Arrêt n°
du 16/11/2022
N° RG 22/00590
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 16 novembre 2022
APPELANT :
d'un jugement rendu le 9 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHALONS EN CHAMPAGNE, section Industrie (n° F 19/00046)
Monsieur [X] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par la SCP MEDEAU-LARDAUX, avocats au barreau des ARDENNES
INTIMÉES :
SELARL AMANDINE RIQUELME
en qualité de mandataire liquidateur de la SAS PCH METALS
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par la SELARL GM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'AMIENS
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
et par la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 novembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Le contrat de travail liant Monsieur [X] [W] à la société PCH METALS, a été rompu en 2018 à l'inititative de l'employeur dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique, après homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, et après que la société employeur a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 29 mars 2018, convertie le 5 juillet 2018 en liquidation judiciaire.
Le 21 mars 2019, Monsieur [X] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Châlons en champagne de demandes tendant à obtenir la nullité du licenciement et à titre subsidiaire à le faire dire sans cause réelle et sérieuse, à faire fixer les indemnités de rupture au passif de la société employeur, avec garantie de l'ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA (Amiens), et enfin, à obtenir condamnation de la société CALLISTA, actionnaire de la personne morale employeur, au paiement d'une indemnité spécifique pour perte d'emploi.
Par jugement du 9 novembre 2021, notifié le 23 février 2022 au salarié, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes du salarié, qu'il a débouté et condamné aux dépens.
Le 7 mars 2022, le salarié a interjeté appel du jugement.
L'affaire a suivi le circuit court de l'article
905 du code de procédure civile pour être clôturée le 29 août 2022.
Saisi par la partie intimée d'une demande de caducité de l'appel, le président de la chambre sociale délégué s'est déclaré incompétent au profit de la cour.
Par conclusions 12 avril 2022 auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la partie appelante a demandé à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer recevables ses demandes et de fixer au passif de la société employeur ses créances à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, outre 1 000,00 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile, le tout dans une décision à déclarer commune et opposable à l'ASSOCIATION DELEGATION AGS CGEA.
Au soutien de ses prétentions, elle affirme que le juge judiciaire, et spécialement le conseil de prud'hommes, reste compétent pour apprécier l'application individuelle des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en l'occurrence, celui-ci n'a pas été respecté en l'absence de saisine de la commission régionale paritaire de l'emploi, en l'état de l'insuffisance des recherches de reclassement externe aux autres entreprises de même activité et aux entreprises du bassin d'emploi national, et en l'absence de notification des offres de reclassement externe avant le licenciement.
Dans ses écritures du 18 août 2022, la société employeur, représentée par son liquidateur, a soulevé la caducité et à tout le moins l'irrecevabilité de l'appel, faute pour la partie appelante d'avoir respecté les dispositions des articles
84 et
85 du code de procédure civile, en présence d'un appel portant sur un jugement statuant exclusivement sur la compétence et nécessitant une motivation de l'appel et une autorisation d'assigner à jour fixe du premier président de la cour d'appel, qui ferait défaut en l'espèce. Elle soutient l'incompétence du conseil de prud'hommes en affirmant que conformément au principe de séparation des pouvoirs, le conseil de prud'hommes ne peut remettre en question les décisions de l'autorité administrative et garde une compétence limitée aux contestations portant sur les mesures individuelles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Sur le fond, elle affirme avoir respecté son obligation de reclassement interne et externe, en rappelant que le droit au préavis réclamé est subordonné à l'illicéité du licenciement, et que le montant des dommages et intérêts est exorbitant et non fondé faute de justifications du préjudice.
Le garant des salaires, reprenant les moyens du mandataire liquidateur, a conclu le 12 mai 2022 au débouté en rappelant ses conditions de garantie.
Au soutien de ses prétentions, il affirme que le conseil de prud'hommes n'est compétent que pour vérifier le motif économique des licenciements, lequel en l'espèce découle d'un jugement de liquidation judiciaire qui le rend incontestable, et que le moyen reposant sur la faute de l'employeur et sur la responsabilité d'un tiers ne ressortit pas à la compétence du conseil de prud'hommes.
Motifs :
Le conseil de prud'hommes, après s'être déclaré incompétent, a débouté le salarié de ses demandes aux termes d'une motivation selon laquelle le conseil, du fait de son incompétence ne pouvait 'pas enjoindre l'ensemble des demandes' du salarié.
Le conseil ne s'est donc pas prononcé sur les moyens développés au fond et a prononcé le débouté comme une conséquence de l'incompétence. Ce faisant, il ne peut être considéré comme ayant statué au fond, mais uniquement sur la compétence.
Dans le cas d'une décision exclusivement sur la compétence, comme c'est le cas en l'espèce, c'est la procédure spéciale de l'article
84 du code de procédure civile qui doit être mise en oeuvre par l'appelant.
Selon l'article
84 alinéa
2 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire'.
Selon l'article
85 du même code, 'outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948".
La haute cour a déjà jugé qu'il résultait de la combinaison des articles
83,
84,
85 et
922 du code de procédure civile, que lorsqu'un appel est formé contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence, la cour d'appel est saisie, en matière de représentation obligatoire, selon la procédure à jour fixe, par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, avant la date fixée pour l'audience et qu'à défaut, l'appel est caduc. (Cass. Civ. 2ème 4 mars 2021 n° 19-24293)
En l'espèce, c'est bien la procédure à jour fixe qui devait être suivie, avec une motivation de la déclaration d'appel.
Force est de constater que cette procédure a été ignorée dans le présent dossier étant observé que l'appelant a procédé à une autre déclaration d'appel, enrôlée distinctement selon la procédure d'assignation à jour fixe.
La présente déclaration d'appel doit donc être déclarée caduque.
Succombant au sens de l'article
696 du Code de procédure civile, le salarié doit supporter les dépens de la présente instance d'incident.
En revanche, en l'état de la rédaction maladroite du jugement ayant conduit l'appelant à doubler son appel pour préserver ses droits, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité de l'article
700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs
:
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare caduque la déclaration d'appel,
Rejette la demande au titre de l'indemnité de l'article
700 du Code de procédure civile,
Condamne l'appelant aux dépens de l'instance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT