Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 20 avril 2022, 21/02957

Mots clés Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit · maladie · professionnelle · reconnaissance · prise · genou · caisse

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro affaire : 21/02957
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02957 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7TG

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 AVRIL 2021

POLE SOCIAL DU TJ DE MONTPELLIER

N° RG19/06891

APPELANT :

Monsieur [D] [I]

Le Clos de l'Angeli

8 Rue du Chant

84740 VELLERON

Représentant : Me Violette LAVILLE substituant Me Valère HEYE, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007767 du 16/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

CPAM DE L'HERAULT

29 Cours Gambetta

CS49001

34934 MONTPELLIER CEDEX 9

Mme [R] [V] (Représentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 21/02/22

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 MARS 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

M. Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

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EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Monsieur [D] [I] a exercé la profession de peintre en bâtiment à compter du 2 mai 1965, jusqu'en 2005, date à laquelle il a liquidé ses droits à la retraite.

Le 16 mars 2000, il a déclaré une pathologie du genou, laquelle a été prise en charge par décision de la caisse d'assurance maladie de l'Hérault du 1er octobre 2001 au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles.

Le 9 novembre 2018, il a établi une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, précisant qu'il ne s'agissait pas d'une première demande, pour une 'pathologie genou droit, atteinte corne postérieure du ménisque médial et une chondropathie stade III' constatée médicalement pour la première fois le 16 mars 2000, et l'a transmise à la caisse d'assurance maladie de l'Hérault accompagnée d'un certificat médical établi le 6 novembre 2018 par le Docteur [X] [K] mentionnant la même pathologie et ajoutant que celle-ci 'relève directement de son activité professionnelle dans le bâtiment pendant 44 ans'.

A réception de ces éléments, la caisse d'assurance maladie de l'Hérault (ci-après 'la caisse') a diligenté une enquête administrative.

Le 22 janvier 2019, le colloque médico-administratif a instruit la demande de Monsieur [D] [I] au regard du tableau n°79 des maladies professionnelles, et s'est orienté vers une transmission du dossier au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en raison, d'une part, du dépassement du délai de prise en charge compte tenu d'une première constatation médicale au 2 novembre 2018 (par IRM du genou droit), et d'autre part, du non-respect de la liste limitative des travaux.

Le 16 avril 2019, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Montpellier a rejeté le lien direct entre la maladie déclarée et le travail habituel de Monsieur [D] [I], et a émis un avis défavorable de reconnaissance du caractère professionnel de cette maladie.

Le 24 avril 2019, la caisse d'assurance maladie de l'Hérault, compte tenu de l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Montpellier, a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie 'lésions chroniques à caractère dégénératif du ménisque droit confirmées par IRM ou chirurgie' inscrite dans le tableau n°79 des maladies professionnelles.

Le 9 mai 2019, Monsieur [D] [I] a saisi la commission de recours amiable en contestation de la décision de refus susvisée, en faisant valoir en substance que la pathologie du genou droit déclarée le 9 novembre 2018 procédait d'une aggravation de son état de santé et à tout le moins d'une rechute de la maladie précédemment déclarée le 16 mars 2000 qui a été prise en charge le 1er octobre 2001, et non d'une première déclaration, en sorte que la prise en charge de la pathologie litigieuse s'impose au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles.

Le 16 juillet 2019, la commission de recours amiable a maintenu le refus de prise en charge, 'considérant que toutes les conditions de prise en charge mentionnées au tableau n°79 des maladies professionnelles ne sont pas remplies, considérant que de ce fait le dossier a été transmis au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, considérant que selon l'avis motivé de ce Comité il ne peut être retenu un lien certain et direct de causalité entre la maladie et le travail habituel de la victime, considérant que l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles s'impose à la Caisse'.

Le 7 novembre 2019, Monsieur [D] [I] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier depuis le 1er janvier 2020, en contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable.

Suivant jugement mixte du 6 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier a statué en ces termes: Déboute Monsieur [D] [I] de sa demande visant à dire que la demande de prise en charge qu'il a formulée le 9 novembre 2018 concerne une aggravation de sa maladie professionnelle numéro 79 et non une nouvelle demande; Ordonne la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Marseille afin de dire s'il peut être retenu un lien direct et essentiel de causalité entre le travail de Monsieur [D] [I] et la pathologie dont il souffre au genou droit, objet de sa déclaration de maladie professionnelle; rappelle que le comité régional ainsi saisi peut faire appel à l'avis de tout médecin spécialiste; rappelle que le comité régional doit statuer dans le délai de 4 mois à compter de sa saisine; dit que l'affaire reviendra à la plus prochaine audience utile après que cet avis ait été notifié aux parties; sursoit à statuer sur les autres demandes.'

Le 5 mai 2021, Monsieur [D] [I] a interjeté appel de cette décision, en ce qu'il a été débouté 'de sa demande visant à dire que la demande de prise en charge qu'il a formulée le 9 novembre 2018 concerne une aggravation de sa maladie professionnelle numéro 79 et non une nouvelle demande' et en ce qu'il a été sursis à statuer sur les autres demandes.

La cause, enregistrée sous le numéro RG 21/02957, a été appelée à l'audience du 13 janvier 2022, puis renvoyée à celle du 10 mars 2022 à la demande des parties.

Monsieur [D] [I] a sollicité l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de reconnaissance d'aggravation de sa maladie professionnelle. Il a, en conséquence, demandé à la cour de:

- dire et juger que la demande formulée auprès de la caisse d'assurance maladie de l'Hérault le 9 novembre 2018 concerne une aggravation de sa maladie professionnelle n°79, et non une nouvelle maladie;

- constater le caractère infondé du refus par la caisse d'assurance maladie de l'Hérault de reconnaissance de l'aggravation de la maladie professionnelle n°79;

- annuler en conséquence la décision de la commission de recours amiable du '30 juillet 2019";

- ordonner à la caisse d'assurance maladie de l'Hérault de déterminer la date de consolidation de l'aggravation de la maladie professionnelle et y appliquer un nouveau taux d'incapacité;

- dire et juger la décision opposable à la caisse d'assurance maladie de l'Hérault;

- condamner la caisse d'assurance maladie de l'Hérault au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La caisse d'assurance maladie de l'Hérault a, pour sa part, sollicité la confirmation du jugement en demandant à la cour de:

- constater que le jugement est mixte et de déclarer irrecevable toutes demandes et prétentions relevant de la reconnaissance de la maladie déclarée au titre des risques professionnels, ce grief ayant fait l'objet d'une décision avant dire droit;

- débouter Monsieur [D] [I] de l'intégralité de ses demandes;

- dire et juger que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle n°79 droite du 9 novembre 2018 doit être étudiée comme une première demande et non dans le cadre d'une aggravation;

- condamner Monsieur [D] [I] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


MOTIFS DE LA DÉCISION


A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est saisie que de la demande de Monsieur [D] [I] visant à obtenir la prise en charge de sa pathologie du genou droit déclarée le 9 novembre 2018 au titre d'une rechute de sa maladie professionnelle du 16 mars 2000, et non de la contestation portant sur la réunion ou non des conditions mentionnées au tableau n°79 des maladies professionnelles.

En application des dispositions combinées des articles L 443-1 et L 443-2 du code de la sécurité sociale, constitue une rechute pouvant donner lieu à une nouvelle fixation des réparations toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de la guérison apparente ou de la consolidation de la blessure.

La rechute suppose donc un fait pathologique nouveau, qui peut être une aggravation de la lésion initiale après sa consolidation, ou bien l'apparition d'une lésion nouvelle avant guérison résultant de la maladie professionnelle, entraînant pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire de travail.

La rechute doit ainsi être distinguée de la manifestation de séquelles initiales de l'accident ou de la maladie professionnelle, mais aussi de complications ultérieures survenant avant la date de guérison apparente ou de consolidation de la lésion initiale.

Le salarié victime d'une rechute doit démontrer que l'aggravation ou l'apparition de la lésion a un lien de causalité direct et exclusif avec l'accident ou la maladie professionnelle, sans intervention d'une cause extérieure.

En l'espèce, Monsieur [D] [I] sollicite la prise en charge de sa pathologie du genou droit déclarée le 9 novembre 2018 au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles, en faisant valoir que celle-ci constitue une aggravation de sa maladie professionnelle déclarée le 16 mars 2000 et prise en charge au titre de ce même tableau le 1er octobre 2001.

Il prétend que sa maladie professionnelle du 16 mars 2000 concerne ses deux genoux, et se prévaut, au soutien de sa supplique, du courrier de prise en charge de la caisse d'assurance maladie de l'Hérault du 1er octobre 2001 lequel ne porte aucune précision et dont il en déduit une prise en charge des deux genoux.

Il ajoute, en outre, que dans la mesure où il était médicalement avéré qu'il souffrait des deux genoux lors de la première prise en charge du 1er octobre 2001 et que la déclaration du 9 novembre 2018 fait expressément référence à sa maladie professionnelle du 16 mars 2000 consolidée le 7 avril 2002, la preuve est suffisamment rapportée de l'aggravation de cette dernière.

Cependant, la cour observe que selon l'expertise du Docteur [N] [G] réalisée le 31 mai 2002, portant fixation d'une date de consolidation au 7 avril 2002 de la maladie professionnelle du 16 mars 2000 inscrite au tableau n°79 des maladies professionnelles, la pathologie concernée portait sur le genou gauche de Monsieur [D] [I].

En outre, il apparaît à l'examen des différentes décisions de justice que Monsieur [D] [I] verse aux débats (le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier du 9 octobre 2008, l'arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 14 mars 2013 et l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Nîmes du 23 septembre 2014), que l'intéressé a soutenu à plusieurs reprises avoir bénéficié d'une prise en charge au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles d'une pathologie de son genou gauche déclarée le 16 mars 2000, et de la fixation d'un taux d'incapacité permanente de 5% pour celle-ci.

Dans un courrier du 26 juillet 2019, la caisse d'assurance maladie de l'Hérault a d'ailleurs rappelé à Monsieur [D] [I] les différents taux d'incapacité permanente qui lui ont été attribués, dont celui de 5% pour la 'MP 79 genou gauche' enregistrée sous le numéro de sinistre 006316343, lequel correspond au numéro de sinistre mentionné sur la décision de prise en charge du 1er octobre 2001.

Par ailleurs, au cours de son audition réalisée par un enquêteur assermenté dans le cadre de l'enquête administrative de la caisse d'assurance maladie de l'Hérault au titre de la déclaration de maladie professionnelle litigieuse du 9 novembre 2018, Monsieur [D] [I] a indiqué 'c'est ma première demande de maladie professionnelle pour le genou droit et j'ai déjà eu une reconnaissance de maladie professionnelle pour le genou gauche'.

Il résulte alors de l'ensemble de ces constatations que la maladie professionnelle du 16 mars 2000 prise en charge au titre du tableau n°79 n'a concerné que le genou gauche de Monsieur [D] [I], lequel ne démontre pas, au surplus, avoir procédé à une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour son genou droit avant le 9 novembre 2018.

En effet, la radiographie 'des genoux' réalisée le 28 avril 2001, et le 'verrouillage incomplet du genou droit' constaté par l'expert commis par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier le 6 novembre 2002 dans le cadre d'une demande de mise en invalidité, ne constituent nullement une déclaration de maladie professionnelle.

Ainsi, la pathologie litigieuse du genou droit déclarée le 9 novembre 2018, qui concerne un autre membre inférieur n'ayant fait l'objet d'aucune précédente déclaration ni d'aucune prise en charge au titre de la législation professionnelle, ne peut s'analyser en une rechute ou une aggravation de la maladie professionnelle du 16 mars 2000, en sorte que la caisse a à bon droit instruit le dossier de Monsieur [D] [I] comme une première demande de maladie professionnelle.

Le jugement querellé sera donc confirmé, et Monsieur [D] [I] sera débouté du surplus de ses demandes.

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 6 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier ;

Y ajoutant ;

Déboute Monsieur [D] [I] du surplus de ses demandes ;

Condamne Monsieur [D] [I] aux dépens en application combinée des articles 695 et 696 du code de procédure civile, et de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 20 avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT