un droit d'un tiers entrave la libre circulation de cette dénomination en relation avec la variété.» Ces dispositions nous paraissent importantes: en effet, le Conseil admet ainsi en 1979 qu'un tiers ayant acquis des droits «en veau de l'ensemble des dispositions d'un État membre régissant les dénominations variétales» peut entraver la libre circulation d'une dénomination d'une variété. L'admission sur le catalogue est valable pour une. durée, se terminant, à. la. f in. de-la dixième année civile qui suit la date de l'admission. La validité des admissions consenties dans un État membre avant le 1er juillet 1972 expire le 30 juin 1982 au plus tard (aniele 12, 1, dans la version de la directive 72/418). L'admission d'une variété peut être renouvelée par périodes déterminées (article 12, 2). L'article 14, 2, de la directive 66/402 avait prévu que la mise en application du catalogue commun des variétés devait intervenir au plus tard le 1er janvier 1970. Mais l'article 25 de la directive 70/457 est venu préciser que les États membres devaient mettre en vigueur, le 1er juillet 1972 au plus tard, les dispositions nécessaires pour établir un catalogue national selon les principes arrêtés par cette directive. Par conséquent, la mise en application du catalogue commun, qui n'est qu'une mosaïque des divers catalogues nationaux, ne pouvait intervenir au plus tót que le 1er juillet 1972. En fait, il a fallu attendre le 21 juillet 1975 pour voir paraître la première édition intégrale du catalogue commun (JO C 164 du 21. 7. 1975). Cette édition a été complétée à différentes reprises conformément aux informations fournies par les États membres. Ce catalogue commun enumere les variétés qui, à partir du 31 décembre 1974, ne sont plus soumises, sur le territoire de la Communauté, dans sa composition originaire, à aucune restriction de commercialisation quant à la variété (anide 18 de la directive 70/457). A partir du 31 décembre 1975 (2e édition du catalogue du 20. 3. 1976), le catalogue a, pour la première fois, les mėmes effets aussi bien dans les États membres originaires que dans les nouveaux États membres. Mais, il impone de distinguer la notion de «libre circulation» de celle de «libre certification» ou de «libre production»; en effet, les semences provenant de l'État membre où elles ont été admises peuvent être commercialisées dans tous les autres Etats membres, mais elles ne peuvent y être produites que si elles ont fait l'objet d'une décision de chaque État membre. Quant à l'organisation commune des marchés dans le secteur des semences, instituée par règlement no 2358/71 du Conseil du 26 octobre 1971, applicable à partir du 1er juillet 1972, elle établit, pour l'essentiel, des règles communes en matière d'échanges avec les pays tiers et fixe les conditions d'octroi de l'aide communautaire à la production dans le secteur des semences (taxes compensatoires, clause de sauvegarde, régime de certificats d'importation qui a été modifié par règlements nos 1117, 1118 et 1119/79 du 6. 6. 1979). Ce règlement rappelle également, dans ses considérants, mais sans y consacrer une disposition particulière dans son dispositif, que, dans le commerce intérieur de la Communauté, la perception de tout droit de douane ou taxe d'effet équivalent et toute restriction quantitative ou mesure d'effet équivalent sont interdites de plein droit en vertu du traité à partir du 1er janvier 1970. Il est également prévu (article 13) que le règlement doit étre appliqué «de telle sorte qu'il soit tenu compte, parallèlement et de manière appropriée, des objectifs prévus aux articles 39 et 110 du traité». Jusqu'en 1971, les rapports noués entre Kurt Eisele, l'INRA et la SSBM se sont concrétisés par des contrats de vente passés entre la firme Nungesser et les établissements français membres de la SSBM. Les rapports concernant les semences des variétés Inra ont fait l'objet d'un protocole d'accord signé à Paris, le 23 septembre 1971, entre la firme Nungesser, représentée par Kurt Eisele, et la SSBM; le contreseing de l'INRA était prévu mais n'est pas intervenu et le protocole n'a pas été notifié à la Commission; il n'est pas mentionné dans la décision attaquée, mais il est utile d'en résumer les dispositions qui ont l'intérêt de «photographier» la situation à cette date. Il y était rappelé que Kurt Eisele avait reçu de l'INRA l'exclusivité de vente en république fédérale d'Allemagne des maïs de semence des variétés Inra. En référence à cette exclusivité, Kurt Eisele, indépendamment de la vente en République fédérale des semences de maïs Inra qu'il était autorisé à y produire, prenait l'engagement de n'acheter des semences de maïs Inra qu'en France et uniquement auprès des établissements énumérés sur une liste: il s'agissait des établissements privés regroupés au sein du SNESAM et des coopératives regroupées au sein de Synco-Maïs. Kurt Eisele marquait son accord pour signer un contrat de trois ans, tacitement renouvelable, avec les établissements producteurs français figurant sur cette liste, auxquels la SSBM fournissait le matériel de base Inra. Kurt Eisele acceptait que les contrats signés directement par lui et lesdits établissements soient conformes au modèle de contrat type annexé au protocole. De son côté, la SSBM s'engageait à livrer à la firme Nungesser, dans la mesure du possible, les semences de base hybrides simples et parents réservées à la production d'hybrides commerciaux Inra sur le territoire de la République fédérale, dans le cadre de la convention passée entre l'Inra et Kun Eisele le 5 octobre 1965. Kurt Eisele restait maître du tonnage à appliquer à chaque établissement, compte tenu cependant des livraisons effectuées les deux dernières années précédant la signature dudit protocole. La SSBM se voyait confier la mission de discuter tous les ans avec la firme Nungesser le prix inscrit au contrat. Ce prix, qui découlerait du tarif arrêté à la réunion annuelle des établissements producteurs français au mois de septembre, serait discuté et fixé avant le 1er octobre précédant les semailles. Un rabais spécial interviendrait sur ce prix, compte tenu du caractère pluriannuel des contrats et de leur tonnage global, compte tenu aussi de l'effort de propagande fait antérieurement par la firme Nungesser qu'elle s'engageait à poursuivre pendant la durée de l'accord. La SSBM fournirait aux établissements exportateurs français le matériel de base nécessaire, d'accord avec l'INRA. Le contrat type valable pour les campagnes de vente 1971-1974 comportait, notamment, les précisions suivantes: Il fixait par établissement les quantités de semences des variétés Inra que Kurt Eisele s'engageait à acheter annuellement. La marchandise certifiée SOC devait être conforme à un certain nombre de normes (notamment: taux de germination 92 %, traitement obligatoire avec captan) et aux calibres établis par la nomenclature L. C. Nungesser, l'acheteur se réservant le droit de refuser le calibre no 6. De fait, les notices accompagnant les sacs provenant de la firme Nungesser, qui ont été produites, font apparaître que cette firme ne commercialise que des grains d'un calibre supérieur au no 6. Les emballages seraient fournis par l'acheteur avec sa marque et, éventuellement, avec la contremarque apparente de l'établissement vendeur. Le prix devait étre fixé par l'intermédiaire de la SSBM, conformément au protocole d'accord passé entre celle-ci et la firme Nungesser. Le vendeur facturerait sa livraison diretement à l'acheteur. La Fraserna qui, comme nous l'avons vu, s'est substituée le 18 juin 1973 à la SSBM a repris dans les mêmes termes les engagements de celle-ci. C'est à partir de septembre 1972 que Kurt Eisele et la firme L. C. Nungesser ont connu certains problèmes. En raison de l'écroulement des prix sur le marché français, Kun Eisele constata des ventes directes de France en Allemagne par des revendeurs de maïs Inra à très bon prix. En outre, de nouvelles variétés françaises de maïs, obtenues en formule fermée, avaient été inscrites en Allemagne, livrant une concurrence sévère aux variétés Inra. Le 1ermars 1973, les autorités allemandes responsables du contrôle du commerce des semences constatèrent la présence, dans l'entrepôt de la coopérative agricole d'achat de la localité de Schrozberg, de 56 sacs de maïs, étiquetés en français et sur lesquels était apposée la dénomination varietale «Inra 258» et non Inrakorn, dont Kurt Eisele est obtenteur (Züchter) en République fédérale. La coopérative en question avait obtenu livraison de ces semences d'une firme de Bamberg; celle-ci les avait achetées au mois de novembre 1971 à une firme de Nuremberg, qui les tenait elle-même de la firme Louis David de Meisenheim. La firme Louis David, fondée en 1861, est depuis 1955 une société en commandite dont l'associé personnellement responsable est Otto David; elle employait 25 personnes en 1977; elle est spécialisée dans le commerce des semences. Cette firme avait effectivement importé en mai 1971 15 tonnes d'Inra 258 de France, par Kehl; la livraison était prévue pour le mois de mars 1971, mais elle ne fut effectuée qu'en mai suivant, de sorte que les 15 tonnes importées ne purent être écoulées pour les semailles du printemps 1971. Pour une raison demeurée inconnue, elles n'avaient apparemment pas davantage pu être mises en terre au printemps 1972. Il s'agissait donc de semences qui avaient été récoltées en France à l'automne 1970 et qui étaient vieilles de deux ans et demi au moment où elles auraient pu étre utilisées en Allemagne. Les autorités responsables saisirent alors les 56 sacs pour en empêcher la revente et l'utilisation pour les motifs suivants: - tant la Sortenschutzgesetz de 1968 que la Saatgutverkehrsgesetz de la mėme année ne permettaient la commercialisation des variétés qui sont inscrites au catalogue allemand des espèces végétales protégées que sous la dénomination sous laquelle elles y figuraient (Inrakorn). Or, Kurt Eisele était le titulaire des droits d'obtention sur cette variété Inrakorn, et il ne commercialisait la variété Inra 258 que sous la dénomination Inrakorn et en sacs spéciaux. D'après l'article 15 de la Sortenschutzgesetz, Kun Eisele était donc seul autorisé, sur le territoire d'application de cette loi, soit à produire en vue de-la. vente à. des.fins professionnelles ou commerciales, soit à vendre, soit les deux à la fois, des semences des variétés Inra. En outre, il était seul autorisé à commercialiser sur ce territoire les semences de ladite variété produites en dehors de ce territoire ou à en subordonner la commercialisation à son accord; - le règlement allemand sur les semences de céréales (Getreidesaatgutverordnung, article 21, 4, dans la version du 31. 5. 1968) prévoit que les emballages de semences importées qui ne présentent pas de marquage en allemand doivent être munis d'un étiquetage complémentaire dès leur arrivée sur le territoire d'application de la Saatgutverkehrsgesetz; cet étiquetage doit reproduire en allemand les indications de l'étiquetage d'origine. Or, ces indications allemandes faisaient défaut sur les emballages des semences en question. Kurt Eisele saisit alors, le 17 septembre 1973, le Landgericht de Bad-Kreuznach pour se faire indemniser du préjudice que lui avait causé la violation de ses droits d'obtenteur (paragraphe 15, 1, et paragraphe 47, 1, de la Sortenschutzgesetz), en raison du fait que la société David avait tenté de faire passer pour des semences Inraifeom des semences étiquetées lnra 258. La firme Louis David fit essentiellement valoir en défense que le droit dont pouvait se prévaloir le titulaire de l'obtention, Kurt Eisele, devait être considéré comme épuisé et consommé dès lors que la redevance pour les produits importés avait été payée en France. Lorsque, après le versement de cette redevance, les produits étaient régulièrement parvenus dans le commerce, ils ne pouvaient, en cas de nouvelle mise sur le marché, donner lieu à paiement d'une nouvelle redevance. Les droits du titulaire de l'obtention (Kurt Eisele) dans le pays d'importation avaient été «épuisés» par le paiement de la redevance à l'INRA en France et l'importation en Allemagne ne requérait plus son accord. Devant le Landgericht de Bad-Kreuznach, les parties ont conclu une transaction par laquelle la firme Louis David s'est engagée, sous peine d'une amende à fixer par le tribunal pour chaque infraction, à s'abstenir d'offrir ou de mettre sur le marché en Allemagne, sans l'autorisation de Kurt Eisele, la variété de semences de maïs qu'elle importait de France, mettant ainsi fin au litige. Mais, le 19 février 1974, un négociant français en semences, Robert Bomberault, fit paraître dans la presse allemande une offre de vente pour les variétés Inra 190 - Innexpress, lnra 200 - Inraßüh, Inra 258 - Inrakorn et lnra 260 (cette dernière n'étant inscrite qu'en France). Cette publication attira à la firme Robert Bomberault, le mėme jour, un télex de la Fraserna lui rappelant que «les relations commerciales entre la France et l'Allemagne en ce qui concerne les lnra étaient régies par le contrat d'exclusivité entre la firme Nungesser, l'INRA et la Française des semences de maïs» et le menaçant de poursuites judiciaires. L'entreprise Robert Bomberault signala le fait, le 20 février 1974, au directeur général de la Direction de la concurrence de la Commission. Dans le même temps, Kun Eisele adressa un télex à la revue allemande qui avait publié l'annonce de la firme Roben Bomberault pour l'informer que «les variétés de maïs. mentionnées dans.. son annonce n'étaient pas commercialisables en Allemagne sous l'appellation 'Inra 190 - Inraexpress'». La société Nungesser fit paraître, le 23 février 1974, dans la revue allemande en question, une annonce selon laquelle les importations directes en provenance d'États membres de semences de maïs Inra des variétés hybrides Inraexpress, Inrafriih, Inrasil et Inrakorn constituaient une violation de la Sortenschutzgesetz et de la Saatgutverkehrsgesetz, mais que ces semences étaient disponibles dans le commerce et auprès des coopératives en Allemagne en qualité excellente et en quantité suffisante. C'est à la suite de ces événements que, le 11 novembre 1975, la Direction générale de la concurrence de la Commission a finalement produit le dossier du contrat notifié par Kun Eisele en 1965 en s'adressant aux établissements Servant dont le directeur était président de la Fraserna. Ceci n'empêcha pas pour autant le Bureau de gestion des variétés de l'INRA de rappeler à la Fraserna l'obligation pour ses membres d'obtenir, préalablement à toute vente de semences de maïs Inra «à l'étranger», l'autorisation de l'INRA ou de la Fraserna, son délégataire exclusif (cette lettre était également adressée à la CGLV). Le 2 mars 1976, le directeur de la Direction générale de la concurrence s'adressa à M. Ehkirch, président de la Fraserna, dans le cadre de l'instruction de ce dossier. Le 3 novembre suivant, la Commission adressa une «communication des griefs» à Kun Eisele/L. C. Nungesser, à l'INRA, aux établissements Bomberault, négociant en semences à Argent-sur-Sauldre (Cher), de mėme qu'à la Fraserna. Ainsi, qu'il resson de cette communication, la Commission reprochait aux intéressés les faits suivants: - l'action entreprise contre la firme Bomberault pour l'empêcher d'exporter en Allemagne et contre la maison d'édition allemande Strothe pour l'empêcher de publier en Allemagne les offres de vente de cette firme constituait une infraction à l'article 85, 1 ; - la transaction judiciaire conclue le 14 novembre 1973 entre Kun Eisele et la société Louis David était également une infraction à cette disposition; Elle se proposait, en conséquence: - d'obliger les intéressés à mettre fin à ces infractions, - de refuser l'application de l'article 85, 3. Après avoir entendu les entreprises en cause le 11 mars 1977 et recueilli l'avis du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes le 7 décembre 1977, la Commission a adopté, le 21 septembre 1978, la décision 78/823 «relative à une procédure d'application de l'anicle 85 du traité - IV 28.824 - droit d'obtention - semences de maïs», décision qui a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 12 octobre 1978. La décision attaquée expose les faits, constate l'applicabilité de l'article 85, 1, et l'inapplicabilité de l'article 85, 3. Elle dispose : «Article 1 Le contenu et l'application des dispositions suivantes: a) du contrat des 14 et 16 décembre 1960 concernant la cession par l'INRA à M. K. Eisele du droit aux obtentions allemandes, b) du contrat d'exclusivité de multiplication et vente de semences de maïs conclu le 5 octobre 1965 entre l'INRA et M. K. Eisele, c) de la transaction intervenue le 14 novembre 1973 entre M. K. Eisele et l'entreprise Louis David KG pour empêcher celle-ci d'importer et vendre des semences Inra en Allemagne sans autorisation, sont en infraction avec l'article 85, paragraphe 1, du traité: a) le contrat des 14 et 16 décembre 1960, dans la mesure où il permet à M. K. Eisele d'invoquer ses propres droits d'obtention pour s'opposer à toute importation en république fédérale d'Allemagne, ou à toute exportation vers un autre État membre de la Communauté, de semences de maïs des variétés Inra ayant été officiellement certifiées; b) dans le contrat du 5 octobre 1965: à l'article 1 : l'exclusivité de la licence de production par multiplication et de vente des semences de maïs de ses variétés ayant été officiellement certifiées, qui a été concédée par l'INRA, en tant que cette exclusivité est interprétée et appliquée comme impliquant: - l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit de ne pas produire ou faire vendre par d'autres licenciés en république fédérale d'Allemagne, - l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit de ne pas produire ou vendre eux-mêmes en république fédérale d'Allemagne, - l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit d'empêcher les tiers d'exporter les produits concernés en république fédérale d'Allemagne sans autorisation du licencié, pour les utiliser ou pour les vendre, - le recours par M. K. Eisele à la fois à son droit exclusif contractuel et à ses propres droits d'obtention pour s'opposer à toute importation en république fédérale d'Allemagne, ou à toute exportation vers un autre Etat membre, des produits concernés; à l'article 1 : l'obligation pour le licencié, pendant les années où elle a été suivie d'effet, de ne pas produire ou vendre de semences d'autres variétés de maïs que celles de l'INRA; à l'article 2: l'obligation pour le licencié de ne vendre qu'à certains revendeurs; à l'article 3: l'obligation pour le licencié de ne pas produire plus du tiers des semences nécessaires aux besoins de son territoire, et d'importer de France la partie complémentaire; à l'article 5: l'obligation pour l'INRA de faire en sorte que toute exportation de ses variétés vers la république fédérale d'Allemagne soit. empêchée, dans. la., mesure où cette obligation vise des semences qui ont été officiellement certifiées; c) dans la transaction du 14 novembre 1973: à l'article 1 : l'obligation pour Louis David KG de ne plus vendre ou mettre en circulation en république fédérale d'Allemagne, sans autorisation du licencié allemand, des semences des variétés Inra. Article 2 La demande d'exemption de l'interdiction des ententes, conformément à l'article 85, paragraphe 3, qui a été introduite par M. K. Eisele est rejetée. ...» Les deux premiers articles du dispositif de cette décision ne visaient que l'INRA et Kun Eisele, mais l'article 3 enjoignait aux parties INRA, Fraserna, Kurt Eisele et L. C. Nungesser«de mettre fin immédiatement aux infractions constatées à l'article 1 et de s'abstenir immédiatement de toute mesure juridique ou de tout acte visant à, ou ayant pour effet de, empêcher ou rendre plus difficile l'importation ou l'exportation entre les États membres de la Communauté de semences avant été officiellement certifiées». Outre ces personnes, la décision était également destinée à la firme Louis David, mais non à Robert Bomberault. Cette décision a été attaquée par la firme L. C. Nungesser et par Kun Eisele, au soutien desquels sont intervenus les gouvernements du Royaume-Uni et de la France, la CGLV et le gouvernement allemand; Ni l'INRA, ni la Fraserna ne se sont manifestés, bien que l'INRA ait été représenté à la procédure orale. Les requérants en demandent l'annulation, à l'exception des dispositions de l'anicle 1, b), concernant l'obligation pour le licencié, pendant les années où la licence a été suivie d'effet, de ne pas produire ni vendre des semences d'autres variétés de maïs que celles de l'INRA (aniele 1 du contrat du 5. 10. 1965), de ne vendre qu'à cenains revendeurs (aniele 2 de ce contrat) et de ne pas produire plus du tiers des semences nécessaires aux besoins de son territoire et d'importer de France la partie complémentaire (aniele 3 du contrat). II - Si aucun problème ne se pose quant à la recevabilité du recours et si la procédure proprement dite selon laquelle la décision a été adoptée ne fait l'objet d'aucun grief particulier, il n'en va pas de même du fond. Avant d'entrer plus avant dans l'examen des moyens et de l'argumentation des parties, nous ferons les remarques suivantes: 1) Alors que la communication des griefs visait, outre les variétés Inra 200 et Inra 258, les variétés Inra 300 - Inraspät et Inra 321 - Inraweiss, on ne retrouve plus trace de ces dernières dans la décision. Au cours de la «réunion informelle» du 19 janvier 1981, la Commission a déclaré que ces variétés, pourtant visées par les contrau, n'avaient pas, pour les échanges entre la France et l'Allemagne, une importance telle qu'elles dussent être frappées par la décision. D'un autre côté, les requérants ont admis que la variété Inra 190 - Inraexpress, qui n'était pourtant pas mentionnée dans les contrats, mais retenue dans la décision, pouvait être concernée par celle-ci parce qu'elle avait fait l'objet d'une cession antérieure du droit d'obtention par l'INRA et que, de ce fait, elle pouvait être considérée comme inclue dans les relations qui existaient déjà entre eux et l'INRA. Selon la liste descriptive des variétés publiée en 1975 par le Bundessortenamt et par le catalogue commun, les variétés en cause dans la présente affaire sont donc les suivantes: - Inraexpress. L'obtenteur (Züchter) en est Kurt Eisele de Darmstadt; l'année d'inscription remonte à 1971 en Allemagne; cette variété est aussi inscrite en France où elle est désignée sous le nom Inra 190. Il s'agit d'un hybride double (indice FAO 230 pour l'Allemagne et 190 pour la France); - Inrafriih. L'obtenteur en est Kurt Eisele de Darmstadt; l'année d'inscription remonte à 1966 en Allemagne; cette variété est aussi inscrite en Belgique, en France (où l'année d'inscription remonte à 1957) et au Royaume-Uni, où elle est désignée sous l'appellation Inra 200. Il s'agit d'un hybride double (indice FAO 240 pour l'Allemagne et 200 pour la France), c'est-à-dire, ici encore, obtenu à la troisième génération (croisement de deux hybrides simples); - Inrakorn. L'obtenteur en est Kun Eisele; l'année d'inscription en Allemagne remonte à 1966; cette variété est aussi inscrite en Belgique, en France (où l'année d'inscription remonte à 1958), au Royaume-Uni et au Luxembourg, où elle est désignée sous l'appellation Inra 25S. Il s'agit d'un hybride double (indice FAO pour l'Allemagne 280 et 260 pour la France). Les «indices FAO» qui se réfèrent à ces variétés constituent une échelle de maturité; ils diffèrent, pour une même variété, selon les climats. En général, l'indice FAO pour l'Allemagne se situe à 40 points en dessous de l'indice établi en France pour la même variété. Les variétés de maïs affectées d'indices FAO supérieurs à 400 (maturité tardive) en dehors de l'Allemagne sont exclues de la commercialisation dans ce pays. Ces différences n'ont pas autrement d'importance pour l'affaire qui nous occupe. Il est apparu au cours de l'instruction que l'une des variétés «Eisele», la variété Inra 190 - Inraexpress avait été rayée du catalogue avant mėme l'adoption de la décision, en raison de l'expiration tant de l'inscription sur la liste allemande des variétés que de l'inscription en France. Plus précisément, en République fédérale, L. C. Nungesser et Eisele ont déclaré en décembre 1975 renoncer à l'inscription effectuée en 1971, «la variété ayant été dépassée par des variétés de meilleure qualité». La variété a alors été rayée le 31 décembre 1976. L'inscription de la variété a également expiré en France le 4 janvier 1977. Conformément à l'article 1, 2, de la directive 70/457, elle ne figure plus au catalogue commun publié le 27 février 1978. Ainsi, comme le disent avec raison les requérants, «la décision de la Commission (adoptée en septembre 1978) visait à interdire une chose qui, de toute façon, n'était plus permise en application d'autres dispositions». Il n'apparaît pas que la mission de la Commission puisse consister à mettre fin à des infractions qui ont été commises dans le passé. De telles infractions peuvent, tout au plus, faire l'objet d'amendes. A notre avis, pour avoir un effet utile, les décisions de la Commission portant refus d'exemption ne devraient concerner que des accords qui ont encore un effet au moment de leur adoption, sinon la phrase selon laquelle «les parties en cause sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées...; elles sont tenues de s'abstenir immédiatement de toute mesure juridique ou de tout acte ...» n'a aucune portée pratique. De ce seul chef, la décision devrait étre annulée en tant qu'elle concerne la variété Inra 190 - Inraexpress. 2) La décision reconnaît elle-même qu'à partir de la campagne 1977-1978, les semences produites par la société Nungesser ont représenté la quasi-totalité des ventes d'Inra par cette firme en Allemagne et qu'en conséquence, à partir de cette campagne, l'obligation prévue à l'article 3 de l'accord n'a plus été respectée. Elle admet également qu'à partir de la campagne 1973-1974, Kurt Eisele a commercialisé la variété «privée» LG 11 ; par conséquent, elle ne saurait viser la clause (article 1 de l'accord) par laquelle le licencié s'interdisait de produire ou de vendre des produits concurrents. La lettre du Bureau de gestion des variétés de l'INRA dont fait état la décision prouve par ailleurs que, dès avant la fin décembre 1975, la clause stipulant qu'«aucune importation ou exportation de la variété pour laquelle la licence a été délivrée ne doit étre faite sans l'accord exprés de ľ'obtenteur'» nîétait plus appliquée. 3) La décision fait grief à la firme L. C. Nungesser de n'avoir pas exporté en France les variétés «Eisele». Elle cite à cet égard une correspondance du 4 au 19 avril 1977 entre la firme BayWa AG de Munich et Nungesser. Cependant, les requérants ont précisé que s'ils n'ont effectivement jamais exporté en France de semences fabriquées à partir de semences Inra importées en Allemagne, c'est qu'ils n'avaient aucun intérêt à le faire. L'exportation à partir de la république fédérale d'Allemagne, pays déficitaire, vers d'autres États de la Communauté - en particulier, vers la France, pays exportateur - ne devait normalement pas présenter d'intérêt économique pour le producteur ou pour les négociants allemands. En dehors de cette brève mention figurant dans la décision, il ne ressort pas du dossier que Kurt Eisele ait eu à s'opposer à une quelconque exportation ou réexportation d'Allemagne de semences Inra. A supposer que de telles opérations eussent été économiquement rentables, elles auraient démontré que les prix pratiqués par Nungesser étaient inférieurs aux prix français pour pouvoir rendre de telles opérations lucratives. Nous pensons donc que c'est plutôt pour compléter sa démonstration que la Commission fait état d'une telle interdiction d'exportation, mais que ce grief est inconsistant. 4) Les requérantes font valoir que c'est à tort que la décision de la Commission (article 1, a) viserait le contrat des 14-16 décembre 1960: ce contrat aurait été annulé pour l'essentiel par les déclarations des 19 janvier-8 février 1961. L'exclusivité dont se prévaut Kurt Eisele résulterait du statut juridique d'obtenteur en droit allemand, et ce statut découlerait de la cession du droit d'obtention qui lui a été consentie par ces déclarations de 1961. Or, la décision ne mentionnerait, pas ces dernières et frapperait, pour ainsi dire, dans le vide. Avec la Commission, nous estimons toutefois que les déclarations de janvier et février 1961 forment un tout, du point de vue de l'article 85, avec le contrat de décembre 1960. 5) En ce qui concerne la transaction du 14 novembre 1973 entre la firme Louis David et Kurt Eisele, nous ne voyons pas comment un tel acte pourrait relever de l'article 85. Il ne s'agit pas d'une sentence arbitrale dont l'article 4 du projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 85, 3, du traité à des catégories d'accords de licences de brevets prévoit qu'elle doit lui étre immédiatement communiquée en raison du fait que «les articles 85 et 86 sont d'ordre public communautaire et que les procédures arbitrales risquent de donner lieu à une interprétation des accords de licences de brevets qui dépasse les limites du présent règlement». Si elle venait à être adoptée, une telle disposition pourrait porter une atteinte sérieuse au recours à l'arbitrage et au compromis dans un domaine important. S'agissant d'une transaction judiciaire, il nous parait en tout état de cause que la Commission et les plaideurs disposent d'autres moyens que du recours à l'article 85 pour en faire contrôler le bien-fondé. Contre cette décision, les requérants et les intervenants font valoir que c'est à tort qu'elle refuse de faire application: - du règlement no 26, - de l'article 90, 2, à l'INRA, - de l'article 36 (protection de la propriété industrielle et commerciale), en faisant totalement abstraction des législations nationales, de la Convention sur la protection des obtentions végétales et de la Convention sur le brevet communautaire, - et, enfin, de l'article 85, 3. Les semences concernées sont incontestablement des produits agricoles, dont la production et le commerce font l'objet d'accords, de décisions ou de pratiques visés à l'article 85, 1, ou à l'article 86, au sens de l'article 1 du règlement no 26. La décision a estimé que les conditions requises par l'article 2, 1 et 2, de ce règlement pour refuser de déclarer inapplicable à ces accords l'article 85, 1, étaient réunies et, en particulier, que ces accords n'étaient pas «nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39». L'appréciation du bien-fondé de cette constatation se confond dans une large mesure avec le refus d'exemption au titre de l'article 85, 3, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce problème à propos des moyens tirés de la non-application de l'article 36 et de l'article 85, 3. Etant donné les implications en agronomie de la décision attaquée, nous pensons qu'il eut été prudent que son adoption fût précédée de la consultation du Comité permanent des semences et plants agricoles, horticoles et forestiers, institué par décision du Conseil du 14 juin 1966. La décision (p. 31, II, 1) constate que Y INRA et la Fraserna sont des entreprises au sens de l'article 85. Mais il nous paraît surtout utile de déterminer tout d'abord si i'INRA constitue ou non une entreprise au sens de cet article ou si la spécificité des semences Inra n'est pas telle que leur marché puisse être distingué de celui des semences de maïs produites en formule fermée. Cette qualification de l'INRA au point de vue de l'applicabilité des règles de concurrence revêt une importance fondamentale dans la présente affaire. L'INRA est un établissement public national, placé sous l'autorité administrative du ministère de l'agriculture. Il a non seulement pour mission de faire de la recherche scientifique, d'accomplir des travaux de sélection et de mettre au point le matériel de reproduction destiné aux essais en cultures, mais également de prendre des brevets afférents aux découvertes réalisées, c'est-à-dire de chercher à rentabiliser au sens commercial du terme, dans un cadre contractuel, dans toute la mesure compatible avec sa mission d'intérêt général, ses obtentions, ce qui implique nécessairement que l'Institut ne saurait se désintéresser de l'application de ses recherches et de la distribution des semences qu'il a contribué à mettre au point. L'importance de cette mission s'est encore accrue à la suite de la réforme entreprise par le décret du 5 septembre 1980, qui a transformé cet établissement public à caractère administratif en un établissement public à caractère industriel et commercial. L'INRA doit à présent développer ses relations avec les utilisateurs de ses recherches, agriculteurs ou industriels, et participer plus activement à la valorisation des résultats qu'il a obtenus. En 1979, avec plus de 7000 agents (dont 1170 scientifiques et 770 ingénieurs), une-dotation annuelle de 800 millions de francs (soit 94 % du budget de la recherche du ministère de l'agriculture) et 100 millions de francs de recettes propres, l'INRA joue un rôle privilégié dans la recherche agricole et alimentaire à côté d'autres organismes, tels que les universités, les instituts techniques, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les ressources de l'Institut comprennent notamment: - des crédits budgétaires ouverts au budget du ministère de l'agriculture, - des subventions de l'État, - et le produit des redevances afférentes aux inventions et procédés nouveaux. Après avoir fait état d'une convention du 13 août 1973 par laquelle l'INRA aurait cédé, contre redevance, une licence exclusive pour l'exploitation commerciale de ses variétés dans tous pays à la Fraserna et, tout en précisant qu'elle ne concerne pas cette convention «dont l'appréciation éventuelle au regard du droit communautaire reste réservée pour une procédure ultérieure», la décision (p. 26-27, point 1) considère pourtant que cette convention liant l'INRA à la Fraserna «ne peut pas constituer une organisation nationale du marché des semences» puisqu'il existe par ailleurs une organisation commune des marchés dans ce secteur, régie par les dispositions du règlement no 2358/71 (décision p. 32, point 5). Observons que l'Institut ne produit, ne multiplie et ne vend aucune semence certifiée; il ne fait que mettre au point des «géniteurs de base». Il était dès lors légitime que cet établissement public, financé par un budget national, cherchât à rentabiliser son fonctionnement en disposant de droits d'obtention dans un autre État membre; une obtention, faisant par ailleurs l'objet d'une «licence simple» en France, ne pouvait être valorisée en Allemagne que si l'obtenteur allemand jouissait de son côté d'une exclusivité. Il est évident que le montant du droit d'obtention dépend du nombre de preneurs de licences et des débouchés de la variété. Si un obtenteur privé français avait su, à l'époque, que les semences produites par lui-même ou par son licencié en France devaient circuler librement dans les autres États membres, il n'aurait pas manqué de demander à ce licencié français un droit de licence majoré. L'INRA ne le pouvait pas en raison de son caractère d'établissement public de recherche. Le montant du droit de licence réclamé polir une variété ouverte, inventée par un organisme qui n'a pas principalement un but lucratif et produite par un grand nombre de multiplicateurs, n'atteint pas le montant d'un droit de licence réclamé pour une variété fermée, produite par un seul obtenteur ou licencié privé. Il nous semble tout à fait normal et conforme au pouvoir qu'a l'INRA de disposer, en dehors de France, comme il l'entend de son invention en vue de la valoriser et d'en assurer la bonne gestion, qu'il ait pu interdire de faire produire ses variétés dans un autre État membre. Cela n'a en principe aucune influence sur la libre circulation des semences abondamment produites en France avec l'accord de l'INRA. Ce n'est donc pas parce que l'INRA a concédé une licence de ses obtentions pour rentabiliser dans une certaine mesure son invention qu'il doit être considéré comme une entreprise au sens de l'article 85. Au contraire, l'Institut est chargé de la gestion d'un service d'intérêt économique général au sens de l'article 90, 2, du traité. C'est un organisme auquel a été impartie une mission particulière. Une application pure et simple des règles de concurrence à ses activités, valable pour les entreprises privées, doit étre exclue, car elle ferait échec à l'accomplissement de sa mission. La seule limite qu'apporte l'article 90, 2, est que «le développement des échanges ne doit pas étre affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté». La décision constate que, pendant les années où l'accord a été appliqué, la «libre circulation» des semences Inra officiellement certifiées n'a pas été intégralement respectée et que cette libre circulation a été empêchée par les accords. En exigeant des intéressés qu'ils mettent fin aux «infractions» constatées, elle vise à rendre plus facile l'importation (ou l'exportation) entre les États membres de semences ayant été officiellement certifiées. C'est pourquoi elle condamne le contrat conclu le 14 décembre 1960 et l'accord subséquent en raison du fait que l'INRA et ses ayants droit (ceci ne peut viser que la Fraserna) s'interdisaient de produire et de vendre eux-mêmes (ici encore, il ne peut s'agir que de la Fraserna) les variétés Inra en Allemagne et s'engageaient à ne pas faire produire ou vendre ces variétés en Allemagne par d'autres que Kun Eisele. On ne saurait faire grief à la Fraserna de ne pas avoir exporté elle-même en Allemagne: au contraire, elle s'est engagée à assurer l'approvisionnement régulier du marché allemand à concurrence des deux tiers des besoins de ce marché pour ces variétés. Ce que la Commission reproche à la Fraserna, c'est de n'avoir exporté directement qu'à Kurt Eisele. Ni l'INRA, ni la Fraserna ne pouvaient juridiquement empêcher que des établissements ayant acquis des semences Inra mises sur le marché par des producteurs français ne les commercialisent en République fédérale. Assortie d'une telle condition, la vente par la Fraserna des variétés Inra eut été interdite en droit français. Certes, en raison de la règle selon laquelle les contrats doivent être exécutés de bonne foi, la Fraserna était tenue de persuader ses membres de faire en sone que des semences Inra ne fussent pas vendues en république fédérale d'Allemagne autrement que par la firme Nungesser. Une telle obligation est normalement conforme non seulement à l'intérêt qu'a le producteur à accroître saproduction, mais aussi à celui qu'a le vendeur à développer ses ventes au maximum. Il ne résulte pas de la lettre de l'accord de 1961 (aniele 1, alinéa 2, aniele 5) que la Fraserna se fût jamais engagée à garantir à Kun Eisele une exclusivité territoriale absolue. Cenes, la Fraserna a cherché à empêcher ou à dissuader les négociants (épisode Bomberault) de commercialiser en Allemagne Jei semences mises en circulation en France; mais ceci ne constituait que l'exécution d'un engagement moral et le dossier ne fait pas apparaître que la Fraserna ait effectivement entamé des poursuites contre des négociants qui se seraient livrés à de telles opérations ni qu'elle ait usé de représailles à leur égard. Malgré ces tentatives d'intimidation, des semences françaises des variétés Inra sont effectivement panxnues en Allemagne par le canal de revendeurs français (épisode Louis David). En réalité, cet engagement n'a pu être juridiquement mis en œuvre que par le recours par Kun Eisele à sa qualité d'obtenteur pour s'opposer à toute importation par des tiers. La Commission est ainsi amenée à condamner le contrat conclu le 14 décembre 1960 (et la convention de 1961) parce qu'il a fourni à Kun Eisele le moyen de se prévaloir de son propre droit d'obtenteur en république fédérale d'Allemagne pour s'opposer avec succès à l'imponation de semences Inra en dehors de son canal, alors que la commercialisation de ces semences n'aurait dû, en venu de la directive sur le catalogue commun, subir aucune restriction quant à la variété et qu'après leur mise en circulation en France ces semences auraient dû pouvoir être importées en Allemagne de façon totalement libre, en venu d'une application par analogie de la théorie de l'épuisement du droit. En réalité, la décision considère comme illicite la cession de licence exclusive accordée par l'INRA à Kun Eisele pour la production et la vente de variétés mises au point en France. Ceci résulte bien du_considérant suivant: «que la présente procédure, engagée en application de l'article 85 du traité, ne vise pas à mettre en cause, dans leur existence ou dans leur objet spécifique, des droits consacrés par une loi nationale ou par l'ordre constitutionnel interne d'Etats membres; qu'elle vise seulement à marquer, comme le prévoit l'article 36 du traité, des limites à l'exercice de tels droits pour le rendre compatible avec les principes du traité». La décision refuse l'exemption parce que «l'exclusivité de vente ne peut bénéficier d'une exemption que, notamment, lorsque des importations parallèles restent possibles»; «l'exclusivité de vente et les interdictions d'exportation qui l'accompagnent ne remplissent pas les conditions de l'exemption en raison principalement de la protection territoriale absolue dont bénéficie le licencié sur son territoire national». Ont donc commis une infraction à l'article 85. 1, non seulement Kun Eisele. mais encore l'INRA. qui a permis par sa cession à ce dernier de s'opposer aux importations parallèles. On peut supposer que la décision a entendu sanctionner Kun Eisele parce qu'il s'était prévalu de son droit national pour s'opposer à des importations indirectes ou parallèles. La Commission voudrait ainsi faire interdire, per se, cette exclusivité et ce n'est qu'à titre surabondant qu'elle examine si, à la supposer légalement jutifiée, cette exclusivité pouvait être exemptée au titre de l'article 85, 3. U apparaît nettement que, pour la Commission, la règle de la libre circulation se confondrait avec celle de la libre concurrence: du moment que la libre circulation est garantie, la liberté de la concurrence est assurée: inversement, si la libre circulation, c'est-à-dire la possibilité d'importation indirecte par des tiers, n'est pas assurée, la libre concurrence est automatiquement compromise. Ainsi que l'a exposé le gouvernement du Royaume-Uni, cette démarche de la Commission est contradictoire. De deux choses l'une: ou bien la théorie de l'épuisement de la protection du droit de propriété industrielle et commerciale est applicable au droit d'obtention végétale; dans ce cas, les restrictions apportées à la commercialisation des semences Inra en Allemagne découlant des accords sont inopérantes et il n'était pas nécessaire de rechercher, de surcroit, si, en tant qu'elle résulte du contrat, cette exclusivité peut étre justifiée, ou bien la théorie de l'épuisement ne joue pas et il est nécessaire de procéder à l'examen de ces accords au regard de l'article 85. La décision prend position sur les deux terrains: elle interdit cette exclusivité en tant que telle et elle refuse de l'exempter au titre de l'article 85, 3. ce qui était le seul objet de la notification effectuée plus de treize ans auparavant. Comme nous l'avons dit, s'ils avaient effectivement pour objet de conférer à Kun Eisele une licence exclusive pour la production et la commercialisation des variétés en cause, les accords passés en 1960-1961 n'avaient pas, à eux seuls, pour effet de donner à cette exclusivité un caractère territorial; ce caractère résulte de la législation allemande, adoptée conformément à la convention de 1961. Les droits que confère l'obtention végétale découlent de l'enregistrement à l'Office fédéral des variétés et non de l'accord qui l'avait précédé. Kurt Eisele n'a pas seulement un droit contractuel découlant de la concession d'une licence, il est détenteur du crrotr privé d'obtenteur. Personne n'a jamais contesté la validité de sa demande de certification ni de son inscription. Pas plus que celle des autres États membres, la législation de la République fédérale n'a fait l'objet de remontrances de la Commission agissant au titre de l'article 169. De ce point de vue, il convient de distinguer plus clairement que ne le fait la décision la notion d'obtenteur (Züchter) de la notion de responsable de la sélection conservatrice (Verantwortlicher für die Erhaltungszüchtung). La première se rattache aux dispositions régissant l'obtention (articles 12 et 15 de la Sortenschutzgesetz); l'obtenteur a le droit privé exclusif de reproduire le matériel de multiplication de la variété protégée en vue de sa commercialisation à titre professionnel ou de la commercialiser à ce titre. La seconde se rapporte aux règles de police économique en matière de commercialisation des semences. Pour qu'une semence puisse étre commercialisée en Allemagne sans restriction quant à la variété, il faut qu'elle ait été reconnue comme semence de base ou comme semence certifiée (§ 4. alinéa 1, de la Saatgutverkehrsgesetz). Cet agrément suppose que la variété ait été inscrite sur la liste des variétés (Sortenliste. §7. alinéa 1). Mais il n'est pas nécessaire que la personne qui sollicite l'inscription ait elle-même créé la variété ou soit l'ayant droit de l'inventeur. Il suffit qu'elle traite la variété selon les principes d'une sélection conservatrice et systématique (§ 55, alinéa 2). L'inscription ne confère pas aux responsables de la sélection conservatrice un droit exclusif sur la variété: d'autres personnes effectuant cette sélection peuvent se faire inscrire sur la liste pour la mėme variété (§63, alinéa 1) - à condition, bien entendu, qu'elles aient eu communication des composants généalogiques de la variété - et produire de la semence susceptible d'être reconnue (§ 5). La semence reconnue de la variété peut être commercialisée même sans l'autorisation du responsable de la sélection conservatrice inscrit sur la liste. Il y a toutefois une exception à ce principe qui, en pratique, devient la règle lorsque la variété inscrite au titre de la Saatgutverkehrsgesetz jouit simultanément de la protection accordé par la Sortenschutzgesetz à l'obtenteur. En effet, la faculté de demander l'inscription aux fins de production et de commercialisation (règle de police économique) entrerait en conflit avec l'exclusivité de droit privé découlant de la Sortenschutzgesetz accordée à l'obtenteur. Dans ce cas, qui est celui de Kurt Eisele, le paragraphe 55, alinéa 2, 3, de la Saatgutverkehrsgesetz confère au seul responsable de la sélection conservatrice le droit d'engager la procédure aux fins de certification-production d'une variété en Allemagne et, éventuellement, de son renouvellement, au sens des anieles 12, 2. et 13. 1, b). de la directive 7C/457. Le paragraphe 63 interdit l'inscription de toute autre personne comme responsable de la sélection conservatrice. Par conséquent, seul l'obtenteur - Kun Eisele - peut demander l'inscription sur la liste des variétés et il a, en contrepartie, seul la responsabilité de la sélection conservatrice. Il est donc le seul à pouvoir non seulement produire de la semence agréée, mais encore à faire usage des prérogatives que confère la Saatgutverkehrsgesetz, c'est-à-dire à pouvoir commercialiser cette semence. Cette situation, qui est donc la situation normale, ne souffre d'exception que dans le cas d'une variété sélectionnée par des instituts de droit public, qui mettent les résultats de leurs efforts à la disposition du public moyennant une rémunération équitable (§21 de la Sortenschutzgesetz, Jedermannserlaubnis) ou en cas de «mise obligatoire à la disposition» (§ 22 de la Sortenschutzgesetz, Zwangserlaubnis): la variété est alors inscrite sur la «liste des variétés» (Sortenliste) aux fins de production et de commercialisation, sans que l'obtenteur puisse se prévaloir de la protection de droit privé de la Sortenschutzgesetz. En vertu des dispositions du droit allemand, Kun Eisele a pour ainsi dire «privatisé» en Allemagne une variété «ouverte» en France grâce à la cession de ce qui était une «licence de droit» de l'INRA en France. Cette situation lui a permis, en se prévalant de la protection de droit privé de la Sortenschutzgesetz, de s'opposer aux importations parallèles de semences de la variété lnr.i I9C parce que seul l'obtenteur de cette variété au sens du droit allemand a It- droit de la commercialiser en Allemagne. Comme la Commission estime que la libre circulation absolue est un principe fondamental du marche commun, la possibilité d'importations parallèles est une condition sme qua non de l'octroi d'une exemption. L'action introduite contre la firme Louis David et les avertissements prodigués à l'entreprise Robert Bomberault et à son éditeur suffisent à écarter les avantages prétendus que comporteraient les accords (progrès technique, qualité des semences, régularité des approvisionnements, prix) et à condamner tout à la fois la cession de licence exclusive de production et la licence exclusive de commercialisation. Comment cette situation doit-elle être appréciée au regard de votre jurisprudence? Selon l'arrêt Consten du 13 juillet 1966 (Recueil p. 429), est contraire au droit communautaire le fait pour le titulaire d'un contrat de représentation dans un État membre déterminé qu'il approvisionne au moyen d'importations d'invoquer son propre droit de marque pour interdire l'importation de produits que son fournisseur étranger a fabriqués et mis en vente dans un autre État membre. Dans le cas de cession parallèle de droit de marque sur un mėme produit, vous avez jugé (Sirena, arrêt du 18. 2. 1971, Recueil p. 80 et suiv.i que l'exercice du droit de marque cédé à des exploitants dans un ou plusieurs États membres pouvait conduire a une situation tombant sous les interdictions de l'article 85 chaque fois qu'il apparaîtrait comme étant l'objet, le moyen ou la conséquence d'une entente (attendu 9); qu'une telle situation pouvait découler notamment d'une entente entre des titulaires de la marque ou leurs ayants droit qui leur permettrait d'empêcher des importations en provenance d'autres États membres (attendu 10). Vous avez toutefois limité cette constatation au droit de marque en prenant soin de préciser que (attendu 7) «l'exercice du droit de marque est particulièrement susceptible de contribuer à la repartition des marchés et de porter ainsi atteinte à la libre circulation des marchandises entre États», essentielle au marché commun, «d'autant plus», avez-vous ajouté dans votre arrêt Van Zuvlen du 3 juillet 1974 (Recueil p. 742 et suiv.), «qu'à la différence d'autres droits de propriété industrielle et commerciale, il n'est pas sujet à des limitations dans le temps». Selon l'arrêt Deutsche Grammophon du 8 juin 1971 (Recueil p. 487 et suiv.), est contraire aux règles relatives à la libre circulation des marchandises (articles 30, 34, 36) le fait que le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin dans un Etat déterminé invoque son droit pour interdire l'importation de produits qu'il a lui-même mis en circulation dans un autre État membre, à l'effet de maintenir une différence de prix entre produits identiques provenant du même producteur. Cette jurisprudence a été confirmée par votre arrêt Centrafarm du 31 octobre 1974 (Recueil p. 1183) par lequel vous ayez jugé que l'exercice, par le titulaire d'un brevet, du droit que lui confere la législation d'un État membre d'interdire la commercialisation, dans cet État, d'un oroduit protégé par le brevet et mis dans le commerce dans un autre État membre par ce titulaire ou avec son consentement serait incompatible avec les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises à l'intérieur du marché commun. En matière d'obtentions végétales, un cas de figure analogue s'est présenté en Allemagne à deux reprises à notre connaissance. Le Bundesgerichtshof, juridiction allemande suprême, a jugé le 29 février 1968, dans un cas où il s'agissait de l'importation en république fédérale d'Allemagne de pommes de terre de semence pour lesquelles le requérant dans cette affaire avait déjà perçu des droits en sa qualité d'obtenteur en vertu d'un titre de protection parallèle dont il était détenteur aux Pays-Bas, que le droit de protection des obtentions végétales - à l'instar des brevets - était un droit territorialement limité, existant indépendamment des droits de protection parallèle dans d'autres États membres. L'application du principe de territorialité se lustifiait, en outre, en raison du fait que la culture des variétés végétales est particulièrement dépendante des conditions du sol. Vous aviez été saisis d'une question du même ordre, le 17 octobre 1979, par le Landgericht de Düsseldorf. Comme dans l'affaire soumise au Bundesgerichtshof, il s'agissait du titulaire du droit de protection allemand, relatif à une variété de trèfle rouge, également titulaire d'un droit de protection parallèle qui lui avait été accordé en France, et qui entendait s'opposer à l'importation en république fédérale d'Allemagne de matériel de reproduction de cette variété mise en vente en France. Vous n'avez pas eu à vous prononcer étant donné que cette juridiction vous a fait savoir que le requérant avait retiré son recours. Il existe toutefois une différence essentielle entre ces affaires et l'affaire ayant opposé Kurt Eisele à la firme Louis David: s'il détient un titre de protection en Allemagne, Kurt Eisele n'en délient pas en France et il n'a perçu aucune redevance pour la mise sur le marché français. De mėme, la Fraserna n'a perçu aucune redevance pour la mise sur ce marché. Seul l'INRA a perçu une redevance en France et, depuis le contrat de 1965 (article 3), Kurt Eisele verse à l'INRA, pour les semences qu'il multiplie ou qu'il importe en République fédérale, une redevance égale à celle qui est exigée par la CGLV des multiplicateurs français des variétés Inra. Cette redevance versée par Kurt Eisele parait constituer une certaine contrepartie pour les frais d'inscription des variétés en Allemagne, assumés par l'INRA (article 3 de la convention de 1960). En outre, le matériel de reproduction Inra commercialisé en France ne l'est pas par le détenteur du titre allemand (Kun Eisele) et cette commercialisation ne requiert pas son accord et se fait sans son assentiment. Il n'est donc pas possible de dire que, par la première mise en circulation des variétés Inra en France par Kurt Eisele ou avec son assentiment, le droit de protection sur les variétés Inra que Kurt Eisele tire du droit allemand se trouve épuisé, comme dans l'affaire Centrafarm. La situation n'est déjà pas la mėme lorsqu'un titulaire de brevet ou de licence, fabriquant des produits dans son propre pavs, invoque son droit de brevet pour interdire l'importation de produits fabriqués dans un autre Etat membre par le titulaire du brevet lui-même, par une entreprise qui lui est économiquement liée ou par un autre licencié. Il faudrait faire un effort supplémentaire pour admettre que l'épuisement du droit dans un État membre joue dans un autre Etat membre, mėme lorsque les titulaires du droit ne sont pas les mėmes ou sont juridiquement indépendants. Votre jurisprudence ne préjuge donc nullement de «l'épuisement de l'exercice du droit de protection en matière d'obtentions végétales». Pour que le point de vue de la Commission soit exact, il faudrait: 1) qu'une obtention végétale soit strictement assimilable à un brevet et que l'effet territorial de la protection accordée à cette forme d'invention soit, à l'instar de la marque et du brevet, épuisé par la première mise en circulation du produit couvert; 2) que la limitation ainsi apportée à cette protection reste d'application même lorsqu'après démembrement ou cession d'une obtention, cette obtention fait l'objet d'une exploitation autonome et que le recours à la protection accordée par le droit national pour ce cas constitue, par lui-même, un abus. Si l'on admet la légitimité de principe du droit d'obtention végétale, il faut bien reconnaître qu'un système de protection conçu pour des organismes vivants (produits agricoles) et donc périssables et sujets à variations pose des problèmes bien différents de l'application d'un tel système à une invention technique (produits industriels). Le droit d'obtention végétale est un brevet d'un genre très particulier en raison de la participation active de la nature dans le processus d'élaboration de l'invention. On ne peut assimiler purement et simplement les semences (graines ou avant-produits) aux grains destinés à la consommation (produits finis). Même si ce sont des «marchandises» au sens du traité, il est clair qu'elles méritent une protection différente de celle des produits industriels. Ce caractère particulier est confirmé par le fait que, dans de nombreux pays, les obtentions végétales font l'objet d'une législation spéciale. Il a été question au cours de la présente procédure du «projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 85, 3, du traité à des catégories d'accords de licences de brevets» (Journal officiel C 58 du 3. 3. 1979, p. 12), qui est en souffrance depuis plus de quatre ans devant le Conseil et qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1980. Or, d'après l'article 5, 4, de ce projet, le règlement n'est pas applicable aux accords de licence concernant les obtentions végétales «par manque d'une expérience suffisante dans le domaine des décisions individuelles». La Commission reconnaît ainsi elle-même que, pour les accords par lesquels les parties se communiquent des procédés secrets de fabrication ou d'autres connaissances secrètes en matière d'obtentions végétales, il faudra une réglementation particulière tenant compte de la spécificité des obtentions végétales. Nous pensons, pour notre pan, que cette première décision de la Commission est loin d'épuiser tous les problèmes que pose l'inclusion ou l'exclusion de ces accords dans le projet de règlement. A la différence de la protection des modèles d'utilité, qui résulte d'une simple notification et d'un simple enregistrement, la protection afférente à une obtention végétale découle en Allemagne d'une décision administrative du Comité des variétés de l'office fédéral des obtentions (§ 67 de la Saatgutverkehrsgesetz). Le coût de l'amélioration ou de la création d'une variété nouvelle doit normalement étre étalé sur 4 à 10 ans avant que l'on puisse espérer la commercialiser. Pour faire répertorier une variété et avant d'en obtenir la certification, il faut une période d'essais obligatoire de plusieurs années (5 ans dans le cas des variétés Inra), ce qui entraine des coûts. En matière d'obtentions végétales, des taxes sont perçues: - pour instruction de la demande (droit de dossier), - à l'occasion de la délivrance du certificat d'obtention végétale (taxe d'examen), - en outre, l'obtenteur (ou le responsable de la sélection conservatrice) doit verser une taxe annuelle pour le maintien de la validité des certificats (20 ou 25 annuités). Plus généralement, tout acte d'inscription ou de radiation au registre national des obtentions végétales donne lieu à taxation. D'après le dossier, Kurt Eisele doit débourser 80000 DM au titre de sa responsabilité pour la sélection conservatrice. Pour conserver le droit d'obtention, il ne suffit pas de décrire un procédé une fois pour toutes - comme dans le cas du brevet -, il faut en permanence reproduire la semence obtenue par un processus biologique pour en maintenir les caractéristiques (sélection conservatrice). Les champs de l'obtenteur sont soumis à des inspections sur pied. Pour stocker et conserver les lignées, les hybrides simples et les semences de base, il est nécessaire d'utiliser des chambres froides. Ce mode de conservation permet de reponer les stocks de semences d'une année à l'autre en leur conservant des qualités germinatives satisfaisantes. En contrepartie des avantages que confère le droit d'obtention végétale, le titulaire doit garantir que la variété sera maintenue aussi longtemps que dure la protection dont il jouit et cette protection cesse dés que cette garantie n'est plus assurée (article 11 de la directive 70/457; § 16 de la Sortenschutzgesetz; § 67 de la Saatgutverkehrsgesetz). D'un autre côté, le produit couvert par un certificat d'obtention végétale peut servir, nonobstant toute clause d'exclusivité, à la création de variétés nouvelles. Comme l'«érosion génétique» raccourcit la longévité des nouveautés, la durée des amortissements est souvent ramenée à 5 ou 6 ans, alors que les investissements demeurent importants du fait de la sophistication des installations et des méthodes. Enfin, la variété tombe dans le domaine public après un certain délai (20 ou 23 ans selon les États membres; en France, article 6 de la loi du 11 juin 1970). Il faut également tenir compte des problèmes particuliers que pose, en cas de production d'une mėme variété sous des dénominations différentes dans deux États membres, la coexistence de deux obtentions et de la protection qu'elles impliquent pour la commercialisation des semences ponant une certaine dénomination dans le pays où elles ont une dénomination differente. En effet, si, d'après les directives de 1966 et de 197C, la commercialisation des semences répertoriées dans un État membre et au catalogue commun ne doit étre soumise à aucune autre restriction quant à la variété que celles qu'elles prévoient, ces directives laissent intact le problème de la consistance des droits parallèles d'obtentions végétales et de l'exercice de la protection que confèrent ces droits. Ce problème a préoccupé le législateur communautaire et les États membres qui ont tenté de le résoudre, en matière dv brevet, dans la convention de Luxembourg du 15 décembre 1975 relative au brevet européen pour le marché commun, dite Convention sur le brevet communautaire. Au cours de la procédure administrative ayant précédé l'adoption de la décision, Kurt Eisele avait invoqué l'article 43 de cette convention qui dispose: «1) le brevet communautaire peut faire, en sa totalité ou en panie, l'objet de licences pour tout ou panie des rerri- toires sur lesquels il produit ses effets. Les licences peuvent être exclusives ou non exclusives; 2) les droits conférés par le brevet communautaire peuvent étre invoqués à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des limites de sa licence imposées en venu du paragraphe 1; 3) ...» La décision ne prend absolument pas position sur cet argument. Au cours de l'audition administrative et lors de la procédure orale, la Commission a toutefois invoqué les dispositions de l'article 2. paragraphe 2 «Le brevet communautaire a un caractère unitaire. Il produit les mėmes effets sur l'ensemble des territoires auxquels s'applique la présente convention et ne peut être délivré, transféré, annulé ou s'étendre que pour l'ensemble de ces territoires...» Mais cette disposition laisse entière la possibilité d'accorder une ou plusieurs licences pour une panie ou pour l'ensemble du territoire où le brevet produit ses effets. La Commission a également invoqué l'article 93 de la convention selon lequel «aucune disposition de la présente convention ne peut étre invoquée pour faire échec à l'application d'une disposition du traité instituant la CEE». Mais aucune disposition du traité ne se prononce explicitement sur l'épuisement des droits conférés par le brevet communautaire. Cette question fait l'objet de l'article 32 de la convention, tandis que l'épuisement des droits conférés par les brevets nationaux est réglé à l'article 81. On sait que de profondes divergences ont opposé les Hautes parties contractantes à cette convention, d'une pan, et la Commission, d'autre pan, lors de la mise au point de son texte, ainsi qu'en témoigne l'avis de la Commission «sur le projet de convention relative au brevet européen pour le marché commun» (publié au Journal officiel L 261 du 9. 10. 1975, P. 26), mais la Commission n'a jamais engagé la procédure pour manquement aux obligations découlant du traité en raison de la conclusion de cette convention, comme elle le prévoyait cependant à la fin de son avis. La Commission déclarait dans cet avis qu'«il n'existe de toute évidence aucune raison de traiter différemment celui qui a acquis un brevet national en venu d'une cession et le titulaire d'une licence exclusive, laquelle, d'un point de vue économique, est trés proche d'une cession». Le gouvernement du Royaume-Uni a fait observer que, si la cession d'une licence exclusive est très proche de l'aliénation de cette forme de propriété que constitue une obtention végétale, une telle cession ne devrait pas poser en principe de problème au regard de Panicle 85, car elle épuise ses effets immédiats en transférant le statut juridique et économique du titulaire au bénéficiaire. En tant que telle, elle ne limite pas la liberté d'action du titulaire. Elle relève donc du régime de la propriété, dont le traité ne préjuge en rien (aniele 222). Il y a d'ailleurs quelque paradoxe à reprocher à l'INRA d'avoir limité sa propre libené d'action, alors que les variétés qu'il a mises au point étaient pratiquement dans le domaine public en France et que la cession consentie à Kun Eisele était absolument nécessaire pour pénétrer sur le marché allemand. La Commission explique que «la décision se borne, en son aniele 1, a), à constater qu'un cenain exercice (Ausübung) des droits d'obtention est incompatible avec l'anicle 85, 1, mais sans retirer au requérant son titre juridique quel qu'il soit. Il s'agissait d'interdire également pour l'avenir au requérant Vusage (Gebrauch), critiqué par la décision, du droit d'obtention». Ainsi, pour empêcher que Kun Eisele ne fasse un usage critiquable des prérogalives que lui confère son droit national, la décision interdit également pour l'avenir à l'INRA de céder une licence de production et à Kurt Eisele d'acquérir une telle licence. Ceci parait concerner l'objet mėme du droit de propriété et n'a plus grand-chose à voir avec l'article 83. Si la décision était confirmée sur ce point, elle pourrait se traduire par une sorte d'expropriation rétroactive de Kurt Eisele. La possibilité d'une obtention parallèle avec une dénomination différente est formellement prévue en l'état actuel du droit communautaire; une obtention «communautaire» n'est pas possible. La théorie de l'épuisement ne peut donc, à notre avis, s'appliquer telle quelle lorsque, comme en l'espèce, l'obtention a été créée par un établissement public national de recherche et a fait l'objet dans un État membre de ce que la Convention sur le brevet (article 44) appelle une «licence de droit» par opposition à une «licence contractuelle». La «récompense» de l'obtenteur d'une telle variété n'obéit pas aux mėmes modalités que la «récompense» d'une obtention pour une variété fermée, cédée dans des conditions de pleine concurrence entre un obtenteur et un multiplicateur indépendants l'un de l'autre. L'article 81, 3, de la convention dispose que: «les paragraphes 1 et 2 (qui ont trait à l'épuisement des droits conférés par les brevets nationaux) ne sont pas applicables lorsque le produit a été mis dans le commerce au titre d'une licence obligatoire (de l'article 44)». Il n'est donc certainement pas possible d'invoquer les dispositions de la convention, pas plus que celles du projet de règlement de la Commission «concernant l'application de Panicle 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de licences de brevets» dans le sens d'une interdiction des licences territoriales exclusives de brevets, d'autant plus qu'il n'est pas exclu qu'une solution différente soit retenue en matière d'obtentions végétales. Tant qu'il n'existe pas de «convention communautaire en matière d'obtentions végétales», un accord de licence territoriale exclusive reste possible en ce domaine, à condition qu'il soit justifié par l'article 85, 3, sinon son caractère territorial suffirait à l'affecter d'un vice rédhibitoire, quelque bénéfique que soit par ailleurs l'effet économique de la cession d'une telle licence; il ne serait mėme plus nécessaire, dans cette hypothèse, d'élaborer une convention communautaire. Ce serait préjuger de l'établissement d'un régime «communautaire» des obtentions végétales que d'affirmer, comme le fait la Commission, que l'objet spécifique du droit d'obtention végétale serait de réserver à son titulaire la prérogative de produire du matériel de multiplication de la variété protégée et de la mettre le premier dans le commerce; que le caractère exclusif de ce droit n'aurait pour objet que de garantir l'identité de la variété et que «la protection d'un licencié contre la concurrence du donneur de licence ou d'autres co-licenciés ou des tiers ne relève pas de l'objet spécifique du droit d'obtention» (décision p. 33, point 7). La protection que confère le droit d'obtention végétale, notamment pour autant que celui-ci est exploité commercialement sous la forme de licences susceptibles d'affecter la distribution dans les différents États membres de variétés qui«incorporent» l'obtention protégée, tombe dans le champ d'application de la réserve de l'article 36 du traité (Musik-Vertrieb Membran, arret du 20. 1. 1981, Recueil p. 161, no 9, en matière de droits d'auteur). L'exercice des droits découlant d'une obtention octroyée conformément à la législation d'un État membre ne porte pas, en lui-même, infraction aux règles de concurrence fixées par le traité. L'obtention prise en elle-même, indépendamment de toute convention dont elle pourrait être l'objet, ne s'apparente à aucune des catégories d'ententes limitativement énumérées à l'article 85, 1, mais résulte d'un statut légal accordé par un État (Parke, arrêt du 29. 2. 1968. Recueil p. 109 et 110). Il n'en demeure pas moins que, par l'effet de la cession consentie par l'INRA et des dispositions de la législation allemande, il a existé, si la théorie de l'épuisement ne pouvait pas jouer pendant les années où les accords ont été suivis d'effet, une situation de monopole de production et de vente des semences de certaines variétés Inra par le canal de Kurt Eisele. Dans la situation de droit qui était celle de l'époque (1965), il était donc nécessaire que des importations directes aient lieu de France en Allemagne, pays déficitaire en semences de maïs. La clause qui prévoyait que Kurt Eisele achèterait les deux tiers des semences des variétés Inra qu'il commercialisait en Allemagne allait en ce sens; c'était en réalité une clause qui limitait sa liberté d'action, il a entre-temps cessé de l'observer et il n'en attaque pas l'interdiction. Le seul problème restant à examiner est de savoir si les clauses organisant ces ventes directes ont provoqué des restrictions sensibles à la concurrence et si elles ont eu un effet, également sensible, sur le commerce entre les États membres (Volk, arrêt du 6. 7. 1969, Recueil p. 295; Cadillon, arrêt du 6. 5. 1971, Recueil p. 351). La question de savoir si, en définitive, les accords en cause tombent sous le coup de l'article 85, 1, dépend donc moins de leur nature juridique que de leurs effets sur la concurrence et sur le commerce entre les États membres (Lancóme, arrêt du 6. 10. 1980, Recueil p. 2536). Les requérants et les intervenants ont à juste raison fait observer qu'en présence d'une telle situation, si la firme Nungesser avait une position dominante en ce domaine et si elle en avait abusé, ce serait plutôt les dispositions de l'article 86 qui auraient dû être appliquées. Cependant, comme la décision ne se place pas sur ce terrain, il nous reste à faire le bilan économique des accords du point de vue des articles 39 et 85, 3, et il est d'autant plus aisé de dresser un tel bilan que l'observation peut porter sur un laps de temps suffisant. Nous avons vu que l'inscription d'une variété au catalogue commun a pour conséquence que cette variété peut étre importée dans un État membre autre que l'État d'origine, même sans être reconnue au niveau de l'État d'importation (§ 23, 2, deuxième phrase, Saatgutverkehrsgesetz). En revanche, pour qu'une variété inscrite au catalogue commun puisse être produite dans un État autre que l'État d'origine pour y être ensuite commercialisée, l'inscription au catalogue national de l'État de production était nécessaire (§4, 1, Saatgutverkehrsgesetz). L'admission au catalogue national obtenue par Kurt Eisele comportait un double aspect: - l'admission aux fins de commercialisation, necessaire à l'époque où elle a été obtenue pour vendre des semences Inra en Allemagne et qui ne l'est plus depuis l'adoption du catalogue commun; - l'admission aux fins de la certification et de la production, qui reste nécessaire pour multiplier, à partir de «semences de base» fournies par la Fraserna, des «semences certifiées» qu'il commercialise ensuite. Le gouvernement allemand a expliqué que ce n'est qu'en cas d'admission parallèle aux fins de production que la variété est testée quant à sa valeur culturale et d'utilisation au regard des conditions existant sur le territoire national (§ 38, alinéa 1, 4, Saatgutverkehrsgesetz; article 4. 2, b), et article 5. 4, de la directive 70/457;. Or, les semences d'une variété se vendent mieux lorsque sa valeur culturale pour l'Etat membre concerné a fait l'objet d une attestation officielle. L'inscription facilite la publicite et la commercialisation de la variété; les instances qui conseillent les agriculteurs (chambres d'agriculture et autres! recommandent de préférence les variétés reconnues au niveau national. Ainsi, alors que le catalogue commun enumere pour 1981 environ 180 variétés de maïs théoriquement importables en république fedérale d'Allemagne, le catalogue allemand ne comprenait que 48 varietés (en 1978, une centaine). 99.5 % des semences utilisées en République fédérale proviennent des variétés inscrites au catalogue allemand. Seul un petit nombre de variétés lune vingtaine) sont vendues en grande quantité. Plus de 99 % des licences accordées en 1978 dans le domaine des semences étaient des licences exclusives. L'inscription parallèle d'une variété au catalogue allemand - qui suppose que cette variété soit produite en Republique fédérale - favorise la diffusion de cette variété sous sa dénomination allemande; cet effet d'«entrainement» favorise à son tour les semences de la mėme variété produites en France et diffusées sou* l'appellation allemande. En termes commerciaux, ceci n'est possible que si les semences françaises sont «germanisées». Comme Kun Eisele jouit de façon indubitablement légitime d'une exclusivité de vente pour les semences de sa propre production, il doit nécessairement, en termes commerciaux, jouir de la mėme exclusivité pour les semences des mėmes variétés produites en France, sinon il n'aurait aucun intérêt á maintenir son obtention ni à assumer les frais que cela entraine et, en définitive, cela rejaillirait sur la diffusion des semences produites en France. La suppression de l'exclusivité de commercialisation pour les semences importées risque d'enlever tout intérêt à la concession de l'exclusivité légale de multiplication en Allemagne de semences Inra et de commercialisation des semences produites et entraînerait a terme la disparition de cette activité de production allemande, ce qui s'est d'ailleurs produit, ainsi que nous le verrons. Il est évident que Kun Eisele n'a accepté de payer des redevances à l'INRA, de faire des effons de promotion pour les variétés Inra et d'assumer la responsabilité financière et juridique pour le maintien de la sélection conservatrice au regard du droit allemand qu'en échange d'une concession exclusive. Or, la dimension territoriale est, par elle-même, indispensable pour caractériser un contrat concédant une telle licence exclusive. La décision (p. 28, point 2) admet que, contrairement à ce que prévoyait l'accord de 1965 (article 2), les prix de vente pratiqués par la firme Nungesser en Allemagne ont toujours été fixés sarrs intervention de l'INRA. On peut penser que cette clause devait permettre à l'INRA d'exercer un certain contrôle sur Kurt Eisele et l'empêcher d'abuser de la position qu'il occupait sur le marché allemand grâce au jeu des autres clauses. Néanmoins, la décision (p. 29-30, point I, D, 4) a notamment été adoptée parce que les prix pratiqués par la firme Nungesser en Allemagne étaient excessifs par rapport aux prix français («70 % d'écart au printemps 1974 d'une rive du Rhin à l'autre»; «pour les seules semences de maïs Inra écoulées en 1974 par Eisele, les marges commerciales supplémentaires supportées par le consommateur allemand se sont élevées à plusieurs millions d'unités de compte»), ce qui empêcherait clairement le contrat de bénéficier de l'exemption. Son objectif est donc d'éviter que les cultivateurs allemands ne puissent participer équitablement aux profits éventuels résultant des accords litigieux et qu'ils ne pâtissent de tels écarts de prix. Au cours de la «réunion informelle» du 19 janvier 1981, les parties ont reconnu que les différences entre leurs chiffres respectifs concernant les prix sur le marché allemand ne tiraient pas à conséquence. Toutefois, elles n'ont pu rapprocher leurs points de vue concernant les prix sur le marché français, qui faisaient état d'estimations variant considérablement. C'est surtout pour l'année 1972 (et non plus pour l'année 1974, mise en exergue par la décision) que ces divergences restent irréductibles. Pour cette année 1972, les requérants ont soutenu que le prix de l'inra 258 était monté à 70C francs le quintal en raison d'une pénurie de semences de cette variété, alors que la Commission ne retient que le chiffre de 300 francs. Si nous avons bien compris, il s'agit de semences récoltées en 1971, destinées à être mises en terre au printemps 1972; par contre, le reste de l'année 1972, après la récolte d'automne, a été marqué par un effondrement des prix. Il est toutefois apparu, au cours de cette réunion, que les prix français pour l'année 1972 étaient loin d'être aussi bas que ne le prétendait ia Commission. Celle-ci a ainsi été amenée à relativiser l'importance qu'elle attachait à cet aspect «prix». Pour elle, en effet, la présente procédure ne concernerait pas une infraction en matière de prix, mais le caractère exclusif d'une licence. Toutefois, si le caractère exclusif de la licence ne se traduit pas par des différences de prix injustifiées, il ne nuit pas, selon nous, à une «concurrence efficace» au sens de votre jurisprudence (Metro, arrêt du 25. 10. 1977, Recueil p. 1904, attendu 20) et son interdiction n'entraînerait aucun avantage appréciable pour l'utilisateur. C'est pourquoi la comparaison entre les prix français et les prix allemands revet de l'importance pour apprécier le bien-fondé du recours. L'instruction approfondie à laquelle il a été procédé montre que la Commission s'est exclusivement basée sur les prix qui lui avaient été fournis par dix coopératives situées dans les principales zones de production en France et offrant des prix particulièrement intéressants. Cependant, la part que tiennent les coopératives sur le marché français ne s'élevait qu'à 30 ou 35 % environ du chiffre d'affaires à tous les échelons et sans pondération suivant l'époque de la vente. Or, au cours d'une mėme année, les prix peuvent varier fortement selon qu'ils se rapportent aux semences destinées à une campagne ou aux semences récoltées lors de la campagne suivante. D'un autre côté, les négociants indépendants représentent un élément important sur ce marché, et ce secteur du commerce est très sensible aux mouvements spéculatifs, à la différence des coopératives qui se préoccupent en premier lieu d'approvisionner régulièrement leurs clients. Cela tient au fait que, pour les variétés ouvertes Inra, qui sont très sensibles aux fluctuations des cours, il existe un circuit complexe de distribution et de commercialisation. Nous comprenons bien que, pour les besoins de la démonstration, la Commission minimise l'importance du secteur non coopératif en France. Mais ceci nous semble en contradiction avec l'importance que présente, selon elle, l'échelon du commerce indépendant et des courtiers intermédiaires (les entreprises Robert Bomberault et Louis David) et avec l'intérêt qu'elle porte au maintien de cet échelon «indispensable». Il semble que, pour l'année 1972, la moyenne se rapprochant le plus de la réalité aurait été de 40C ou de 450 francs le quintal. Au total, l'écart moyen entre les prix français et les prix allemands au mėme stade n'aurait pas été supérieur à 25o/o. Dans leur dernier mémoire du 12 mai 1981, les requérants ont mėme soutenu que les differences de prix oscillaient entre 14 et 15 %. Cette affirmation n'est pas entièrement dépourvue de vraisemblance, car ce pourcentage constitue la marge bénéficiaire dont Kun Eisele a fait état devant le Landgericht de Bad-Kreuznach pour demander reparation du préjudice causé par les importations «sauvages» de la firme Louis David. Or, Kurt Eisele avait intérêt à majorer au maximum sa marge commerciale en vue d'obtenir la plus grande réparation possible. Seule une expertise pourrait peut-être départager les parties, mais après tant d'années une telle recherche serait très difficile à entreprendre. Pour notre part, il nous suffit de constater que les écarts dont fait état la décision sont inexacts. En regard de ces différences de prix, les «prestations» (article 39, 1, a), du traité) de Kurt Eisele, tout en n'étant peut-être pas aussi exceptionnelles qu'il le prétend, n'étaient pas sans valeur. Les parties ont àprement discuté pour savoir si ces prestations avaient un caractère purement commercial, comme le soutient la Commission, ou si elles étaient imposées par la législation allemande, ainsi que l'affirment les requérants. Les spécialistes distinguent la faculté germinative ou encore germination (Keimfähigkeit, Keimkraft) et l'énergie ou vigueur germinatives (Triebkraft). La faculté germinative minimale prescrite par la réglementation communautaire est de 85 % pour les semences de maïs (article 4, 2, de la directive 66/402). L'énergie germinative d'un lot de semences de maïs, c'est-à-dire leur aptitude à tolérer des conditions de levées froides et humides, s'apprécie par un test au froid. Toutefois, jusqu'à présent, les méthodes internationalement admises ne retiennent pas le test au froid; d'ailleurs, la plupart des grands établissements français s'imposent ce type de contrôle pour leur propre production et il est tenu compte de l'énergie germinative dans les critères de sélection. Selon les dispositions du règlement «Saatgutlandwirtschaft» du 3 juillet 1975, dans la version du septième règlement du 23 juin 1978 portant modification des dispositions de la Saatgutverkehrsgesetz et de la Saatgutverordnung du 2 juillet 1975, modifiée le 23 mai 1977, la semence de maïs n'est commercialisable en Allemagne que lorsqu'elle présente une faculté germinative d'au moins 90 % et une énergie germinative d'au moins 85 %. Ce n'est, semble-t-il, que depuis juillet 1980 que la condition supplémentaire d'une énergie germinative minimale a été supprimée. Les semences d'hybrides doubles Inra 200 et 258 vendues par le réseau Eisele en Allemagne, qu'elles fussent produites par lui ou spécialement conditionnées pour lui en France, avaient une faculté germinative de plus de 92 %, supérieure selon lui à celle des semences habituellement distribuées sur le marché français. En outre, elles avaient une énergie germinative supérieure à 95 %. Nous n'avons pas très bien compris si la réglementation allemande, à l'époque des importations effectuées par la firme Louis David, s'opposait à la commercialisation des semences Inra ainsi importées du point de vue des caractéristiques germinatives. Il semble que ce n'est que depuis le 1er juillet 1975 que le paragraphe 23, 2, de la Saatgutverkehrsgesetz a été formellement aligné sur les dispositions communautaires en précisant que, pour qu'une semence puisse être importée en Allemagne, il suffisait qu'elle ait été certifiée ou admise dans un autre État membre. Comme l'indique la décision (p. 25, note 3), il est généralement admis qu'au-delà d'un certain seuil tout accroissement de faculté germinative entraine un accroissement plus que proportionnel d'énergie germinative et, par conséquent, du nombre des levées réelles sur le terrain. La décision expose encore que l'énergie germinative n'a pas été normalisée, qu'elle est utilisée comme argument publicitaire et que cette caractéristique n'intéresse que les semences de maïs-grain (p. 25, note 4); or, le maïs fourrager représenterait 80 % de la production globale de maïs en Allemagne. Nous noterons cependant que la directive ne fait pas cette distinction: le maïs est classé comme céréale et non comme plante fourragère (dont les semences font l'objet d'une directive différente, la directive 66/401). Par ailleurs, on utilise presque toujours les mėmes variétés aussi bien pour le maïs fourrager que pour le maïs-grain, bien que les usages de ces deux catégories de maïs soient différents. De toute façon, il ne faut pas oublier que l'article 5 de la directive 66/402 n'entendait établir que des exigences minimales: «Les Etats membres peuvent fixer, en ce qui concerne les conditions prévues aux annexes 1 et 2, des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses pour la certification de leur propre production.» Il n'était donc nullement interdit à Kun Eisele de dépasser les exigences communautaires et de poursuivre une politique de qualité. La faculté et l'énergie germinatives dont il faisait état pour les semences qu'il produisait contribuaient à améliorer leur comportement germinaţii, mėme si cette dernière caractéristique ne pouvait intéresser au maximum que 20 % de la production allemande globale de maïs à partir des variétés Inra. Il existe douze à quinze calibres différents de maïs. Kun Eisele offrait huit calibres différents pour les semences de sa production, sept pour les semences qu'il importait de France. Les sacs où les unes et les autres étaient logées comportaient une notice indiquant les disques de semoir à utiliser «en fonction des conditions spécifiques régnant en Allemagne». Ces spécifications auraient été nécessaires, selon les requérants, parce qu'en France on utiliserait des semoirs pneumatiques, alors qu'en Allemagne on utiliserait des semoirs mécaniques. Il est d'expérience que chaque semoir est livré avec un jeu de disques de calibres différents, pouvant servir pour semer d'autres graines que le maïs: petits pois, haricots, etc. Mais, mėme si l'agriculteur prend soin d'adapter son semoir à la taille de la semence, il ne pourra jamais augmenter le calibre de celle-ci, et cette caractéristique peut avoir une influence décisive sur la récolte. Or, nous ne savons pas quel était le calibre des semences écoulées par la firme Louis David ou offenes par la société Roben Bomberault. Il n'est pas exclu qu'elles aient été constituées par des «queues de calibre». Nous savons en revanche que les semences importees de France par la firme Louis David à la fin du printemps 1971 n'avaient pas. après avoir changé plusieurs fois de mains, encore été utilisées au printemps 1973. L'âge des semences revêt pourtant une importance essentielle et l'un des reproches adressés aux marchands de graines est qu'ils vendent des semences trop vieilles. L'exigence du maintien à tout prix d'un secteur de «négociants indépendants», qui cherchent à réaliser des opérations au coup par coup, risque de se traduire par des déboires pour les utilisateurs. Il est souvent préférable que les semences soient mises en terre dans des conditions qui puissent être contrôlées par le premier vendeur, sinon les utilisateurs risquent, croyant faire une affaire, d'acheter des lots de semences périmées ou des «queues de calibre» (calibre no 6) dont Kun Eisele refusait précisément la livraison, ainsi qu'en témoigne la correspondance figurant au dossier. Les semences écoulées par la société Nungesser, qu'elles aient été produites par elle ou conditionnées pour elle, répondaient enfin à des caractéristiques différentes de celles des semences écoulées par la firme Louis David ou offenes par la société Bomberault du point de vue du traitement phytosanitaire et de l'étiquetage. Bien qu'il ne s'agisse là, à proprement parler, que de prestations purement commerciales et que l'on ne puisse guère parler d'une amélioration, cette dernière spécificité revêt de l'importance du point de vue de la libre circulation. Les requérants font état de ce que la législation allemande ne permettait que le traitement au captan des semences de maïs et qu'elle aurait prohibé l'utilisation de certaines substances chimiques (anthraquinon) pour traiter les semences, alors que ces substances sont utilisées pour les désinfecter en France, ce qui aurait suffi à empêcher légalement l'importation de semences qui n'étaient pas spécialement conditionnées pour eux. Les semences qu'ils produisaient et qu'ils importaient étaient, elles, conformes aux prescriptions allemandes, ainsi qu'il ressort des contrats figurant au dossier (traitement au captan). Nous pensons que cette seule raison n'eut pas suffi à empêcher la mise indirecte sur le marché allemand de semences françaises: Depuis juillet 1975, aucun contrôle n'a plus été exercé en Allemagne en ce qui concerne un éventuel traitement chimique sur des semences de maïs importées au regard de la réglementation en matière de commercialisation des semences. Il reste que, comme en matière de comportement germinaţii, la législation phytosanitaire allemande pouvait être plus sévère pour les semences produites en Allemagne que ne l'exigeait la directive pour les semences importées de France. Dans son mémoire du 28 septembre 1981, en réponse à la question que la Cour lui avait posée le 20 juillet 1981, la Commission expose que le paragraphe 20 du règlement allemand du 2 juillet 1975 sur les semences (Saatgutverordnung) autorise l'étiquetage en plusieurs langues et que le paragraphe 22 de ce mėme règlement dispose qu'une étiquette allemande particulière n'est pas nécessaire pour les semences dont la certification est assimilée à la certification en Allemagne en venu des règles communautaires. En réponse à la mėme question, les requérants allèguent, dans leur mémoire du 23 septembre 1981, que, dans sa version du 14 juillet 1981, le paragraphe 19 de ce règlement (qui correspond au paragraphe 20 de l'ancienne version) prévoit que tout lot emballé de semences reconnues comme semence de base, semence certifiée ou destinée à étre admise sur le marché, doit porter une étiquette. Cetteétiquette doit correspondre au modèle de l'annexe 5, qui est évidemment rédigé en allemand. Le paragraphe 19 ajoute que les données figurant sur ce modèle peuvent être en outre rédigées «en d'autres langues». Bien que les explications de la Commission se rapportent à une version antérieure du règlement sur les semences, il semble que les requérants aient raison d'affirmer qu'en toute hypothèse un étiquetage en langue allemande était nécessaire. Ils ajoutent que le paragraphe 22 du règlement ne contient aucune exception à ce principe pour les importations en provenance des États membres. En effet, cette disposition ne concerne que les semences importées dont la reconnaissance ou l'admission est assimilée à la reconnaissance ou à l'admission nationale en vertu du paragraphe 24 de la Saatgutverkehrsgesetz. Ce paragraphe vise l'assimilation de certaines variétés effectuée par règlement du ministre fédéral de l'agriculture; il ne concerne pas l'importation de semences en provenance des États membres de la Communauté qui y ont été reconnues et qui correspondent aux critères établis dans les directives communautaires; ces semences «communautaires» font l'objet du paragraphe 23, 2, de la Saatgutverkehrsgesetz. L'article 10, 1, de la directive du Conseil du 14 juin 1966 ne dit pas autre chose lorsqu'il prévoit que les États membres prescrivent que les emballages sont pourvus d'une étiquette «rédigée dans une des langues officielles de la Communauté»: il est évident que cette disposition n'entend pas interdire que cette langue soit la langue officielle de cet Etat. L'étiquetage reste destiné à informer des agriculteurs qui utilisent les semences, et une indication qui ne serait rédigée qu'en langue étrangère risquerait de les induire en erreur. Par conséquent, du seul point de vue de l'étiquetage, les semences commercialisées par la firme Louis David en 1973 n'étaient conformes ni à la réglementation allemande, ni à la réglementation communautaire. D'ailleurs, la Commission reconnaît (p. 8) que les semences importées par cette société étaient étiquetées uniquement en français et elle en déduit, paradoxalement, qu'il n'y aurait eu aucun risque de confusion avec les semences «Eisele». Le fait que les lots importés par la firme Louis David étaient uniquement étiquetés en français ne supprimait pas le risque que ces importations nuisent à l'image de marque des variétés vendues par la société L. C. Nungesser, au contraire. Il n'y a aucune raison pour que les semences offertes par l'entreprise Robert Bomberault ou écoulées par la firme Louis David bénéficient du renom commercial des Inra «Eisele» et leur fassent une concurrence parasitaire. De ce point de vue, l'importation anarchique de semences des variétés Inra risquait d'être préjudiciable au renom de ces variétés en Allemagne et pouvait parfaitement justifier une exclusion particulière des articles 30 ou 85, contrairement à ce qu'affirme la décision (p. 33-34, point 7, et p. 35, c). Exiger un alignement des semences «Eisele» sur les semences «Louis David» ou «Bomberault» reviendrait à condamner Kun Eisele à disparaître en tant qu'obtenteur et à ne lui laisser que le rôle de simple représentant. Ces différentes particularités nous paraissent justifier en tout cas l'écart de prix pour les semences produites par Kurt Eisele. Le fait que les semences produites et conditionnées en France pour la société L. C. Nungesser soient vendues par elle au mėme prix que les semences produites en Allemagne ne résulte pas des accords incrimines, mais tout simplement du fait qu'il ne peut exister deux prix différents pour un produit portant le mėme label: à qualités égales, la semence bon marché chasse nécessairement la semence plus chère. A cet égard, nous ne saisissons pas très bien le passage de la décision (p. 34, b) selon lequel «la Commission laisse en suspens l'appréciation au regard de l'article 85, 3, de l'exclusivité de production par multiplication concédée à K. Eisele, car les conditions prévues pour l'exemption ne sont en tout cas pas remplies par l'exclusivité de vente et les interdictions d'exporter qui l'accompagnent». Il existe pourtant une différence entre «licence de production» et «licence de distribution»: une licence de production peut être utile, mėme si la licence de distribution dont elle s'accompagne peut prêter à critique. La théorie de l'épuisement de la protection découlant d'une licence de distribution soulève des problèmes particuliers lorsque, comme en l'espèce, elle s'accompagne d'une licence de production. L'octroi d'une licence de distribution peut souvent être la condition pour qu'une licence de production puisse être cédée. La décision donne l'impression qu'elle assimile Kurt Eisele à un simple distributeur ou à un quelconque responsable de la sélection conservatrice, qui s'opposerait à la libre circulation dans son pays de semences produites par lui dans un autre pays ou avec son assentiment. Ce n'est pas le cas: Kurt Eisele est un obtenteur véritable qui, pour des raisons valables, s'oppose à la mise en circulation par des tiers de variétés pour lesquelles il est titulaire d'un droit, à certains égards dérivé, mais qui n'en est pas moins justifié par le droit national sous l'empire duquel il a été acquis et par des impératifs commerciaux. Comme la décision ne distingue pas entre les semences produites par la société Nungesser (1/3) et les semences produites en France (Vi), que l'engagement de respecter cette proportion n'a pas été observé, que Kurt Eisele est prêt à y renoncer et qu'il n'attaque pas sur ce point la décision, celle-ci devrait être en tout cas annulée en tant qu'elle implique que les semences produites par Kun Eisele ont été commercialisées à un prix excessif qui n'aurait eu aucune justification. La mise en circulation dans un pays (France) entraînerait épuisement des avantages que confère dans un autre pays (République fédérale) la qualité d'obtenteur, sans être accompagnée en mėme temps de l'épuisement des obligations découlant de cette qualité. S'il y a deux responsables de la sélection conservatrice (INRA en France, Kun Eisele en République fédérale) pour une mėme variété circulant sous des appellations en panie différentes (Inra 190, Inraexpress) dans un mėme pays (République fédérale), il risque de se produire des difficultés inextricables au cas où un lot de cette variété ne répondrait plus aux exigences légales. Mėme en supposant qu'il soit possible de distinguer si le lot en question est constitué par des semences produites en République fédérale (Inraexpress) ou par des semences cultivées en France (Inra 190) et que, en conséquence, la radiation du droit d'obtention n'intervienne que dans le pays du responsable de la sélection conservatrice dont provient le lot en question, cette radiation aurait inéluctablement des conséquences pour le renom commercial de la variété bénéficiant de l'obtention parallèle. Kun Eisele est à l'origine de la production des semences des variétés lnra en Allemagne; cette production risque de disparaître à partir du moment où, tout en conservant la protection exclusive dont il jouit pour commercialiser les semences qu'il produit et que lui reconnaît la Commission, il ne pourrait plus se prévaloir de la même exclusivité pour les semences des mêmes variétés - ponant une dénomination en panie différente - produites en France, mais commercialisées en dehors de son contrôle en Allemagne. Ce contrôle est notamment nécessaire pour décider rationnellement de la production de semences de base (aniele 2, paragraphe 1, D, 1, e), de la directive 66/402) et de semences pré-base (aniele 2, paragraphe 1, E, a) et b)). En dehors de la qualité et du prix des semences, la sécurité des approvisionnements (aniele 39, d), du traité) revêt une imponance primordiale pour l'utilisateur. Pour la plupan des espèces ou variétés, la production des semences se définit par son caractère pluriannuel. Le volume de la production agricole est déterminé par la quantité de semences de base distribuées, surtout lorsqu'il est obligatoire de recourir chaque année aux multiplicateurs, ce qui est le cas des hybrides de maïs. La multiplication de ces hybrides a un caractère assez particulier. En plus des contraintes de semis (alternance des rangs mâles et femelles), elle nécessite l'isolement des champs et des soins particuliers pour la récolte (nettoyage, mise en cribs, triage). Aussi se fait-elle le plus souvent par contrat, souvent avec le concours de main-d'œuvre temporaire (par exemple, pour castrer les épis). Il faut donc programmer les variétés plusieurs années à l'avance pour assurer la couverture des besoins futurs des agriculteurs; ceci permet de régulariser la production en ajustant l'offre à la demande. L'obtenteur et le multiplicateur participent donc de manière étroite à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune. En liaison étroite avec l'INRA et le ministère de l'agriculture, la Fraserna prévoit, pour