Cour d'appel de Rouen, Chambre 1, 7 septembre 2022, 20/02269

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Rouen
  • Numéro de pourvoi :
    20/02269
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal judiciaire de Havre, 30 janvier 2020
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/6319879951eeae4f1309d376
  • Président : Mme Edwige WITTRANT
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Rouen
2022-09-07
Tribunal judiciaire de Havre
2020-01-30

Texte intégral

N° RG 20/02269 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQMH COUR D'APPEL DE ROUEN 1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET

DU 07 SEPTEMBRE 2022 DÉCISION DÉFÉRÉE : 19/00713 Tribunal judiciaire du Havre du 30 janvier 2020 APPELANTE : Sarl ED CONCEPT venant aux droits de la Sarl SOLARCLIM SYSTEM [Adresse 1] [Localité 2] représentée et assistée par Me Stanislas MOREL de la Scp DPCMK, avocat au barreau du Havre plaidant par Me Charlotte ACHTE INTIMES : Monsieur M. [T] [U] [Adresse 3] [Localité 4] représenté par Me Pierre VARGUES de la Selarl VARGUES ET ASSOCIES, avocat au barreau du Havre Madame [B] [L] épouse [U] [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Me Pierre VARGUES de la Selarl VARGUES ET ASSOCIES, avocat au barreau du Havre COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 mai 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée : Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, M. Jean-François MELLET, conseiller, Mme Magali DEGUETTE, conseillère, GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Catherine CHEVALIER, DEBATS : A l'audience publique du 25 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 septembre 2022. ARRET : CONTRADICTOIRE Rendu publiquement le 7 septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier. * * * EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Suivant facture du 10 avril 2015, M. [T] [U] et Mme [B] [L], son épouse ont acquis une pompe à chaleur d'une valeur de 27 987 euros, fournie et installée par la Sarl Solarclim System. Se plaignant de désordres sur l'installation de la pompe à chaleur, ils ont obtenu, par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance du Havre, l'organisation d'une expertise. Le rapport de l'expert a été déposé le 31 décembre 2018. Par acte délivré le 10 avril 2019, M. et Mme [U] ont fait assigner la Sarl Solarclim system en indemnisation des préjudices nés des dysfonctionnements constatés. Par jugement réputé contradictoire du 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire du Havre a : - déclaré la société Solarclim system responsable des préjudices subis par M. et Mme [U] en raison des désordres affectant les travaux d'installation de la pompe à chaleur suivant contrat du 10 avril 2015, - condamné la société Solarclim system à payer à M. et Mme [U] la somme de 10 357,92 euros au titre des frais de reprise des désordres, - rejeté les autres demandes de M. et Mme [U], - condamné la société Solarclim system à payer à M. et Mme [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire du jugement, - condamné la société Solarclim system aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire. Par déclaration reçue au greffe le 17 juillet 2020, la Sarl Solarclim system a interjeté appel de la décision. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a statué sur la fin de non-recevoir soulevée par les intimés et a, compte tenu des dispositions applicables durant la crise sanitaire et relatives à la prolongation des délais de procédure : - déclaré recevable l'appel formé par la Sarl Solarclim system devenue la Sarl Ed Concept le 17 juillet 2020, - débouté la Sarl Ed Concept de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. [T] [U] et Mme [B] [L], son épouse aux dépens de l'incident. EXPOSE DES

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2022, la Sarl Ed Concept, anciennement Sarl Solarclim system, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1792 et suivants du code civil, 238 du code de procédure civile, de : - réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, - débouter M. et Mme [U] de leurs demandes, à tire subsidiaire, - ramener à de plus justes proportions les éventuelles condamnations mises à sa charge, en tout état de cause, - condamner M. et Mme [U] à lui verser la somme de 2 000 euros titre de l'article 700 ducode de procédure civile. S'agissant du moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel, elle rappelle que le conseiller de la mise en état a statué sur la fin de non-recevoir par ordonnance du 14 décembre 2021.

Sur le

fond, elle fait valoir en premier lieu qu'avant la mise en oeuvre de l'expertise, M. et Mme [U] ont sollicité à plusieurs reprises l'intervention d'une autre société, la société Energ'Ecos de sorte que le technicien désigné par le juge des référés n'a pas réalisé les opérations d'expertise sur l'installation initiale mais sur un équipement modifié par un tiers ; que l'évaluation des reprises de l'installation a précisément était chiffrée par cette société à hauteur de 7 350,97 euros. Elle soutient en second lieu que contrairement aux affirmations de l'expert judiciaire, elle a installé un pot à boue conformément à la facture et qu'il s'agit d'une pièce apparente ; qu'après la pose par ses soins, la société Energ'Ecos est intervenue en proposant notamment l'installation d'un décanteur à boue en février 2017 alors que le compte rendu de la société Auer en novembre 2016 vise expressément l'existence de ce pot ; qu'ainsi le jugement devra être réformé sur ce point. Elle ajoute que l'expert fait état d'une distance de 25 mètres entre le pilote et la pompe à chaleur, distance nécessitant des tuyaux d'un diamètre de 46 mm au lieu de 32 mm. En réalité, le procès-verbal technique préalable à l'installation fait état d'une distance de 7 mètres soit 14 mètres aller-retour entre la pompe et le pilote soit un diamètre de tuyaux de 32 mm parfaitement conforme aux prescriptions du constructeur. Elle ne peut être tenue de toute modification opérée par M. [U] qui avait la charge de réaliser la tranchée et la dalle utiles. Aucune prétention des intimés ne peut aboutir de ce chef. Elle souligne que sans que la nécessité n'en soit démontrée la société Energ'Ecos est intervenue avant réalisation des opérations d'expertise et a fait une évaluation critiquable des travaux de reprise qui à tout le moins, devra être pondérée. Elle rappelle enfin qu'elle est bien fondée à critiquer le rapport. Par dernières conclusions notifiées le 29 décembre 2020, M. [T] [U] et Mme [B] [L], son épouse demandent à la cour, au visa de l'article 526 du code de procédure civile de : - déclarer irrecevable l'appel formé par la Sarl Solarclim system, - la débouter de ses demandes, et sur appel incident, - condamner la Sarl Solarclim system à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la Sarl Solarclim system aus dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de référé, d'expertise et de recouvrement, le tout dont distraction au profit de la Selarl Vargues et associés. Ils exposent que dès le début de l'année 2017, ils ont constaté l'apparition de dysfonctionnements de l'installation de la pompe à chaleur ; que le 2 mars 2017, ils ont mis en demeure la Sarl Solarclim system de procéder à la reprise des désordres et de mettre l'installation en conformité avec les règles de l'art et les prescriptions du constructeur ; qu'il a été procédé à une expertise technique donnant lieu à un rapport le 4 juin 2017 confirmant les difficultés ; que l'inaction du professionnel a justifé leurs solicitations à l'égrd de la société Energ'Ecos ; que cette dernière a effectivement rédigé un devis de reprise des travaux pour un montant de 8 092,38 euros (7 350,97 euros et 741,41 euros). A titre liminaire, ils soulignent que la Sarl Solarclim system n'a pas participé aux opérations d'expertise, se bornant à faire intervenir un professionnel présenté comme sous-traitant, n'a pas consttué avocat en première instance ; qu'en réalité, après signifucation du jugement le 25 février 2020, le délai d'appel prenait fin le 25 mars 2020 ; que l'appel a été formé le 23 juillet 2020 à l'encontre d'un jugement passé en force de chose jugée. Ils soulèvent le moyen tiré de l'irrecevablité de l'appel et conteste au fond les allégations de l'appelante en ce qu'elles ne sont soutenues par aucune pièce technique probante. Ils font valoir que sans l'intervention de la société Energ'Ecos, ils seraient privés de chauffage depuis cinq ans et n'entendent pas discuter les allégations de l'apelante. Ils réclament des indemnités pour procédure abusive dans le contexte décrit. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2022. Le 21 janvier 2022, M. [T] [U] et Mme [B] [L], son épouse ont notifié de nouvelles conclusions. Par message électronique du 25 janvier 2022, la cour a demandé les observations des parties sur l'irrecevabilité des conclusions notifiées après ordonnance de clôture des intimés. Le 31 janvier 2022, le conseil de la Sarl Ed Concept soutient le moyen tiré de l'irrecevabilité desdites conclusions, tardives. Le conseil des intimés n'a pas donné suite à la d MOTIFS Srecevabilité des conclusions notifiées le 21 janvier 2022 Au visa des 802 et 912 du code de procédure civile et sur le moyen soulevé d'office, les conclusions notifiées le 21 janvier 2022, pour M. et Mme [U], postérieurement à l'ordonnance de clôture sont déclarées irrecevables. Sur l'irrecevabilité de l'appel de la Sarl Ed Concept L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment en raison de la chose jugée. Par ordonnance du 14 décembre 2021, n'ayant pas fait l'objet d'un déféré, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel formé par la Sarl Solarclim system devenue la Sarl Ed Concept recevable. En application de l'article 914 du code de procédure civile, cette décision a autorité de la chose jugée. La demande est dès lors irrecevable. Sur le fond L'installation de la pompe à chaleur, facturée le 10 avril 2015 a fait l'objet d'une première expertise, amiable, suivant réunion du 4 mai 2017 et rapport du 4 juillet 2017 par le cabinet Cristallis mandaté par l'assureur de M. et Mme [U]. Ce professionnel constate : - le 'non-respect du dimensionnement des tuyaux reliant le pilote à la pompe à chaleur' ; suivant relevé de M. [U] la longueur est de 24,20 ml ; ' selon la notice technique du constructeur, le diamètre des tuyaux ... doit être de diamètre 42...' ; - la non-conformité de l'isolant ; 'les tuyaux de liaison entre le pilote et la pompe à chaleur ne sont pas protégés à l'entrée en terre au pied du local chaufferie' ; la pose d'un fourreau est préconisée ; - 'l'absence de filtre décanteur pour les boues dans le réseau de chauffage' qu'il conviendrait d'installer pour éviter l'embouement du réseau de chauffage. L'expert judiciaire confirme dans son rapport du 31 décembre 2018 que : - 'Le dimensionnement du circuit de pompe à chaleur est important pour que le débit soit suffisant afin d'assurer que l'écart de température entre départ et retour de la PAC, ne soit pas supérieur à 5° C avec un seul compresseur en fonctionnement ...' ; le diamètre des tuyaux du réseau est insuffisant en l'état au regard de la notice du constructeur soit 32 mm alors que les prescriptions sont de 36 à 38 mm pour un réseau de 15 mètres au plus, de 42 à 44 mm pour un réseau d'une longueur maximale de 25 mètres ; - l'insuffisance du fourreau posé pour protéger le réseau de l'humidité ; est préconisé un fourreau ou une gaine en PVC ; - la nécessité d'installer un pot à boue. Sont visés en outre le déplacement d'une sonde et la reprise d' un raccordement électrique. Pour contredire ces éléments, la Sarl Ed Concept produit, outre la facture de l'installation visant expressément la fourniture d'un pot à boue, deux pièces : - un rapport préalable à l'exécution des travaux du 17 novembre 2014 cosigné décrivant très clairement l'installation avec réalisation de la tranchée et de la dalle support par M. [U] 'bricoleur', un diamètre des tuyaux 'ACIER 42' sur une distance de 7 mètres suivant indication littérale et évaluation portée sur le plan annexé ; M. et Mme [U] ne fournissent en réponse aucune information sur cette pièce apportant des précisions sur la commande acceptée, aucune critique n'ayant été fournie au moment de la facturation desdits travaux en raison d'une éventuelle non-conformité. - un rapport d'intervention de la société Auer du 3 novembre 2016 relevant la présence d'un pot à boue, soit plus de dix-huit mois après l'achèvement de l'installation ; ce rapport ne fait état que d'une fuite, de la mise en place d'une carte et d'une recharge. La négligence dont a fait preuve la Sarl Ed Concept dans le déroulement des procédures judiciaires ne la prive pas du droit de contester les prétentions et pièces de M. et Mme [U] en cause d'appel. En l'espèce, les documents produits démontrent une discordance manifeste entre l'installation prévue, facturée et réalisée par la sarl Ed Concept en 2015 et 2016 et l'état de cette installation en 2017 et 2018 que M. et Mme [U] n'expliquent pas : - le pot à boue était encore un équipement présent en 2016 ; - dans le cadre du projet d'installation, le calibrage de la tuyauterie était conforme à la longueur entre pompe et le pilote soit 14 mètres sur l'aller-retour avec un diamètre de 42 mm alors que le réseau actuel présente une distance de 24 mètres ; la facture ne comporte aucun surcoût lié à une modification du projet ; le rapport d'expertise ne comporte pas suffisamment de photgraphies pour apprécier l'état des lieux ; - le circuit n'étant pas comparable, il ne peut être reproché à la Sarl Ed Concept une insuffisance dans la protection de la tuyauterie. Dans ces conditions, les non-conformités alléguées ne peuvent être imputées de façon certaine à la Sarl Ed Concept ; M. et Mme [U] seront déboutés et le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions sur le fond compte tenu des conséquences qu'il tire de la responsabilité de l'entreprise. Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive La Sarl Ed Concept ayant gain de cause, en l'absence d'abus du droit d'agir, M. et Mme [U] seront déboutés de cette demande d'indemnisation. Sur les dépens et frais irrépétibles L'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. En l'espèce, l'absence de participation de l'appelante aux opérations d'expertise et à la procédure de première instance a causé une majoration des frais de justice alors que le litige aurait pu se résoudre dès le dépôt du rapport d'expertise, au regard des possibilités de conciliation ou médiation, des montants discutés et de la nature de l'affaire. En outre, le dossier oppose des particuliers à un chauffagiste professionnel chargé de traiter les demandes des clients. En conséquence, l'intégralité des dépens de première instance sera supportée par l'appelante en ce compris les frais d'expertise. Le jugement sera confimé sur ce chef. Les dépens d'appel suivront le même sort avec distraction au profit de la Selarl Vargues et associés en application de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas en revanche l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel de sorte que le jugement sera infirmé sur ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 21 janvier 2022 pour M. [T] [U] et Mme [B] [L], son épouse, Déclare irrecevable la demande tirée de l'irrecevabilité de l'appel formé par la Sarl Solarclim system devenue la Sarl Ed Concept, Sur le fond, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du sort réservé aux dépens, Confirme donc le jugement en ce qu'il a condamné la Sarl Solarclim system devenue la Sarl Ed Concept aux dépens en ce compris les fais d'expertise judiciaire, Et statuant à nouveau, Déboute M. [T] [U] et Mme [B] [L], son épouse de leurs demandes, Déboute la Sarl Ed Concept de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la Sarl Ed Concept aux dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl Vargues et associés. Le greffier,La présidente de chambre,