l'ensemble de ses membres, un programme de production de semences en tonnage et en surface ensemencée. Elle est chargée de l'écoulement de cette production afin d'éviter qu'une distribution anarchique ne pone atteinte aux qualités techniques des semences et afin d'en garantir le bon usage. Des contrats passés entre obtenteurs et multiplicateurs prévoient des garanties de prix et d'écoulement pour ceux-ci. Ces contraintes sont à l'origine des accords en cause. Les chiffres dont fait état la décision montrent que, loin de faire obstacle à l'approvisionnement régulier du marché allemand en semences de qualité, le «monopole varietal» dont jouissait Kurt Eisele comportait un effet de stabilisation des prix. Les contrats figurant au dossier, passés chaque année en septembre entre la société Nungesser et les membres de la Fraserna, lui garantissaient une quantité et une qualité déterminées, à un prix déterminé. C'est ainsi qu'en 1972, alors que l'Inra 258 était monté à 700 francs le quintal sur le marché français, selon les requérants, la Fraserna a continué de leur livrer, selon les termes du contrat, du maïs à 290 DM. La possibilité pour le licencié Kurt Eisele de ne vendre qu'à des établissements offrant des garanties dont l'appréciation était laissée à sa discrétion ne découle pas du contrat de 1965, dont l'article 2 prévoyait le contraire. S'il avait refusé d'autoriser une production ou une commercialisation suffisante de ses variétés, l'Office fédéral des variétés aurait pu lui appliquer le paragraphe 22 de la Sortenschutzgesetz, c'est-à-dire le contraindre à accorder une licence obligatoire contre une rémunération équitable. L'instruction à laquelle il a été procédé a mis en lumière que les accords en cause non seulement n'ont pas limité les échanges franco-allemands et la production des variétés Inra en république fédérale d'Allemagne, mais qu'ils en ont été l'instrument et que le «monopole varietal» dont jouissait Kurt Eisele n'a pas empêché non plus la mise au point de nouvelles variétés qui sont venues relativiser fortement l'exclusivité dont il bénéficiait. Avant meme l'adoption de la décision attaquée mais plus encore depuis le mois de septembre 1978, le volume de ces échanges et de cette production n'a cessé de décroître au profit des variétés dites«fermées», produites dans la Communauté ou dans les pays tiers. En un domaine où les changements sont rapides, les données auxquelles se réfère la décision ont fortement vieilli. Il est inexact de dire (décision p. 27, point 2) que les variétés produites sous licence des grands obtenteurs américains (Pioneer, Dekalb, Funk's, Cargill, Northrup, King, Asgrow) ont été largement éclipsées depuis 1958 et encore aujourd'hui (septembre 1978) par les variétés Inra. C'est le contraire qui est vrai, sauf que, effectivement, les variétés issues dlnra (en particulier LG 11) ont largement contribué à cette récession, mais il s'agit précisément de variétés concurrentes à formule fermée. Sur près de 750 variétés de maïs existant dans le monde, près de 200 pouvaient être commercialisées en France et plus d'une centaine pouvaient l'être en République fédérale, à tel point que l'on a pu parler de «chaos varietal». Mais il faut aussi tenir compte de l'«érosion génétique», et seules quelques variétés dominent le marché. Les graphiques produits montrent que la commercialisation des variétés Inra a subi, entre 1973 et 1979, une chute extrêmement spectaculaire. La Fraserna, qui entrait en 1973 pour 54 % dans les résultats des 80 premières variétés produites et commercialisées en France, n'y entrait plus que pour 10 % en 1979. La plupart des grands établissements français qui, comme Limagrain, faisaient partie de la Fraserna, sont devenus des concurrents directs de l'INRA en développant, souvent à partir des géniteurs Inra, des variétés à formule privée. Ils ont leurs propres représentants exclusifs en Allemagne. Jusqu'en 1973-1974, les semences Inra vendues par la société Nungesser (qui entraient pour environ 20 % dans le total de ses ventes en République fédérale) ont représenté entre 50 et 70o/o du marché allemand et encore près de 40o/c en 1973-1974 (décision p. 27, point 4). Depuis 1974, les variétés Inra sont devenues très secondaires; l'intérêt des producteurs et des utilisateurs s'est poné vers d'autres variétés à formule fermée. Sur les 100000 quintaux de semences de maïs utilisés annuellement en Allemagne, une pan croissante est imponée des pays tiers et la pan des semences Inra dans les semences encore imponées de France n'a cessé de diminuer. En distinguant, dans les ventes de la société L. C. Nungesser, les semences imponées des semences produites par cette firme, on constate que, si, jusqu'en 1974, environ les trois quans ou les deux tiers des ventes étaient constitués par des semences imponées de France (50000 sur 60000 quintaux en 1973, 60000 sur 80000 quintaux en 1974, décision p. 28, point 2), les semences produites par la société L. C. Nungesser ont représenté la quasi-totalité des semences Inra vendues en Allemagne par cette firme pendant la campagne 1977-1978. Mais alors que, jusqu'à la campagne 1973-1974, Kun Eisele n'a produit et vendu que les variétés Inra en République fédérale, il a commercialisé la variété LG 11 à panir de cette campagne. En mars 1976, la variété Inra 200 n'était pratiquement plus commercialisée et il semble que la Commission ne se soit pas aperçue de ia disparition de l'une des trois variétés concernées (Inra 190 - Inraexpress) aussi bien du catalogue allemand que du catalogue commun avant mėme l'adoption de la décision. Si l'on compare à présent la part des semences de maïs importées des pays tiers en république fédérale d'Allemagne par rapport à celle des semences qui y sont utilisées, on constate qu'en 1976. environ 52 % provenaient des pays tiers; 4,70 % étaient produites en République fédérale; 43 % provenaient de France (dont environ 17 % des variétés concernées par la décision et 18 % de la variété LG 11). En 1977, 28 % des besoins allemands en semences de maïs ont été couverts par des importations en provenance de France (dont 18 % de variétés Inra et 4 % de la variété LG 11); 64 % ont été couverts par des importations de pays tiers, 6 % par des semences indigènes. En 1978, les semences de maïs utilisées en Allemagne provenaient pour 10% environ de semences indigènes, pour 70 % des pays tiers et pour 20o/o environ de France, dont 4o/o de la variété LG 11 et 0,05 % de semences Inra; les variétés concernées par la décision étaient totalement absentes. Certes, en chiffres relatifs, les exportations françaises de semences de maïs vers la République fédérale n'ont cessé d'augmenter de 1971 à 1977. Mais alors qu'en 1971 les variétés Inra concernées entraient pour près de 58 % dans ces exportations, elles ne représentaient plus guère que 14 % en 1977 et elles ont été nulles en 1978 et 1979. Dans cette évolution, il faut souligner le rôle des importations de semences en provenance des pays tiers, et il n'est pas exact de faire état de peu d'échanges avec ces pays. Certes, l'organisation commune des marchés dans le secteur des semences prévoit la délivrance de certificats d'importation, l'octroi d'une aide communautaire et la perception de taxes pour compenser les differences de prix. Mais ces taxes sont limitées par le GATT à 4 % de la valeur du produit. Ainsi, certains établissements peuvent faire multiplier leurs semences dans les pays tiers pour «casser» le prix de vente des semences concurrentes produites en Europe, et ceci pourrait amener la recherche à quitter peu à peu l'Europe faute de moyens financiers. Les grandes entreprises privées, qui ont mis au point des obtentions privées, peuvent accéder au marché commun en créant des filiales, au lieu de céder des licences de production, ce qui suffit à écarter l'application de l'article 85, et ces filiales n'ont même pas besoin de multiplier elles-mêmes les semences, il suffit qu'elles représentent la maison mère auprès du Bundessortenamt, auquel cas seul l'article 86 est applicable; or, nous savons que la Commission ne recourt à cet article qu'avec hésitation. Au contraire, les cessions de licences exclusives de production et de commercialisation en ce domaine permettent de faire pièce à la concentration, d'assurer l'existence d'entreprises indépendantes et de garantir la préférence communautaire. D'ailleurs, la décision reconnaît qu'entre 1958-1959 et 1973-1974, les trois quarts des ensemencements de maïs précoce ont été réalisés avec des variétés Inra - «ou issues d'Inra» -, ce qui n'est pas la mėme chose. Dans sa plaidoirie, la CGLV a exposé, sans être contredite, qu'en 1978 91 % des exportations françaises de semences en République fédérale étaient constitués par les trois variétés: - Dekalb 202 (obtenteur Dekalb, USA), - Cargill Primeur (obtenteur Cargill, USA), - Blizzard (Ciba-Geigy). Ciba-Geigy détient aujourd'hui plus de 40 % du marché allemand. Les semences vendues sur ce marché sont produites soit en France, soit dans des pays tiers; elles sont distribuées en République fédérale soit par une filiale de l'obtenteur (cas de Ciba-Geigy), soit par des représentants exclusifs. En 1979, il y avait encore treize variétés dominantes en République fédérale, mais trois d'entre elles constituaient 72 % du marché: - Forla, enregistrée en 1975 (dont le responsable pour la sélection conservatrice est Kleinwanzlebener Saatzucht, KWS, qui possède quatre variétés; KWS a absorbé Intersaat); - Edo, enregistrée en 1974 (même responsable); - Limagold, enregistrée en 1973 (dont l'obtenteur et le responsable en Allemagne est «Nordsaat» Saatzuchtgesellschaft; le responsable en France pour l'exportation est Maïs-Angevin-Hodée). Pendant les années où les obligations assumées par Kun Eisele ont été suivies d'effet, les variétés Inra étaient donc soumises sur le territoire concédé à une concurrence «efficace» de produits largement similaires en raison de l'usage auquel ils étaient destinés. L'exigence de concurrence «à l'intérieur de la variété» que pose la Commission de façon absolue pour les variétés Inra obtenues en formule ouverte nous parait donc irréaliste. Depuis 1975, l'effet des accords en cause sur le commerce intracommunautaire avait beaucoup perdu de son caractère sensible, et cet effet a encore décru depuis l'adoption de la décision. Nous n'entendons pas dire par là que cette évolution a été précipitée par l'adoption de la décision attaquée, mais, en tout cas, l'interdiction des importations parallèles ou indirectes y est totalement étrangère. Le caractère bénéfique des accords en cause résulte de la contre-épreuve suivante: l'absence de licence de production en Belgique au profit des semences Inra a provoqué une commercialisation anarchique et sans garantie de ces semences; celles-ci ont été rapidement éliminées du marché belge au détriment aussi bien de l'agriculture belge que de la recherche agronomique en général, au profit de variétés fermées concurrentes non européennes qui se sont implantées grâce à la présence d'un concessionnaire exclusif. Les contrats en question ont contribué à promouvoir le progrès technique et à améliorer la production, tout en assurant des prix équitables et un approvisionnement régulier aux consommateurs, et ceux des engagements d'exclusivité qu'ils comportaient et qui ont été effectivement respectés étaient indispensables pour obtenir ce résultat favorable. En terminam, nous voudrions présenter les quelques observations suivantes: Il existe de profondes divergences de vue entre la Commission, certains groupements privés et les experts nationaux au sujet du projet de règlement d'exemption «en bloc» pour les accords de licences de brevets. La Commission ne cache pas qu'elle attend votre décision afin d'établir certains principes directeurs en ce domaine. Nous ne pensons pas toutefois qu'il soit opportun, à propos de cette première affaire, d'arrêter, en matière d'obtention végétale, une position de principe qui risquerait de préjuger de l'avenir. L'exclusivité et la sélectivité doivent être évaluées dans leur incidence positive sur les secteurs où des raisons objectives justifient une structure de distribution particulièrement organisée et qualifiée en relation, notamment, avec les caractéristiques du produit au sens de la jurisprudence de la Cour (affaire Metro précitée) et les responsabilités du producteur, ainsi que l'estime le Comité économique et social dans son avis du 10 décembre 1981, publié au Journal officiel des Communautés européennes C 322, p. 11. Ceci rejoint la résolution adoptée par le Parlement européen le 17 décembre 1981 dans laquelle il «estime qu'en matière de concurrence toutes les conséquences des accords de distribution doivent étre examinées d'une manière pius approfondie, d'un point de vue plus économique que strictement juridique; estime, notamment, qu'il impone d'examiner de manière plus approfondie les problèmes soulevés par les importations parallèles; croit, dans ce contexte, qu'il convient de réaliser un équilibre entre l'ouverture la plus large possible du marché intérieur et, simultanément, la nécessité de protéger les investissements en capital et en main-d'œuvre contre les importations spéculatives». Enfin, lorsque le délai qui sépare la notification d'un accord de l'adoption de la décision refusant de l'exempter est trop long (13 ans en l'espèce), non seulement les investissements auxquels ont procédé les agents économiques risquent d'être compromis, mais encore la décision risque d'être complètement dépassée. III - Pour toutes ces raisons, nous concluons: - à l'annulation de la décision de la Commission 78/823 du 21 septembre 1978, à l'exception de celles des dispositions de l'article 1, b), qui concernent l'obligation pour le licencié, pendant les années où la licence a été suivie d'effet, de ne pas produire ou vendre de semences d'autres variétés demais que celles de l'Inra, l'obligation pour le licencié de ne vendre qu'à certains revendeurs et l'obligation pour le licencié de ne pas produire plus du tiers des semences nécessaires aux besoins de son territoire et d'importer de France la partie complémentaire, - et à ce que les dépens, y compris ceux des intervenants, soient mis à la charge de la Commission.